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Ainsi parlait face caméra

12/12/2022 un commentaire

Je sais bien, il faudrait que j’apprenne à dire « non » quand Marie Mazille me dit « Eh tu voudrais pas faire avec moi… », tôt ou tard ça finira par me jouer des tours. Ma foi, pour le moment je réponds toujours « oui » et je ne m’en porte pas trop mal.

Aujourd’hui, Marie m’a dit « Eh tu voudrais pas venir avec moi rendre service à des étudiants en première année de communication-audiovisuelle-et-internet ou chais pas quoi ? En guise de devoir noté par leurs profs ce semestre, ils doivent filmer des gens qui présentent leur métier, pour des pastilles d’1 mn 30, moi j’y vais pour parler du métier de musicien, toi tu pourrais y aller pour présenter le métier d’écrivain, ce serait super ! »

Le métier d’écrivain ? Qu’est-ce que j’en connais, moi, du métier d’écrivain ?

Mais bon, oui, d’accord Marie, si c’est pour rendre service. Je suis donc allé à la fac pour présenter mon « métier » à la caméra. Je suis arrivé en retard, je m’en suis excusé. Par acquit de conscience, j’ai commencé par demander à ces aimables jeunes gens s’ils avaient lu mes livres. Ils m’ont répondu très gentiment Heu non non, mais on est allé voir sur Internet. Pas de problème. C’est votre propre métier qui rentre. Je suis à votre disposition.

J’ai répondu à leurs questions durant quelques 45 mns pour leur pastille d’1 mn 30 s, je ne sais pas ce qu’ils en retiendront. Ils ont promis de me l’envoyer. [Mise à jour : la voici.]

Mais ensuite, il s’est passé quelque chose d’intéressant.

Après l’interview, le caméraman a voulu, pour faire des plans de transition avec voix off, se glisser derrière mon épaule et me filmer de dos en train de feuilleter l’un de mes livres. Docile, j’ai pris Ainsi parlait Nanabozo et je l’ai ouvert au hasard, ce que je n’avais pas fait depuis au moins un an. J’ai lu là où j’étais, un début de chapitre. Je me suis immédiatement fait emporter par le flot de paroles. J’y étais derechef. Comme si je venais de brancher mes batteries sur le secteur, j’étais en recharge, survolté. C’était reparti. J’étais tiré, amusé, excité, ému, je me glissais à nouveau dans la peau du narrateur comme si je ne l’avais jamais quitté. Je l’aime bien au fond, ce pauvre gars qui fait de son mieux, tout comme moi mais pas pareil, j’ai passé quatre ans dans sa compagnie, ça crée des liens, on est à la vie à la mort Thomas et moi. Je prenais du plaisir, je hochais la tête, je gloussais même, j’oubliais la caméra, au lieu de feuilleter je lisais jusqu’au bas de la page avant de passer à la suivante. Putain, mais il tient, ce livre ! Il tient drôlement bien !

Il a fait un bide en librairie. Tant pis ! Il tient tout seul. Tant pis pour ceux qui ne le liront pas, et je ne parle pas seulement des étudiants en première année de communication-audiovisuelle-et-internet ou chais pas quoi. Je venais justement de leur en parler, à ces charmants communicants frais émoulus : à la question « lequel de vos livres s’est le mieux vendu ? », oui comme toujours comme partout, les questions sur les chiffres prennent le pas sur les questions sur les lettres, c’est la numérisation. J’avais répondu, évasif, Oh vous savez le succès d’un livre n’a pas grand’ chose à voir avec sa qualité intrinsèque, ça se saurait, encore moins avec ce qu’on a essayé de mettre dedans.

Je constate aujourd’hui, avec joie, que je n’ai toujours aucune raison valable d’ébranler ma conviction que Nanabozo est mon meilleur livre, que c’est ce livre-là très exactement qu’il fallait écrire. Je réessaierai dans un an, chaque année peut-être, pour vérifier, mais jusque-là, il tient. Comme il tient ! Merci jeunes gens de m’avoir interrogé sur mon métier, en arrivant je ne savais pas trop que vous répondre, je n’allais tout de même pas vous avouer face caméra que j’ignore à peu près tout de ce métier, que je ne suis même pas certain qu’il soit vraiment à moi… Pourtant ce soir j’en ai une idée un peu plus précise, idée que je n’ai pas formulée devant vous et qui ne sera même pas dans la pastille d’1 mn 30 : ce métier consiste à faire tenir.

Le blues de la fin de l’Occident

03/11/2022 Aucun commentaire
« The electric house » (1922) avec Christine « Virginia Fox » Prato et Jean « Buster Keaton » Avezou

Navré pour les ombrageux déclinistes égarés (déjà que leur vie n’est pas marrante) qui, au petit malheur, auraient cliqué ici avec une joie masochiste, alléchés par un titre racoleur promettant une énième diatribe bien sentie sur l’agonie du monde occidental et de ses valeurs… Rien à voir : Le blues de la fin de l’Occident n’est qu’une traduction sauvage et non remboursable de West End Blues de Louis Armstrong (1928). Amis déclinistes, faites-vous du bien, écoutez plutôt de la musique de nègres !

J’ai bien l’honneur d’être l’invité de Christine Prato et Jean Avezou pour l’émission Quézaco sur Radio Campus Grenoble, où l’on échange des mots et où l’on se demande ce qu’ils peuvent bien vouloir dire.
Moyen le plus classe d’avoir des mots avec quelqu’un.
D’ailleurs, preuve infaillible de classe : le générique de l’émission est West End Blues de Louis Armstrong (1928).

Le résultat, Quézaco#8, Fabrice Vigne, est disponible en peau-de-casque.
Le Fond du Tiroir ira chercher votre tympan par la peau du casque.

Vous noterez, ou pas, que l’émission a beau avoir été enregistrée juste avant l’élection au Brésil, nous réussissons à glisser dans la conversation « Lula Presidente » .

Vous noterez également, ou pas, que je risque à nouveau de me faire enguirlander par Marie Mazille puisque je persiste dans mon erreur, en suggérant au micro que le stage d’écriture de chansons que nous animons ensemble pour Mydriase s’adresse principalement aux pros et aux semi-pros. Alors qu’il s’adresse aux amateurs au sens le plus noble du terme. Pardon Marie, ça m’a échappé, je ne le ferai plus. Ou pas. Et toi, là, l’amateur au sens le plus noble du terme, inscris-toi à notre stage, il reste des places !

Que veulent les jeunes ?

20/05/2013 Aucun commentaire

Savons-nous vraiment ce que veulent les jeunes de France ? Pour comprendre leurs aspirations profondes, leurs rêves, leurs espoirs et leurs révoltes, il ne faut pas hésiter à provoquer le contact et à se rendre sur leur habitat naturel, le campus, muni d’une paire de blue jeans, de baskets, peut-être d’une casquette et d’écouteurs dans les oreilles, afin de se fondre parmi les indigènes. C’est ce que j’ai fait, intrépide, l’autre samedi, à l’invitation de Jean Avezou (special thanks Christine Prato et François Cau). Pour m’adresser directement aux jeunes par la magie de la radiodiffusion, je me suis prêté à une interviou sur Radio Campus Grenoble, lors de laquelle, en fin de compte, j’avoue avoir surtout parlé de moi, et question jeunes je ne suis pas tellement plus avancé, en fait les révoltes les aspirations les rêves tout ça, grosjean-devant. Le samedi, en plus, le campus c’est mort faut voir ça, comme une plage en février, pour croiser un jeune bonjour. Partie remise ! L’enregistrement de cette émission, intitulée Les déments de midi, n’est pas disponible sur leur site. Mais sur le mien, oui. Spécialement pour vous, les jeunes. Gros bisous.

Foudroyant comme la tortue, mon totem

04/02/2012 un commentaire

Rêvé il y a quelques nuits : je découvre dans la poche arrière de mon jeans un chèque froissé de 4320 euros. Peu à peu les souvenirs me reviennent : à l’époque où j’habitais Troyes, j’avais été embauché pour animer une vente de charité. Un piano était le plus gros lot de ces enchères. C’est Yves Simon qui avait remporté le piano, pour 4320 euros, et m’avait signé ce chèque. Défroissant le chèque, je décide d’en faire un article sur mon blog : « Yves Simon est vachement sympa, il n’a pas hésité à débourser cette grosse somme d’argent pour nos bonnes œuvres. Et à présent, puisqu’il a remporté un piano, il va pouvoir se mettre à la musique ». Après réflexion, je me dis que cette blague est méchante et gratuite, en outre pas très drôle, et que je ferais mieux de ne pas la rendre publique. En plus, ma compagne me recommande la prudence : « Yves Simon est un nom très banal, tu es sûr qu’il s’agit du bon ? Quel qu’il soit, il va vouloir qu’on lui rende des comptes, savoir ce qu’est devenu son chèque… »

Rendre compte de ce qui a été investi durant ma résidence troyenne. Hum.

Selon les jours et les heures, mon totem est la tortue, ou l’ours, ou le pingouin. Là, c’est la tortue qui prend nettement la tête de la course : j’avais prévenu que je ne reviendrai ici que pour annoncer un livre, or j’ai l’honneur de beugler discrètement dans mon sourd porte-voix que mon prochain livre sera Lonesome George, élégie pour un poignant célibataire anapside. N’étant parvenu à intéresser aucun éditeur à cette tortueuse histoire, je me résous bravement à l’éditer au FdT. La partie de mon cerveau « invention d’un livre », voisine du département « écriture classique, moderne et de caractère », s’agite présentement. Parution avant l’été. Bon de souscription à mi-chemin. Si du moins je remets la main sur mon directeur artistique, bon sang je ne sais plus ce que j’en ai fait, j’étais pourtant sûr de l’avoir posé là.

Quant à mon autre projet à court terme, Double tranchant, il se trouve pour l’heure en transit intestinal, ou en lecture, je ne sais plus, je confonds toujours les deux, dans une paire d’officines éditoriales parisiennes, et inch’Allah. Le toujours vert Jean-Pierre Blanpain, co-auteur de cette aventure coutelière, m’a fait remarquer que le terme latin bipennis exprimait à lui tout seul la notion technique « Double tranchant », ce qui ne saurait faire du tort à notre virilité. Puisqu’on en est au rayon physiologie, comme à chaque fois que j’envoie un manuscrit à un éditeur et que la réponse tarde, je viens de me fader ces derniers jours une jolie petite poussée d’eczéma. Faut croire, et c’est un scoop, que mon objectif occulte lorsque je m’adonne à l’auto-édition est de prendre soin de ma peau (et de ma carapace).

Autre avatar de cette nouvelle aiguisée : la lecture publique. Courant janvier, Melle Vanessa Curton m’a aimablement convié à causer devant micro dans les studios de RCF Isère. Le résultat de l’intreviouve fut si copieux qu’il fut finalement décidé  d’en faire non pas une mais deux émissions d’une demi-heure, diffusées à quinze jours d’intervalle. La première, écoutable ici, est consacrée au Fond du tiroir en général, aux conditions de la résidence d’écriture, à mon gros chantier inachevé… La seconde, que je mettrai en ligne dans quelques jours, contiendra la mise en scène et en onde de la nouvelle Double tranchant par votre serviteur (spéchol sinx à Maxime Barral-Baron). Et ci-dessous, en bonus, Melle Corday dessinée par M. Blanpain.

Plan média (Troyes épisode 38)

08/10/2011 Aucun commentaire

Autre conséquence du salon du livre de Troyes : la presse locale me réclame des interviews. En huit jours : deux radios, une télé, un canard papier (il en reste). Je me plie à l’exercice, mais je dois dire que je n’en raffole pas. En principe, je n’aime me faire interviouver que par des gens qui ont lu mes livres. C’est la seule garantie qu’il se passera quelque chose, qu’on abordera la littérature, ou d’autres sujets qui en valent la peine. La Charte, avec raison, préconise aux auteurs de n’accepter de rencontres qu’avec des classes qui ont lu les livres ; si le monde était bien fait, on appliquerait la même règles aux rencontres avec les journalistes.

Hélas on n’en est pas là, le monde n’est pas bien fait, l’information est un flux continu et gourmand, la littérature serait trop demander, ce n’est là que communication. Soit, communiquons, jetons-nous avec coeur dans le bain de la com, le buzz a horreur du vide. C’est ainsi que je me retrouve, donnant complaisamment des interviews à des personnes, au demeurant très gentilles, bien intentionnées c’est ça le pire, qui m’invitent à « résumer mon univers en une phrase », et là je suis mal barré. Honnêtement, qui, dans la salle, auteur ou pas auteur, serait capable de résumer son univers en une phrase ? Sauf à le falsifier en slogan publicitaire. Je ne me trouve jamais très bon, forcément, je baragouine des banalités plus ou moins compréhensibles auxquelles je m’efforce de croire. En gros, j’essaye de glisser le message que le livre, c’est bon pour la santé. Venez tous au salon ce week-end !

Une fois le reportage enregistré, la caméra pliée, j’ai discuté un peu avec la journaliste de Canal 32. Elle m’a dit : « Moi, j’ai toujours voulu faire de la télévision, parce que j’aime l’image. Je m’intéresse à la photo, à la peinture… Quand je filme, je cherche à construire un beau cadre » . Ah ? Au temps pour moi. Si, derrière ce grand bazar communication, se trouve tout de même une quête de beauté, si infime et enfouie soit-elle, alors j’arrête de jouer les blasés et les ronchons, il y a quelque chose à sauver. J’avais presque envie de l’interviouver, mais je ne connais pas assez son oeuvre.

Londonomètre : un pacson.

Le club des fétichistes

14/04/2011 un commentaire

Hervé Bougel est un fétichiste : il a suspendu en son atelier, dans l’antre même, confortable et secrète, où il bichonne à la main chaque exemplaire des publications du pré # carré, un immense poster représentant Georges Perec rue Vilin, figure tutélaire et pensive face à l’éphémère des paysages.

Patrick Villecourt est un fétichiste : le mur en face de son bureau est orné d’une tête de Perec redessinée par Enki Bilal, sous le regard duquel Patrick factotumise en orfèvre les livres du Fond du Tiroir (ou d’autres ouvrages moins glorieux mais, à l’occasion, mieux rétribués).

Je suis, il est temps de l’avouer malgré que j’en ai, un fétichiste : je porte en permanence dans mon portefeuille, à l’horizontale du cœur, un timbre à l’effigie de Perec un chat sur l’épaule, que je me garde bien de mélanger avec les bêtes Mariannes ordinaires identité-nationale mon cul,  il s’agit de ne pas le salir, minuscule grigri, trésor non affranchi que pour rien au monde je ne voudrais voir disparaître sur la première enveloppe venue et se prendre des coups de tampons sur la coupe afro.

Il était fatal que nous nous rencontrassions, et pas seulement pour les plaisirs raffinés de l’imparfait du subjonctif. Quand un fétichiste rencontre deux autres fétichistes, qu’est-ce qu’ils se racontouzent ?

Je reviens de chez l’imprimeur, les bras heureux et chargés d’un carton de livres, le plus beau livre de notre catalogue comme tous les autres livres de notre catalogue : « Ce qui stimule ma racontouze » de Georges Perec, splendide sixième livre et demi (demi pour cause de co-édition) publié par le Fond du Tiroir, fruit du minutieux et passionné travail de trois fétichistes.

Pour assurer la promotion de ce bel objet (qui n’en a guère besoin, après tout : nous sommes assurés d’écouler l’essentiel du tirage lors du Printemps du livre de Grenoble – spéchol sinx à Mmes Carine d’Inca et Vanessa Curton), je viens de me prêter à une interview au micro de Michèle Caron pour France Bleu Isère. Si tout fonctionne correct c’est écoutable ici.

À dossier de presse, presse de dossier

13/02/2011 2 commentaires

Trois ans après sa première, le spectacle musical adapté des Giètes vit toujours, pour la grande surprise et grande joie des deux duettistes, Christophe Sacchettini et moi-même. Des enseignants ou bibliothécaires ou organisateurs de spectacles nous le réclament de ci-de là, et comme nous espérons qu’il nous le réclameront encore, il était temps de nous fendre d’un petit dossier de présentation, à la fois cahier des charges techniques et dossier de presse, téléchargeable ici même. Il paraît que ça se fait, dans le milieu du spectacle vivant. Mais il paraît que ça ne se fait pas tout à fait ainsi, que j’ai été trop long, un chouïa « trop littéraire »… Baste ! C’est bien de littérature qu’il s’agit ! Zarma-jarnicoton ! (oui, j’aime les jurons composés.)

Également au registre « relations de presse », j’ai été récemment contacté par un journaliste du magazine grenoblois, gratuit et en ligne Gre-News (qui incidemment vient de changer de nom, et s’appelle désormais, pour plus de clarté, Gre-City-Urban-Metro-Local-Agglo-Zentrum-Public-Urban-Cheflieudkanton-News ou quelque chose d’approchant). Cet organe prépare un dossier sur « les Isérois qui écrivent », ma foi pourquoi pas, et m’a adressé un petit questionnaire. J’ai répondu de mon mieux mais hélas, ziva-ventrebleu ! il est à craindre que je me sois montré, dans mes réponses, à nouveau « trop long et trop littéraire ». Comme j’ignore comment ce journal pressé pour gens pressés va condenser mes propos, j’en refourgue ci-dessous l’intégralité. Fuck-saperlipopette !

Comment  et quand a débuté votre histoire avec les mots, quels  sont vos  premiers souvenirs d’histoires que vous avez imaginées  ?
Je crois que j’ai découvert très tôt, avant dix ans, qu’on n’exprimait pas la même chose en parlant et en écrivant. Étant peu bavard de nature, j’ai compris que l’écriture était une excellente façon, idéale pour moi, de réfléchir, et d’inventer. Je ne sais plus ce qui est venu en premier, inventer ou réfléchir, mais il me semble que c’était un peu pareil. Je me souviens qu’en CE1 ou CE2, un instit nous donnait comme devoir à la maison d’écrire des phrases avec des mots que nous venions d’apprendre. J’ai pris cela pour une contrainte oulipienne (je n’avais jamais entendu parler de l’Oulipo, bien sûr), et avec le mot du jour je construisais jour après jour un feuilleton compliqué dont les héros récurrents étaient « M. X et Bruno l’asticot ». Je suppose que c’est là « les premières histoires que j’ai imaginées ».

A  quel moment vous êtes-vous dit « Je me lance: je veux  partager ça avec  les gens » ?
Bonne question. Le désir d’écrire est, en effet, distinct du désir de publier. J’aurais pu me contenter du premier, la beauté du geste, la fin en soi. À quoi bon publier ? Je vois deux motivations principales : le pur et simple narcissisme (voir son nom imprimé, ça fait plaisir, on tient une preuve qu’on existe), et l’envie de rembourser ce que l’on a reçu. On écrit parce qu’on a lu (j’énonce là une banalité). Les livres des autres m’ayant marqué à vie, publier à mon tour, faire partie de ce monde de l’imprimé, était comme une reconnaissance de dette, ou un passage de flambeau.

Quelle a été la réaction de votre entourage  ?
Personne dans mon entourage n’était au courant que mon premier livre existait avant de l’avoir entre les mains. Je leur ai fait la surprise. Les réactions ont été très diverses. Ma mère ne m’a plus adressé la parole pendant six mois. Tant pis. On n’écrit pas pour faire plaisir à sa famille. Il y faut des motivations plus solides.

Rétrospectivement, quel regard portez-vous sur cette aventure  que fut la rédaction de votre premier roman ?
Je me rappelle cette période d’écriture comme d’un très long moment de tension, neuf mois de concentration. Commencer un livre, c’est plutôt facile. Le terminer demande beaucoup d’entêtement.

Comment décririez-vous votre rapport à l’écriture et votre  univers?
Je ne considère pas l’écriture comme un métier, mais incontestablement comme un travail. Et des plus rudes. Je suis lent et laborieux, je remâche, je corrige, j’affine sans fin, je recommence. J’ai davantage l’habitude de réécrire que d’écrire. Mais depuis que j’ai ouvert un blog, je teste aussi une écriture plus lâchée, plus directe et nerveuse. Et puis j’édite, aussi. Contrairement à certaines idées reçues, je suis venu à l’auto-édition non par dépit de ne pas trouver preneur dans l’édition traditionnelle, mais après avoir été édité ailleurs. J’ai découvert, depuis que je suis « éditeur », que faire le livre me passionnait tout autant que l’écrire.

Quels sont vos projets actuels ?
Je sors ce mois-ci une plaquette en hommage à Louis-Ferdinand Céline, aux éditions du Pré-Carré. Je trouve tout à fait judicieux que Céline ait été retiré des célébrations officielles, parce que cela donne champ libre pour le célébrer officieusement. Plus globalement, j’espère à l’avenir continuer à alterner des livres « grand public » (tout est relatif)  chez des éditeurs ayant pignon sur rue, et des expériences plus personnelles, plus underground, au sein de ma maison d’édition, « Le Fond du tiroir ». En l’occurrence, je prépare à la fois un roman RELATIVEMENT traditionnel, inspiré d’une vieille histoire paraguayenne, et un livre tout à fait impossible, peut-être même illisible, un OVNI où j’entreprends de traduire le quotidien en alexandrins rimés, c’est-à-dire repeindre l’éphémère aux couleurs du sublime.

Que diriez-vous à un jeune qui veut se lancer dans une  aventure comme celle-ci ?
« Ecoute tout le monde, et ne sois d’accord avec personne. Évite aussi, si possible, d’être d’accord avec toi-même. »

Toi aussi tu peux devenir trader

10/01/2011 un commentaire

Oui, toi aussi, deviens trader d’un seul clic. Ou, ce qui revient un peu au même, joue au poker sur un site quasi-gratuit parrainé par une ancienne vedette. Ou fais ce que tu veux, du moment que c’est en ligne. Songe à la gamme d’expériences humaines qui t’est offerte en ligne ! Des rencontres en ligne, de la politique en ligne, du commerce en ligne, des encyclopédies en ligne, du réseau social en ligne, des bonnes blagues virales en ligne, de l’existence médiatique genre : quart-d’heure-de-gloire en ligne, de la pornographie en ligne, du cinéma en ligne, des dessins animés en ligne, de la musique en ligne, du pipole en ligne, du donquichottisme en ligne, du best-of en ligne, de l’art même, en cherchant bien, entremêlé au temps perdu en ligne… Ah, les joies de l’énumération en ligne !

Tout, quoi. Tout est là. À quoi bon quitter l’écran. C’est dingue, quand on y pense, tous ces en-ligne, ça finit par m’évoquer suivant le noir que je broie, des hameçons pour pêche au gros, des queues devant les magasins en temps de solde ou de disette, des défilés militaires, des murs de fusillés.

Et moi, pauvre petit écrivain, je fais quoi, là, tout connecté mais à quoi on se demande, en ligne comme tout le monde, turbogédéon, cyberbécassine ? Je fais de la littérature jeunesse, paraît-il. Il faut que je m’y fasse, je suis labélisé « jeunesse », Nelly Kapriélian ne lira pas mes livres et ne viendra pas m’interviewer avec une bouteille de champ’. Au lieu de quoi, je reçois des sollicitations de lycéennes qui ont des devoirs à faire sur La famille dans la littérature jeunesse et qui au petit bonheur adressent des questionnaires à une flopée d’ « auteurs jeunesse » dont elles ont dégoté l’adresse allez savoir comment. Bon, je suis bien élevé, je réponds à leurs questions, je veux bien faire vos devoirs et les miens, vérifier si j’ai quelque chose à dire sur la famille dans la littérature jeunesse. Mais la prochaine fois pensez au champagne, s’il vous plaît.

Bonjour, nous sommes trois lycéennes de de première Economique et Social au lycée de la côtière dans l’Ain, et nous préparons en ce moment un questionnaire pour les TPE concernant la littérature jeunesse.
Nous aimerions vous poser quelques questions pour nous aider a élaborer correctement notre TPE.
Les questions sont les suivantes:
1: Comment délivrez-vous (les auteurs) un message a travers vos livres?
2: Quelles sont les attentes explicites/ implicites des parents par rapport au sexe de leurs enfants?
3: Quel est le rôle de l’illustration par rapport au texte?
4: Existe-t-il des difficultés a plaire et à instruire en même temps?
5: Existe-t-il des formes variées d’oeuvres pour la jeunesse?
6: Quelles sont les préférences des enfants?
7: Comment est représentée la famille dans la littérature jeunesse? A-t-elle un rôle important dans l’hisoite racontée?
8: Existe-t-il des stéréotypes, Si oui, lesquels?
9: Quelle est la représentation de la famille (famille nucléaire, famille élargie, famille monoparentale…)? A-t-elle évolué ces dernières années?
10: Comment est représenté l’enfant?
11: Pensez-vous que ces personnages ont-ils un impact sur les manières d’agis et de penser de l’enfant?
12: La littérature jeunesse a-t-elle, selon-vous, un rôle socialisateur? Si oui/ non pourquoi?
Si vous pouviez répondre, ne serait-ce qu’à quelques questions, cela nous aiderait beaucoup et faciliterait notre démarche.
Merci d’avance.

Bonjour mesdemoiselles
Ne vous attendez pas à recevoir beaucoup de réponses… Les questions que vous posez, à part peut-être la première (et encore) ne s’adressent pas vraiment à des personnes qui écrivent des livres, mais plutôt à celles qui les lisent, et qui ont par conséquent sur la production éditoriale dans son ensemble certaines lumières, certaines idées, certaines opinions : des éditeurs, des libraires, des critiques, des journalistes, des universitaires, des professeurs, des documentalistes…
Pour ma part, je me déclare incompétent. J’ignore absolument quelle peut être la représentation de la famille dans la « littérature jeunesse ». Je ne pourrais que vous délivrer quelques clichés sans intérêt, ou alors vous décrire comment telle ou telle famille précise est représentée dans tel ou tel de mes livres, mais ce n’est pas cela qui vous intéresse.
Je vous souhaite bon courage,
Fabrice Vigne

Bonjour,
Tout d’abord, je voudrais vous remercier d’avoir répondu à notre mail, quelques uns l’on fait mais une majorité s’en est abstenu, vous aviez raison. En fait le questionnaire à bel et bien eté conçu pour les écrivains, mais je vous accorde qu’il n’a pas été très clair, voire pas du tout.
C’est pourquoi je me permets de vous renvoyer un autre questionnaire que j’espère plus adapté. Cela me gêne terriblement de vous importuner comme nous le faisons, cependant si nous avions ne serait-ce que quelques bribes d’informations, sur votre opinion personnelle.
merci.
C’est vrai que ce questionnaire était assez général. Nous avons dû l’envoyer à un maximum de personnes pour avoir le plus d’éléments possible, sachant que certains ne répondraient pas.
Nous avions également peu expliqué notre démarche, cela peut aider à comprendre certaines questions.
Nous devons préparer une épreuve du bac, le TPE, où une problématique nous est posé, à partir de cette problématique, nous devons monter un dossier afin d’y répondre. La nôtre est: “Dans quelle mesure les œuvres de littérature jeunesse contemporaines françaises qui abordent le thème de la famille ont-elles une visée éducative?”. Tout en traitant le sujet, nous devons inclure deux matière, le français et la science-économique et social. C’est pour cela, qu’il nous faut traiter le côté littéraire mais aussi une certaine analyse « sociologique ».

-Votre premier souhait est-il de délivrer un message précis aux enfants ou avant tout de les distraire ?
– Quel est le rôle de l’illustration par rapport au texte ?
– Vous est-il déjà arrivé d’écrire un livre en partant d’une illustration ?
–  Quelles sont les difficultés que vous rencontrez,  pour plaire et instruire en même temps ?
– Connaissez-vous d’autres formes d’œuvres pour la jeunesse ?
– Quelles sont les histoires préférées des enfants ?
– Représentez-vous la famille dans vos livres ? A-t-elle un rôle important dans l’histoire racontée ?
– Cette famille est elle plutôt “traditionnelle”, monoparentale, recomposée,… ?
– Comment représentez-vous l’enfant ?
– Pensez vous que les personnages ont un impact sur la manière d’agir et de penser de l’enfant ?
– La littérature jeunesse a t-elle selon vous, un rôle socialisateur? Si oui/ non, pourquoi ?
– Les maisons d’édition ont elles des attentes précises?

Bonsoir jeunes filles.
Voici mes réponses. Elle vous paraîtront peut-être un peu décalées. J’ai fait de mon mieux. Mais je ne crois pas être représentatif de quoi que ce soit… Or, vous, vous avez besoin de « représentatif » ! de sociologique ! catégoriel et catégorique ! Sinon votre copie n’a pas de sens.
Enfin, bon courage à nouveau.
Fabrice Vigne

-Votre premier souhait est-il de délivrer un message précis aux enfants ou avant tout de les distraire ?
Ni l’un ni l’autre. En littérature je me méfie autant des « messages » (synonyme possible : leçon de morale) que des « distractions » (synonyme possible : diversion). Mon premier souhait est plus simple que cela : je cherche à donner une forme littéraire à une idée qui me fait rire et/ou qui m’émeut et/ou qui me donne à méditer, et dans l’idéal cette forme (le texte) permettra de communiquer mon émotion au lecteur.

-Quel est le rôle de l’illustration par rapport au texte ?
Je ne suis pas illustrateur, mais je crois que le rôle de l’illustration consiste à donner une certaine interprétation du texte, une vision, qui doit aiguiller celle du lecteur, mais pas la prendre en otage. Il faut se souvenir que le lecteur s’empare d’abord de l’illustration, en un clin d’œil, puis seulement dans un deuxième temps, beaucoup plus long, du texte. L’illustration ne doit donc ni trahir le texte (ne pas dire le contraire), ni le répéter bêtement (ne pas dire exactement la même chose) – c’est donc très délicat. Heureusement, je ne suis pas illustrateur.

-Vous est-il déjà arrivé d’écrire un livre en partant d’une illustration ?
Oui, deux fois.
« Les Giètes » a été écrit à partir de photographies ; « ABC Mademoiselle » à partir de gravures. C’est très stimulant. J’ai donc fait, à rebours, le travail que je crois être celui de l’illustrateur et que je décrivais dans ma réponse précédente : j’ai tenté d’exprimer une vision de ces images, qui ne disait ni la même chose, ni le contraire…

– Quelles sont les difficultés que vous rencontrez pour plaire et instruire en même temps ?
J’ai l’impression que votre question, « plaire/instruire », reformule la sempiternelle dichotomie entre « le fond » et « la forme », la forme « plaisante » étant censée faire passer la pilule du fond « instructif »… Alors qu’on sait bien depuis Marshall McLuhan que le fond EST la forme (the medium is the message). Par conséquent, je pars du principe qu’instruire PEUT plaire, et je ne me pose plus jamais cette sorte de question. Disons que, lorsque j’écris, je cherche à me plaire, et à m’instruire, vraiment les deux à la fois, l’un dans l’autre. C’est le test. Si je me plais et si je m’instruis, alors mon texte a une chance d’instruire et de plaire à autrui.

– Connaissez-vous d’autres formes d’œuvres pour la jeunesse ?
Je ne comprends pas bien la question. Des films pour enfants ? De la musique pour enfants ? Des spectacles pour enfants ? Oui, bien sûr, je sais que cela existe.

– Quelles sont les histoires préférées des enfants ?
Aucune idée ! Les histoires de vampires sont très à la mode, paraît-il.

– Représentez-vous la famille dans vos livres ? A-t-elle un rôle important dans l’histoire racontée ?
Oui, c’est très important. La famille dans la littérature jeunesse me semble inévitable, puisque la famille est au cœur de la vie des enfants. Il faut bien que la littérature (jeunesse ou non) reflète un peu la vraie vie.

– Cette famille est elle plutôt “traditionnelle”, monoparentale, recomposée,… ?
Tout dépend de l’histoire, il est impossible de répondre à cette question par une généralité. Mon dernier roman en date, « Jean II le Bon, séquelle », met en scène trois adolescents. Or, le premier vit au sein d’une famille recomposée (beau-père et demi-sœur), le second vit dans une famille que l’on peut qualifier de « traditionnelle » (papa, maman, un garçon, une fille, et même un chien), et le troisième dans une famille monoparentale (le garçon vit seul avec sa mère). Tout le panel en un seul bouquin ! Strike !

– Comment représentez-vous l’enfant ?
Idem. Tout dépend du contexte, de l’histoire, de l’intention. Dans mes livres, les enfants sont de diverses sortes (je n’ose pas dire « de toutes sortes », ce serait prétentieux), parce que dans la vie, plusieurs modèles existent aussi…

– Pensez vous que les personnages ont un impact sur la manière d’agir et de penser de l’enfant ?
De penser, sans aucun doute. Puisque la lecture est exclusivement un phénomène de pensée. D’agir, c’est moins certain, mais c’est possible dans certains cas. En gros, un personnage rencontré dans un roman peut appeler deux types de réaction chez le lecteur, qu’il soit adulte ou enfant : l’identification, et l’altérité. C’est-à-dire : 1) Ce personnage me ressemble – ça alors, je ne suis pas tout seul au monde, j’ai trouvé quelqu’un comme moi. 2) Ce personnage ne me ressemble pas du tout – ça alors, il existe donc dans le monde des gens très différents de moi, et voilà à quoi leur vie ressemble. Je crois importants, instructifs, et, pour le dire platement, utiles, ces deux types de lecture. On lit pour se connaître, et pour connaître le monde. À tous les âges, à nouveau.

– La littérature jeunesse a t-elle selon vous, un rôle socialisateur? Si oui/ non, pourquoi ?
Qu’entendez-vous par « socialisateur » ? Que la littérature apprend à vivre en société ? Je suppose que oui. Je ne peux pas l’affirmer. Je peux juste témoigner que moi, Fabrice Vigne, je me positionne aujourd’hui à 42 ans dans la société en tant qu’individu marqué par ses lectures, y compris d’enfance.
Et qu’entendez-vous par « rôle » ? Soit vous voulez dire « effet », et là c’est indéniable, soit vous voulez dire « mission », par conséquent vous sous-entendez un aspect volontariste, conscient, et là c’est plus discutable. En tant qu’écrivain, j’espère avoir un effet sur mon lecteur, mais je ne me sens pas investi d’une mission.

– Les maisons d’édition ont elles des attentes précises?
Je ne sais pas, certaines maisons d’édition sont peut-être plus marquées que d’autres par une certaine idéologie, une volonté de déployer telle ou telle vision du monde, je ne les connais pas toutes. En tout cas, les maisons avec lesquelles je travaille ont surtout des attentes littéraires. Que le texte soit bon, voilà le premier critère.

Je grenouille dans le bénitier

23/10/2010 un commentaire

C’est étrange, tout de même. Le premier media qui aura rendu compte de Jean II le Bon est RCF, le réseau des radios chrétiennes… Ils ne se sont donc pas aperçu que je diffamais grave le pape en la page 93 de cet ouvrage pédagogique ?

Non, la vérité, c’est que RCF est une radio certes confessionnelle, mais pas spécialement propagandiste, et qu’on y entend toutes sortes de choses intéressantes sans rapport avec la choucroute bénie. C’est ainsi que j’ai été interviouvé par Melle Vanessa Curton (oui, bon, ça ira, les blagues fastoches sur les noms de famille) qui se trouve être une excellente chroniqueuse littéraire, puisque elle lit les livres, et nous n’avons pas abordé la page 93.

Je grenouille dans le micro, je bafouille certes, mais j’éclaire de mon mieux ce livre, merci Vanessa (salve 1). Le résultat est à écouter ici. Ou alors à lire là, partiellement retranscrit sur blog, merci Vanessa (salve 2 – car il s’agit bien d’un roman sur la répétition).

Non mais écoute-le parler, l’autre

10/04/2008 un commentaire


Vous trouverez ici deux interviews conduites par mails au sujet des Giètes, la première recueillie par Martine Hamon, étudiante en Master « Littérature Jeunesse », et la seconde par Anne-Laure Cognet pour l’ARALD.

Et puis ici, c’est un peu hors-sujet mais tant pis, une interview sur Jean Ier le Posthume, réalisée par des enfants du Collège Diderot (Nîmes).