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Aux hommes de bonne volonté

07/03/2015 Aucun commentaire

paixComment survivre en ces temps troublés ? Comment vivre ? Culturellement, spirituellement, socialement… Et économiquement, déjà.

Pour parler de l’économie de la création artistique, on n’est pas obligé de pleurer (mieux vaut rigoler un bon coup, comme avec les délicieux vidéo-tracts de Guillaume Guéraud), mais force est de reconnaître que la situation est grisouille.

Comment produire des livres, des CD, des spectacles, etc., comment s’exprimer ? Sinon en faisant fortune, puisqu’on est libre de ce genre de rêve staracoïdes ou macronesques, du moins en gagnant sa vie décemment.

Les plus touchés par la crise (dite crise partout-partout) sont les musiciens, puisque la chaîne économique de distribution de la musique enregistrée est désormais en ruine, et ce sont eux les premiers qui, dans la grande tradition D.I.Y. ont inventé des solutions de financement alternatif. La plus radicale dont j’ai eu vent est la plateforme Donation Conspiracy, où chacun est invité à faire un don au musicien ou au label de son choix. Nulle contrepartie du genre poster dédicacé ou MP3 exclusif. Rien : on apprécie un artiste, on a envie qu’il continue, on lui file du blé, j’aime beaucoup ce que vous faites voici dix euros, c’est tout.

Mais la plus connue, sans doute la plus efficace, de ces économies de rechange, est le crowdfunding, littéralement financement par la foule : le don avec contrepartie, sur projet. C’est la souscription 2.0, le pré-achat participatif à l’échelle Internet.

On peut crowd-funder n’importe quoi : un livre, un journal, un disque, un spectacle, une expo, une boutique, un jeu, un festival, une invention, une start-up, un film (des cinéastes reconnus s’y sont essayés, récemment Jodorowsky ou Dario Argento), la restauration d’une œuvre d’art, voire une école dans le tiers-monde (en ce cas la contrepartie peut être un dessin d’enfant, sacré trophée) ou une campagne électorale (un magnifique porte-clefs avec le logo du parti – chacun ses goûts).

En 2014, j’ai sérieusement étudié la possibilité de transiter par une plateforme de crowdfunding pour boucler le budget du dernier livre du Fond du tiroir… et puis, pressé par les délais et par le souci du contrôle absolu, et doutant quelque peu de rassembler plus efficacement une fanbase sur ladite plateforme que par mes propres moyens, j’ai renoncé. Mais je pourrais y revenir pour le prochain.

En attendant ce jour, je suis curieux des initiatives qui pullulent dans les marges participatives, et je suis client occasionnel de projets en crowdfunding. Des livres, principalement. Dernier en date : Ahimsâ l’instant neige d’Etienne Raphael et Dom (dessinateur autrefois connu sous un autre pseudo, Lidwine). L’épais volume ne paraîtra qu’en 2017 (un tel militantisme n’a de sens que long et lent), mais dans l’intervalle on reçoit régulièrement des infos sur l’avancement du projet, sous forme de réflexions, de nouvelles, de références historiques, de dessins (ou sous la forme du drapeau reproduit ci-dessus, orné du nom des 500 premiers souscripteurs : on peut s’amuser à traquer son propre blase façon Où est Charlie), et c’est excitant comme de participer à une utopie en marche, de rejoindre des gens qui pensent et qui font. Ça tombe bien : le livre lui-même est consacré à une utopie. La non-violence. Commencer par le plus difficile : y croire. Tous les détails ici. Il ne reste que 15 jours pour participer à la souscription.

Merci pour le café, esclave

31/01/2015 Aucun commentaire

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Avertissement : le présent article est peut-être la suite de celui-ci qui s’interrogeait, il y a un an jour pour jour,  sur les modes de vieillissement de l’artiste, en opposant déjà deux films tardifs de deux cinéastes vénérables.

Depuis la bascule du 7 janvier, atteint en chaque partie intime comme l’exprime mieux que moi Emmanuel Guibert, j’éprouve un peu plus de mal à tout. Du mal à lire, à écrire, à travailler, à décrocher, à raccrocher, à avancer. Et même à regarder des films, comme si la fiction et l’image posaient désormais un petit problème. Pas un petit problème de sacrilège, hein, ça va bien avec ça. Petit problème de nécessité, de pertinence, de raccord au temps présent.

C’est au bout de huit jours que j’ai tenté de m’y remettre : j’ai glissé un DVD dans mon lecteur. Or j’ai détesté le premier film que j’ai vu, qui était pourtant d’Alain Resnais. Quoi ? Un film de LE Alain-Resnais me tombait des yeux ? J’en étais malheureux, me demandant si tout carrément je n’aimais plus le cinéma, comme l’avoua J-B Pouy, et cela aurait été très grave, bizarre, déchirant, moi ciné-fils à la Daney, un peu comme quand le capitaine Haddock découvre qu’il n’aime plus le whisky.

Heureusement, quelques jours ont passé, et j’ai vu un autre film, de Polanski celui-ci. Et je l’ai adoré. Ouf. Le problème ne venait pas de moi, finalement. Il faut envisager que le Resnais était tout simplement un nanar.

Aimer boire et chanter vs. La Vénus à la fourrure. Soient deux cinéastes chenus n’ayant plus rien à prouver, toute carrière derrière, toute liberté devant ; pour leur dernier film (l’un des deux ayant trépassé depuis, ce sera vraiment son dernier), tous deux choisissent d’adapter une pièce de théâtre dont les protagonistes sont des comédiens de théâtre ; leur mise en scène joue donc sur la plongée en abyme de la séduction et de l’art du comédien, en un huis-clos qui de façon explicite ou symbolique ne quitte jamais la scène ; tous deux confient de façon un peu perverse le premier rôle féminin à leur propre femme, au passage sensiblement plus jeune que Monsieur (Sabine Azéma pour l’un, Emmanuelle Seigner pour l’autre), rôle plein de duplicité d’une actrice qui profite de son art pour embobiner un homme, jouer avec ses sentiments et le manipuler.

Les ressemblances s’interrompent ici. Le Resnais est poussif, rance, interminable, factice, gâteux et déprimant. Le Polanski est subtil, ambigu, énergique, perturbant (on ne sait jamais si la relation sado-maso s’applique d’abord à la relation de couple ou à la relation de travail metteur en scène/acteur), une jubilation du début à la fin. Un film jeune.

Quel soulagement. J’aime toujours le cinéma ! Art éternellement jeune puisqu’art du mouvement, conformément à son étymologie.

Tiens (pour replonger une seconde dans Charlie), un autre qui reste méchamment jeune, c’est JC Menu.

J’avais prévu de mentionner en coup de vent l’excellente dernière livraison de la revue Kaboom qui, outre des dossiers de bon aloi sur Taniguchi, Jack Kirby et surtout ce génie méconnu qu’est Richard McGuire, accorde une tribune libre à Menu pour une énième apostille à ses Plates-bandes, où Menu dresse un état plutôt piteux de la petite édition indépendante, rattrapée à force d’invisibilité par l’usure et la perte d’envie, par l’âge en somme (Menu parle pour son compte : il jette hélas l’éponge de l’Apocalypse) – la solution au marasme préconisée par Menu étant, sans surprise, le repli dans le maquis, la radicalisation underground… (Sur ce sujet, avez vous 52 mns devant vous ? Précipitez-vous sur le film Undergronde de Francis Vadillo.) Mais finalement, plutôt qu’à lire les considérations de Menu sur ses propres plates bandes piétinées, je préfère vous enjoindre à écouter son admirable discours de réception du prix posthume remis à Charlie Hebdo durant le festival d’Angoulême le jeudi 29 janvier, il fait du bien, Je suis Charlie bordel de merde.

Rien à voir, âne-au-coq : toujours dans une période très à l’affût des médias, ce que j’ai entendu de plus stimulant cette semaine à la radio est, à ma propre surprise, une interview de longue durée de Charles Fiterman sur France Culture. Alors que je l’avais complètement oublié, le vieux Fiterman…
Quel trésor, quel recul, quelle intelligence (quand il parle de la dénaturation du langage, lorsqu’on parle par exemple exclusivement de « coût du travail » alors que le travail rapporte de l’argent, preuve que l’on a intégré la dialectique du Medef), quelles savoureuses anecdotes (lors d’une conférence avec les Anglais au sujet du Concorde, son micro crachouille, il réclame un tournevis pour le réparer, les Angliches n’avaient jamais vu ça, un ouvrier ministre… Nous mêmes n’avalons plus jamais vu ça, du reste, tous les ministres sont énarques consanguins, une partie du problème français est là…) Je vote Fiterman ! (depuis les Giètes, j’assume ma tendance vieux-coco…)  !

Munographie

05/11/2014 Aucun commentaire

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L’héroïque Jean-Christophe Menu tente de planifier et d’orchestrer l’Apocalypse. Le nouveau site de cette valeureuse maison d’édition sera mis en ligne le lundi 17 novembre. (D’ici là, vous pouvez toujours y aller, mais les infos sont un peu moisies. Des nouvelles plus fraîches sur leur page Facebook.)

Promotion à venir : pour quelques livres achetés sur cet imminent site flambant neuf, l’amateur se verra gratifié d’une belle et verte réédition du livre Munographie (la première mouture vit le jour aux Éditions de l’an 2, 2004) où je suis cité en tant que mederologue, dignité qui m’honore aujourd’hui comme autrefois.

Ça, c’était pour l’infiniment petit. Du côté de l’infiniment grand, voyons un peu ce qui se passe chez nos amis d’IKEA.

« On verra bien »

16/03/2013 Aucun commentaire

Yann Fastier est un auteur avec une attitude sur la littérature jeunesse. Il fait et il cause, son avis est donc averti comme son oeuvre est réfléchie. Il a signé, d’une part de nombreux livres, que je lis de longue date (j’étais même abonné à la préhistorique revue Flblb, pour avouer mon âge) ; et d’autre part, plusieurs blogs, dont celui-ci que j’ai lu intégralement, du premier au dernier article, commentaires inclus (rarissime, ça ! lire de A à Z, comme on ferait d’un livre, rien à voir avec l’usage ordinaire d’un blog… Sondage express, quiconque ici aurait-il lu tout ce blog depuis le début ?), blog anti-langue de bois, pas piqué des mites, intitulé Le cimetière des lénifiants, où, explicitement, il s’agissait d’enterrer les livres jeunesse que monsieur Fastier jugeait médiocres – ou, par un contraste d’autant plus éclatant, d’encenser ceux qu’ils admirait. J’aimais beaucoup son ton iconoclaste, vachard mais toujours argumenté, tellement bienvenu dans le milieu « littérature jeunesse » sclérosé par son obligation d’être sympa et ses prescripteurs de bon goût.

Yann Fastier a fermé ce blog, mais il en ouvre un autre, et de là lance une nouvelle structure d’édition (d’auto-édition) appelée On verra bien. J’aime les auteurs qui, ayant publié hadroitagauche, délaissent, fugitivement ou durablement, leurs éditeurs, leurs habitudes, leur distribution, leur visibilité, leurs droits d’auteur, en somme leur carrière, et remettent leur compteur à zéro en auto-publiant ce qui leur chante, je les aime tendrement, fraternellement. Ils sont plus nombreux que l’on croit. Une jolie petite armée mexicaine. Je donne à l’occasion des exemples, comme ici, ou ici, ou même ici, ou comme là – ou naturellement comme Benoît, je cite Benoît à tout bout de champ parce que sa démarche héroïque a été le vrai déclic pour moi, peut-être pour d’autres aussi, vive Benoît ! Benoît Président ! Benoît pape ! (Allez hop, Benoît XVII, fumée blanche et on n’en parle plus.) Ou encore, comme Larcenet qui, ah ben tiens regarde comme c’est curieux la coïncidence, co-fonda en 1997 la maison d’édition Les Rêveurs, dont la toute première collection fut baptisée en 1997 On verra bien. Déjà à l’époque cette injonction circonspecte mais confiante formait une roborative enseigne.

Bref. La note d’intention d’On verra bien, les nouveaux, les prochains rêveurs, m’a enchanté, et j’ai souscrit à leurs futures parutions les yeux fermés. Je vous enjoins à faire de même : souscrivez, les amis, 9 ou 20 euros c’est bien peu pour encourager celui qui fait, et pour se laisser surprendre par un objet introuvable ailleurs. Je suis attentif, depuis, aux péripéties, à leurs lents fignolages de leur premier livre (signé par un blogueur du nom de dOg), à leur joie égoïste et sublime de la beauté du geste, à leur plaisir de recevoir leurs numéros d’ISBN, ah, ça me rappelle ma jeunesse. Tous mes vœux, les gars.

Caillou un peu, mais surtout papier et ciseau

12/03/2013 2 commentaires

Une fois pas coutume : Hervé Bougel est prophète en son pays. Les bibliothèques de Grenoble célèbrent son inlassable travail d’éditeur par une exposition et une série de rencontres, sous l’intitulé général La poésie cousue main, qui rend justice à sa triple casquette de poète, d’esthète, d’arpette. Le défilé sur podium, à moins que ce ne soit le vernissage de l’expo, aura lieu le vendredi 22 mars prochain à partir de 18h30, à la Bibliothèque d’Étude de Grenoble. Je serai présent, puisque non seulement Hervé et moi co-éditâmes une Racontouze, mais surtout j’ai la joie l’honneur et l’avantage de me compter parmi les auteurs des éditions pré#carré, où j’ai publié en 2011 une lettre morte, une plaquette bleue reliée à la main d’un brin de raphia, oui messieurs-dames, noué par les mains mêmes du taulier figurez-vous, intitulée Dr. Haricot de la Faculté de Médecine de Paris.

Depuis quinze ans peut-être qu’il anime à bout de bras son atelier carré de poésie qui dit bonjour, en tout état de cause depuis sept ans que je le côtoie, Hervé passe par des phases de doute et de lassitude, du type : « Cette fois ça suffit, pré#carré me pompe toute mon énergie, je jette l’éponge, j’ai des choses à écrire au lieu de me consacrer à l’écriture des autres… » Mais tout aussi régulièrement, il tombe sur un manuscrit qui fouette son enthousiasme, remonte son ressort, et c’est reparti mon kiki. Lisez donc ce vieux post sur son blog, entendez comme il parle bien d’un texte qu’il veut défendre, et en filigrane, de son métier d’éditeur. Il va de soi que je ne lui jette pas la pierre, cyclothymique moi-même, je comprends les pétages de feu aussi bien que les pétages de durite.

Aujourd’hui, toutefois, il semble que le pré#carré pourrait toucher pour de bon à son terme, et que cette belle expo soit bouquet final, fête d’enterrement (de première classe)… Quelques indices de liquidation : aucun signe de vie sur son blog-très-intéressant depuis six mois… Certes on peut toujours lire les archives, qui seront stimulantes longtemps (je reconnais sans rechigner que son blog, tutti-frutti des travaux et des jours, des humeurs et bonnes et mauvaises fois, des livres qu’on fait et de ceux qu’on lit, me fut une source d’inspiration directe).

Bah. Même si vraiment le glas d’un cycle a retenti, on retrouvera RVB ailleurs. Il suffira de le chercher là où il se trouve – il est très actif sur Facebook où il a inventé la Photo qui bouge (ici l’émission de radio qui a fait le renom de ce gang de maniaques), et ses prochains livres, cousus par d’autres, feront forcément parler.

FMR

07/12/2012 un commentaire

La Librairie éphémère n’est pas un endroit mais un événement. Elle se tient deux fois l’an à la Halle Saint-Pierre (Paris 18e) à l’instigation d’Isabel Gautray de Passage Piétons éditions, et réunit des dizaines de petits (voire micro-) éditeurs, invisibles dans les librairies pérennes et autres échoppes en dur. De l’FMR pour livres SDF.

Non seulement la prochaine édition, qui aura lieu du 11 décembre au 6 janvier 2013, réservera un coin de table aux artisanales productions du Fond du tiroir, mais les visuels (affiche et flyers) ont le bon goût de mettre en avant une linogravure extraite de Double tranchant. Les épreuves réalisées par Jean-Pierre Blanpain pour ce sublime objet d’art seront en outre exposées sur place durant toute l’éphémerité de la Librairie. Vernissage jeudi 13 décembre 18 à 21h, sans moi pardon j’ai autre chose à faire, mais avec JPB himself, qui se fera un plaisir de se rendre disponible pour des dédicaces et plus si affinités. Surtout si vous l’abordez en lui déclarant : Au fait Jean-Pierre, puisque je vous tiens, sachez que j’ai été très touché par le dernier article publié sur votre blog, celui à propos de Montreuil, les livres pour enfants, mais les livres d’un côté et les enfants de l’autre hélas.

Quant à moi j’étais censé récupérer aujourd’hui Georgie-boy chez l’imprimeur, mais phoque godedème chiite et bladi elle ! J’en suis empêché par l’alerte orange et la neige partout-partout. J’abandonne George dans ses cartons et sur sa palette, je l’imagine tout seul dans les entrepôts des Impressions modernes, on éteint la lumière pour le week-end, j’espère qu’il sera sage et ne s’ennuiera pas trop, c’est difficile à dire, ce garçon n’a l’air de rien. Merci aux souscripteurs d’accepter mes excuses pour le délai, le livre ne leur sera posté que la semaine prochaine.

Mais ce n’est que partie remise ! Je ne risque pas de l’abandonner, celui-ci. Un livre naît pendant qu’un autre meurt (Heeey ! / Hooo !). Car une autre nouvelle tombe aujourd’hui, parallèle à la neige, et fait plus que jamais du Fond du tiroir mon unique éditeur : mon « best-seller » (tout est relatif) dans l’édition traditionnelle, Jean Ier le Posthume, est épuisé chez son éditeur, Thierry Magnier, qui ne souhaite pas le réimprimer vu les faibles ventes, et m’a proposé de me rendre les droits. Je ne sais pas du tout ce que je vais en faire (éditer ce livre au FdT ? ce serait absurde, mais je n’en serais pas à ma première absurdité), mais en tout état de cause une évidence m’explose à la figure : mon plan initial, qui visait une « carrière » avec un pied dans l’édition normale, et l’autre dans mon Tiroir, est un échec consommé. Désormais je suis intégralement sous le radar, et FMR.

Vous savez ce qu’elle vous dit l’auto-édition ? (Troyes épisode 42)

12/10/2011 un commentaire

Une mise au point saisonnière. J’autoédite. Cela signifie que j’écris un livre, puis que je le conçois, le rêve et le pense, le mets en page, l’imprime, le vends. Je ne suis pas un maillon, je suis toute la chaîne. (Je précise encore, je précise toujours, que je ne ferais rien de tout cela si j’étais réellement seul, et que les livres du Fond du Tiroir doivent la moitié de leur ADN à leur co-géniteur, Patrick ‘Factotum’ Villecourt.)

L’auto-édition a mauvaise presse. Elle reste, dans les esprits, une édition de seconde catégorie, une édition par défaut, à la marge du champ littéraire. Elle n’est pas passée à travers le filtre de l’Éditeur, qui seul a le pouvoir de valider la dignité d’un texte. Il ne faut pas sous-estimer l’importance de ce filtre éditorial, qui parmi les masses de volumes imprimés avec ou sans ISBN, départage à l’usage des réseaux commerciaux mais aussi des mentalités, les livres qui existent et ceux qui n’existent pas. (Notons que cette emprise symbolique de l’intermédiaire-accoucheur est moindre dans le champ de la musique, où l’on louera tel album auto-produit en admirant le fait qu’un musicien soit simultanément créateur et metteur en forme.)

On renifle de loin l’auto-édité, on le soupçonne, souvent à juste titre hélas, de publier lui-même son livre inexistant parce qu’il a échoué à le faire exister ailleurs, chez un vrai, et on le regarde avec condescendance bricoler à toute force et à la va-vite des bouquins nases et mal fichus, farcis de coquilles et de clichés, juste parce qu’il fait partie de ces malheureux naïfs qui croient qu’ils vont exister un peu plus (c’est un vain leurre, on vient de le voir, ils n’existent pas et ne le savent pas) s’ils voient un jour leur blase sur la couverture d’un objet parallélépipèdique imprimé (fantasme très courant qui ne me semble pas refluer socialement, alors même que le livre lui-même est un objet symboliquement en perte de vitesse).

Je ne nie pas que l’auto-édition soit ce purgatoire mal famé des auteurs frustrés et des livres ni faits ni à faire – il m’est arrivé de participer à des salons d’auto-édités, oh putain la misère, bonne chance à tous, les gars. Pourtant elle est aussi autre chose, digne d’intérêt, de respect, de passion, au minimum d’une curiosité élémentaire : elle est un geste radical et libre qui consiste à séparer sa création des tuyaux et robinets de l’industrie du divertissement, et assumer pleinement la réalisation et la défense de son travail.

Benoît Jacques est un modèle représentatif de cette attitude : Benoît auto-édite des livres magnifiques qui ne ressemblent qu’à lui parce qu’il aurait l’impression de se trahir chez un autre éditeur, et l’admiration que j’ai pour Benoît Jacques Books m’a aiguillonné dès les prémices du Fond du Tiroir. J’ai pu également évoquer dans ces colonnes le cas de l’énergumène Marc-Édouard Nabe, ou de l’une de mes idoles permanentes, Alan Moore… Mais il en existe d’innombrables, pas si bien cachés que ça, qui ne demanderaient qu’à être découverts.

Alors je découvre. J’en tiens un bon, aujourd’hui : David de Thuin. DDT est un dessinateur de bandes dessinées animalières post-Macherot qui produit beaucoup, édite ici et là (Dupuis, Casterman, Bayard), mais qui a ressenti le besoin, en plus de ses séries chez les éditeurs à filtre, de publier des volumes plus intimes à l’enseigne David de Thuin éditeur.

Dans Interne (deux tomes parus) le dessinateur compulsif livre sa vie, donc ses dessins, sous une forme hybride, à la fois bloc-note quotidien et laboratoire spatio-temporel, où des ébauches narratives abandonnées quinze ans plus tôt voisinent avec des photos du ciel, et des nouvelles de ses chats. On découvre surtout, page à page, mot d’enfant après aventure minuscule, la vie familiale de DDT, ainsi que ses relations avec le monde extérieur, plus ou moins loin. L’homme est un peu poète, donc gentiment inadapté social, prompt à inventer un proverbe pour quitter un fâcheux ou renoncer à telle compagnie pour se précipiter dans la forêt regarder la couleur des feuilles. Rien de comparable avec le Journal de Fabrice Neaud qui reste, me semble-t-il, le chef-d’oeuvre de l’autobiographie dessinée, mais ce journal-ci, tout en douceur, est rudement attachant. L’ensemble aurait pu s’appeler Les petits riens, mais le titre était déjà pris par Lewis Trondheim, qui donne, en un rien plus vachard, dans le même créneau de l’autobio anecdotique et animalière.

Les gags les plus drôles ne dépareraient pas une bonne sitcom (DDT par-dessus l’épaule de sa fille en train de dessiner : « Ah ! Ah ! Il est marrant, ton bonhomme ! Quelle tête de gros con avec sa moustache ! » Réponse, évidemment :  » C’est toi. Et maintenant je vais dessiner maman »), mais ce qui fait la saveur particulière d’Interne est que DDT ne cherche pas à être drôle à tout prix, il est juste là, il nous raconte une anecdote seulement pour que lui et nous ne la laissions pas perdre tout de suite. Je vous convie, plutôt je vous offre, à lire une planche que j’aime tout particulièrement, vous allez voir, elle est magnifique, il ne s’y passe strictement rien (cliquez dessus pour l’agrandir, débrouillez-vous pour rentrer dans le ciel).

Autre dialogue : « Papa ! Tu viens jouer avec moi ?
– Pas maintenant. Plus tard. T’as qu’à jouer tout seul ! Quand moi j’étais petit, tu n’es jamais venu jouer avec moi, toi.
– Mais… Je pouvais pas… J’étais mort. »

L’un dans l’autre, c’est frais comme un courant d’air, jeune même à 40 ans, tendre et coloré, c’est touchant comme une photo de famille qui ne serait pas posée, c’est prodigieusement vivant. Ça mérite d’être lu, et c’est auto-édité. Si vous commandez les livres sur son site, l’auteur vous propose très gentiment une dédicace. Vous savez ce qu’elle vous dit l’auto-édition ? Elle vous dit bonjour.

(Londonomètre : pas énorme en quantité, mais alors en qualité, si vous saviez.)

Corbier pas mort (Troyes épisode 37)

07/10/2011 Aucun commentaire

Essayez de taper « François Corbier » dans la gueule béante de Google. La première association de mots que vous suggèrera l’oracle est « François Corbier mort ». Ce qui signifie que les gens qui cherchent des renseignements sur Corbier souhaitent le plus souvent savoir quand il est mort, de quoi, dans quelles circonstances, et à quel âge (histoire de vérifier s’il fait partie du Club des 27).

Or je suis en mesure de certifier que Corbier est vivant : je l’ai vu chanter hier dans un troquet de Troyes. Je me demande si Corbier est au courant, pour Google. Il y aurait de quoi choper un maousse bourdon. Lui qui est la bonne humeur incarnée et barbue. Ou alors, il est mort et n’est pas au courant, parce qu’il n’a pas Internet. Il a dans son répertoire une chanson rigolote sur les chanteurs morts, à la fin de laquelle il se présente comme « le seul chanteur mort encore un peu vivant ».

Corbier est prodigieusement sympathique. Archéo-chansonnier et gibier de potence (son pseudonyme est une déformation du vrai nom de François Villon, François de Montcorbier), il porte gaiement ses refrains anars, sa chemise noire, son swing à la guitare, sa gouaille douce, ses amours risibles et ses gentilles satires anti-nucléaires, ses micro-chansons de trois secondes (et voici la chanson du pompier qui repeint un pont. Attention, une, deux… Peint ! Pont ! C’est fini) et ses blagues rodées mille fois (Pardon, je suis en retard, je me suis perdu en route… J’ai demandé mon chemin à un agent, il m’a dit, mais, c’est vous ? c’est vous ? c’est bien vous ? Je vous connais, je vous regardais quand j’étais petit, vous étiez dans Dorothée ! J’ai répondu, euh, non, pas tout à fait, j’étais à coté…) Parfaitement insoucieux de toute ringardise, il n’est par conséquent pas ringard pour un poil.

Pourquoi je raconte Corbier sur un blog dont la fonction est plutôt de purger mes états d’âme d’auteur en résidence ? J’y viens. À un moment donné, Corbier nous dit : « Il y a deux sortes de chanteurs. Il y a les juke-box, qui ont derrière eux un stock de chansons connues et martelées par les radios, qui montent sur scène pour les rabâcher à l’identique, le public est content, il a entendu la même chose qu’à la radio, et le juke-box a bien gagné sa vie. Et puis il y a les autres, qui sans vraiment gagner leur vie chantent dans des petits lieux comme celui-ci [le bistrot était particulièrement bruyant, les mangeurs et les buveurs concurrençaient le chanteur en décibels, parfois jusqu’à la pure et simple impolitesse], ils chantent leurs chansons que vous connaissez, ou pas, peu importe. Je suis de cette catégorie. Je chante encore parce que j’aime ça » .

Je sens que je suis de la même catégorie. Je me verrais bien, voilà tout le mal que je me souhaite, écrire et chanter encore à 65 ans mes chansonnettes que personne n’écoute, tout seul au fond de ma fumerie, pour un public de vieux Chinois. Les derniers albums de Corbier ne sont pas distribués. Ils sont en vente exclusivement par correspondance sur son site personnel, ou alors en direct sur les lieux de concert. Vous savez ce qu’elle vous dit, l’auto-édition ?

Londonomètre : mille à l’aise, mais pas sûr ça tienne à la relecture demain.

Pieds nus sur la TerreNoire

17/06/2011 Aucun commentaire

Service consommation, bonjour. L’heure est grave. La transaction commerciale devient, on le sait, la norme du rapport interindividuel, et l’humanité est refaite, littéralement, sa nature changée, sans pitié pour qui n’est pas représentant de commerce. Qu’est-ce qu’il te reste à vendre, misérable ? La révolution aurait des raisons d’être gratuite.

Le blog du Fond du tiroir, tant qu’il durera bonan-malan, aura au moins un mérite : celui de témoigner des faits et gestes d’un activiste de la micro-édition, loin du grand marché de la pâte à papier, mais proche de la schizophrénie. C’est-à-dire qu’il aimerait bien que vous achetiez ses livres, mais qu’il n’a pas grande envie de vous les vendre. Étant donnée l’atmosphère qu’en commun l’on inhale et exhale, faire des livres et n’avoir rien à vendre sont deux positions de principe, deux actes de résistance au décervelage, deux ambitions nobles hélas incompatibles : double bind.

Ma sinistre vie de VRP l’hiver dernier (oh j’en ai encore les dents qui grincent, plus jamais ça, tant pis, je préfère encore endurer la pyramide de cartons dans mon garage, pour ceux qui suivent) aura eu, quant à elle, au moins un avantage : elle m’a aussi permis de rencontrer, presque par hasard, des gens à qui je n’avais rien à vendre, et à qui je n’ai rien acheté. Et c’est ainsi que nous avons échangé. J’aime passionnément le troc.

Alors que j’errais sur les pentes de la Croix-Rousse à Lyon, à la recherche de libraires susceptibles d’accueillir avec bienveillance mes publications, je suis tombé sur l’atelier TerreNoire éditions et sa vitrine agressive, subversive, combative et cependant décorative. Je connaissais et estimais déjà le collectif TerreNoire, éditeur incorruptible de livres « faits à la main par des chômeurs, par des précaires dans des conditions précaires », militant on-ne-peut-plus radical, sciemment sérieux comme la mort pour « En finir avec la défiance systématique à l’égard d’autrui, l’ironie pathétique, le second degré branché, les poses rebelles adulescentes, les prétentions artistiques », éditeur, entre autres misfits,  d’Ivan Brun que je tiens pour l’un des auteurs de bandes dessinées les plus puissants et originaux du néo-royaume de France. J’ai poussé la porte, j’ai discuté avec Lionel Tran, l’une des têtes pensantes du repère, et voilà : nous avons troqué nos ouvrages. Un J’ai inauguré IKEA contre une sélection de leurs brûlots maison, insidieux comme une affiche situ, et artisanaux comme un cocktail Molotov.

TerreNoire est à ce point en marge de la société marchande que beaucoup de leurs livres sont, partiellement ou totalement, en téléchargement gratuit – faites le détour, il y a là quoi de quoi passer quelques bonnes heures de remise en forme politique. Espérons que la gratuité, revendiquée comme partie intégrante du projet, ne dissuade personne de commander les ouvrages en chair et en os, pour la survie de ces trouble-fêtes (double bind toujours). Je préconise spécialement leur Dictionnaire des marques déposées et des mots privatisés, la démonstration est redoutable, on le lit et on se dit merde, bien sûr que je connais tout ça, que s’est-il passé, mes mots ne sont plus à moi, j’ai du poison dans la tête.

L’une de leurs collections les plus étranges, les plus stimulantes esthétiquement et narrativement en plus d’être une matière à penser de première catégorie, est le comix intitulé Socio. Cette série de fascicules (cinq livraisons en trois ans) est un détournement manifeste des comics de super-héros américains, et plus spécifiquement de leurs traductions les plus cheap, celles que nous lisions enfants, les petits formats tout moches Aredit/Artima, noir et blanc sur papier journal spongieux, avec lettrage mécanique, caractères gras aléatoires, et redécoupage des vignettes à la serpe.

Les codes super-héroïques y sont respectés (le héros mène une double vie, le bien donne de grands coups de lattes au mal dans des combats outrageusement bavards…), ainsi que les modes de conception (travaux d’écriture et de dessin par un collectif constamment renouvelé, comme dans les chaînes de montage Marvel – on a notamment vu passer la signature de Fabrice Neaud pour un épisode), les graphismes 3D vous agressent par leur touche anonyme, industrielle et, il faut le dire, assez repoussante (sans doute volontairement)… Mais il ne s’agit ni d’un plagiat, ni (encore moins, on n’est pas là pour rigoler), d’une parodie.  C’est, disons, une subversion du super-héros. Le discours est stupéfiant, passionnant, éminemment politique puisque l’environnement hostile dans lequel s’ébattent les personnages est familier, c’est notre société libérale « avancée » à peine exagérée, disons anticipée. Bienvenue à Epura.

Contrairement au New-York des X-Men, Epura est un monde infernal seulement parce que c’est le nôtre. On y subit le martèlement publicitaire, la collusion entre le pouvoir et les puissances d’argent, le chômage de masse, la précarisation généralisée, l’atomisation sociale et la ghettoïsation par classes, la violence légitimée, la consommation comme horizon, le marketing comme way-of-life (au passage, l’anglomanie rampante du vocabulaire), le viol cynique du sens des mots (la zone insalubre avec HLM clapiers, poubelles et vidéosurveillance s’appelle « Quartier Bien-Être »), la traque aux « sans-pass » bouc-émissaires mais main d’œuvre bon marché (le « pass » universel d’Epura sert de carte à la fois d’identité et de crédit, puisque c’est un peu la même chose), la peur comme ressort politique, l’éradication de la moindre niche pour l’esprit ou la connaissance, la décrédibilisation de toute possibilité d’opposition,  la haine, le mépris, le mensonge, l’obscurantisme, la guerre de tous contre tous… Outré, le tableau ? Oh que non, on y est, on y est presque ! La récente psychose délirante de Concombre-qui-tue et de son sidekick Steak-haché-de-la-mort était par exemple étonnement anticipée dans le quatrième épisode de Socio, où la mort d’un enfant après intoxication alimentaire présumée est montée en épingle par les medias et instrumentalisée par les politiques – diversion.

Le thème général de la série est l’aliénation, terme qui se fait rare depuis que les études marxistes sont désaffectées. Le héros est un spécimen pathétiquement aliéné du nom d’Alexandre Souché, loser gras du bide, binoclard et dépressif, diplômé d’un master en sociologie et travaillant depuis dix ans comme serveur dans un fast food. À la suite d’un accident aussi miraculeux qu’une morsure d’araignée radioactive, il se retrouve propulsé dans l’envers du décor : « l’Indicible », dimension où seules les idées existent (on soupçonne les auteurs d’avoir emprunté le concept au Promethea d’Alan Moore, c’est de bonne guerre). Dans ce monde-là, Alexandre devient « Socio », le super-héros qui « démantèle les rouages sociaux ! », et tout en citant Chomskiy affronte ses adversaires, de monstrueux « super-vilains » incarnant les instances aliénantes, les véritables menaces qui pèsent sur le monde et sur les esprits : le rachitique  Haine de soi, le boulimique Plus, l’odieuse Viol psychique (dont la tête reproduit le chat horriblement mignon de « Hello Kitty », cette merde), le conquérant Ego à la bite turgescente et démesurée, la vieille bodybuildée Hédonisme, la sèche grosse tête Masturbation mentale

Moi qui, d’une part, ai appris à lire dans Strange et qui étais Spider-man à fond jusqu’à un âge avancé ; qui d’autre part ai fait des études de sociologie, également à fond, jusqu’à un âge encore plus avancé (25 et mèche), bardé de diplômes démonétisés sur le marché de l’emploi mais riche d’une formation irremplaçable sur l’appréhension des processus sociaux (en gros, voici l’idée qui change tout : l’état présent des choses a une raison, une origine, une organisation, il n’est ni fatal ni naturel ni incompréhensible, bref il peut se penser, se discuter, voire se combattre) ; moi qui frémis aujourd’hui quand j’entends un abruti UMP proposer la suppression pure et simple des filières socio et psycho qui « ne mènent à rien », moi qui, paranoïa oblige, y vois l’une des phases du plan délibéré d’abrutissement du monde par ses maîtres… Je salue cette salutaire création graphique, qui pense le monde en BD trash et donne une forme populaire à ce qui se passe dans nos têtes. Je prends Socio de plein fouet.

Ouaip, je le prends. Socio, c’est mon héros. À fond.

***

Par ailleurs et plus globalement, l’époque est rude aux tenants de l’auto-gestion, des initiatives a-commerciales ou in- ou dé- ou à la rigueur para-commerciales, et de la bande dessinée dite alternative. Les Requins Marteaux sont au bord du gouffre financier en dépit des multiples chef-d’œuvres à leur catalogue, dont le Pinocchio de Winshluss ou le supernanar Villemolle du même, croisement selon son auteur « entre Rohmer et Romero ». Il est donc temps, ou jamais à proprement parler, de leur passer commande – sachant, tant pis pour vous, que le Boulon du bonheur est épuisé. (Anecdote spéciale Requins Marteaux : le nom de l’un des protagonistes de mes Giètes, le maire Balloni, est un hommage à Franky Baloney, impayable rédacteur en chef de Ferraille Illustré, incarnation de la démagogie souriante, matoise et un peu ringarde – pile ce dont j’avais besoin pour mon édile, du prêt-à-porter, merci pour tout Franky, bisous.) Et ça barde sévère du côté de l’Association, ce berceau historique de la bande dessinée telle qu’on l’aime. JC Menu, autocrate génial, mais autocrate, a fini après des mois de conflit, par claquer la porte, contesté par les autres membres fondateurs de retour dans la place. Une page, comme on dit pudiquement, se tourne. Heureusement, le tampographe Sardon va bien, c’est à dire qu’il va sans doute mal, enfin il est fidèle à lui-même, exemplaire du petit artisanat anarchiste anti-commercial et son blog reste l’une des choses les plus affreusement drôles qu’on peut lire en flux RSS.

Dr Haricot, de la faculté de médecine de Paris

18/01/2011 2 commentaires

C’est peu dire que j’aime les éditions du Pré#Carré (« Visitez leur blog ! Il est très intéressant ! »). J’aime les gens têtus, d’abord. Ceux qui façonnent leur propre liberté et tant-pis-pour-leur-gueule, ensuite. Ceux qui oeuvrent pour rendre le monde un peu moins tarte, enfin. Le gars Hervé Bougel est de ces trois catégories. Écrivain tourmenté et cependant rigolo (je recommande chaleureusement ses Pommarins, édités aux Carnets du dessert de lune), il est aussi depuis une quinzaine d’années cet éditeur de poésie farouchement indépendant et autocratiquement exigeant, qui imprime, coud et couvre à la main ses petites plaquettes chéries. Mon genre de beauté.

Entre le Fond du Tiroir et le Pré#Carré existent non seulement de solides liens de camaraderie et de fraternité (dans certains milieux interlopes, on nous surnomme « la rhubarbe » et « le séné », je vous laisse extrapoler qui est quoi), mais également des livres, nés de nos complicités. Deux opus du FdT sont ainsi fortement redevables à leur glorieux aîné. Le saviez-vous ? Le Flux fut d’abord conçu pour être publié dans un ouvrage collectif (jamais achevé) du Pré#Carré, tandis qu’ABC Mademoiselle n’existe que parce qu’Hervé eut le bon goût de me présenter mademoiselle Marilyne Mangione.

Depuis longtemps, je rêvais de publier un petit quelque chose au Pré#Carré (certains se fantasment chez Gallimard ou au Seuil, chacun son truc). C’est chose faite, dans la série « Un pas à la fois » qui, selon la présentation de l’éditeur, est « une collection de lettres adressées par des auteurs à d’autres auteurs, sous un format enveloppe. Imprimées sur papier ivoire, reliées par un brin de rafia, elles sont proposées dans une enveloppe de couleur.»

Hervé me propose un beau jour : « Si tu devais écrire une lettre à un écrivain que tu admires, ce serait à qui ? »

Ce serait au Dr haricot, bien sûr. Ceux qui ne voient pas de qui je parle n’ont pas lu D’un château l’autre, et tant pis pour eux.

L’élégante épître intitulée Dr Haricot, de la faculté de médecine de Paris, en souscription sous ce lien, paraîtra sous pli discret au mois de mars.

Rien à voir, mais le flux d’informations est tel qu’on mélange fatalement carpe et lapin. Bon appétit ! L’actualité du monde étant globalement sinistre, je me fais un devoir de relayer sur mon blog au moins une bonne nouvelle.