Archive

Articles taggués ‘L’Echoppe enténébrée’

« The Ticket » (Kamala et moi)

19/08/2024 Aucun commentaire

Je n’aurais pas quitté Montréal sans présenter mes respects à Leonard Cohen. Je m’incline, la main sur le coeur tout comme lui depuis son mur, en écoutant Ten New Songs, album de 2001 découvert quasiment à sa sortie, lors de mon tout premier voyage au Canada, et quelle joie alors de songer que j’étais le contemporain de Cohen, que je respirais le même air que lui, dans sa ville même.
Ten New Songs, avec ses airs de recueil de berceuses pour vieillards revenus de tout mais content d’être vivants, avec sa délicate profondeur et sa grave douceur, est demeuré mon album préféré de Cohen, eh, quoi, chacun le sien, je n’ai pas eu la chance d’être son contemporain en 1967, et je l’écoute aujourd’hui encore avec une joie intact de contemporain perpétuel, By the rivers dark I wandered on, I lived my life in Babylon. I did not know and I could not see, who was waiting there, who was hunting me.

Voilà qui est fait, je me suis recueilli dans sa rue, devant sa tombe, j’ai respiré l’air de son cimetière et celle son mural, je suis hadj, je peux désormais rentrer chez moi. Car ce n’est pas le tout, des choses m’attendent.
De grandes choses.

En effet, pas plus tard que cette nuit, j’ai appris que Kamala Harris me proposait le ticket, me demandait d’être son partenaire pour la candidature. Elle me le disait sans façon, tout sourire.
Moi, vice-président ? Mais je ne suis même pas américain ! Je suis seulement un tout petit peu québécois, et encore, très peu, très peu !
Mais Kamala, qui parle un français impeccable et sans accent, et qui me tutoie comme font les Québécois, balaye mes dénégations en m’expliquant qu’elle a besoin d’une crédibilité internationale. Hein, quoi ? C’est moi la crédibilité ? Tu es sûre de toi, Kamala ?
Je n’en reviens pas, mais puisque nous sommes rendus là du malentendu, allons-y franchement, je n’ai rien à perdre, je n’ai rien de mieux à faire, je suis disponible : nous nous trouvons sur la tribune du Sénat américain (qui ressemble, trait pour trait, fauteuil pour fauteuil, feston pour feston et moulure pour moulure, au Palais Bourbon, siège de l’Assemblée nationale française, décidément quel manque d’imagination ces Américains) et c’est à nous de parler. C’est à moi ?
Il règne dans les rangs du Sénat américain un brouhaha indescriptible, les sénateurs se chicanent et certains en viennent aux mains. Face à eux et à côté de moi, une brochette de vieux messieurs sérieux en cravate, ainsi que Kamala, confiante, rayonnante. Ils me poussent à prendre la parole, ils me poussent littéralement dans le dos, zut, si j’avais su que j’étais l’homme providentiel qui allait mettre un terme à la crise politique, je me serais habillé autrement qu’en pantacourt et t-shirt. Je porte mon t-shirt à motif tête-de-bouc, ce n’est pas très approprié, en plus je n’ai pas vérifié mais je crois qu’il est troué à l’épaule, ma foi je n’ai rien pour me changer.
Je me racle la gorge, je tapote la tête en mousse du micro et je tente un « S’il vous plaît… » qui n’a aucun effet sur le vacarme ambiant. Les sénateurs s’invectivent d’une rangée à l’autre sans me prêter la moindre attention.
Je commence un discours que je n’arrive pas à entendre moi-même tant je suis couvert par le tohu-bohu, je sais que j’improvise mais je ne suis même pas sûr que mes paroles aient le moindre bon sens. De quoi suis-je en train de parler ? En français ou en anglais, au fait ?
La masse des sénateurs dans l’hémicycle est de plus en plus bruyante et agitée mais quelque chose a changé. Désormais c’est contre moi qu’ils orientent leur agressivité, leur colère, leurs insultes et tout leur boucan. Je ne suis plus l’homme providentiel mais le bouc émissaire. Ils deviennent si menaçants, quittant leurs sièges pour se diriger vers moi en retroussant leurs manches et en desserrant leurs noeuds de cravate, que le personnel du Sénat américain, revêtu du costume des gardes suisses, hallebarde comprise, se précipite sur moi, me saisit pour m’exfiltrer. Encadré par une meute de gardes suisses en rangs serrés, qui m’entoure presque comme une mêlée de rugby, je quitte les lieux sans même toucher le sol et me retrouve dehors.
Je suis sur le trottoir. Devant moi, une limousine longue comme un autobus, avec d’innombrables portières, fait tourner son moteur. Kamala et toute son équipe de vieux hommes cravatés passent devant moi sans m’adresser la parole et entrent dans la limousine en claquant une portière après l’autre. Je lève la main et j’essaye de parler à Kamala mais elle m’adresse un regard plein de mépris, me faisant comprendre sans équivoque que j’ai laissé passer ma chance, elle me jette des tchips comme font les femmes africaines.
Lorsque la dernière portière de la limousine a claqué, me laissant seul sur le trottoir, soudain une lumière blanche bleutée s’allume dans le véhicule, une lumière de frigo, qui fige Kamala et tous les hommes, les immobilise, les congèle. Ils ressemblent à des photos 3D prises au flash bleu. La voiture ne bouge toujours pas mais son moteur tourne.

C’est ici que je me réveille.

Ah, au fait, puisque je rentre en France, on n’a toujours pas de premier ministre, chez nous ? Je suis dispo, en cas.


Bonus : épigraphe à l’envers, je chope au vol ceci dans la chronique de Yannick Haenel, Charlie Hebdo n°1661, 22 mai 2024.

[J’en profite] pour vous livrer une vision. Ai-je vu ça dans un film ou dans mes songes ? Peu importe, seuls comptent l’amour et les phrases.

Je m’en lave les mains

09/07/2024 Aucun commentaire
Illustration extraite du catalogue de vente de l’Hôtel Drouot : « Aquamanile en forme de lion – bronze, dans le style du Moyen Age/15e siècle, âge indéterminé, figure de lion debout avec décor ciselé, dans la gueule un bec verseur courbé, sur la tête une tirette avec bouchon en bois, sur la poitrine un anneau à ferrure tête de lion, 1 côté avec gravure de dédicace (étudiante) ¨Nessenius s/l Raydt, 1913¨, H 16,5cm, 1380g, patine plus forte »

Cette nuit, je marchais à toute vitesse dans les rues afin de parvenir à la bibliothèque de Grenoble avant sa fermeture.

En effet, c’était jour de braderie, la bibliothèque vendait à prix dérisoires tous ses documents désherbés, et l’intuition que bientôt je n’aurai plus accès aux bibliothèques me faisait presser le pas. Je sais bien, je m’étais juré de ne plus acheter de livres, des livres j’en ai trop, mais allez, ce serait la dernière fois, promis, il y aurait peut-être quelques bonnes affaires. J’arrive juste avant l’heure de fermeture, je pousse la porte, tiens, je ne la connaissais pas cette bib-là, et une bibliothécaire, qui semblait m’attendre, m’oriente vers un étal où sont empilés des disques vinyles, en me précisant : « Ceux-là n’ont pas de prix, donc on vous les donne » . Je farfouille et je ne trouve rien de connu, seulement des groupes obscurs de krautrock (du moins je le suppose puisque les titres sont allemands) et de techno des années 90. Les disques semblent neufs, le graphisme des pochettes est parfois très joli mais je ne prends rien, je me souviens in extremis que je n’ai même pas de platine pour les écouter. La bibliothécaire a l’air déçu, et se décide à m’entraîner vers un stand plus reculé, à l’ombre. J’y trouve, comme parfois dans les vide-greniers, un amoncellement de gadgets dépareillés, abimés, difficilement identifiables et sans grand intérêt. Je manipule un vieux lot collant de farces et attrapes, avec nombre d’étrons en plastique, de diverses couleurs, du noir au blanc en passant par diverses nuances de marron. La bibliothécaire me surveille, écarquillant des yeux pleins d’espoir : elle compte bien que je la débarrasse de ces saloperies. Je m’excuse poliment en lui précisant que j’étais surtout venu pour des livres, si jamais il lui en restait ? Elle soupire, lève les yeux au ciel, et consent à faire un pas de côté, libérant à ma vue un carton de vieux bouquins. Ah, enfin. Je m’approche et plonge les mains dans le carton. Et soudain, stupéfaction ! Je tombe sur un livre mythique, introuvable, L’aguamani du futur, de Moebius ! Ce fameux album des années 70, mélangeant les deux veines de son auteur, Gir et Moeb, le western et la SF, et dont tout le tirage avait été détruit avant même d’atteindre les librairies par l’éditeur qui refusait qu’on réconcilie ces deux oeuvres ! Blueberry dans l’espace intergalactique ! Personne ne connaissait même sa couverture, je la découvre, elle est magnifique, gouache rouge sang avec des éclats de jaune. Incroyable, quelle chance exceptionnelle ! Les bibliothécaires de Grenoble sont timbrés de liquider une rareté pareille ! Je serre le trésor contre moi en tremblant, lorsque la bibliothécaire me dit, en pointant du doigt encore un nouvel étal : « Vous feriez mieux de jeter un oeil à ça… » Sur la table est posé un classeur à trois tiroirs, en plastique marron, j’avais le même il y a 40 ans. Je ne sais pas ce qu’il est devenu. J’ouvre les tiroirs… Mais ! C’est justement le mien ! C’est mon classeur, avec toutes les lettres que je recevais à l’époque, mon adresse figure sur les enveloppes jaunies même si mon nom a été découpé aux ciseaux ! Et dans le tiroir du dessous… Je reconnais mon écriture… Toutes les lettres que j’ai écrites mais pas envoyées, à l’époque où j’écrivais des lettres au lieu de courriels ! Qu’est-ce que ça veut dire ? Où ont-ils trouvé cet objet et de quel droit le vendent-ils à n’importe qui ? Je n’ai pas le temps de réfléchir, la bibliothécaire me pousse en disant « On ferme, on ferme, c’est trop tard ! » De mauvaise grâce, je la suis dans un dédale de couloirs et par un chemin qui oblige à franchir des fenêtres, marcher sur des corniches, sauter dans le vide, un vrai parcours du combattant. Alors que je m’accroche à une rambarde pour traverser un passage délicat, je réalise avec horreur que j’ai oublié L’aguamani du futur, oh, merde, non, j’ai laissé passer ma seule chance de lire enfin ce livre !

Je me réveille. J’allume l’ordi. Je vérifie. C’est bien ce que je pensais, aucune trace sur internet de L’aguamani du futur. L’éditeur a bien fait son boulot d’occultation.

Je croyais que « aguamani » désignait un fruit rouge. Mais non. Tout ce que je trouve, c’est « aguamanil » (en espagnol) ou « aquamanile » (en français), sorte d’aiguière ou de pichet utilisé autrefois pour se laver les mains. Je recopie la définition : « Récipient destiné au lavage des mains, soit lors des actions liturgiques, soit dans la vie courante. Il peut être réalisé en céramique, en alliage cuivreux (bronze à la cire perdue) ou en métaux précieux. Seuls ceux en céramique ou en alliages cuivreux sont parvenus jusqu’à nous. On recense environ 380 aquamaniles médiévaux en alliage cuivreux. Il prend généralement des formes animales (un tiers de ces 380 adoptent la forme d’un lion). Les aquamaniles sont apparus en Orient, puis ont été assimilés en Europe au début du Moyen Âge. Leur utilisation connaît un apogée dans le Moyen Âge tardif.« 

Me reste, pour la journée, cette question sans réponse : qui « se lave les mains » du futur ?

« Faut-il dire à ces potes que la fête est finie ? » (La valse de Ferdinand)

22/04/2024 Aucun commentaire

Cette nuit, j’enquêtais sur Ferdinand Walz.
Ferdinand Walz (mais est-ce son vrai nom ?) joue du piano dans un groupe dont je fais moi aussi partie. C’est un garçon très discret, sans âge, ni signe particulier, souriant mais passe-muraille, qui ne parle que pour répondre, laconiquement, aux questions qu’on lui pose. Un soir, lors des bavardages qui suivent une répétition, je lui ai demandé ce qu’il faisait dans la vie. Il m’a répondu, aimable mais évasif, qu’il travaillait dans la cuisine centrale de la communauté de communes, je m’en suis contenté, je n’ai pas creusé la question. Sauf qu’en consultant les archives, je me suis rendu compte d’un détail troublant : sur toutes les photos de notre groupe, prises lors de répétitions ou de concerts, pas une seule fois Ferdinand Walz n’est vu de face, on ne voit jamais que sa nuque, qu’il soit debout parmi nous ou bien assis à son piano. C’est peut-être une coïncidence. Ou alors… Ferdinand Walz s’efforce de ne jamais laisser capturer son visage.
Je recoupe les informations, comme font les flics dans les séries, sur un grand panneau de liège où tous les éléments sont épinglés, photos, post-it, pièces à conviction, plans d’architecte, horaires des chemins de fer ou des marées, mode d’emploi multilingue de la cuisinière, points d’interrogation remplaçant les pièces manquantes (en l’occurrence, le visage de Ferdinand Walz), reliés par des fils de couleur qui forment comme une toile d’araignée. Et je parviens à la conclusion sidérante quoiqu’incontestable : Ferdinand Walz est un cambrioleur. À chaque fois qu’il a été absent d’une répétition, un appartement a été dévalisé, d’ailleurs très soigneusement, proprement, sans trop de dégâts. Cette histoire de cuisine centrale est une couverture bien commode !
Maintenant que j’ai percé à jour Ferdinand Walz, je dois décider que faire de ma découverte. Tout balancer aux flics ? Lui en parler d’abord, pour tâcher de comprendre sa vie et ses motivations ? Ne rien dire du tout et continuer à jouer de la musique avec lui ? Je suis en proie à ce dilemme moral lorsque je me réveille, réalisant que je n’ai même pas gardé dans ma propre mémoire l’image mentale du visage de Ferdinand Walz.

Et pendant ce temps, sur la terre :
« Tchouang-tseu rêve qu’il est un papillon, mais n’est-ce point le papillon qui rêve qu’il est Tchouang-tseu ? » (cité par Raymond Queneau, Les fleurs bleues)
Réalisation d’un papillon en atelier pop-up sous la direction de Philippe UG.

Le standing du poète

22/12/2023 Aucun commentaire

Cette nuit, j’avais enfin pris une décision, et il faut bien avouer qu’il était grand temps à mon âge, quant à ce que je ferais dans la vie : j’allais réouvrir le bistro que tenait ma grand-mère dans sa jeunesse.
Je me retrouvais, ainsi qu’il m’arrive souvent la nuit, dans sa cuisine, mais cette fois-ci avec la ferme intention de réaménager l’agencement de la pièce afin de lui redonner sa fonction d’autrefois et accueillir des buveurs.
Voilà qu’entre un groupe, constitué d’un homme et de cinq ou six femmes, tous assez âgés. Ah ! Je suis pris de court, je n’avais pas prévu de recevoir des clients aussi vite, mais je ne vais tout de même pas les foutre dehors alors que c’est le premier jour, au contraire, il faut leur souhaiter la bienvenue.
Je les invite à s’asseoir, je vérifie qu’il y a assez de chaises autour de la table en Formica, au cas où je vais en chercher deux supplémentaires dans la salle d’à côté. Au sein de ce groupe, je repère un couple « à la Dubout » : une femme forte, sévère, énorme et débordante, qui s’installe en bout de tablée, et un homme malingre, chenu, souriant. Les autres femmes qui les accompagnent sont des personnages secondaires, preuve en est qu’elles ne disent rien, se contentant de consulter leur téléphone en silence.
J’hésite à leur dire « Vous êtes mes premiers clients, ça se fête ! » mais je renonce parce que le couple est déjà engagé dans une conversation, où d’ailleurs la femme est seule à parler. La femme évoque les poèmes « magnifiques » qu’écrit son mari et qui ne peuvent que lui assurer la gloire ou, à tout le moins, respect et standing. Elle précise, cette fois à mon attention puisqu’elle me jette un coup d’oeil autoritaire : « Mon mari n’est pas n’importe qui ! » Le minuscule mari, quant à lui, se contente de sourire modestement derrière sa moustache blanche, de hocher la tête, baisser les yeux et montrer ses paumes.
Je leur demande tout de même : « Qu’est-ce que vous voulez boire ? »
La femme répond la première, levant le menton et pinçant les lèvres : « Une infusion de jojoba. »
Une infusion de quoi ? Je n’ai jamais entendu ce mot, à part peut-être à propos de shampooing.
« Heu… Je vais vérifier qu’il m’en reste… »
Je farfouille fébrilement dans les placards au fond de la pièce tout en me disant zut zut zut je ne suis pas assez préparé, ce métier ne s’improvise pas, j’aurais dû anticiper les stocks d’infusion de jojoba. Évidemment, je ne trouve pas de jojoba, mais au moins mets-je la main sur deux vieilles boîtes en carton de tisanes, datant de ma grand-mère. Je reviens à table en disant « Désolé, je n’ai que tilleul ou verveine. » La femme écarquille les yeux et affiche une moue de mépris. Son regard fait des allers-retours entre son mari et moi comme pour me signifier « Ce taudis sans jojoba est indigne du prestige de mon mari et de ses poèmes ».
Le petit mari tente de calmer le jeu, et me dit tout sourire : « Je serai moins compliqué, monsieur, je me contenterai d’un café, si vous voulez bien. »
Bon, un café, je devrais pouvoir faire ça. Mais où est le percolateur, déjà ?
Je me réveille.

Oh, non ! Encore une idée géniale !

08/12/2023 Aucun commentaire
Helena Bonham Carter dans Sweeney Todd, Tim Burton, 2007

Cette nuit m’est venue, ah ben tiens ça faisait longtemps, une idée de suicide marketing pour dilapider l’argent que je n’ai pas et ruiner une bonne fois pour toutes le Fond du Tiroir : je vais éditer une bouteille de vin !
Plus exactement un livre-bouteille de vin, ah ah ah c’est génial, l’idée m’excite à fond, j’ai déjà fait un livre-CD et un livre-DVD mais c’était banal, déjà vu mille fois, un livre-vin qui a déjà fait ça hein ? Et signé Vigne en plus, et bien malin qui saura si le vin est le produit accompagnant le livre ou réciproquement, il n’y aura qu’un seul ISBN, ah oui au fait je n’en ai plus il faut que je pense à redemander un ISBN à l’AFNIL, et aussi à dégoter quelque part un outil de présentation pour poser sur ma table dans les salons du livre. Ah ah ah !
Je me rappelle avoir vu dans la vitrine d’une boutique, dans les hauteurs de la ville exactement l’objet qu’il me faut, un magnifique support de bouteille en fer forgé, une partie ronde et horizontale, une partie verticale et toute en volutes, à moitié rouillé ce qui lui donne des reflets rouges et moirés, enfin idéal, j’espère qu’il n’a pas été vendu depuis la dernière fois.
Je me perds dans les transports en commun et je peine à retrouver la bonne boutique dans ce quartier que je connais très mal… Mais enfin je parviens devant la vitrine : formidable, je distingue l’objet ! Il est au milieu d’un fatras poussiéreux d’ustensiles plus ou moins identifiables, bibelots informes, livres jaunis, animaux empaillés, mannequins de couturiers, outils dépareillés, cartons à chapeaux, boules de noëls, jeux de clés, machine à coudre et machine à écrire (ou bien s’agit-il d’une seule machine multifonction ?). Je porte ma main au front en visière : la lumière est éteinte. Le magasin est-il fermé ? Je pousse tout de même la porte, qui grince.
De l’arrière-boutique surgit la propriétaire, qui appuie sur l’interrupteur afin d’illuminer l’échoppe. Bon sang, c’est le sosie d’Helena Bonham Carter ! On m’avait pourtant bien prévenu qu’elle était un peu sorcière sur les bords et qu’il valait mieux ne rien acheter chez elle ! Elle est très jolie mais fait un peu peur, elle fronce les sourcils et sa voix est rauque.
« Vous désirez ?
– Heu un support à bouteille que j’ai vu dans votre vitrine heu celui-là-là mais heu les prix ne sont pas affichés heu combien ?
– Je vois que monsieur est connaisseur. Entrez, faites comme chez vous, je vais le nettoyer pour vous. »
Elle se baisse pour empoigner l’objet, souffle pour dissiper la poussière puis m’invite à la suivre dans l’arrière-boutique. Je lui emboîte le pas sans vraiment réussir à me concentrer sur les phrases qu’elle m’adresse, elle me dit que je ne vais pas partir comme ça, elle insiste pour me retenir à dîner, je n’ai qu’à m’installer à table.
Je m’assois, mais juste le temps qu’elle ait apprêté mon support de bouteille ensuite je file j’ai vraiment à faire, je ne vais tout de même pas manger avec elle, ce ne serait pas prudent. Elle revient et pose avec fracas sur la table un lourd plat de service puis me dit : « J’espère que vous aimez le saumon ? »
Je regarde dans le plat. Le saumon, énorme, presque un mètre de long, est cru. Non seulement cru, il est vivant, il tortille de la queue.
Cette fois c’en est trop, je me réveille.

Foncer dans le nuage

26/11/2023 Aucun commentaire

Cette nuit, je marchais le long du Rhône. Je trouvais dommage de ne voir ni poisson ni oiseau, ni même végétation sur les rives, seulement du béton et de l’eau morte, mais en somme j’étais, ah, bah, résigné, je regardais simplement les vagues sur le fleuve en me demandant quel bateau que je ne voyais pas les avais créées il y a longtemps. Et puis au moins, il faisait beau.
Soudain, une explosion fait trembler le paysage, et un panache de fumée grise s’élève à l’horizon. Je dois m’enfuir. Je me mets à courir. Mais pas pour m’éloigner de la fumée, au contraire je cours comme un dératé dans sa direction, loin en amont. Je suis rongé par le sentiment de l’urgence, mais urgence de quoi pour me précipiter ainsi vers la gueule du loup ? Il faut croire que j’ai quelque chose à sauver « là-bas ».
Je me réveille quand je pénètre enfin le nuage radioactif et que tout devient gris.

Nous n’emporterons rien

16/11/2023 Aucun commentaire

Cette nuit, comme il m’arrive souvent la nuit, j’étais chez ma grand-mère. Comme elle est morte depuis presque vingt ans je saisis souvent cette occasion d’aller discuter avec elle.
Or ce jour-là (en pleine nuit) il se tenait dans la cour de sa maison une sorte de fête du village où j’avais accepté de tenir un stand de livres. Au beau milieu de la cour, j’avais installé des tréteaux, une planche, une chaise, et mes piles de livres. Je me résignais à l’idée que je ne vendrais rien, d’ailleurs pour le moment j’étais absolument seul, mais, bah, j’étais content d’être dans cette cour, cela faisait bien longtemps que je n’étais pas revenu au village (à part la nuit).
Mais la pluie se met à tomber. Je rapatrie en vitesse tout mon bazar dans la cuisine attenante, qui est bondée. Il y a là ma grand-mère, ma tante, mes cousines, et diverses personnes qui se croisent l’air affairé, et que je ne connais pas. Le temps que je réinstalle toutes mes affaires sur une estrade qui, je le vois bien, gêne le passage, je m’aperçois qu’il ne reste plus sur ma table que divers exemplaires de démonstration, défraîchis, déjà lus, cornés, découpés, tachés, dépareillés, et des piles de marque-pages. Alors cette fois, c’est sûr, je ne vais rien vendre puisqu’il n’y a strictement plus rien de présentable à vendre.
Je me mets en colère, je dis à voix haute : « Qui a pris mes bouquins ? Où les avez-vous rangés ? » mais tout le monde vaque et personne ne répond. Je fouille partout, dans les placards, notamment celui où il y avait la bouffe du chien, je me dis que puisqu’il n’y a plus de chien c’est peut-être devenu un rangement pour des cartons, c’est pas possible ils sont forcément quelque part ces foutus livres, je passe la porte de droite vers le garage, je cherche tout autour de la Diane jaune de mon grand-père, rien, je passe la porte de gauche vers « la salle », je regarde sous la table, derrière les fauteuils et le canapé… Rien de rien. Je suis excédé.
Je retourne dans la cuisine les nerfs à vif et soudain je vois mon père, assis dans le fauteuil près de l’entrée, pépère, somnolant, ayant conservé son manteau comme s’il s’apprêtait à repartir, devant lui se tiennent deux énormes valises à roulettes, hautes de près d’un mètre, bourrées à craquer : tous ses bagages sont là. Je m’emporte contre lui et l’engueule : « Mais c’est quoi, encore, ça ? Tu débarques encore une fois sans prévenir, avec tous tes bagages, et je suppose que tu attends qu’on te redescendes à Grenoble ? Bon dieu mais tu ne peux pas téléphoner, non ? Tu ne peux pas nous demander ? Qu’on s’organise ? Je ne sais même pas si elles vont rentrer dans ma voiture, moi, tes valises ! »
Il ne bouge pas. Ma compagne est derrière moi. Elle m’attrape le bras et me dit doucement : « Arrête, calme-toi. Ce n’est pas la peine de crier. »
Elle pointe du doigt les deux valises que j’ai vues mais peut-être pas comprises. « Tu vois bien : il part. »
Je me réveille.

Ce sont nos bagages, « pourtant nous n’emporterons rien » comme disait Maximilien Bertram dans les Giètes.

McCarthysme

13/06/2023 Aucun commentaire
Moi, déambulant le long de la route effondrée entre Miribel-Lanchâtre et Saint-Guillaume, juin 2023

Cormac McCarthy n’est plus. En hommage, rediffusion au Fond du Tiroir d’un article de 2009, toujours d’actualité.

J’ai lu, durant le long hiver 2007-2008, La Route, roman de Cormac McCarthy – sur les conseils concomitants de deux lecteurs avisés n’ayant aucun lien entre eux, messieurs Yann Garavel et Jean-Marc Mathis. Lorsqu’une préconisation surgit simultanément de deux horizons séparés, mieux vaut la prendre au sérieux. Si je donne les noms de ces deux gentlemen, c’est pure gratitude.

Car depuis ces années écoulées, je pense à ce livre, non quotidiennement, ce serait insupportable, non régulièrement, ce serait de la préméditation, mais enfin, très souvent. Et sans sommation. Des visions me prennent soudain, me reviennent de loin derrière ou m’arrivent de demain, je ne sais pas. En roulant sur l’autoroute. En mangeant une pomme. En regardant mes enfants. En regardant un arbre. En poussant un caddie dans un supermarché. En ouvrant une boîte de conserve. En me retrouvant seul, même accompagné. En contemplant un paysage, n’importe quel paysage, pour en ressentir très profondément, à en pleurer, sa fragilité, la mienne aussi, sa beauté en train de mourir.

Quel est donc ce roman qui, bientôt deux ans après avoir été lu, procure encore telles sensations ? Tels effrois physiquement ressentis, et telle conscience viscérale (L’horreur ! L’horreur !) de notre rapport tragique au monde ? Quel est donc ce roman qui vous retourne l’œil ?

Et ce n’est pas tout. Cette nuit, j’y étais, sur La Route.

J’étais dans ce monde gris et mort, j’étais seul et tapi dans un terrier de cendres, j’espérais que les miens étaient encore vivants mais je n’avais aucun moyen d’en être sûr, je savais que les alentours étaient dangereux, j’étais squelettique et en haillons, je faisais partie d’un groupe qui m’avait relégué, un groupe cruel et dur et violent, mais censé protéger ses membres d’un autre groupe plus cruel, plus dur et plus violent, qu’on ne voyait pas, qu’on entendait parfois, dont la menace obligeait à rester caché, couché, prostré dans la boue grise… Finalement, je me suis tout de même levé, rassuré parce que j’avais en poche l’outil qui me permettrait d’aller voir plus loin : le précieux passe-partout [il s’agit de mon trousseau de clés professionnel, qui ouvre toutes les portes du centre culturel qui m’emploie], j’avançais dans la boue grise en tâtant ce sésame à travers ma poche et en écoutant chaque écho de la forêt défunte, pelée, sans feuille, et chaque coup de mon cœur… Je suis parvenu devant une palissade hétéroclite, amoncèlement de planches de chantier, et là, à moitié dissimulée, une porte. Ma clef est entrée dans la serrure, j’ai tourné la poignée, je suis entré. Entré dans quoi ? Derrière la porte, j’étais toujours dehors. Au-delà, le même paysage continuait, identique, plus vallonné peut-être. J’ai entendu un cri : « Un espion ! » J’ai répondu d’une voix très faible : « Je ne suis pas un espion… Je n’ai pas d’arme sur moi… » Alors, des individus aussi squelettiques que moi, aussi sales, pareillement en haillons, ont fondu sur mon corps, m’ont encerclé, ont commencé à me palper, à soupeser mes maigres muscles, mes jambes, mes bras, et je comprenais parfaitement à quelle fin ils me jaugeaient ainsi. Or ils étaient tous des enfants. Aucun n’avait plus de treize ans.

Et je me suis réveillé, en sueur, le cœur battant très fort d’être vivant.

Quel est donc que ce roman qui, bientôt deux ans après avoir été lu, procure encore des cauchemars ?

Un chef d’œuvre, sans aucun doute, voilà la réponse.

Il paraît qu’ « ils » vont en faire un film, non parce que c’est un chef d’œuvre, ce qui serait une raison extraordinaire, mais comme d’habitude pour la raison ordinaire : parce que le livre a eu du succès. Je ne vois pas l’intérêt. Les pouvoirs de la littérature sont une chose ; ceux du cinéma, très grands et tout aussi respectables, en sont une autre, et ces deux choses mélangées dans le pot commun du box-office ne sont pas forcément des ingrédients compatibles. De quoi gâter le goût, aussi bien. Je n’irai pas voir ce film, de même, et à peu près pour les mêmes raisons, que je ne suis pas allé voir un autre film évoqué ici. À quoi bon ? Des images, j’en ai déjà, plein la tête, plein la nuit.

Peut-être-Prague

04/03/2023 Aucun commentaire
Praga Magica d’Angelo Ripellino, collection Terre Humaine.
Mon frère m’a offert ce livre dans les années 90.

Cette nuit, je me trouvais dans une capitale d’Europe de l’Est, je crois que c’était Prague mais comme je n’ai jamais mis les pieds à Prague, je ne pouvais en être absolument certain. J’arpentais les rues, je n’osais pas demander aux passants une confirmation de cette localisation, la question Pardon sommes-nous bien à Prague ? semblerait ridicule à n’importe qui, moi compris, je craignais de me faire rembarrer aussi bien en cas de réponse positive que de réponse négative, d’ailleurs comprendrais-je seulement la réponse, je ne parle pas un mot de pragois, je ne voulais pas me mettre dans l’embarras.

J’étais venu à Peut-être-Prague assister à un colloque international sur les conséquences du réchauffement climatique et je venais d’en sortir, tétanisé, j’avais besoin de prendre l’air, j’étais resté très frappé par la communication donnée à la tribune (en français et non en pragois, heureusement) par Pacôme Thiellement. Celui-ci avait expliqué, powerpoint à l’appui, que l’un des effets du réchauffement était le détachement de l’Afrique du Nord qui, désormais, se déplaçait de façon chaotique et imprévisible en Méditerranée, comme un continent mobile, comme une île qui se déplace (Pacôme Thiellement précisait qu’heureusement nous étions prévenus de cette situation grâce à Lost). Ce continent à la dérive venait à vive allure se cogner aux côtes méditerranéennes, rebondissait comme une boule de flipper en provoquant des tremblement de terre, et le récent séisme turc était l’avant-garde de ce à quoi nous devions nous préparer en Grèce, en Italie, en Corse…

Marchant dans les rues de Peut-être-Prague, je remâchais cette perspective terrifiante en me demandant si Peut-être-Prague était suffisamment loin de la mer pour être à l’abri du danger? Mais à présent il fallait bien que je rentre chez moi, sauf que c’était où « chez moi » à Peut-être-Prague ? Ah, oui, ça me revenait, j’habitais un peu plus loin, dans un immeuble un peu délabré, sans ascenseur, que mon frère venait d’acheter à fin de location. J’habitais là, avec mon frère et E., qui était sa copine durant les années 90 et que je n’avais pas revue depuis 30 ans, à l’époque nous étions tous les trois étudiants, dans un appart qui occupait tout un étage, et qui était conçu en U, sur trois côtés, tout autour d’une cour intérieure : lorsque j’étais dans ma chambre, je pouvais par la fenêtre voir la leur de l’autre côté de la cour. Et justement voilà mon frère, penché à sa fenêtre, de son côté de la cour. Il me demande comment ça va. Je n’ose pas lui parler du continent mobile et de la boule qu’il m’a laissé dans la gorge. S’il investit dans l’immobilier c’est qu’il a confiance dans l’avenir. Mais tout de même mon frère finit par me rappeler que mon hébergement est une solution provisoire, il me fait bien comprendre que cet immeuble il l’a acheté et qu’aussi longtemps qu’il me cède une chambre il perd un loyer, il veut bien me dépanner mais il serait temps que je me trouve autre chose. Je répondais Oui d’accord mais moi je ne connais personne à Prague ! Or quand je prononce ce dernier nom il fait une drôle de tête, penché à sa fenêtre les deux mains sur le rebord, il écarquille les yeux, j’ai dit une bêtise ? Peut-être bien que nous ne sommes pas à Prague, finalement…

Je referme ma fenêtre et je sors. J’espère que je ne vais pas croiser mon frère dans le couloir. Me revoilà dans les rues. Mon seul espoir est de tomber sur une personne de ma connaissance, qui parlerait ma langue et serait prêt peut-être à m’héberger. Or voilà que ce miracle advient : au détour d’une rue, je tombe sur Antoine, mon ami d’enfance, qui est devenu le directeur du musée Berlioz de la Côte-Saint-André. Ça alors, Antoine ! Mais qu’est-ce que tu fais là ? Qu’est-ce que tu fais à Prague ? Quand je prononce ce dernier nom il fait une drôle de tête, fronce les sourcils, ai-je encore gaffé avec cette histoire de Prague ?… Il n’est jamais venu à Prague, Berlioz ? Peu importe, je change de sujet, je suis content de le revoir, c’est inespéré, j’engage la conversation : Alors Antoine, toujours berlioziste à fond ? La Marche au supplice et tout le tremblement ?
Soudain je me rends compte de son accoutrement. Antoine est déguisé en Napoléon. Il n’a pas son bicorne, il est tête nu, mais porte son uniforme d’apparat, habit vert avec épaulettes, pantalon blanc, bottes jusqu’aux genoux et gilet à boutons. Il s’est même fait la mèche à la gomina. Mais… Qu’est-ce que tu fais en Napoléon, voyons, Antoine ? Quelle drôle d’idée Napoléon à Prague ?
Il éclate de rire et me dit : « Ah, tu vois, Berlioz mène à tout ! On m’a consulté à propos des liens entre Berlioz et Napoléon, en préparation d’un film en tournage ici. Et de fil en aiguille c’est moi qui ai décroché le rôle. Tu imagines, à mon âge, commencer une carrière au cinéma ? »
Voilà qu’il repart d’un gigantesque rire qui fait se retourner les passants.

Puis je me réveille.

La nuit sera verte et brune

04/12/2022 2 commentaires

Cette nuit je me trouvais dans une cuisine bondée où je regardais des femmes éplucher des légumes et où je les écoutais discuter politique. Les éplucheuses s’adressent soudain à moi, me mettent la pression en me disant « C’est à toi de jouer ! », et oui, ça me revient maintenant, j’ai des responsabilités politiques, je me suis engagé, il faut assumer et y aller. Cette cuisine prépare le repas d’un symposium consacré à « Tradition culturelle et extrême droite ». Et je me retrouve à présent à la tribune, sur une estrade, face à une salle des fêtes clairsemée et des chaises en plastique. À ma gauche se tient une jeune fille qui tient un discours militant, dogmatique, très véhément et très brouillon, revendiquant, si je comprends bien, qu’il ne faut rien laisser de culturel à l’extrême droite, que « culture d’extrême droite » doit absolument être tenu pour un oxymore sous peine de laisser la culture de l’extrême droite devenir LA culture. Mais elle trouve aussi le moyen de préciser qu’elle est végétarienne, fait l’éloge des légumes et je ne vois pas trop le rapport, ou alors c’est une métaphore qui m’échappe. À ma droite se tient un vieux bonhomme émacié qui a un peu la tête de Jean-Pierre Léaud, avec des cheveux longs et gras. Je crois me souvenir qu’il a été présenté comme un spécialiste agrégé de la littérature du XXe siècle, je n’ai pas retenu son nom, je m’en veux d’être trop distrait, trop obnubilé par ce que je dois dire en public pour rester vraiment attentif à ce que disent les autres. Le faux Léaud prend la parole, sec, lent mais impatient, désagréable. Son discours consiste à dézinguer ses interlocuteurs (la jeune végétarienne et moi-même) en décrédibilisant leurs manières de parler, leurs tournures et barbarismes. Cuistre, sournois, il lit à voix haute et nasillarde la liste des fautes de français qu’il a relevées parmi les propos de la jeune fille, puis se tourne vers moi avec un sourire méprisant : « Quant à vous, j’ai noté une mention d’Artaud-le-Momo ou je ne sais quel charabia, sincèrement mesdames et messieurs, soyons sérieux, où sommes-nous, dans une cour de maternelle ? » Je me lève brusquement, je tiens la chaise derrière moi, je m’enfurie ! Agressé, je l’agresse à mon tour ! « Monsieur, votre attaque est incompréhensible. Vous vous présentez comme un spécialiste mais vous ignorez le livre d’Artaud-le-Momo sur le concombre ? Vous êtes un usurpateur ! » Tout en guettant avec fébrilité sa réaction qui ne saurait être qu’outrée, je me demande : d’où est-ce que je sors cette histoire de concombre ? Suis-je en train de m’embrouiller les pinceaux et de confondre avec les éplucheuses de légumes ?

Je me réveille perplexe, je me demande si Artaud a réellement écrit quoi que ce soit sur le concombre, il faudra que je vérifie sur Google, recherche croisée Artaud-concombre. Je n’ai pas de temps à perdre, je dois me préparer et rejoindre aujourd’hui mes amis pour le symposium de l’association Mydriase afin de discuter de l’avenir de nos stages.