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All work and no play

31/03/2011 Aucun commentaire

All work and no play makes Jack a dull boy All work and no play makes Jack a dull boy All work and no play makes Jack a dull boy All work and no play makes Jack a dull boy… J’ai un livre à écrire, moi, non ? Si ? Où en étais-je ? Ah, oui, la semaine dernière j’ai fait une drôle de connerie.

Comme il faisait beau, j’ai sorti la voiture et je suis parti me promener avec mes deux filles au col de l’Arzelier, au-dessus de Prélenfrey. Là, une station de ski, verte et déserte, désœuvrée par le printemps. Les bourgeons et les ours se réveillent, les tire-fesses et les combinaisons fluo s’endorment. Les télésièges grincent mollement sur place, la salle hors-sac se pétrifie à double-tour, l’office du tourisme jaunit comme un prospectus, la boutique de location de matériel meurt de désespoir… Et puis nous avisons un hôtel, et même L’hôtel L majuscule, tout seul au col, « Hôtel des deux sœurs », fermé, vaguement lugubre, passé de mode autant que de saison, tous volets clos, un écriteau barrant la porte vitrée : « A VENDRE ».

Le vent siffle. Mes deux filles et moi, nous relevons le col de nos manteaux, nous humons l’air vif. Personne alentour.

Collant nos nez et nos mains en visière à la baie latérale, nous nous efforçons d’inspecter  l’intérieur de l’établissement, désaffecté et par conséquent mystérieux : une salle de réception obscure, des chaises retournées sur les tables, des alignements de bouteilles d’alcool prenant la poussière, un bar.
« Bon sang ! dis-je tout haut, grattant ma barbe. Un hôtel esseulé et sinistre au sommet des montagnes, vestige d’une splendeur morte encore gorgée de fantômes… Un bar qui semble avoir fermé à l’instant et qui pourrait s’animer à nouveau sous nos yeux, comme par magie… Voilà qui fait puissamment penser à Shining ! Et comme par hasard il s’appelle « Les deux sœurs », en plus ! L’enseigne fait remonter certaines images… Deux petites filles se donnant la main dans un couloir…
– Papa ! Papa ! C’est quoi, Chaille-nine ? C’est quoi, Chaille-nine ?
– Ah, mes chers enfants, en vérité je vous le dis, Shining est un très beau film. Un chef d’œuvre, sans aucun doute. Je vous le montrerai dès ce soir, c’est promis, profitons que votre mère ne soit pas là. Vous verrez là un rude morceau de cinéma, qui va vous nettoyer les yeux, pas comme cet infâme nanar de Papagalli que je vous ai infligé dernièrement sous prétexte qu’il a été tourné dans la région, tout près des fameuses « deux sœurs », mettant en péril le goût des belles choses que tout père doit transmettre à sa descendance. Mais oublions Papagalli ! Je vais me racheter, grâce à Stanley Kubrick !
– Oui papa chéri ! Oui papa chéri ! On veut voir Chaille-nine ! Chaille ! Nine ! Chaille ! Nine ! criaient à tue-tête les chères créatures, plissant les yeux et serrant leurs petits poings !
– Ah, ah ! Votre enthousiasme fait chaud au cœur, enfants ! », ajoutai-je en les ébouriffant du plat de la main pour mieux dissimuler que leur ardeur m’émouvait jusqu’aux larmes. Car en mon for intérieur je pensais, non sans une pointe d’orgueil : « J’ai donc réussi leur éducation ! Elles montrent une vigoureuse appétence pour les choses de l’Art ! »

Et c’est ainsi que le soir, nous nous sommes regardé Shining.
En entier.
Qu’est-ce que je suis con, c’est pas possible ! Totalement irresponsable, le daron ! Shining à 11 ans ! Au moins, Papagalli, ça n’empêche personne de dormir !
À presque une heure du matin, j’étais encore au chevet de la cadette, tétanisée :
– Non ! Aahhh ! Aahhh ! Non, n’éteins pas la lumière !
– Allons, il faut dormir, maintenant… Ce n’était qu’un film, voyons… Pas pour de vrai… Un film…

– Mais papa ! Ses yeux ! Papa ! Ses yeux ! Ses sourcils ! Papa ! Haaaa !
– Ah, non, par pitié, tu vas pas te remettre à pleurer ! Allons… Ferme tes yeux… S’il te plaît… Faut faire dodo…

Qu’est-ce que je suis con ! Mais c’est pas tout ça, bonne nuit les enfants, papa a un livre à écrire… All work and no play makes Jack a dull boy !

J’ai inauguré IKEA devant les caméras (aucun animal n’a été maltraité durant le tournage)

22/03/2011 Aucun commentaire

L’autre bout du monde nous effondre, puisqu’il n’y a qu’un seul monde de bout en bout. La centrale de Fukushima m’obsède. J’ai pleuré en écoutant la radio, et je passe mon temps sur Internet pour relire des choses que je sais déjà parce que la situation n’a pas évolué durant les trois dernières minutes.

Néanmoins la vie continue, je veux dire celle du Fond du tiroir, petit éditeur intrépide et artisanal. Or, cette vie est marquée ces jours-ci par un retour inattendu de notre 4e objet-livre, paru en 2009, J’ai inauguré IKEA, opuscule qui hélas ne m’a pas permis d’être ami sur Facebook avec Ingvar Kamprad.

L’an dernier (ou il y a deux ans ? le temps passe si vite quand on s’amuse), j’étais invité sur le salon du livre de Saint-Étienne. Hébergé par l’épatante librairie Les Croquelinottes, je discutais avec l’un des trois libraires, Romain, très amusé et même inspiré par cet ouvrage en kit, ce reportage instructif gonzo, déguisé grâce au génie de Patrick « Factotum » Villecourt en « meuble à construire soi-même » afin de détourner le langage de l’adversaire. Romain me propose : « Si tu veux, je peux te bricoler un petit film, genre tuto mode d’emploi fiche pratique, regardez-moi ça mesdames et messieurs comme il est simple de monter ce livre, un enfant de 6 ans y arriverait, et puis hop on balance la vidéo sur Youtube… »

Gy ! Bien sûr que ça m’intéresse ! Le Fond du tiroir tourne multimédia ! Vas-y mon gars, je te fournis quelques exemplaires gracieux si tu veux t’entraîner…

Entre temps, Romain a eu d’autres chats à fouetter puisqu’il a quitté la librairie pour monter un commerce différent mais tout aussi épatant, de jeux éducatifs jouets en bois etc… Toujours est-il qu’hier même, après un an (ou deux, on ne sait plus exactement), alors que je ne l’espérais plus, cette superproduction est enfin prête, en sortie exclusive ci-dessus. Merci Romain. L’occasion d’aller regarder des bêtises sur Youtube en attendant la fin du monde. On notera que Romain prend au sérieux la consigne donnée par Patrick d’utiliser une perceuse, alors que les trous eussent été à peu près aussi bien réalisés à l’aide d’une pointe de ciseaux, mais qu’en revanche il renonce aux treize poulets rôtis préconisés… Car maltraiter les animaux, ce n’est pas bien.

J’ai inauguré IKEA est en vente libre au prix de 4 euros (plus port) en téléchargeant et imprimant le bon de commande, sans maltraiter aucun animal.

(Aucun ? Vraiment ? Même pas un petit lapin ?)

Ce soir on improvise (Encore un dernier souffle)

17/03/2011 2 commentaires

Comme on le sait, je me donne régulièrement en spectacle depuis trois ans avec Christophe Sacchettini. Lui et moi avons adapté mon roman Les Giètes en une lecture musicale déjà représentée une trentaine de fois. Et je ne m’en lasse pas, je vibre sur l’estrade comme au premier jour, je m’enivre live de cette adrénaline, je raffole de cet accomplissement bonus du texte, ressuscité dans ma bouche et servi chaud directement du producteur au consommateur, et on rit, on pleure, on vit, on meurt, commediante, tragediante…

Forcément, à force de faire la route ensemble pour aller jouer dans des lieux insoupçonnés, Christophe et moi discutons dans la voiture. Nous nous montons le bourrichon. Je l’interpelle (ping !) : « Il tourne bien, ce spectacle. Je l’aime. Il est au point. Mais on pourrait peut-être faire autre chose, un jour, non ? Travailler sur un autre de mes bouquins… »

Il m’interpelle en retour (pong !), aussi sec : « Ah, moi, un de tes livres que j’aime bien, c’est TS… » Mais je décline illico, je m’insurge même. TS, hors de question, jamais de la vie, on n’y touche pas. On ne le fera pas. Ah, bon. Puis nous parlons d’autre chose. De cinéma, par exemple.

Christophe, musicien aguerri et (en ce moment du moins) très occupé, a toutefois gardé un pied dans l’organisation de divers stages pédagogiques où il transmet et vulgarise les musiques qu’il aime. Or voilatipa que, préparant les récentes vacances de février, il m’interpelle au téléphone (ping !) : « Le prochain stage est consacré à l’impro. Et si on y donnait nos Giètes, mais en les ré-improvisant ? Depuis le temps qu’on les joue, on les connaît par cœur, c’est l’occasion rêvée de les remettre à plat, de recommencer tout le travail d’invention, de se mettre en danger… On choisit d’autres passages du livre, on invente un spectacle bis en public et en direct, devant les stagiaires… Toi, tu ne me préviens pas des extraits que tu choisis de lire, moi je ne te dis pas ce que je jouerai ni quand ni sur quels instruments… On verra bien ce qui se passe ! C’est le principe ! On se lâche ! »

 

C’est tentant, mais fort intimidant. Mon premier mouvement est de dire « On ne le fera pas ». L’impro, je m’en méfie, moi… J’ai trop d’inhibitions, par nature je suis plutôt de composition inverse, genre control freak. Plus les rouages du spectacle (ou du texte, aussi bien) sont huilés, mieux je me sens, mieux je carbure, quitte à sortir des rails ensuite, emporté par le mouvement. Pourtant, l’idée fait son chemin. Et finalement, le mois dernier, je l’interpelle (pong !) : « Bon, Christophe, okay, on prend le risque. Mais alors on le prend jusqu’au bout. On change même de bouquin. On passe du vieillard à l’ado. On va la faire sur TS, cette impro.

– Hein ? TS ? Mais je croyais que tu ne voulais pas y toucher ? Qu’il était bien comme il est et qu’il n’avait pas besoin de la scène et de la haute voix ?

– Je change d’avis. J’ai écrit ce livre il y a dix ans, et là j’ai envie de lui faire un sort pour son anniversaire. Pour voir. On se lâche oui ou zut ?

– On se lâche. Faut que je le relise. »

Il relit. Moi aussi. Bigre, c’est sacrément dur… Très charnel, tout près des tripes… Ce bouquin possède une tension spéciale, je me souviens parfaitement, j’ai travaillé pour, il est d’un bloc,  composé organique, comment improviser quoi que ce soit, prélever un passage, retrancher ? Je ne l’avais pas relu depuis longtemps… Ce livre, mon premier, est peut-être mon meilleur, mon seul qui compte, voilà un sentiment que je ne dis pas souvent, que je ne pense pas davantage, c’est trop gênant comme aveu, mais après tout c’est possible, voilà pourquoi peut-être je le prétends intouchable, par délicatesse, et lâcheté… Le syndrome « J’ai tout dit dans mon premier livre ! l’unique important au fond, depuis lui je ne suis bon qu’aux redites plus ou moins nécessaires, plus ou moins laborieuses »… Au fil de ma relecture de cet ouvrage princeps, je constate maints points communs avec mon dernier roman en date… En mieux, me semble-t-il… « J’avais déjà tout écrit ! » comme dit ce pauvre Martin Eden… Je suis obnubilé par une citation, une autre, que j’ai pourtant oubliée (ne vous moquez pas, ce sont des choses qui arrivent) : je crois que T.H. Lawrence (ou alors un autre) a dit (ou pas) quelque chose qui ressemblait à : « Pour faire le tri dans les bibliothèques  et les librairies encombrées, on ne devrait lire que les livres dont les auteurs seraient morts s’ils ne les avaient pas écrits. » Je ne veux pas verser dans le romantisme complaisant, mais il me semble qu’au sein de ma bibliographie, un seul livre répondrait à cette définition… Oh certes oui hélas, je serais (en quelque façon) mort de n’avoir pas écrit celui-ci… Bigre de bigre… Improviser là-dessus ? On ne le fera pas.

 

Le temps passe. Chacun y réfléchit, de son côté. On en parle à peine. Je me demande dans quoi j’ai mis les pieds. Je sais que ce roman palpite encore en moi comme hier, mais suis-je encore capable d’incarner un ado, à mon âge, sans cabotiner outrageusement ? L’échéance approche, ce n’est plus intimidé que je suis, mais vaguement paniqué. Le matin même précédant notre happening, Christophe m’appelle. Même, il m’interpelle (ping !) : « Je viens d’avoir une idée !

– Aïe.

– Mais si, écoute. Vu le dispositif de ce roman, le duel entre les deux personnage, le mutique et celui qui essaie de le faire parler, il faut qu’à un moment donné du spectacle, on intervertisse les rôles. Je te prends le livre des mains, et c’est moi qui lis un chapitre.

– Oui, pourquoi pas. Un transfert, en quelque sorte. C’est pertinent. Mais pendant que tu lis, je fais quoi, moi ?

– Ben, tu joues de la musique !

– Pardon ? »

Jouer de la musique ? Moi ? Improvisant au surplus ? Et devant un public de musiciens ? Jamais de la vie ! Certes, j’en joue un peu, de la musique. Je fourbis du trombone dans un orchestre où je m’amuse bien… (Où, notez-le bien, je fais partie de la sous-catégorie de ceux qui n’improvisent jamais, qui se contentent de lire tant bien que mal la partition.) Mais de là à dire que je sais jouer ! Que je suis « musicien » ! Que je vais improviser au chic, mesdames et messieurs ! J’ai une trop haute idée de la musique et des musiciens pour m’en prétendre et m’en conter ! Zéro prétention musicale, afin d’avoir les prétentions à hauteur de mes moyens ! Je ne le sais que trop que je ne « créerai » jamais rien en musique, oh je me contente de faire joujou, et je réserve mes ambitions esthétiques, par défaut allez savoir, à la seule littérature. Je méninge à toute berzingue, Christophe est toujours au bout du fil, il attend, et tout compte fait je l’interpelle (pong !).

« De toute façon, je n’ai pas mon instrument sous la main, donc l’affaire est réglée. Mais !… Mais !… Mais en revanche j’ai là, dans un placard, un tuba. Le tuba n’est pas mon instrument. Je sais à peine en jouer. Je le sors de son étui une fois chaque Saint-Glinglin pour deux trois prout-prouts et voilà tout ce que je sais du tuba. Donc, quitte à improviser, autant le faire dans un instrument que je ne maîtrise pas. Ainsi soit-il, je jouerai ce soir du tuba, parce que TS est un roman sur le souffle, alors voilà, le personnage doit apprendre à respirer, il va bien falloir qu’il réussisse à souffler dans ce monstre à quatre pistons, c’est toute l’histoire… »

Mais qu’est-ce qui m’a pris ? N’importe quoi ! Voilà que je me suis engagé pour donner le soir-même un spectacle dont j’ignore tout, à part une chose : j’aurai entre les mains un instrument dont je ne sais pas jouer.

Christophe m’encourage avec une citation de Miles Davis, le même genre, obnubilante, encore une de ces citations qu’on a presque oubliées mais qu’on réinvente approximativement, enfin bon elle est peut-être bien de Miles Davis malgré tout : « Improviser, c’est jouer au-delà de ce que l’on sait ». D’un autre côté merci bien, tu parles d’un encouragement ! Je pense aussi à une autre citation qui m’aide un peu, je ne sais plus quel oulipien, peut-être Perec en personne, définissait ainsi le principe même de l’OuLiPo : c’est au fond très simple, il s’agit seulement de s’ingénier à résoudre des problèmes que l’on s’est ingénié à se poser. Surmonter des difficultés (insurmontables) qu’on s’est imposées soi-même, et le résultat quand tout fébrile on y parvient, est un paradoxe : la liberté par la contrainte. Je n’étais pas fier, avant la représentation, plus contraint que libre. « On ne le fera pas ». Cette liberté de ne rien faire, jusqu’au bout, qui permet de faire. Le trac comme jamais (et pourtant, le trac, je l’ai toujours), et la chiasse, son corollaire dans les viscères.

Eh, bien, je l’ai fait. Nous l’avons fait. Et oui, j’ai aussi soufflé dans mon tuba. Merci Christophe. Merci pour tout. Je t’embrasse.

Je n’essaierai pas de décrire l’état d’exaltation dans lequel cette situation inédite m’a plongé. Qu’il me suffise de dire qu’en sortant de scène, en nage et à fleur de peau, j’ai demandé l’heure à Christophe. Il m’a dit que notre performance musicale, littéraire, et, pour l’essentiel, innommable puisqu’improvisée, avait duré près de deux heures et demie. Et que (presque) aucun membre du public n’était parti avant la fin. Il aurait pu me dire 30 minutes ou 12 heures, je l’aurais cru aussi. Pour le reste, je ne donnerai pas de détails. Ce que j’aime aussi dans cette soirée inespérée et non reproductible, soigneusement miraculeuse, c’est son caractère occulte, comme une cérémonie secrète, elle n’est déjà plus qu’un souvenir, un fantôme. Vous y étiez ? Alors vous savez ce que je veux dire. Vous n’y étiez pas ? Tant pis pour vous.

Vous la trouvez peut-être décevante, la fin de mon histoire… Bah. Je vous souhaite, bien sincèrement, bien tendrement, bien affectueusement, d’improviser. Ah, est-ce bien Sonny Rollins qui disait « Improviser c’est composer très vite » ? Et était-ce vraiment John McLaughlin, lui qui répliqua « Composer c’est improviser lentement » ? Je ne sais plus ! Je ne sais plus rien !

Buznik a encore frappé

14/03/2011 un commentaire

L’individu Buznik, autoproclamé « iconosémiophage procrastinateur », et pourquoi pas je vous le demande, est un drôle d’animal, barbu, curieux, rigolard et obstiné, qui manie le crayon, le stylo, la photo, et divers outils de même registre. Il a notamment orné de ses illustrations un conte de Voltaire (écrit en 1748 à propos de la guerre USA/Irak, oui, sans charre, vérifiez) et un recueil de blagues scatologiques, c’est dire si sa palette et son esprit sont larges. Entre ces deux tendances, il m’a en outre refait le portrait (qu’on peut voir à la fin de cet article-là). C’est parce que nous nous fréquentons. Nous nous donnons des nouvelles de loin en loin, en quelque sorte il me surveille, il a un plan caché, il attend qu’une adaptation cinématographique de TS voit le jour : il tient à jouer le rôle de M. Bernardini, il se l’est mis de côté, me le rappelle à l’occasion… (Pourquoi pas, chacun son truc. La date du casting n’est pas encore fixée.)

Dans le civil, c’est à Madame l’Éducation nationale qu’il vend ses talents de bricoleur pince-sans-rire, à un poste spécialisé, un peu protocolaire et beaucoup anar, particulièrement acrobatique, de vigie dans les naufrages scolaires. Aussi l’ai-je naturellement prié de lire et, le cas échéant, de commenter mon petit naufrage perso en terre enseignante l’an dernier, dont j’ai fini par rédiger le compte-rendu avec six mois de retard. Pour ceusses qui n’étaient pas là à l’époque, il s’agit de ma participation à l’opération À l’école des écrivains au collège de la Villeneuve de Grenoble, à la suite de laquelle j’avais écrit un feuilleton en quatre épisodes (l’épisode-clef se trouvant ici, pour les autres vous n’avez qu’à suivre les flèches).

Quelques semaines plus tard, je reçois par la poste les « commentaires » du gars « Johnny » Buznik. Il ne s’est pas contenté de m’envoyer trois lignes de courriel. Il s’est fendu d’un livre, carrément, l’homme est fort généreux sous ses dehors nounours, un livre rien que pour moi, un livre intitulé Petit traité de microsociologie scolaire (pourquoi pas etc). Une centaine de pages, disposées dans un porte-vues avec un art consommé du sampling, du cut-up, et de l’ironie, où il dévide à loisir ses bobines icono-sémio-truc, où il déploie et annote maintes sources documentant en vrac la politique éducative, nationale et locale, le quartier sensible de la Villeneuve, les gens qui y travaillent, ceux qui y vivent, Jo Briant « dernier des Mohicans » , et jusqu’à ma personne publique et privée (il a même dégoté une photo où paraît-il je suis le sosie de Françoise Sagan). L’effet regard éloigné : j’ai beaucoup appris dans cette somme exemplaire, dans cette recherche en réseau minutieuse et taquine, y compris sur moi, y compris sur nous. J’ai appris entre autre qu’il est bon de diffuser son propre ressenti d’une situation de crise. On diffuse, on reçoit les retours, on partage, on ouvre ! On arrive même à en rire… Ça ne guérit pas la société, mais ça soulage l’individu. Un peu.

Merci Buznik

(Et pendant que la crise sociale et éducative se poursuit, la crise nucléaire fait diversion, pas du tout incompatible, on cumule, les psychés finissent atomisées, l’uranium aussi, champs de ruines toxiques l’un sur l’autre… Mais on n’a pas envie de filer des métaphores, on a envie de se taire, là. En réalité je ne pense qu’à ça. Que dire ?…)

 

Bonne journée de la Phame

08/03/2011 Aucun commentaire

Et surtout bonne journée de l’infâme calembour, grâce à Jean-Pierre Blanpain. Voici ce qui se trouvait dans ma boîte aux lettres aujourd’hui :

Le toujours facétieux Blanpain, très inspiré par la femme en général, m’envoie en outre cet autre document, photographié par ses soins avenue Bourguibah, à Tunis, et qui caresse poétiquement l’idée que l’éternel féminin est une caverne, renfermant un trésor.

Hélas, le même Blanpain me suggère enfin cette autre image, sinistre, épouvantable, traumatisante, qui vient opportunément rappeler que le premier indice d’une civilisation est le sort que l’on réserve aux femmes. Alors passons sous le marronnier, et souhaitons un bon 8 mars à toutes.

Ne restons pas sous le coup de cette sinistre impression : pour le plaisir des yeux des deux sexes (car les sexes ont des yeux), voici avant de nous quitter une autre bonne blague graphique du Blanpain, qui me fait rire chaque fois que je la regarde.

Fraises ! Fraises ! Voilà des fraises pas cher !

01/03/2011 2 commentaires

Chic, c’est bientôt le temps des fraises. Le printemps trépigne aux portes. Puisque Louis-Ferdinand Céline, que l’on peut apercevoir dans le document ci-dessus, jouant au figurant dans un film de son ami Jacques Deval (unique apparition filmée de Céline avant-guerre), a été retiré des célébrations officielles de l’année, en lieu et place fêtons le printemps. C’est permis, oui ?

Céline écrivait dans Mort à Crédit « La Seine a gelé cette année-là. Je suis né en mai. C’est moi le printemps. »

Céline est mort depuis 50 printemps, voilà qui s’arrose. Aujourd’hui même paraît la plaquette que j’ai rédigée à son sujet ou à son encontre, lettre ouverte en son honneur ou pour sa conjuration, je ne sais plus, Dr. Haricot de la faculté de médecine de Paris, aux éditions du Pré#Carré. Les souscripteurs la recevront dans quelques jours.

Ça a débuté comme ça – increvable formule magique, incipit de conteur, incantation pour un nouveau départ, signal de redémarrage de la roue, rien ne va plus, ou retour de bâton, attention les bourgeons, beau slogan pour le printemps.

Ça a débuté comme ça – la première ligne de ma lettre au docteur est : « Cher Docteur Haricot, Je pense à vous souvent. Vous êtes mort, mais vous bougez encore. »

Ah, docteur, comme il est difficile, une fois qu’on vous a lu, d’écrire sans faire lever votre fantôme ! Tiens, à cet instant même par exemple, au moment de fixer le titre de mon épître… Sera-ce « Docteur Haricot » ?… ou plutôt « Dr Haricot » ? Bien sûr, que c’est important ! Vous le saviez bien, qui disiez, quand vous révisiez vos manuscrits, « Chaque virgule me passionne ». Lorsque parut votre roman mutilé Casse-Pipe, vous fîtes une scène au correcteur qui s’était permis de rajouter un « s » dans le titre : « Je tiens beaucoup à Casse-Pipe, sans s à Pipe. Je ne sais pas pourquoi , par goût. Casse Pipes : ça ferait NRF ». (L’éditeur du livre était, cela va sans dire, la NRF.) Et vous ajoutiez à l’attention de votre secrétaire : « J’y tiens. Ainsi soit-il. Que les Jean-Foutre respectent mes textes, et merde du reste ! » Et c’est ainsi qu’on pense à vous quand on ajoute ou qu’on ôte une lettre.

Hommage, pas hommage, lâchetés politiques, précautions oratoires, dialectiques en veux-tu, embarras précieux, thuriféraires aux entournures… Tous ces verbiages mien compris vous auraient sans doute fait rire. Rions donc, et mangeons des fraises.

« Vous avez Professeur Y, soit dit sans vouloir vous vexer, la gueule d’être intelligent ! Dialecticien, même !… Vous fréquentez la jeunesse, forcément ! que vous devez lui bourrer la caisse !… Vous devez même être casuistique ! je parie ! Plus casuistique qu’Abélard ! à la mode, donc !… »