Théo et Tao

10/02/2025 Aucun commentaire

Aujourd’hui avec ma camarade Marie Mazille : journée de travail un peu pleine.
Six ateliers d’écriture de chansons dans les six classes d’une école élémentaire = six chansons créées.
Le rythme est trop stakhanoviste à mon goût et au crépuscule quelques-uns de mes neurones ont fondu, mais peu importe, comme toujours lorsqu’il s’agit de création, seul le résultat compte.
Le résultat cogne dur.
Le thème général imposé était le tour du monde et les droits des enfants. La dernière classe de la journée, un CM2, a choisi de travailler sur la Chine… Comme j’objectais que la Chine était un trop grand pays pour être traité en une seule fois et qu’il faudrait cibler davantage le propos, au fil de la conversation le thème de la chanson s’est précisé, s’est même radicalisé. Nous en avons fait un petit tract anti-capitalisme et anti-globalisation. Hé ben dis donc ! Ils sont bien, ces petits. Vive l’avenir, finalement.

THÉO ET TAO

Tu t’appelles Tao
T’as pas eu de pot
Douze ans, à l’usine
Tu es né en Chine
Travaille dans le noir
Du matin au soir
Fabriquer t-shirt
Fabriquer t-shirt
Fabriquer t-shirt
… Et livrer t-shirt
Qui part en cargo
Qui casse ton dos
Au suivant !

Tu t’appelles Théo
Toi t’as eu du bol
Douze ans, à l’école
Et à faire le beau
Pour le karaté
Ou pour la soirée
Acheter t-shirt
Acheter t-shirt
Acheter t-shirt
… Et jeter t-shirt
Qui t’a rendu beau
Qui t’a fait héros
Au suivant !

Théo et Tao
Sont dans un bateau
Un seul tombe à l’eau
Théo et Tao
Sont dans un t-shirt
Le monde les heurte

Le mirliton de la caverne

03/02/2025 Aucun commentaire
(photo d’archive : lapresse.ca)

Cette nuit, je reprenais mes études.
Je me suis inscrit en licence de lettres, après tout pourquoi pas, je n’ai jamais fait d’études de lettres, si ça se trouve ça me plairait, et, si j’en juge par les paysages que je vois défiler depuis la plateforme supérieure du bus qui m’emmène sur le campus le long du fleuve, je l’ai fait à Montréal.
C’est jour d’examen. La lumière de l’aube est douce sur la jetée. Je m’étonne d’avoir si peu le trac mais la raison en est simple : l’obtention de mon diplôme est un enjeu dérisoire face à la situation politique internationale apocalyptique. Donal Trump a annoncé qu’il allait annexer le Canada dans la journée, les indépendantistes québécois en ont profité pour ressurgir en force, et fédérer la population à la fois contre Trump, contre les USA, contre le Canada. Le Québec veut son indépendance, maintenant ou jamais, les rues sont pleines d’un flot humain brandissant des drapeaux bleus à fleur de lys, et j’entends des slogans comme Sécession du Canada, à bas le 51e état ! Je me dis : tiens, je pourrais écrire un mirliton sur l’actu.
Mon bus est immobilisé, il est même balloté sur ses essieux par les mouvements de foule, et j’hésite. Dois-je descendre et finir mon trajet en courant vers l’amphi, ou bien me mêler à la manifestation et au mouvement historique ? Je remets à plus tard le moment de trancher car pour l’heure je cumule, tentant de conjuguer mes intérêts du jour et ma conscience politique : je sors du bus et je fends la foule compacte en direction du campus, mais comme j’ai toujours sur moi mon mug à motif de fleur de lys, je le dégaine et je cours tout en l’agitant au-dessus de ma tête en signe de solidarité avec les militants.
J’atteins l’université tant bien que mal, essoufflé, en nage. Je ne me souvenais pas du tout à quel point le campus de Montréal ressemble à celui de Grenoble, c’est pratique, j’ai quelques repères. La circulation y est très dense, l’activité y est typique d’un jour d’examen ou d’une fourmilière, et j’ai le temps de regretter que les étudiants soient si peu mobilisés par la cause géopolitique mais qui suis-je pour donner des leçons à quiconque.
Avant de rejoindre mon amphi (zut, je vais vraiment finir par être en retard) je dois faire un crochet par l’administration parce que sur mon planning d’examens, j’ai noté deux convocations à la même heure, pour un écrit et pour un oral, j’ai dû encore choisir des options inconciliables, voilà ce que c’est que de vouloir tout faire alors qu’on ne peut faire qu’une chose à la fois.
La queue dans le couloir du secrétariat est très longue, je n’en vois pas le bout. Je suis découragé d’avance et prêt à renoncer lorsque j’avise au sol une petite pile instable de papiers pliés en huit. Ah ben ça alors, le papier du dessus porte mon nom en écriture manuscrite. Il s’agit de messages adressés aux étudiants, quelle drôle de manière de communiquer, empiler les papiers à même le sol du couloir et charge à chacun de prélever ce qui lui revient, il faut croire que les mails et les téléphones sont tous hackés ?
Je pose un genou à terre et je déplie le mémento à mon nom. Il y est question d’une formation à la science fiction, et à nouveau j’ai un doute, permis par la formulation ambiguë : me propose-t-on ici de suivre des cours sur la littérature d’anticipation, ou de me préparer à un futur proche bouleversé ?
Je n’ai pas le temps d’y réfléchir davantage, je dois reprendre ma course, je cavale derechef à travers des couloirs, des galeries et des escaliers, et je me présente enfin devant la porte de l’amphi de mon examen, il était moins une, je pénètre juste avant le clac de la fermeture définitive.
Je m’assois tout en haut de l’amphi et je sors mon stylo. L’examen porte sur l’allégorie de la caverne. Moi qui n’avais pas trop révisé, je suis soulagé de constater que les sujets d’examens sont stables depuis 3000 ans. Bien sûr, j’ai des choses à dire sur l’allégorie de la caverne, mais à peu près les mêmes depuis 3000 ans, à peine réactualisées par la technologie, ça m’ennuie un peu. J’ai une idée pour casser la routine et m’exciter le ciboulot : je vais écrire ma dissertation en vers. Ah, oui, super idée. Le premier me vient assez vite.

La grotte est au grand jour, en lumière bleutée.

Il est bien gaulé, j’en suis très content, je hoche la tête. J’attaque le deuxième qui me donne du fil à retordre.

Nos écrans sont en fer

Je n’arrive pas à dépasser le premier hémistiche qui me semble perfectible, je le retravaille sans relâche, je le pétris, je tente d’autres solutions, j’essaie Nos écrans sont nos fers que je trouve un peu trop démonstratif, puis Nos écrans sont l’enfer, trop mélodramatique… Zut, si je pinaille de la sorte je ne sais pas si je vais avoir le temps de composer ma légende du nouveau siècle, l’aiguille tourne tandis que la rumeur des manifs enfle derrière les fenêtres.
Je me réveille.
Il fait encore nuit.
Bon, j’ai un quatrain à finir avant de commencer ma journée.

La grotte est au grand jour en lumière bleutée
Nos écrans sont en fer, et nos chaînes mobiles.
La communication nous a rendu débiles
Pommettes en valise à force de zieuter.

Je vais me recoucher mais je ne sais pas si je vais me rendormir.

De quelle réalité parlez-vous ? (2/2)

31/12/2024 Aucun commentaire

Ultimes lectures de l’année 24 : enchaînés, deux délicieux essais du docteur Maboul de la littérature, alias Pierre Bayard.
Oedipe n’est pas coupable (2021) et Hitchcock s’est trompé – ‘Fenêtre sur cour’ contre-enquête (2023).
Fidèle à sa méthode paranoïaque-hérétique, le professeur Bayard nous (me) retourne à nouveau le cerveau à coups de paradoxes ludiques mais impeccablement érudits (Cf. cette rediffusion au Fond du Tiroir).

La méthode de Pierre Bayard reste inchangée, garantissant une rigueur universitaire irréprochable, et la table des matières de chacune de ses oeuvres est reconduite à l’identique : une introduction pour poser le problème ; quatre parties de quatre chapitres chacune pour déployer une dialectique claire, rationnelle et toujours référencée ; une conclusion.

Sauf que cette exigence de sérieux est un trompe-l’oeil et une pince (sans rire). Les thèses de Bayard sont toujours abracadabrantes – et cependant convaincantes. Nous en sortirons enrichis de la meilleure récompense que peut léguer une recherche académique : le doute en cerise sur le savoir.

Dans cette série-là, de « critique policière » , comptant déjà six tomes, il s’emploie à réouvrir le dossier de meurtres célèbres afin de démontrer qu’il ne faut jamais se fier aux apparences, car l’assassin n’était peut-être pas celui que l’on croyait – l’auteur, absolument pas fiable, du texte originel, n’y avait lui-même vu que du feu. À moins qu’il ne soit suspect d’avoir sciemment aveuglé son lecteur. Hamlet, Roger Ackroyd, Le Chien des Baskerville : le coupable était innocent et réciproquement.

Son enquête sur Fenêtre sur Cour incite bien sûr à revoir le film d’Hitchcock d’un oeil nouveau (sachant que l’oeil est le sujet et le moteur même de ce film).

Quant à celle sur Oedipe, elle est particulièrement retorse : non, Oedipe n’a pas tué son père, et Bayard, renversant cette doxa, foule aux pieds une autre mythologie, celle de la psychanalyse ! Qui donc a tué Laïos ? On le découvrira au terme d’un dossier aussi rigoureux que d’habitude, mais sensiblement plus inquiétant que les précédents opus… Car Bayard n’a jamais autant qu’ici parlé de lui-même à la première personne, mettant en scène l’enquêteur en sus de l’enquête, et pour ce faire il prend des accents lovecraftiens : il a mis au jour une vérité indicible, qu’aucun mortel n’était préparé à appréhender… et cette vérité bouleversant l’ordre cosmique l’a rendu fou. Il a déterré Des choses cachées depuis la fondation du monde pour reprendre le si beau titre d’un auteur qu’il cite d’abondance, et pour cette faute prométhéenne il est maudit ! Maudit, maudit ! À Thèbes, dans le milieu des psychanalystes, et dans le monde entier !

Le prolixe Bayard publie un livre par an et dans sa toute dernière enquête farfelue, à nouveau à la première personne, intitulée Aurais-je été sans peur et sans reproche ?, il se mesure à son « ancêtre » le chevalier Bayard…
Si jamais il manque d’idées (ce qui m’étonnerait un peu) pour ses prochaines contre-enquêtes littéraires, je lui suggère de se frotter à un autre type de classiques et un autre genre de mythologie : les récits religieux. Que sait-on au juste des circonstances de la mort du Christ, et les boucs émissaires si commodément désignés par la tradition (Judas, Ponce Pilate) ont-ils vraiment joué le rôle qu’on leur assigne ? Cette mission, si vous l’acceptez, comporte par les temps qui courent des risques mortels. Comme toujours, si vous ou l’un de vos agents étaient capturé ou tué, la Sorbonne nierait avoir eu connaissance de vos agissements.

De quelle réalité parlez-vous ? (1/2)

30/12/2024 Aucun commentaire

Dernier rattrapage en DVD de l’année : Reality de Tina Satter (2023).
Dernier gros choc rétinien, également.
Film unique en son genre, au dispositif radical et intrépide.

Le 3 juin 2017, Reality Winner (« Gagneuse de réalité » quel nom incroyable, purement conceptuel ! il est pourtant authentique…) est arrêtée chez elle par le FBI qui met un temps fou à lui révéler ce qui lui est reproché : elle est accusée d’avoir fait fuiter un document confidentiel suggérant l’ingérence de la Russie lors de la première élection de Trump, en 2016.

Le dialogue entre Reality et les agents fédéraux, d’une durée de près de deux heures, a été enregistré sur place, et le film est tout simplement (?) la mise en scène de ce verbatim, n’inventant pas un seul mot mais, en revanche, de multiples et fascinants stratagèmes de thriller en huis-clos.

Cependant, le plus troublant pour moi dans ce film qui repose sur un effet de réel absolu, est son aspect lynchien, c’est-à-dire absolument irréel.
Car le réel n’est qu’apparences, couche après couches, rideaux de velours et de fumée.
À mille lieues du rythme trépidant et codifié des films d’espionnage hollywoodiens, les hésitations, les lenteurs, les maladresses, les embarras qui émaillent les paroles, les étranges échanges entre les « personnages » qui s’étirent en perpétuels travaux d’approche, qui seraient burlesques s’ils n’étaient si inquiétants, comme s’ils ne parlaient pas la même langue et abordaient chacun par une face différente une vérité qu’aucun d’entre eux ne connaîtra tout à fait… ont l’air de sortir tout droit de Twin Peaks.

Alors, la révélation m’est venue.
Le monde est devenu Twin Peaks.
David Lynch a gagné.
Il a contaminé le réel.
Pas seulement le cinéma : le réel.
Ou du moins, il a contaminé la façon de le regarder, la seule façon d’avoir accès à lui : accès bancal, irrationnel, anxieux, absurde, drôle dans le meilleur des cas – sinon menaçant.
David Lynch le voyant, poète et prophète a révélé (a pressenti) la bizarrerie du réel en sorte que le réel sonne et sonnera désormais bizarre « à la Lynch ».

Je suis fort chagrin depuis que j’ai appris que David Lynch, fumeur depuis 60 ou 70 ans environ (je me souviens de cette réplique autobiographique dans Sailor & Lula : « Sailor, à quel âge as-tu fumé ta première Marlboro ? – Euh, je crois que j’avais 4 ans » ) est atteint d’un emphysème pulmonaire, qu’il ne respire plus qu’assisté par une bouteille d’oxygène, et qu’il ne réalisera plus de film. D’un autre côté, il n’a plus besoin de réaliser des films puisqu’il a réalisé le monde.

Voilà pour moi la leçon essentiel de ce Reality qui parle effectivement de reality, à l’époque trumpienne de la post-vérité, des faits alternatifs et de l’oppression technologico-policière. Usuellement, pour nous comprendre les uns les autres comme si cela était possible, nous qualifions notre époque de « trumpienne » mais si ça ne tenait qu’à moi nous dirions évidemment lynchienne, histoire de rendre à César.

Addendum du 16 janvier 2025 : aujourd’hui Los Angeles est en flammes et David Lynch est mort. Qu’il ait succombé aux mégafeux léchant Mulholland Drive ou aux décennies de tabagie revient au même, il a été consumé. Nous ne pouvons dire qu’une prière pour lui : Fire, walk with him.

D’autres mondes possibles

29/12/2024 Aucun commentaire
Bienvenue dans l’expo « Pays Bassari », musée Dauphinois.
Photo Laurence Menu

« Où tu es allé pendant les vacances ?
– En Afrique, presque. Mais juste à côté de chez moi. »

Je suis grenoblois depuis 38 ans, oh comme c’est amusant, 38 comme l’Isère, et depuis 38 ans je m’époustoufle des expositions du Musée Dauphinois.

Vu là-haut aujourd’hui l’expo « Pays Bassari » consacrée à ce territoire certes non dauphinois mais africain, qui se déploie à cheval sur le Sénégal, la Guinée et le Mali (car la cartographie des populations et des civilisations a peu à voir avec les frontières tracées à la règle et au compas par les colons). Territoire dont la richesse humaine est telle qu’il est inscrit depuis 2012 sur la Liste du patrimoine mondial de l’humanité de l’UNESCO.
L’expo est à voir au Musée Dauphinois jusqu’en septembre prochain.

Il n’y a rien de mieux (au monde, hein) que l’ethnologie. L’ethnologie est à la fois une méthode scientifique, une pédagogie, un art de la narration (on comprend un peuple avec ses contes : avec ce qu’il se raconte à lui-même), une ouverture d’esprit, un enregistrement du temps qui passe ici comme partout, des constantes qui demeurent ici comme partout et des changements qui adviennent ici comme partout, une prise de conscience que si l’humanité compte huit milliards d’individus alors chacun des huit milliards est une possibilité de l’humanité, et enfin, par-dessus tout, fondamentalement, l’ethnologie est un exercice de pur accès à la beauté, et si elle n’était pas cela aussi elle ne serait rien de tout le reste.

Une fois la beauté assimilée, et peut-être seulement à ce moment-là puisque le contact avec le monde est d’abord sensible, l’ultime vertu de l’ethnologie est bien sûr politique : l’accès à l’idée même que « d’autres mondes sont possibles » .
Ainsi, nous autres occidentaux baignons tellement dans la société de classes, bien complète de ses rapports de domination et de ses inégalités systémiques, nous encourons le risque calamiteux de croire que cette construction par classes sociales est « normale » voire « naturelle » ; or une salle de l’expo, particulièrement bien conçue, décortique la construction sociale des ethnies du pays Bassari non par classes socio-économiques mais par classes d’âge. Dans certaines d’entre elles, on change de catégorie, et donc de rôle et de fonction sociale, tous les trois ans. Et ça marche ? Ça ne marche pas plus mal que chez nous.

Quand j’étais étudiant je pensais qu’ethnologue était le meilleur métier du monde. Je ne suis pas devenu ethnologue, je suis devenu fainéant, mais cela ne m’empêche pas de lire de l’ethnologie, encore heureux, ce n’est pas parce qu’on n’est pas poète qu’on n’a pas le droit de lire de la poésie.

Intervenant en milieu scolaire

28/12/2024 Aucun commentaire

Cette nuit, j’étais censé jouer dans une école le spectacle Je t’embrasse pour la vie, lettres à des morts.

Je me demandais si c’était vraiment adapté à un public jeunesse, mais bon, pour une fois qu’on reçoit une commande, qu’on nous promet un cachet, on ne va pas cracher dessus, pas de fine bouche allons-y, va pour une école. Lorsque j’arrive sur place, j’apprends que c’est organisé dans le cadre d’une journée de sensibilisation aux handicaps. Ah, bon ? Mais quel rapport avec la guerre de 14 ? Oui, c’est vrai que beaucoup de poilus sont revenus handicapés mais tout de même, je me demande s’il n’y aurait pas un malentendu… Bon, je ne discute pas, je me prépare, j’enfile mon costume noir pendant que les enfants jouent dans la cour de récré. Mais merde, me voilà en solo pour un spectacle conçu en trio, mes textes à moi je les connais à peu près, mais ceux de Stéphanie ??? Ah tant pis, je n’ai plus le temps de réfléchir, je me débrouillerai, il faut juste que je vérifie que j’ai bien le bouquin original dans mon sac et pas seulement mes propres textes réécrits à la main. Et la musique, au fait ? Bordel, mais Tof et sa cornemuse ne sont pas là non plus ! Ah ben oui l’école n’avait d’argent que pour un seul cachet ! Qu’est-ce que je peux mettre comme musique à la place ? Attends voir ils ont quoi sous la main ? Sur le bureau de la maîtresse devant le tableau : un lecteur de CD, et c’est quoi les albums à disposition ? Steve Waring, Henri Dès… C’est pas du tout adapté, ça va faire un contraste très bizarre, je vous le dis tout de suite ça va être n’importe quoi cette représentation… Mais bon, il faut que je me répète que c’est payé, et que ça nous vaudra peut-être une meilleure invitation ailleurs, faut que j’ai le réflexe effet domino, ah au fait je les ai pris les flyers ? Plus le temps de finasser, je vois les parents d’élèves faire la queue devant l’entrée, certains ont des bébés dans les bras, ils ont tous l’air de bonne humeur, les pauvres ne savent pas ce qui les attend, je vais te casser l’ambiance, moi, ça va pas tarder, j’entends les flonflons et les boums-boums, les hauts-parleurs dans la cour de récré, en fait c’est la kermesse de fin d’année, je vois dans la cour un stand de tir sur boîtes de conserve, vite, il faut que j’invente un moyen de rattacher le spectacle à ce stand, inviter les parents d’élèves à tirer sur des boîtes de conserve pendant que j’énumère mes morts, un semblant de cohérence rétabli, ça pourrait marcher, allez on y va, aux grands maux…
Heureusement, sur ce je me réveille.

En guise de postface, par Christophe Sacchettini.

Je t’en ficherai, des fonds de tiroir !

27/12/2024 Aucun commentaire
Catherine Vautrin, fond de tiroir, enchanté.

Depuis l’annonce, le lundi 23 décembre 2024, du nouveau gouvernement sélectionné à la main par le premier ministre François Bayrou, l’une des expressions récurrentes employées par la presse pour qualifier les impétrants ministres est Fonds de tiroir. J’en prends ombrage. J’en fais une affaire personnel. Je n’ai rien à voir là-dedans. Not in my name.

Le Fond du Tiroir tient à affirmer solennellement n’avoir donné aucune consigne de vote et n’avoir pas été appelé par Matignon. Si cela avait été le cas, il aurait conseillé à Bayrou, par souci d’apaisement, un authentique gouvernement d’union nationale incluant Jean-Pierre Raffarin, Jérôme Cahuzac, Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, Georges Pompidou, Guy Mollet et Edouard Herriot. Bayrou n’a hélas pas jugé bon de solliciter les conseils du Fond du Tiroir, mais il faut reconnaître avec fair-play qu’il s’en est très bien tiré tout seul, avec un résultat très comparable.

Les journalistes manquent peut-être de vocabulaire ? On pouvait dire, oh ! Dieu ! bien des choses en somme, par exemple, tenez. Le gouvernement que François Bayrou a offert à la France au pied du sapin, remarquable non-événement, aligne les increvables opportunistes, les losers repêchés, les droitards qui font comme si de rien, les fantoches utiles, les ringards retourneurs de chemise, les zombies politiques à la gamelle, non, pardon, je retire ce que je viens de de dire, c’est désobligeant pour les zombies, car les zombies y en a des bien.

Parmi ces éternels de retour, Catherine Vautrin, ex-RPR, ex-UMP, ex-mise en examen (en 2014, en tant que trésorière de l’UMP), ex-LR, actuelle Renaissance, hérite de ce qui est qualifié de « super ministère social » : la voici Ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles . Elle était déjà en charge de ce portefeuille fourre-tout en début d’année et avait déjà commencé à nuire en préparant une réforme de l’assurance chômage toujours plus sévère envers les chômeurs.
Entre elle et le « social » l’histoire d’amour est fort ancienne, puisqu’elle fut « Ministre de la cohésion sociale » dès 2005, sous Chirac.

Or d’où vient cette ministre super-sociale ? Elle a suivi une formation de droit des affaires et, avant de se vouer à la politique, a appris la vie à la dure, en tant que cadre, cheffe de produit, directrice du marketing et de la communication pour la branche européenne d’une grande compagnie d’assurance américaine – c’est dire si c’est une pro, et qu’elle a à la fois la fibre nécessaire et les références suffisantes pour incarner le « social » dans le gouvernement Bayrou : nous pouvons être certains qu’il ne se passera absolument rien dans ce domaine, à part peut-être des économies sur le dos des maudits fainéants que sont les assistés sociaux.

Voilà qui m’a donné l’envie de republier au Fond du Tiroir, dans une énième version revue, corrigée et copieusement augmentée, l’enquête au long cours (qui est tout, sauf un fond de tiroir) menée sur ce mot passionnant et insaisissable, cet adjectif qui peut signifier tout et son contraire selon le substantif qu’il qualifie : social.
Que veut dire social, au juste ?

Spéciale dédicace, bon courage et bonne année, à Catherine Vautrin.

Comptine blasphématoire

24/12/2024 Aucun commentaire
J’ai le hoquet, j’ai le hoquet
Dieu me l’a fait
Et je ne peux plus m’arrêter

(Paroles Boris Vian, musique Henri Salvador)

J’en ai déjà parlé ici : j’ai mis fortuitement la main sur un lot de correspondance familiale couvrant près de deux décennies (1963-1981) et me suis plongé dans l’archéologie de moi-même.

Une lettre datant de 1976, j’ai 7 ans, raconte qu’avec mon grand frère, ainsi qu’avec le fils du voisin et sa petite soeur, nous jouons tous les quatre à un jeu sérieux, nous avons fondé une tribu indienne, la Tribu de l’Aigle bleu, au sein de laquelle, comme je suis le plus jeune et le dernier dans la hiérarchie, je reçois le titre mystérieux d’aide de camp (anamnèse express ! me jaillit à la figure cette source souterraine d’Ainsi parlait Nanabozo ! Wakan Tanika soit loué !) ; une autre lettre, datant de noël 1971 évoque une traversée de la France en train de nuit, de la Bretagne aux Alpes, pour que mes parents, mon frère et moi-même passions les fêtes dans nos montagnes natales. J’ai deux ans et demi et ce voyage en train est peut-être bien mon plus vieux souvenir, j’en garde des images du couloir dans le wagon (un magicien y montrait des tours de cartes, j’en suis sûr) et surtout du hall de gare à Paris lors de la correspondance.

Mais c’est un autre passage de cette même lettre que je relève avec le plus d’émotion.

La personne qui tient la plume, avec qui hélas je ne peux plus échanger oralement, mentionne qu’à deux ans et demi je fais encore beaucoup pipi dans ma culotte et que j’aime la musique, les chansons, que je réclame qu’on rejoue sans cesse le même microsillon de Léo Ferré, et que j’aime notamment la chanson Dieu Vinaigre que j’identifie et que je cite lorsqu’elle passe à la radio.

Dieu Vinaigre ? Qu’est-ce que c’est que ça ? Le manuscrit entre mes mains ajoute des guillemets et un point d’exclamation qui sonnent comme une private joke. J’adorerais qu’une chanson porte un titre aussi splendide, tellement chargé de symboles (ben tiens : la sainte éponge imbibée de posca pour désaltérer le Christ… les aigreurs religieuses diverses…). Hélas Youtube est formel : Dieu Vinaigre n’existe pas. Il ne me reste qu’à l’écrire.

Par associations et recoupements d’idées plus artisanaux qu’algorithmiques, je retrouve le titre original, déformé par le marmot de 1971 : Dieu est nègre est une chanson germanopratine de Ferré évoquant le jazz, le black power, les négro spirituals, la trompette d’Armstrong, les nuits et les bars de Manhattan à Pigalle. Je suis sidéré par la constance de mes goûts, quoique je ne pisse plus trop dans mes culottes.

Même si cette chanson de Ferré a été créée par Juliette Greco dès les années 50, bien avant que son auteur se la réapproprie, son titre constitue une provocation plutôt typique des années 70, mot d’ordre pro-Noirs, anticolonial et anticlérical. Dans le même esprit, en 1971, Anne-Marie Fauret, des Gouines Rouges, proclamait « J’ai vu Dieu, elle est noire, communiste et lesbienne » (L’Antinorm numéro 1, page 8), ajoutant ainsi anti-patriarcat, féminisme et lesbianisme aux précédentes revendications ; en 1972 Hugues Aufray chantait À propos d’un détail : Car le Bon Dieu du ciel, maintenant, c’est certain/Est un être charmant de sexe féminin/Et je dois ajouter à sa plus grande gloire/Que c’est une jolie fille et qu’en plus, elle est Noire.

Bref, Dieu est nègre était un blasphème, né dans une époque où le blasphème choquait (il servait à cela) mais où pour autant on n’envisageait pas de modifier la loi pour le condamner. Pourvu que ça dure. Du haut de mes deux ans et quelques, très innocemment j’allongeais de vinaigre la provocation blasphématoire. J’en faisais une jolie comptine.

Ce qui me conduit, toujours par associations non-algorithmiques et irrationnelles, à penser à autre chose, à d’autres comptines. Nos chansonnettes de cour de récré aussi étaient pénétrées de religion et (par conséquent ?) de blasphèmes.

Le p’tit Jésus a une quiquette/Pas plus grosse qu’une allumette/Il s’en sert pour faire pipi/ Vive la quiquette à Jésus-Christ ! Nous chantions cela. En voilà de la comptine très gentiment blasphématoire, qui ne saurait faire tiquer que les plus secs bigots, et qui au contraire rend à qui veut l’entendre Jésus infiniment sympathique, puisque tiré vers son versant humain. Verbe fait chair, Jésus est peut-être Dieu, mais il est en même temps notre semblable, notre frère, puisqu’il a une quéquette et qu’il a besoin de faire pipi comme vous et moi. Certes, cela contrecarre candidement la théologie chrétienne ordinaire qui a pour principe général de toujours nier les organes, non seulement des personnages de sa propre mythologie, mais aussi de vous et moi.

Nouvelle association d’idées para-algorithmique. L’autre jour, une personne fort proche de moi se voit contrainte d’interrompre par un hoquet la conversation qu’elle me faisait. Aussitôt je lui récite une formule, aussi mécaniquement que surgirait un « À tes souhaits » : J’ai le hoquet/Dieu m’l’a donné/Petit Jésus/Je ne l’ai plus, da capo ad libitum accelerando.

Cette comptine a valeur de formule magique, d’incantation de protection, de conjuration propitiatoire : la réciter enlève le hoquet par la grâce de Dieu et de Jésus. Et d’ailleurs, ça marche. La preuve ! La preuve de quoi ?

Il convient maintenant de parler des métaphores. Dans « Mon credo » j’écrivais ceci à propos des métaphores (c’est long : je prends ici le risque de perdre les moins motivés de mes lecteurs – à ceux-là, salut et joyeux noël) :

Je ne crois pas en Dieu à proprement parler, mais je crois en l’univers. C’est-à-dire que je crois aux métaphores : l’univers est vieux de 13,7 milliards d’années ; dieu au sens monothéiste du terme en est la métaphore, jeune d’environ 6000 ans. Dieu est donc né il y a 6000 ans pour se substituer en tant que métaphore, en tant que concept plus facile d’accès, en tant que manière de parler et de penser, à l’univers de 13,7 milliards d’années. Y compris pour moi qui ne croit nullement en DieuDieu est recevable en tant qu’idée, que concept, qu’image, que métaphore de tout ce qui est plus grand que nous – l’univers, la vie, la mort, l’humanité qui a commencé longtemps avant moi et se terminera longtemps après (« Apprenez que l’homme passe infiniment l’homme et entendez de votre Maître votre condition véritable que vous ignorez. Écoutez Dieu. », Pascal), le peuple, la connaissance, la nature (« Deus sive Natura » Spinoza), la danse (« Je ne croirai qu’en un dieu qui danse » Nietzsche), le ciel, la forêt, la mer, l’amour, l’avenir, le passé, le temps-qui-passe…
(Pour consulter ce que Nietzsche pensait des métaphores en tant que visions du monde/fictions du monde, lire Vérité et mensonge au sens extra-moral).
Sans aucun doute je me sens davantage frère des mystiques foudroyés par la révélation parmi des ruines antiques inondées de soleil, tel un Albert Camus dans Noces à Ibiza, ou bien au cœur d’une forêt, tel un Romain Rolland écrivant à Freud la fameuse lettre du 5 décembre 1927 où il évoque le sentiment de ne faire qu’un avec l’immensité du monde : « …le fait simple et direct de la sensation de l’éternel (qui peut très bien n’être pas éternel, mais simplement sans bornes perceptibles, et comme océanique) », que d’un Claudel, converti à Notre-Dame derrière le second pilier à l’entrée du chœur à droite du côté de la sacristie. Moi qui vous parle j’ai connu une sorte de révélation devant le bureau des postes de Chambéry, c’est pour dire. Une forêt, une bourrasque, un bureau de poste ou même, à la rigueur, pour les moins imaginatifs, une église, tout peut servir de support à cette métaphore universelle qu’est Dieu.
Exemples de métaphores usuelles (petit jeu amusant : dans chaque cas, vous remplacerez le mot Dieu par un autre qui vous semblera plus approprié) : À Dieu vat ! Dieu seul le sait. Chacun pour soi et Dieu pour tous. Dieu te garde/protège/guide/bénisse. Dieu soit loué ! À Dieu ne plaise. Dieu m’est témoin. Chaque jour que Dieu fait. « La majorité des faits, grâce à Dieu, sont prescrits » (Monseigneur Barbarin). « Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre ! » (François Villon) « Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! » (Arnaud Amaury) Mon pauvre enfant, à présent ta maman est auprès de Dieu. Vaya con dios. Inch’Allah. God save our gracions Queen. Gottverdammt ! Dieu ait son âme. Dieu vous le rendra. Mon Dieu je jouis. Etc. En revanche l’espérance en Dieu en tant qu’être, vaguement anthropomorphe et traditionnellement plus viril qu’efféminé, doté d’une conscience, parfois d’une barbe, et surtout d’un quelconque intérêt pour ma petite personne, m’apparaît comme la manifestation du besoin infantile de croire que papa pense encore à moi lorsque je suis tout seul dans la nuit.

Qu’on ne s’y trompe pas : j’aime, j’adore et je respecte le pouvoir des métaphores (je suis écrivain), qui ajoutent du sens à nos visions du monde, et des visions à nos sens du monde… et nous rappellent à l’humilité, puisqu’il ne faut jamais oublier que la vision du monde n’est pas le monde. En cela, je peux dire que j’aime, j’adore et je respecte Dieu ou le petit Jésus, oui, pourquoi pas (même si je préfère Wakan Tanka). J’adule d’ailleurs la pensée magique en général pour ce qu’elle contient de poésie, mais je n’oublie pas qu’elle n’est pas le monde. Croire en la littéralité des métaphores : définition acceptable de tout délire.

Revenons à J’ai le hoquet/Dieu m’l’a donné/Petit Jésus/Je ne l’ai plus ! Repenser à cette mignonne comptine anti-hoquet, la réciter encore et la prescrire, me fait réaliser que Dieu et Jésus sont ici la métaphore d’autre chose. De quoi ? De la respiration. Du souffle. Et c’est tout sauf une nouveauté : le souffle, c’est l’esprit de Dieu depuis Job 33:4, et même depuis la première ligne de la Bible, La terre était informe et vide, les ténèbres étaient au-dessus de l’abîme et le souffle de Dieu planait au-dessus des eaux.

Ne confondons pas la vision du monde et le monde. Ce qui t’a donné réellement le hoquet, ce n’est pas Dieu, c’est un dysfonctionnement momentané de ta respiration (une contraction involontaire, spasmodique et coordonnée de tous les muscles inspiratoires (diaphragme et muscles intercostaux), associée à une fermeture de la glotte) ; ce qui t’a ôté réellement le hoquet par magie, ce n’est pas le petit Jésus, c’est le fait de bloquer et réguler ta respiration le temps de répéter à toute vapeur et en boucle une formule magique – le miracle opérerait de même si on remplaçait la mention de Dieu et de Jésus par le Monstre de spaghetti volant, Dracula, Manuel Valls ou Riri-Fifi-Loulou. La prochaine fois que tu choperas le hoquet, essaye avec J’ai le hoquet/Joseph Staline m’l’a donné/Nicolaï Ceausecu/Je ne l’ai plous, je te parie ma chemise que le tour sera joué.

Vive le blasphème ! Vive la chanson ! Vive l’enfance ! Vive la quiquette à Jésus Christ ! Vive la pensée magique ET vivent les Lumières ! Vive la laïcité ! Vive la République ! Vive la France ! Joyeux noël !

Petite espèce humaine à tête carrée

22/12/2024 Aucun commentaire

Un autre livre-cadeau de noël que je m’offre : le somptueux Album de Poil de Carotte, façonné à la main sous la forme littéral d’un album, aux bons soins de l’Atelier Typographique de l’Estey, soit Edith Masson & Hervé Bougel, et illustré par Lisbeth Lempérier (qui succède, excusez du peu, à Félix Valloton).

Cent-trente ans ont passé depuis la première édition de Poil de Carotte de Jules Renard, et depuis cent-trente ans le petit rouquin mal aimé, puni, assis dans le placard, continue de soupirer pour lui-même et pour nous que Tout le monde ne peut pas être orphelin.

L’Album de Poil de Carotte est une sorte d’épilogue ajouté par l’auteur à son roman autobiographique, un chapitre d’annexes, constitué de trente fragments n’ayant pas trouvé leur place dans le récit, une compilation de scènes coupées suffisamment fortes pour être une fin en soi. Voici le fragment numéroté XI :

Dans les batailles à coups de boules de neige, Poil de Carotte forme à lui seul un camp. Il est redoutable, et sa réputation s’étend au loin parce qu’il met des pierres dans les boules.
Il vise à la tête : c’est plus court.
Quand il gèle et que les autres glissent, il s’organise une petite glissoire, à part, à côté de la glace, sur l’herbe.
À saut de mouton, il préfère rester dessous, une fois pour toutes.
Aux barres, il se laisse prendre tant qu’on veut, insoucieux de sa liberté.
Et à cache-cache, il se cache si bien qu’on l’oublie.

Non seulement suis-je reconnaissant aux Éditions de l’Estey de me faire redécouvrir ce texte fabuleux par l’entremise d’un objet artisanal flattant l’oeil et la main, mais leur suis-je gré de la suite, qui m’appartient : j’en profite pour relire tout Poil de Carotte.
Et c’est une révélation, une épiphanie, une agnition, une anamnèse à la manière d’un personnage de Philip K. Dick qui se remémore soudain son passé, que son passé lui-même lui avait fait occulter.

Lu alors que j’étais collégien, jamais relu depuis, presque oublié, jamais disparu, Poil de Carotte a été déterminant dans ma vie et dans mon écriture, il était temps d’en prendre conscience. Il a rempli et il remplit la plus noble et la plus essentielle fonction des livres de chevets : son lecteur cesse pour un instant de se sentir seul. Je retrouve sans mal des réminiscences de ce roman fondateur en songeant au premier livre que j’ai publié. Je me replonge entre ses pages, il n’a pas changé, au fond moi non plus, et je reproduis sa géniale conclusion, émancipation ambigüe, je la recopie pour mieux la lire :

Monsieur Lepic – Qu’est-ce que tu attends pour m’expliquer ta dernière conduite qui chagrine ta mère ?
Poil de Carotte – Mon cher papa, j’ai longtemps hésité, mais il faut en finir. Je l’avoue : je n’aime plus maman.
Monsieur Lepic – Ah ! À cause de quoi ? Depuis quand ?
Poil de Carotte – À cause de tout. Depuis que je la connais.
Monsieur Lepic – Ah ! c’est malheureux, mon garçon ! Au moins, raconte-moi ce qu’elle t’a fait. 
Poil de Carotte – Ce serait long. […]
Monsieur Lepic – Petite espèce humaine à tête carrée, tu raisonnes pantoufle. Vois-tu clair au fond des cœurs ? Comprends-tu déjà toutes les choses ?
Poil de Carotte – Mes choses à moi, oui, papa ; du moins je tâche.
Monsieur Lepic – Alors, Poil de Carotte, mon ami, renonce au bonheur. Je te préviens, tu ne seras jamais plus heureux que maintenant, jamais, jamais.
Poil de Carotte – Ça promet.
Monsieur Lepic – Résigne-toi, blinde-toi, jusqu’à ce que majeur et ton maître, tu puisses t’affranchir, nous renier et changer de famille, sinon de caractère et d’humeur. D’ici là, essaie de prendre le dessus, étouffe ta sensibilité et observe les autres, ceux même qui vivent le plus près de toi ; tu t’amuseras ; je te garantis des surprises consolantes.
Poil de Carotte – Sans doute, les autres ont leurs peines. Mais je les plaindrai demain. Je réclame aujourd’hui la justice pour mon compte. Quel sort ne serait préférable au mien ? J’ai une mère. Cette mère ne m’aime pas et je ne l’aime pas.
— Et moi, crois-tu donc que je l’aime ? dit avec brusquerie M. Lepic impatienté.
À ces mots, Poil de Carotte lève les yeux vers son père. Il regarde longuement son visage dur, sa barbe épaisse où la bouche est rentrée comme honteuse d’avoir trop parlé, son front plissé, ses pattes d’oie et ses paupières baissées qui lui donnent l’air de dormir en marche.
Un instant Poil de Carotte s’empêche de parler. Il a peur que sa joie secrète et cette main qu’il saisit et qu’il garde presque de force, tout ne s’envole.
Puis il ferme le poing, menace le village qui s’assoupit là-bas dans les ténèbres, et il lui crie avec emphase :
— Mauvaise femme ! te voilà complète. Je te déteste.
— Tais-toi, dit M. Lepic, c’est ta mère, après tout.
— Oh ! répond Poil de Carotte, redevenu simple et prudent, je ne dis pas ça parce que c’est ma mère.

Le retour du fantôme de la résurrection de la vengeance du fils du Mirliton (M.M., volume 4)

13/12/2024 Aucun commentaire
Maradraq, duo à grande échelle : Adeline Guéret & Marie Mazille

UN

Mirliton Matin, rubrique résumé des épisodes précédents !

Puisque l’on dit toujours qu’un mirliton par jour
Assure un joli teint, promet santé, amour…
En voulez-vous encor’ de nos beaux mirlitons ?
C’est preuve de bon goût, nous vous félicitons !
Les annales sont là, à la portée d’un clic
Ensuite ici, enfin là-bas, très cher public !

DEUX

Mirliton Matin, rubrique Conquête de l’espace !

Dans l’espace, personne ne t’entend crier…
Que tu viens tel un con de te voir dépouiller
Par un fieffé gredin, un malin flibustier
Se présentant à toi comme un scaphandrier
Qui au fond du cosmos a été expédié
Puis, regrettablement, a été oublié…
Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Voilà que tout à coup il reste le dernier.
La NASA, l’ISS, c’est pas pour calomnier,
L’ont bien laissé tomber, les salauds, les fumiers !
Quatre mois qu’il n’a pas été ravitaillé !
Sa mission dont le cours finit par dérailler
L’abandonne en orbite… Es-tu apitoyé ?
Le « silence éternel » … Es-tu émerveillé ?
Lui qui, dans sa fusée, était un fier pionnier,
Sur son orbite ne fait plus que tournoyer,
Avec mélancolie il se met à ciller
Scrutant à des années-lumières scintiller
La terre-mère. (En outre, il commence à cailler.)
Ah, au fait, c’est ballot, sans vouloir larmoyer,
Il a beau être strictement appareillé
Ses heures sont comptées, il vient de vérifier :
L’approvisionnement en air est bousillé.
L’oxygène réduit, les circuits sont grillés
Et le sable s’égraine dans le sablier !
Cependant, pas question de se laisser gagner
Par la résignation. Le sort t’a désigné !
Toi seul peux le sauver et le rapatrier
Le rendre à sa planète ainsi qu’à son foyer !
Pour lui sauver la vie, il suffit de payer.
N’hésite pas, il n’est plus temps de barguigner.
Si tu consens dès maintenant à défrayer,
Il descendra, pour sûr, comme d’un escalier
Du firmament tout noir qui le tient prisonnier.
Comme il a hâte de te voir et festoyer !
Donne-lui sans tarder comme il l’a supplié
Ton numéro de carte bleue. Va monnayer
Tous tes bijoux auprès de quelque joaillier,
Ou souscris un emprunt, demande à ton banquier…
Enfin trouve un moyen ! Tâche de magouiller
Pour dénicher du cash et régler son billet
De retour en urgence. Ne te fais pas prier !
(Et ne t’inquiète pas de l’emploi des deniers
En plein vide cosmique, ils sont appropriés :
L’argent sauve partout, qu’est-ce que tu croyais ?)

TROIS

Mirliton Matin, rubrique Génération France Musique !
Le duo Maradraq (photo en en-tête ci-dessus), grisé par son passage en direct sur France Musique (200 000 auditeurs, score que chacun peut augmenter sans fin grâce au podcast), a décidé de donner un coup de fouet à sa carrière en adressant une candidature spontanée auprès du plus prestigieux label discographique du monde, MusTraDem. Le président dudit label s’est empressé de répondre à cette candidature en se fendant d’un mirliton bien senti :

Le collectif Mustradem
Vous répondra « Je vous aime »
Il ne peut qu’être enthousiaste
Il ne peut que trouver belle
Cette idée iconoclaste
De signer le fier duo
Estampillé du label
« je t’ai vu à la radio ».

QUATRE

Mirliton Matin, rubrique copinage !
Il se trouve que 50% du duo Maradraq sus-cité, Marie Mazille, a fêté son anniversaire le 14 novembre dernier (ainsi que, ô comme c’est curieux, le 14 novembre précédent, ainsi, a priori, que le 14 novembre prochain). Voilà qui assurément réclamait un mirliton
***
Tu sens tes mains, tes pieds, tes mollets qui fourmillent ?
C’est normal : aujourd’hui est un jour de gala.
Un quatorze novembre est née Marie Mazille
Depuis lors, cette date est Saint Nyckhelharpa !
Comme en plein jour soudain les étoiles scintillent…
Du moins si on l’inscrit dans le bon agenda.
On met ses beaux habits, voire ses bas résilles,
On chante, on danse, on crie, on esquisse des pas,
On s’époumone en chœur pour célébrer la fille
Qui joue comme on respire et ne suffoque pas !
Celle qui rajeunit à chaque an qu’elle enquille
Atteint la Haute-Marne (comprenne qui pourra).
Foin d’infusion, tisane ou autres camomilles…
Champagne, au minimum ! Cognac, saké, grappa
Que l’ivresse nous prenne ainsi que la Bastille !
Chère consœur bonne journée, bonne fiesta !
C’est toujours un plaisir que de partir en vrille
Je t’embrasse bien fort, ma chère Wolfganga.
(J’avais d’abord prévu un bouquet de jonquilles…
Mais un bon mirliton régale qui de droit.)
***
[Réponse de l’intéressée :]
Très très très cher collègue
Tu n’es vraiment pas bègue
Quand il s’agit, vois-tu
D’écrire au saut du lit
Un bien joli quatrain
Que désormais je lis,
Telle un Nosferatu
Allongé dans un train
Au coeur du Périgord
(Entre Marseille et Lille)
Mais cette histoire de Marne
Je n’ai pas bien compris…
Cela rimerait-il
Avec Dick Anegarn ?
(Qu’au passage j’adore !)
Écoute-moi, l’ami
Cet excellent poème
Me ravit l’intestin
(do ré mi la perdrix)
***
[Réponse du mirlitonneur à la mirlitonneuse :]
Voyons ! La Haute-Marne (réfléchis un peu),
Est le département numéro cinkant’deux !
C’est là ton numéro, justement, de dossard !
C’est là qu’il faut aller, pas en Périgord Noir.
Quand comme toi on est née en soixante-douze,
On visite Chaumont et on y vit pépouze !

CINQ

Mirliton Matin, rubrique merveilles du monde cachées sous terre !

Non loin de l’Aragon pousse l’aragonite
Sous l’île de Majorque où des fleurs de granit
Fuient les rayons du jour. Là, au fond des tanières
Inodores et lentes, elles naissent de la pierre.

SIX

Mirliton matin, rubrique bol alimentaire et muséographie !

Cet excrément fossilisé datant du IXe siècle découvert il y a plus de 40 ans est célèbre pour être le plus cher du monde.

Étudier le transit chez les anciens Vikings
Est un boulot sérieux (on n’est pas au camping).
Le moindre reliquat peut rapporter bonbon
Et se vendre aux musées ; y compris un étron.
Clamons avec ferveur, pour que rien ne se perde,
Que l’archéologie ça n’est pas de la merde.

SEPT

Mirliton Matin, rubrique riches heures de la musique enregistrée !
L’histoire du compact-disc, né en 1982, n’aura duré qu’à peine plus de 40 ans. Mais savez-vous quel groupe eut le privilège d’enregistrer le tout premier album sous ce format ? Mirliton Matin vous le révèle en exclusivité ! (bon, pour être honnête, Radio France l’avait fait avant nous…)
***
En 1982, un support de mémoire
Est baptisé « laser ». Née en laboratoire,
La galette de pointe, artefact merveilleux,
Léger d’aluminium mais lourd de CO2
Promet à la musique un avenir radieux :
Le polycarbonate donne un coup de vieux
À l’ancêtre en vinyl. Luisant de son miroir
Qu’on présente au futur, brillant de mille feux,
Cette boule à facette encapsule l’espoir
D’un son imputrescible, éternel comme un dieu !
C’est la modernité qui retentit aux cieux !
Or, quel groupe est choisi afin de promouvoir
Une aube aussi nouvelle ? Un quatuor plein de gloire,
En pattes d’éléphant, cheveux blonds et yeux bleus
Cumulant disques d’or ou triomphes d’un soir
Et de l’Eurovision revenu victorieux !
Dancing queen, Waterloo, Mamma Mia et, mieux,
The Winner takes it all
… Un vaste répertoire
Qui enchante nos boums (moins les conservatoires).
Cette révolution, ce grand progrès : c’est eux,
Suédois de Stockholm au son pop et joyeux.
Imprimé pour toujours, leur strass est prestigieux
Dans un AbbaCDaire… Abba ça, quelle histoire !
Sic transit gloria mundi, mesdames et messieurs.
***
Puisque l’on chante le polycarbonate, on pourrait tout aussi bien chanter le styrène ou autres matières plastiques. Mirliton Matin en profite pour rendre hommage à l’une de ses intarissables sources d’inspiration, le merveilleux « Chant du styrène » de Raymond Queneau.

HUIT

Mirliton Matin, rubrique rions un peu avec les spams !
Actualité du spam : parfois on rigole tellement en lisant les spams qu’on ne leur en veut presque pas de nous cybercasser les cyberburnes.

« Mesdames, Messieurs,
Je suis vraiment impressionné par la façon dont vous avez réussi à créer un outil qui aide les gens à gérer leurs finances. Je parie que vos clients vous en sont très reconnaissants.(…) L’idée de base est d’ajouter votre marque en tant que nouvelle suggestion (…) dans le moteur de recherche, afin que les gens voient Le Fond Du Tiroir pendant qu’ils tapent par exemple « chaises bistrot occasion le bon coin« . »

Votre proposition tombe joliment bien,
Je la lis aujourd’hui, il n’y a pas de hasard :
Les chaises de bistrot, occasion « Le Bon Coin »,
Sont la spécialité de « Le Fond du Tiroir » !
Ainsi que la gestion de l’argent quotidien…
Car nous savons tout faire et le faisons savoir…
Le marketing viral nous sauvera enfin
Ah, quel glorieux futur il nous laisse entrevoir !

[Madame la présidente du Fond du Tiroir s’est empressée de réagir par un communiqué de presse à l’agence France-Mirliton :]

J’espère que la présidente de cette association lucrative sera reconnaissante de la merveilleuse gestion financière et des dividendes incroyables que la cotation en bourse devrait permettre.

Madame Présidente
Ne perd jamais le Nord !
Elle surveille les ventes
Et veille au coffre-fort.
Avisée commerçante
Recomptant son trésor,
Perspicace gérante
Du capital qui dort,
Elle espère les rentes…
Comment lui donner tort ?

NEUF

Mirliton Matin, rubrique Victoires de la musique et miracle de Noël !

Des fans du rappeur marseillais Jul achètent par erreur des places à 5 euros seulement pour un spectacle de noël suédois.
Héros de Marseille et artiste français le plus écouté sur Spotify, Jul est devenu malgré lui une star en Suède. Alors que le rappeur vient de sortir son 126e album, ses fans ont acheté en masse des billets pour un spectacle prévu le 9 décembre à 11h du matin dans la petite commune suédoise de Kungälv, province historique de Bohuslän, comté de Västra Götaland. Des billets à 5 euros qui se sont arrachés sur le web, rapporte sur son site le journal local Kungälvs-Posten.
Problème : cet événement intitulé « Jul och kul » (« Noël et fun ») est en réalité un spectacle de Noël pour enfants et non un concert de l’interprète de Tchikita. En suédois, le mot « jul » signifie en effet « Noël » .

Vois l’opportunité ! Le prochain show de Djoul
À cinq euros l’entrée ! Normal qu’ils les écoule !
Allez on se les chope, on y go c’est trop cool.
C’est où, c’est loin, la Suède ? On s’en tape, on déboule.
Quatorze heures de bagnole, on fait le plein de fuel
Et pour pas s’endormir on vide des Red Bull
Ou plus raide, on s’en fout, du moment que ça roule
Il y a un temps pour tout, on saoule et on dessaoule…
Nous voici arrivés… C’est l’halu, cette foule !
On a bien fait de réserver, le staff est full.
On se fraie un chemin s’il le faut à coup d’boule,
Même à onze heures du mat, je suis chaud, je m’défoule.
Mais… Y’a que des moutards !? Et quelques papas poules !
Les mômes suédois sont donc des fans de Djoul ?
Pourtant c’est bien ici ! On nage dans la semoule !
C’est quoi les bails ? Je crois que je deviens maboul.
Dégagez, les morpions ! Enfilez vos cagoules !
Retournez chez vos reums, c’est pas l’heure de la school ?
Je suis perdu, j’aurais dû prendre mon pitbull.
Bon, on va se calmer, là j’ai le nez qui coule…
Tu lis le suédois ? Ça dit quoi ? « Konsert Jul » ?
« Un concert de noël » ??? Alors là, j’ai les boules.

DIX

Mirliton Matin, rubrique Passation politique !
13 décembre 2024 : micro-événement à peu près nul et ne servant qu’à souligner le marasme politique français, un certain François Bayrou remplace un certain Michel Barnier au poste de premier ministre.

Il était temps ! Enfin du sang neuf pour la France !
Michel Barnier était trop vieux, caduc et rance…
Pour le pays, son âge était inopportun
(Le pauvre est né en mil neuf cent cinquante et un)
Fatalement, il s’est montré déconnecté,
Et bientôt la censure l’aura éjecté.
Quand on le voit on crie en choeur « Okay boomer » !
Pendant ce temps la jeune garde attend son heure.
De Matignon et du destin tourne la roue…
Entre ici, perdreau de l’année : François Bayrou !
Nos espoirs sont en toi pour sauver la nation
Ta vigueur, ta jeunesse, honorent ta fonction !
Ton frais minois réjouit chacune et chacun !
(Car tu es né en mil neuf cent cinquante et un)

ONZE

Mirliton Matin, rubrique J’ai-confiance-dans-la-justice-de-mon-pays !

Corruption et trafic d’influence combinés :
Sinistre délinquant, récidiviste en germe,
Paul Bismuth sans appel est enfin condamné
À trois ans de prison (toutefois, un seul ferme)
!
Déchéance absolue, pour lui qui gouvernait.
Nous osons espérer, juste avant qu’on l’enferme,
Que cet individu qui a éliminé
150 000 profs, « dégraissé l’pachyderme » ,
Cesse enfin sa rengaine hargneuse et obstinée
Contre l’Éducation. Il en manque ! Qu’il la ferme.
Des travaux d’intérêt général ordonnés
En école maternelle lui feraient l’épiderme.

DOUZE

Mirliton Matin, rubrique Bonnes nouvelles et chansons à boire !
Par souci de santé mentale ou d’équilibre dans le karma, le site francetvinfo.fr achève l’année en recensant 24 bonnes nouvelles pour l’an 24.
Certaines bonnes nouvelles sont douteuses – la première de la liste est Les JO de Paris, ah, bon, si vous le dites. D’autres sont authentiquement réjouissantes, ainsi la toute dernière : un lien est désormais scientifiquement démontré entre la disparition des dinosaures il y a 66 millions d’années et la culture du vin. Voilà qui méritait un mirliton, de forme moyenâgeuse s’il vous plaît, en rimes alternées par trois.

Encore plus stupéfiant que « l’effet papillon » …
Outrepassant « la théorie des dominos » …
Déboule sous nos yeux « l’axiome du T-Rex » !
La science dit (or la science à toujours raison)
Ceci, qui marquera la une des journaux :
Aux temps anciens, bien avant l’âge du silex
Un même astéroïde causa la destruction
Des terribles lézards que l’on nomme « dinos »,
Et l’exquise naissance, en miracle connexe,
De la vigne, du vin, des épris de boisson,
De la dive bouteille et du sacré tonneau !
Matière à réfléchir, aiguiser nos cortex :
Le sacrifice des géants fut l’embryon
De l’ère du raisin et d’un nouveau créneau
De civilisation. L’Histoire est un vortex
Qui a l’horreur du vide et par d’originaux
Stratagèmes, conçoit d’aimables solutions.
Je lève un verre et mes sourcils en circonflexe
Pour célébrer le fruit de la substitution,
Les travaux des paléonto- et des oeno-
– logues, réconciliés ! Santé, et sans complexe.

TREIZE

Mirliton Matin, rubrique Ce matin, pas de mirliton !
Ma collègue de bureau, Marie Mazille, me met au défi d’écrire le mirliton du jour à partir de la photo ci-dessous. Mais non, pour une fois, je décline la proposition, je suis quelqu’un de sérieux, j’ai une éthique, je ne prétends pas comme le premier sophiste vendu au grand capital ou comme un vulgaire influenceur bolloréen que tout est matière à mirliton.

Ce jeu sur le décor, et sur les proportions : j’aime !
La photo est superbe… mais je te dis non.
Car elle est achevée et vaut par elle-même :
Elle n’appelle aucun refrain, nulle chanson.
Elle sait mieux que moi mélanger les extrêmes
Le grand et le petit jouant à l’horizon
Belle et drôle, éloquente… Un poème !
Dans ce cas, à quoi bon jouer du mirliton ?