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Paréidolie (ou : Mes aventures audiovisuelles)

09/09/2015 Aucun commentaire

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Traquer la figure humaine partout-partout : définition possible de la paréidolie. Un trou dans le mur ? Un outil ? Un panneau de signalisation ? Un légume ? Une tache à la Rorschach ? L’affaire est faite : ici deux yeux et là une bouche, bonjour smiley. L’australopithèque déjà cherchait son double dans les cailloux, témoin le galet de Makaspangat. Cette chasse à l’interlocuteur qui brisera notre solitude est plus forte que nous. La nature s’offre dans son infinie diversité mais illico c’est un selfie que nous identifions dans les nuages, dans un légume, sur les tâches d’humidité, sur le sable dévoilé par la vague, sur les nœuds du bois, sur les traces de pneu, sur la radio des poumons, jusque sur la planète Mars (ou sur une sonde qu’on lui envoie, visage sur le visage), ou pourquoi pas en pleine face des gens, j’écris ton nom, être humain.

Les plus atteints, les plus anxieux de rencontres, ou les plus avides de merveilleux iront jusqu’à reconnaître formellement Jésus sur une barre chocolatée ou sur un suaire, la Sainte Vierge sur un croque-monsieur, voire Mahomet dans une caricature (mais ça c’est interdit).

Circonscrire l’humain, de préférence sans l’enfermer. Qu’est-ce que l’humain ? Réponse objective : un animal. Réponse intuitive : c’est moi. Si le mètre étalon de l’espèce humaine est chacun de nous, c’est en miroir que l’on transforme le moindre paysage, c’est en se cherchant soi-même que l’on examine un mur ou une fleur, l’histoire ou la géographie. Ou que l’on écoute Francis Poulenc.

Je médite ces idées fort lointaines, je les rapproche de moi. Je les écris… Je tâche de m’y reconnaître. Les mots aussi recèlent des visages.

Et puis un jour je me frotte à l’audiovisuel, et ma propre figure devient une image, une d’aujourd’hui, faite pour être vue sur écran. Expérience étrange et banale, plus ou moins excitante et frustrante. Je ne suis pas très à l’aise, je le crains.

Tiens, tel jour par exemple, je participais à un salon du livre imaginaire, et j’en profitais pour donner avec Olivier Destéphany un extrait en duo de Vironsussi. Une équipe de France 3 Rhône-Alpes filmait, et en a tiré un petit sujet qu’on peut voir en cliquant ici. La journaliste est restée sur le salon plusieurs heures, elle m’a longuement interviouvé. Hélas, elle n’a quasiment rien conservé de ce que je lui ai dit, mais c’est la règle du genre. Notamment, j’aimais bien une de ses questions :
« Comment se fait-il que le thème du loup-garou soit indémodable dans la littérature fantastique ?
– C’est parce que l’être humain est un animal. Un animal singulier bien sûr, un animal incontestablement supérieur puisqu’il est le seul capable de faire exploser la planète… mais un animal tout de même, un grand mammifère à sang chaud, avec des instincts, de la violence, de la sauvagerie. Le mythe du loup-garou est très pratique pour parler de ça, pour assumer notre part animale ou pour la réfuter… »
J’étais drôlement content d’avoir improvisé cette tirade, dommage qu’elle ait disparu dans les archives de la demoiselle. Subsistent, pour le téléspectateur, deux yeux qui roulent et une bouche qui braille et murmure : ma trogne cabotine. Smiley !

Tiens, tel autre jour, bis repetita, j’étais pourtant resté chez moi mais j’avais répondu à domicile à des questions devant une caméra descendue exprès de Paris pour capter mes intentions en littérature jeunesse – c’était pour la série Dans les petits papiers de… commanditée par la Charte des Auteurs Jeunesse dont j’ai l’honneur d’être membre. Pendant l’interview je me suis trouvé si nul que c’en était effarant. Je n’exprimais rien du tout, je bafouillais, je regrettais de n’avoir pas plutôt une feuille et un stylo pour réfléchir à loisir, je me jugeais bien indigne de l’intérêt que me témoignait si gentiment la Charte… Je me suis demandé ce qu’il resterait de tout cela sur l’écran. La réponse est arrivée quelques mois plus tard : sur le fond, quelques fragments d’idées mises bout à bout grâce à un montage bienveillant ; sur la forme : mon visage. Deux yeux une bouche, quelques autres accessoires. Ah, tiens, c’est donc moi ça ? Une figure humaine, c’est déjà bien.

 

C’est doux d’être aimé par des gens intelligents

16/01/2015 Aucun commentaire

Affiches 16 janvier 2015

Hier j’ai mangé dans un kébab (je sais, c’est pas bon pour la santé). Comme l’après-midi était déjà bien avancé, j’étais seul dans la boutique et j’ai pas mal discuté avec le patron. De quoi aurions-nous discuté, sinon de « ça » ?
Il m’a dit des choses comme : « Moi, je suis algérien, je suis là depuis six ans. Je suis musulman, j’ai la foi, et les terroristes, là, je ne les comprends pas. C’est un beau pays, la France, il y a tout ce qu’il faut pour vivre. Si je suis parti d’Algérie, c’est parce que depuis 25 ans les islamistes font la même chose que ceux de Charlie en France, ils ont égorgé des journalistes par dizaines, des chanteurs, des hommes politiques, des femmes aussi, tous ceux qui ne sont pas d’accord. C’est ça qu’ils veulent ? Ils ne savent pas ce que c’est, l’islam. Je fais le djihad, moi, parce que je sais ce que c’est le vrai « djihad », ça veut dire « le combat », c’est le combat quotidien, ça consiste à se lever le matin, à travailler, à aimer ses proches, à méditer, à chercher la paix. »
Le lendemain matin, j’ai raconté cette conversation à la table du petit déjeuner, et je me suis remis à pleurer. Je croyais pourtant que j’avais suffisamment pleuré, que je n’avais plus de larmes. Il m’en reste.
C’est beau, la sagesse du kébab.

Et à l’instant, dans le tramway, un gars m’aborde gentiment : « Excusez-moi… On vous a déjà dit que vous ressembliez à Cabu ? »
Ben oui, depuis quelques jours ça m’est arrivé une ou deux fois, jamais avant. C’est sûrement la coupe de cheveux.

Difficile de cesser, sinon d’ « être » Charlie, du moins de penser et de parler Charlie… Le 7 janvier, nous avons basculé d’une époque dans l’autre, il va nous falloir un temps d’ajustement.

Pendant ce temps les livres continuent de paraître et, heureusement, d’être lus. Grand merci à Jean-Louis Roux pour sa fine critique (ci-dessus) de Vironsussi parue dans les Affiches du 16 janvier.

Et puis sur le même sujet, lundi 19 janvier sera diffusée à la radio une interview de ma pomme par Jean Avezou, à 11h12 et 19h12 sur RCF Isère (103.7 à Grenoble et 106.8 à La Côte Saint André). Grâce à l’amabilité de RCF (merci beaucoup) et à la diligence de mon web-maestro, cette émission est pod’castable ici même.

Remettez-moi encore deux ou trois voeux c’est pour emporter

02/01/2015 Aucun commentaire

FMP5

Chères personnes,

Bonjour-la-bonne-année, que 2015 vous soit etc. etc. très sincèrement etc.

L’an 15 en ce qui me concerne débutera par deux spectacles littéraro-musicaux, à trois jours d’écart, forts différents, mais où je mouillerai ma chemise en direct. Votre présence à ces deux happenings me ferait plaisir. Je vous invite à réserver une soirée, ou l’autre, ou les deux.

* le dimanche 18 janvier à 18h, j’aurai la joie de ressusciter un spectacle qui après avoir pas mal voyagé entre 2008 et 2013, sommeillait depuis deux ans : Les Giètes, d’après le roman du même nom, adapté pour la scène avec Christophe Sacchettini.
Lecture musicale tout terrain et en duo, se prêtant volontiers aux contraintes du « Spectacle en appartement », ce Giètes-revival sera donné au domicile même dudit Christophe Sachettini, à Grenoble, et selon les modalités désormais quasi-traditionnelles des prestations présentées dans ce cadre, « Les dimanches du 8502 » : le spectateur paye au chapeau (10 euros par tête de pipe, c’est bien) et apporte un quelque-chose à manger ou à boire pour partager et se remettre des émotions.
Jauge bien sûr très limitée, donc réservation impérative auprès de Marie ou de Christophe.
Des précisions sur le spectacle ici.
Attention : comme pratiquement toutes les représentations précédentes de ce spectacle, celle-ci sera la DERNIÈRE ! L’ultime. La finale. Cette fois c’est vrai. Ne la ratez pas.

* le mercredi 21 janvier à 20h : Vironsussi, alias « Fais-moi peur, Saison V » sera présenté à l’auditorium l’Odyssée (Eybens). Je me produirai avec Olivier Destéphany, Christine Antoine, et l’orchestre Les Aventuriers de l’Archet Perdu au grand complet.
Il s’agit de la version scénique du livre-CD baroque et fantastique « Vironsussi » dont nous fêterons la sortie pour l’occasion.
Le spectacle est gratuit et, a priori, l’auditorium comptant 310 places, réserver n’est pas indispensable. Seulement prudent.
Des précisions sur le livre ici.

(J’ai conscience que le concurrence sera rude puisque ce même mercredi 21 janvier à 20h, le CCC de Grenoble proposera la version restaurée de Change pas de main)

Vous êtes encore là ? Vous n’avez pas décroché de cet interminable curriculum ? Dites donc, vous êtes endurant, félicitations, un jour de gueule de bois, en plus. Vous avez bien mérité un peu de Modiano. Puisque nous sommes là entre nous, à deviser gentiment littérature contre musique (« tout contre »), je vous invite à lire le beau discours de Modiano, récipiendaire Nobel. Car il y déclare notamment :

Cette relation intime et complémentaire entre le romancier et son lecteur, je crois que l’on en retrouve l’équivalent dans le domaine musical. J’ai toujours pensé que l’écriture était proche de la musique mais beaucoup moins pure que celle-ci et j’ai toujours envié les musiciens qui me semblaient pratiquer un art supérieur au roman – et les poètes, qui sont plus proches des musiciens que les romanciers. J’ai commencé à écrire des poèmes dans mon enfance et c’est sans doute grâce à cela que j’ai mieux compris la réflexion que j’ai lue quelque part : « C’est avec de mauvais poètes que l’on fait des prosateurs. » Et puis, en ce qui concerne la musique, il s’agit souvent pour un romancier d’entraîner toutes les personnes, les paysages, les rues qu’il a pu observer dans une partition musicale où l’on retrouve les mêmes fragments mélodiques d’un livre à l’autre, mais une partition musicale qui lui semblera imparfaite. Il y aura, chez le romancier, le regret de n’avoir pas été un pur musicien et de n’avoir pas composé Les Nocturnes de Chopin.

L’intégralité du discours est ici.

Au revoir, et la-bonne-année.

Fabrice

Post scriptoum : si vous avez lu ce message jusqu’au bout, je vous remercie chaleureusement. Vous m’épatez, je vous félicite derechef. Pour vous récompenser, une info supplémentaire : ce mois de janvier est également marqué, pour moi, par la parution d’un album intitulé Fatale Spirale chez Sarbacane (ill. Jean-Baptiste Bourgois). Je serai présent dans l’excellente librairie les Modernes (6 rue Lakanal à Grenoble) le samedi 10 janvier à partir de 14h pour le présenter au public, rencontre, dédicace, lecture, tout le bazar. Ici encore, vous serez les bienvenus.

Fauve

22/12/2014 2 commentaires

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Les souscripteurs ayant désormais reçu leur exemplaire (merci Yv pour la première recension) de notre roman musical augmenté de sa bande-son sur CD, nous pouvons mettre fin au suspense et lever le voile ci-dessus sur la vraie de vraie couverture définitive de Vironsussi : ni rouge ni grise ni bleue ni verte, tout compte fait elle nous arrive fauve, nuance honeupeuplu appropriée pour notre conte de bête sauvage.

Comme nombre d’autres coups de théâtre ayant émaillé une longue aventure éditoriale, cette idée de dernière minute (la maquette était sur le point d’être envoyée à l’imprimeur) a surgi lors d’une séance de montage-de-bourrichon à deux, entre Olivier et moi, dans une salle de répétition de musique (une autre de ces « sessions de travail » fut relatée ici) :

Moi – Alors, cette couve ? Il est temps de trancher, là.
Lui – Ben je sais pas. La grise a l’air de faire consensus, non ?
Moi – Le consensus on s’en cogne. Faut choisir celle qui nous plaît.
Lui – Heu… La rouge ou la grise.
Moi – La rouge, ou la grise ?
Lui – Quoique la bleue… Elle n’est pas mal, la bleue.
Moi – On n’avance pas. Et que dirais-tu d’orange ? C’est ma fille qui a suggéré orange hier, j’ai d’abord trouvé ça bizarre mais plus j’y réfléchis plus je crois que c’est une bonne idée.
Lui – (grimaçant) Orange ?
Moi – Okay. J’ai compris. T’es pas fan.
Lui – (accentuant sa grimace, visualisant je ne sais quel papier peint des années 70) Tu veux dire, orange, orange ?
Moi – Je veux dire orange fauve, flamboyant, orange qui brûle les yeux, pas fluo mais chaud, tirant sur le brun…
Lui – Par exemple, dans ce genre-là ?… (tapotant du doigt le bois d’une des nombreuses contrebasses au garde-à-vous contre le mur de la salle de répétition)
Moi – (écarquillant les yeux façon Eureka) Le bois de la contrebasse… Mais comment n’y a-t-on pas pensé avant ?

Ni une ni deux, Olivier photographie le dos orangé de sa contrebasse, vieille d’un siècle et demi et couverte d’expressives rayures balayant les motifs ligneux le long de la table, comme si un vironsussi s’était soudain crispé, agrippé à son instrument (« Les ongles de ma main gauche ont égratigné le bois. » Vironsussi p. 149), et il envoie l’image à Patrick. Patrick adopte immédiatement l’idée, recompose sa maquette de couve, l’expédie chez l’imprimeur, et en voiture jeunesse et roulez Simone.

Vous n’aurez donc plus la surprise de la couleur en commandant ce livre. Que cela ne vous empêche pas de le commander. Il ne se réduit pas à sa fauvitude de façade, vous en verrez d’autres, et de belles, et entendrez.

J’aime le hurlement du vironsussi le soir au fond des bois

12/12/2014 Aucun commentaire

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Vironsussi, le très attendu ([Par qui ?], comme dirait Wikipédia) livre-CD du Fond du Tiroir, est enfin disponible. Je le tiens entre mes mains et il me réjouit le coeur. Je sens mon poil qui pousse, mes canines qui enflent, mes oreilles qui s’effilent, mes ongles qui pointent. Je ne détaille pas le reste, mais bref tout grandit. J’ai une de ces envies de hurler à la lune, moi. Par surprise, l’ouvrage nait revêtu d’une tout autre couleur que celles envisagées précédemment. Alors ? Alors ? Il ressemble à quoi, finalement ? Suspense !

Les souscripteurs découvriront son teint incessamment, en recevant leur exemplaire dans leur boîte aux lettres. Vous avez encore allez disons deux trois jours quatre maxi pour profiter de la promo de souscription (nous vous faisons grâce des frais de port, téléchargez le bon ici) et recevoir votre exemplaire avant Noël. Après quoi, certes il vous sera toujours loisible de commander le luxueux objet, mais en passant par le bon de commande du Fond du Tiroir.

Pour fêter dignement ce considérable événement littéraire et musical, Télérama, le magazine préféré des bobos, a décidé de consacrer sa une à un portrait du co-auteur et compositeur de cette œuvre épouvantable, j’ai nommé M. Olivier Destéphany. Remarquons que Télérama a tellement de flair que la couverture du journal reproduite ci-dessus, sur laquelle Olivier souffle dans son trombone, date de juin 1991. C’est beau, c’est même beau-beau, d’être à ce point en avance sur son temps.

Noël-Noël est-il le fils caché de Lola Lola et Humbert Humbert ? Et sinon, quoi ?

05/12/2014 Aucun commentaire

Franquin

Pour le plaisir, je reproduis un dessin d’André Franquin. J’admire Franquin avec constance depuis une bonne quarantaine d’année, soit depuis l’instant crucial où, à peine capable de me tenir assis tout seul sur mon derrière, je fus (je me revois) saisi soudain par l’intuition que la destruction par mâchouillage n’était pas le seul usage possible de l’objet « livre » qu’une grande personne avait placé entre mes mains. Depuis lors, jamais je n’ai vu un mauvais dessin de Franquin. Je ne connais que le trait toujours bienveillant de Franquin, expressif, drôle (alors que l’homme était dépressif chronique), généreux, humaniste… Franquin est nourrissant. On puise dans son dessin une joie sans cesse renouvelée, une évidence, une justesse, une souplesse qui est aussi souplesse de l’esprit, on puise tout ce qui semble couler de source mais qui en réalité provient d’un travail acharné, d’une pratique quotidienne. La maîtrise sereine mêlée à la recherche perpétuelle (comme chez Moebius ou Crumb, deux similaires passions de longue durée). Un grand artiste. Une humilité maladive, avec ça.

Pour le plaisir, je reproduis CE dessin d’André Franquin. Autoportrait expéditif, crobard modeste et cependant merveilleusement représentatif de son art. Le contexte a beau être poignant voire funeste (Franquin se remet alors de son premier infarctus – quelques années plus tard, le prochain aura raison de lui), ce dessin est un memento mori plein de grâce, d’esprit, de vie même, de profonde légèreté, de métaphysique-pour-tous, qui rendrait des points aux variations sur le même thème par les maîtres de la Renaissance.

Je constate que je me suis laissé déborder… Je voulais procéder comme d’habitude, glisser une illustration sans rapport direct avec mon propos, et sans prendre le soin d’expliciter le lien, débrouillez-vous lecteurs, je vous tiens pour intelligents… Mais ce matin, pour une fois, l’exégèse du dessin a pris le dessus, j’en ai finalement écrit deux paragraphes. C’est parce que j’aime Franquin. (Sous ce lien, une mise en scène maison, autre hommage à un gag de Franquin.)

Revenons tout de même au sujet. Or quel est-il ?

Il est plus tard que je ne croyais. Le temps vole : c’est un oiseau, c’est un voleur.

Deux ans que je n’avais pas publié de livres. Je rattrape en vitesse, avec un doublon, un doublet, un doubli, un double-clic, deux livres en quinze jours. Des faux jumeaux, comme en 2010.

* Vironsussi, avec Olivier Destéphany et Romain Sénéchal, Le Fond du Tiroir, décembre 2014 (op. 15)

* Fatale spirale, avec Jean-Baptiste Bourgois, Sarbacane, janvier 2015 (op. 16)

Tous deux sont calés, chez l’imprimeur, cordon coupé, je ne peux plus corriger, je peux toujours me gratter. Ils ne se ressemblent pas tellement. Je sais de moins en moins quoi répondre quand on me demande Vous faites quoi comme genre de livre, aucune idée, un livre après l’autre, pas très vendeur l’absence de genre. Ces deux-là je leur cherche des points communs… À première vue je n’en trouve qu’un, peu significatif : ils contiennent tous deux l’expression « œil pour œil dent pour dent ». Je suis le maître es-Talion, ou quoi ?

Concernant l’arrière-boutique au Fond-du-Tiroir, sachez que la souscription de Vironsussi a relativement bien marché : plus de 30 souscripteurs à ce jour, merci à eux. Le livre atteindra son seuil de rentabilité au bout de 230 exemplaires écoulés, c’est dire si nous ne sommes pas encore extraits des ronces (certes on a fait pire : certains titres antérieurs, comme La Mèche ou L’Échoppe n’ont remboursé leurs frais de fabrication qu’au bout de plusieurs années ; d’autres comme ABC Mademoiselle ou Lonesome George n’y parviendront a priori jamais…), donc continuez à remplir et renvoyer le bon de souscription, braves gens ! Et vous recevrez avant Noël un bel ouvrage augmenté de son CD. En déballant le paquet, vous découvrirez en outre et en exclusivité la vraie couleur de sa couverture, différente des quatre précédemment envisagées… Encore plus belle, je ne vous dis que ça. Les non-souscripteurs ne savent pas ce qu’ils perdent. C’est même à cela qu’on les reconnaît.

Nuancier automne/hiver

20/11/2014 un commentaire

Couverture
Couverture

 Couverture

Couverture

Je me tâte. Qu’enfiler pour sortir ? Je m’habille et me déshabille, je prends la pose devant la psyché. La couve du prochain livre… En gris ? En vert ? En bleu ? Que convient le mieux à sa carnation ? Vous avez le droit de voter, mais seulement si vous êtes inscrits sur les listes électorales – pour cela, remplir le bon de souscription.

C’est excitant, les finitions. Autant que les prémices. Entre les deux, une course de fond – deux ans d’endurance, en l’occurrence. Deux ans que je n’avais pas publié de livre. Vous je ne sais pas, moi ça m’a manqué. Enfin, il est prêt. C’est un roman. De genre, en plus. Genre : épouvante. J’ai déjà fait à son propos l’éloge de la série B, mais voilà que, pour abonder dans l’éloge du fantastique, je viens de tomber, exactement comme on déniche à la dernière seconde l’épigraphe qui cerisera le gâteau, sur une citation de Tolkien qui me plaît énormément : Pour réprouver la littérature d’évasion, il faut être un peu geôlier sur les bords.

J’ai cueilli cette profonde sentence durant une lecture revigorante que je recommande à chacun toutes affaires cessantes : le manifeste de Neil Gaiman, Pourquoi notre futur dépend des bibliothèques, de la lecture et de l’imagination. Gaiman l’a rédigé parce qu’il est préoccupé par une certaine tendance des pouvoirs publics, enclins en Angleterre (et très bientôt en France, je le crains) à prendre prétexte de la crise-partout-partout et de leurs dettes pour abandonner les bibliothèques, réduire leurs dotations, voire les fermer purement et simplement… L’argent manque, alors on sacrifie l’esprit : on vise la tête. Bang ! Choix politique effarant (quoiqu’il serait cohérent dans un pays dont la Ministre de la Culture avoue sans manière qu’elle n’a pas lu un livre depuis deux ans). Merci à l’éditeur de ce texte, Au diable vauvert, de le donner à lire gratuitement.

(Dans ce même texte, Gaiman confesse une funeste erreur : avoir mis trop tôt entre les mains de sa fille des romans de Stephen King, au risque de la traumatiser… L’anecdote me rappelle quelque chose… Attention, lecteurs ! Vironsussi n’est pas un livre pour enfants ! Pas du tout non non.)

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09/11/2014 2 commentaires

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L’enregistrement du versant musical de Vironsussi, prochain livre du Fond du tiroir, est terminé. Encore toute notre gratitude à Norbert Pignol, et à tous les musiciens impliqués, très impliqués même. On vous en offre un échantillon : une prise alternative du duo Destéphany/Vigne à écouter ici même. Le chasseur et le chassé (duo-duel). Document brut non mixé, hein. La version gravée sur le CD sera sensiblement différente, un peu plus longue, sans bafouilles et avec plus de reliefs, de cris et de chuchotements… mais déjà, ça donne une idée de ce que nous tentons de faire.

L’enregistrement… Okay. Le roman… Okay. La mise en page… Okay. Les illustrations… Presqu’okay. (courage, Romain ! Tu vois le bout !) Reste à faire tout ce qui coûte beaucoup d’argent : le mixage, la gravure de la galette, l’impression du livre.

Donc, on a besoin d’argent. Donc, faites chauffer sans tarder le carnet de chèques, ou un vironsussi viendra vous dévorer cette nuit pendant votre sommeil. Donc, imprimez le bon de souscription, remplissez-le, joignez un chèque de 25 euros seulement (port offert aux souscripteurs), adressez-nous l’ensemble dans les plus brefs délais, puis trompez l’impatience en lisant par exemple d’autres livres, moins palpitants mais on fait avec ce qu’on a, avant de recevoir chez vous, vers la mi-décembre, ce volume unique en son genre (promis, il ne ressemble à rien, pas même à un autre livre du Fond du tiroir) agrémenté et augmenté d’un CD contenant sa bande, elle aussi, originale.

192 pages, 15×19 cms, reliure cartonnée, CD en pochette de protection transparente, ISBN 978-2-9531876-8-7.

Henry Cording

27/10/2014 Aucun commentaire

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Toute cette semaine : gaffe à la loupiote rouge SVP, enregistrement en cours.

Olivier Destéphany et moi-même enregistrons, en compagnie d’une tétra-tripotée de musiciens invités, et grâce aux compétences d’ingénieur-son, cyniquement exploitées et outrageusement sous-payées, de Norbert Pignol, le CD qui sera joint au roman Vironsussi (bon de souscription en ligne ici même, sous peu, on ne sait pas trop, disons la semaine après la semaine prochaine).

Ce CD sera constitué de sept pistes. Les six premières, instrumentales, constituent la « bande originale du roman » . L’ultime, d’une durée d’un petit quart d’heure, est un duo entre Olivier (à la contrebasse solo) et moi-même (aux murmures, aux vociférations, aux hurlements bestiaux et chuchotements gutturaux, aux poussées de fièvre, aux postillons expressionnistes et à la littérature). Bref, un authentique morceau de Fais-moi peur comme si vous y étiez. Un quart d’heure de transe pour seulement cinq pages du roman (qui en compte quelques 200) – équation qui nous laisse perplexes lorsque nous nous rappelons avoir envisagé, pas très longtemps mais tout de même, d’enregistrer l’intégralité du livre. Nous étions jeunes et idiots.

Le fruit de ce travail sera également exhibé sur scène le 21 janvier 2015, cochez-moi ça dans votre agenda.

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Norbert et Olivier écoutent le résultat. Et simultanément le regardent, en pleine synesthésie.

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M. Olivier Destéphany, quelques secondes avant sa transformation en vironsussi. Ensuite, on ne l’a jamais revu.

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Le quatuor, à cordes, et à l’oeuvre.

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Mon pupitre, avec le texte, le casque, le micro, et à titre d’inspiration une gravure signée Romain Sénéchal.

Je remonte mon groupe

09/07/2014 4 commentaires

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Le portrait ci-dessus, signé Denis Rouvre, me fait peur. Tout porte à croire que la personne représentée est Fabrice Vigne. Disons que je le sais. Je ne le sens pas. Je me reconnais à peine. Mais qui se reconnaît, qui d’abord se connaît ? L’image n’est pas la réalité, pourtant elle est réelle. Contrairement à ce que prétendent certaines images pour nous égarer, ceci est bien une pipe, ceci est bien une pomme, ceci est bien Fabrice Vigne. La vache.

Forte expérience, passer entre les mains d’un photographe de cette trempe. Quelqu’un soudain vous regarde vraiment, et en sus est capable de montrer comment il vous regarde. J’ai eu la chance de faire partie de l’échantillon de Français dont Denis Rouvre a tiré le portrait en même temps qu’il leur demandait : ça vous fait quoi, ça veut dire quoi pour vous être français, la francitude s’inscrivait sur nos traits et sous le flash, pour un projet intitulé Des Français, Identités et territoires de l’intime. Le projet désormais achevé prend simultanément la forme d’un livre aux éditions Somogy, et d’une exposition visible en ce moment et jusqu’au 21 septembre dans le cadre des Rencontres photographiques d’Arles. L’expo est également déclinée sous la forme d’un film de 35 minutes visible sur le site de Denis Rouvre, au long duquel défilent nos trognes et nos voix.

Les images et les textes y sont saisissants, beaux d’une part, essentiels d’autre part en tant que contribution plurielle et paradoxale au débat le plus moisi de la décennie, celui sur l’identité française. (Le climat social actuel, qui rend possibles divers surgissements de violence identitaire, incite à suspecter qu’un débat sur l’identité n’est pas autre chose qu’une rationalisation du repli identitaire. On sait depuis longtemps, on sait pour rien, on sait sans solution, que identitaire c’est eux, et que l’identité est une panthère féroce et avide de sang.)

Me v’là d’vant vous là, dans mon vieux cuir, mes plis, mes tempes grises. Ne dirait-on pas une rock star sur le retour, rejouant le défi et promouvant l’énième tournée d’adieu de son groupe.

Tiens, puisqu’on parle de Mick Jagger.

Mick Jagger m’a bien fait rire en se prêtant à une promotion à rebours pour la reformation sur scène des Monty Python. Il déclare, pince-sans-rire, « Les Monty Python ? Ils sont encore là ? Oh, non… Qui a envie de payer une fortune pour voir cette bande de vieillards fripés qui ne cherchent qu’à se faire un max de blé et revivre leur jeunesse… D’accord, ils étaient cool dans les années 60, mais là, à rabâcher encore une fois leurs vieux numéros que tout le monde a déjà vus sur Youtube, c’est pas seulement du réchauffé, c’est limite ringard. De toute façon, le meilleur de leur bande est mort il y a des années. » Il enchaîne distraitement en donnant à son assistant la playlist du prochain concert des Stones, Satisfaction, Let’s spend the night together

Mesdames et messieurs, j’ai l’honneur et l’immense joie de profiter de cette conférence de presse pour vous annoncer que moi aussi je reforme mon groupe pour une tournée d’adieu. Le prochain livre du Fond du tiroir sortira cet hiver, en pleine saison du loup, et pour l’occasion j’ai reconstitué le duo originel du FdT canal historique : le sémillant mais désormais bourdonnant Patrick Villecourt, factotum éternel, compositeur des sept premiers titres figurant au catalogue, a accepté de reprendre du service en compagnie de moi-même-dans-mon-vieux-cuir. Les affaires comme on dit reprennent. On laisse passer l’été et on en recause.