La vie. Rien que ça ? (Dossier M, 5)

18/03/2024 Aucun commentaire

Et voici le nouvel et avant-dernier chapitre du feuilleton le plus lent au Fond du Tiroir, à raison d’un épisode tous les cinq ou six mois en moyenne : je lis Le Dossier M de Grégoire Bouillier ! [La livraison précédente est ici.]

J’en suis au tome 5, à couverture jaune, sous-titré La Vie, rien que ça, et je suis bien obligé de constater que je lis de plus en plus lentement, comme si je voulais faire en sorte que ça ne s’arrête jamais. Plus j’avance, plus je freine en lisant douze autres livres (qui, souvent, et c’est là que Bouillier est le plus fort, me font penser au Dossier M et comment pourrait-il en être autrement puisque tout est dans le Dossier M), le terme recule au fur et à mesure qu’il s’approche, l’éternité est jouable façon paradoxe de Zénon.

Ce volume cinq, qui se déploie (se débat) toujours à contre-courant, au sein du contrecoup, d’une durée de dix ans, de son « histoire de M » est dans la lignée des quatre précédents : prodigieux. Le monologue se poursuit, Bouillier vérifie régulièrement qu’on est toujours là (la dédicace de ce volume est À ceux qui ne lâchent rien), il pourrait bien parler de n’importe quoi (et de fait…), le spectacle est permanent.

Je sais que certains se lassent en moins de 40 pages chrono. Je puis apporter le témoignage suivant : comme je conseillais Le Dossier M à une dame, elle m’a rétorqué Non merci, j’ai essayé, j’ai eu l’impression d’être à côté de mon mari qui ne s’arrête plus de parler quand il a bu, j’ai refermé. Mais pour ma part, j’en suis à 2 500 pages, non seulement je ne suis pas fatigué, je suis tendu comme un arc, sensible au suspense réel de ce flot (où est-ce que tout ceci va le/me mener ?), mais je suis à chaque page ébloui par l’ambition renouvelée de cette oeuvre-cathédrale, où je me régale de chacune des digressions comme d’autant de vitraux, rosace, statues, tableaux, bas-reliefs, autels, chapelles, pinacles, crypte aussi, et même reliquaires, portails, arcs, voussures, bizarreries architecturales planquées dans l’ombre, sans compter les sons, bruits de pas, tuyaux d’orgues, résonances en chaire (et en os), jusques et y compris l’écho de ma propre voix.

Car le narrateur du Dossier M, Grégoire Bouillier sous toutes ses coutures, a beau être profondément idiosyncratique avec sa logorrhée qui décourage les uns et enchante les autres, il est suffisamment universel pour que chacun soit invité à s’identifier, ainsi que tous les grands protagonistes de la littérature, y compris la littérature autobiographique depuis le protagoniste nommé Jean-Jacques dans les Confessions (1). Grégoire n’hésitant pas plus que Jean-Jacques à se montrer antipathique, chaque lecteur ne s’identifiera pas au même chapitre. Mais quant à moi, par exemple, je m’identifie direct à la page 138 du présent tome, où justement il aborde la différence entre lui-auteur et lui-personnage :

« Tu piges ? » Je pigeais d’autant mieux que, pour ma part, je ne dis jamais quelle suis écrivain. Cela me gêne. Ce serait pure posture. Faire le jeu social. Alimenter le mythe et les malentendus. Si je suis un écrivain c’est lorsque j’écris et uniquement lorsque j’écris. Je deviens alors quelqu’un d’autre. J’entre dans une temporalité infinie. Je le sens. J’ai tout le temps chaud. C’est à la fois mental et physique. Ici le mystère de l’écriture. Hormis cela, je ne suis pas un écrivain. Quand je chie, je ne suis pas un écrivain. Quand je parle de mes livres dans un micro, je ne suis pas l’écrivain qui les a écrits. Prétendre le contraire serait débile. Ce serait indécent louche ! Ce serait m’inventer un personnage. C’est comme les bouchers : s’ils peuvent conduire jour après jour les bêtes à l’abattoir, c’est parce qu’ils jouent leur rôle de boucher. Sinon, ils ne pourraient pas. Pas dans ces conditions. Cela les affecterait. S’inventer un personnage revient toujours à se défaire de son humanité. Voici qu’on ne se sent plus personnellement responsable de ce qu’on fait puisqu’on obéit à une fonction qui fait de nous sa dérivée. C’est comme endosser un uniforme garantissant l’impunité et celui d’artiste ne vaut pas mieux que les autres. Je déteste les uniformes et je ne veux pas sacrifier mon humanité à la Littérature ou à n’importe quoi d’autre affublé d’une majuscule. C’est comme ça qu’on devient inhumain. Tout ce que je peux dire, c’est que je suis un type comme tout le monde qui écrit des livres pas comme les autres. À tout le moins j’essaie. Comme tout le monde, je possède ma propre singularité. Elle seule m’assure que j’existe. Elle seule mérite d’être cultivée pour ce qu’elle est.

(Je précise que ces lignes étonnantes ont été écrites vers le milieu des années 2010, donc des décennies après que Sartre a postulé que le garçon de café joue le rôle d’un garçon de café, mais quelques années avant que l’on polémique sur une autre schizophrénie, plus oiseuse, séparons l’homme de l’artiste pour que le second ne soit pas puni pour les viols commis par le premier.)

Une nouveauté, toutefois : à l’occasion de ce volume-ci, j’ai écrit à l’auteur. Oh, j’aurais eu envie depuis à peu près le début, mais je suis passé à l’acte en début de tome 5, à la faveur de Lino Ventura. Qu’est-ce que vous croyez, puisqu’il y a tout, dans Le Dossier M, il y a aussi Lino Ventura. Plus précisément, une incise longue comme un chorus où Bouillier nie, refuse, réfute, une scène de L’Armée des ombres, dans laquelle Ventura, alias Gerbier, échappe à une mort certaine. J’ai écarquillé les yeux en lisant ce chapitre, et j’ai écrit :

Bonjour Grégoire Bouillier
Je lis votre Dossier M avec des délices variés et profonds. Je suis époustouflé mais très lentement, parce que je lis simultanément beaucoup d’autres choses. J’ai commencé le tome 1, rouge, il y a bientôt deux ans, et je viens d’attaquer le tome 5, jaune. Je suppose que j’aurai terminé l’ensemble courant 2024.
Or cette longue durée crée des effets spécifiques, je suis amené à créer sans cesse des liens avec nombre d’autres livres que je lis ou films que je vois (etc.), comme si votre « histoire de M » repeignait le paysage. Ce genre de connexions élargissent encore le champ de votre livre pourtant déjà opulent. (…)
Ainsi, le volume 5 s’ouvre sur L’armée des ombres (film de Melville sorti en 1969, année de ma naissance et de la première course autour du monde en solitaire qui occasionne un développement de quelques 200 pages dans le volume 4, je n’ai pas oublié) et sur sa terrible scène du tunnel. Sapristi et coïncidence : il se trouve que j’ai revu ce film le mois dernier, pour la première fois depuis l’enfance, il y a une quarantaine d’années. Je n’avais d’ailleurs pas compris grand chose lors de ma première vision, mais il m’en était resté beaucoup d’images, notamment le visage de Paul Meurisse sortant de l’ombre. Le revoir aujourd’hui et à mon âge fait que je crée d’autres liens.
Lors de la fameuse scène du tunnel, j’ai cru voir tout à fait autre chose que ce que je voyais. Ventura se met à courir, se fait mitrailler, et s’interrompt face à un nuage de fumée noire, une corde miraculeuse tombe du ciel, il se hisse aisément, saisit une main, se fait recueillir par ses amis et s’enfuit avec eux en voiture vers des jours meilleurs. Cette scène est tellement invraisemblable, deus ex-machina rocambolesque et abracadabrant, correspondant tellement plus à une rêverie consolatrice qu’à la cruelle réalité, que je n’y ai pas cru.
Ce que j’ai cru voir, c’était la fin de Brazil de Terry Gilliam : le héros (Jonathan Pryce), sur le point d’être torturé et mis à mort, est brusquement sauvé par des membres de la Résistance (Robert de Niro) qui font tout exploser et l’emportent à l’abri, grâce à leur héroïque secours il s’enfuit, rejoint sa bien aimée dans son camion et tous deux quittent la ville pour couler enfin des jours heureux loin du malheur. Puis juste avant la fin, le film revient sur la situation précédente du héros qui n’a, en réalité, pas quitté sa chaise de torture, son coeur a lâché, il est mort, et toute cette dernière séquence n’était que la dernière giclée de réconfort que lui accordait son cerveau avant la mort.
Ainsi j’ai cru que l’Armée des ombres me faisait le même coup que Brazil sorti 16 ans après lui, plagiat ou remake par anticipation, je m’attendais à ce que ce faux happy end se termine mal et cyniquement, façon « tout ça c’était dans sa tête » d’autant plus que par une erreur d’appréciation visuelle dont je faisais une preuve irréfutable de mon interprétation, j’ai cru reconnaître « Félix » dans la personne qui tend la main à Ventura, « Félix » dont on sait qu’il est mort il y a déjà plusieurs scènes (un peu plus tard j’ai fini par admettre, à la faveur d’un gros plan, qu’il s’agissait non de « Félix » mais d’un autre personnage, « le bison » ). Pendant quelques minutes, j’ai été persuadé de voir une scène imaginaire inventée par les derniers soubresauts du cerveau de Gerbier à l’agonie, puis j’ai eu des doutes pendant les minutes suivantes, des hésitations, puis quand j’ai vu que le film partait ailleurs j’ai définitivement évacué ma théorie stupide de plagiat par anticipation et je n’en ai parlé à personne de peur de me couvrir de ridicule.
Et puis voilà, coup de théâtre : j’attaque le Dossier jaune, tome 5, et vous venez me confirmer que c’est moi qui avais raison, pas le film !
Merci énormément pour cela, et bravo pour tout le reste,
Fabrice Vigne

Grégoire Bouillier m’a répondu. Les auteurs qui prennent la peine de prolonger leur livre en répondant au courrier de leurs fans sont admirables pour plus d’une raison.

Cher Fabrice,
Merci de votre message, merci beaucoup !
C’est « drôle » ces coïncidences. (…)
Concernant L’Armée des ombres, je suis heureux que, vous aussi, ayez d’emblée perçu à quel point la scène du tunnel est improbable, à quel point il y a quelque chose d’anormal dans cette scène (même si je crois me souvenir que dans son livre, Kessel raconte que cette évasion eut réellement lieu). En tout cas, elle est filmée comme une « intervention divine » (deus ex machina) et je ne crois pas m’être trompé en disant que cette évasion, Melville la filme comme une « élévation » au sens chrétien du terme, c’est-à-dire que Gerbier est mort dans le tunnel. Tout est dans le zoom… 🙂
Bref.
Merci vraiment d’avoir partagé avec moi les ramifications que mon livre a tissées avec vous.
Que la littérature s’invite dans nos vies, que demander de plus ?
Très amicalement.
Grégoire Bouillier (avec Bmore et Penny)

Rendez-vous prochainement pour le sixième et dernier tome.


(1) – On le sait : c’est la faute à Rousseau. Saisissons à pleine main l’occasion de citer encore une fois (je le faisais déjà il y a quinze ans) ce texte fondateur de l’écriture de soi, l’incipit des Confessions de Jean-Jacques Rousseau (1782), et prenons-en encore de la graine :

Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple, et dont l’exécution n’aura point d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la nature ; et cet homme, ce sera moi.
Moi seul. Je sens mon cœur, et je connais les hommes. Je ne suis fait comme aucun de ceux que j’ai vus ; j’ose croire n’être fait comme aucun de ceux qui existent. Si je ne vaux pas mieux, au moins je suis autre. Si la nature a bien ou mal fait de briser le moule dans lequel elle m’a jeté, c’est ce dont on ne peut juger qu’après m’avoir lu.
Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra, je viendrai, ce livre à la main, me présenter devant le souverain juge. Je dirai hautement : Voilà ce que j’ai fait, ce que j’ai pensé, ce que je fus. J’ai dit le bien et le mal avec la même franchise. Je n’ai rien tu de mauvais, rien ajouté de bon ; et s’il m’est arrivé d’employer quelque ornement indifférent, ce n’a jamais été que pour remplir un vide occasionné par mon défaut de mémoire. J’ai pu supposer vrai ce que je savais avoir pu l’être, jamais ce que je savais être faux. Je me suis montré tel que je fus : méprisable et vil quand je l’ai été ; bon, généreux, sublime, quand je l’ai été : j’ai dévoilé mon intérieur tel que tu l’as vu toi-même. Être éternel, rassemble autour de moi l’innombrable foule de mes semblables ; qu’ils écoutent mes confessions, qu’ils gémissent de mes indignités, qu’ils rougissent de mes misères. Que chacun d’eux découvre à son tour son cœur au pied de ton trône avec la même sincérité, et puis qu’un seul te dise, s’il l’ose : je fus meilleur que cet homme-là.

Ella & Dizzy

17/03/2024 Aucun commentaire

À la faveur d’un malentendu tout-à-fait amical, Marie Mazille et moi-même sommes invités à donner un concert dans le Off du Festival de Jazz de Voiron.

Nous avons dûment averti que ce que nous faisons est assez peu qualifiable de « jazz » sauf bien entendu à s’en remettre à la définition extensive donnée par le regretté Howard Becker, sociologue et pianiste : « Si c’est intéressant, c’est du jazz » .

Comme nous n’avons peur de rien, et certainement pas du ridicule (où en serions-nous dans le cas contraire, je vous le demande), nous avons relevé le défi. Notre duo, intitulé jusqu’à présent Victor & Wolfganga, s’est sur le champ rebaptisé Ella & Dizzy, et ainsi nous irons faire swinguer nos chansons et mirlitons à Voiron, le mardi 2 avril à 19h, entre les rayons de la librairie Au bord du jour, 20 rue Dode, d’ailleurs mon correcteur orthographique à l’instant me suggère Rue Dodécaphoniste, et en voilà un signe propice.

(Pour faire connaissance avec cette admirable librairie et son excellente tenancière, Géraldine Hérédia, on peut cliquer ici.)

Le répertoire du jour sera constitué de nos fantaisies habituelles, augmentées de pas moins de trois créations mondiales conçues exclusivement pour l’événement : Bonne fête Sandrine (car nous consultons toujours scrupuleusement l’agenda avant d’accepter une date, et le 2 avril est bien Sainte-Sandrine) ; Le syndrome de l’imposteur (tango) (spéciale dédicace à J.-L. S.) ; et enfin, puisque nous sommes là pour jazzifier un minimum, Caravan, le standard orientalisant de Duke Ellington que nous avons sans vergogne outragé avec des paroles françaises.

Rage

15/03/2024 Aucun commentaire
Par discrétion et protection de ma vie privée, je ne révèlerai pas laquelle de ces trois voitures est la mienne.

Ce matin, ma rue a quelques allures de scène de guerre. Je découvre la lunette arrière de ma voiture explosée, tessons partout, dedans dehors. Je suis contrarié mais je tâche de ne pas prendre les choses trop personnellement, je réalise la portée de l’onde de choc : en tout, une douzaine de voitures garées là se retrouvent dans le même état. Pas de larcin, les véhicules n’ont pas été fouillés, seulement vandalisés en série, l’un derrière l’autre. Le ressort de l’acte n’était pas la convoitise mais le défoulement pur et simple, l’expression éruptive, saccageuse, cependant méthodique, de frustrations sociales et/ou sexuelles.
Acte gratuit qui fait ch(i)er, 600 balles de pare-brise plus essuie-glace que multiplie une douzaine de sinistres.
Malgré mon sang froid, je n’ai pu m’empêcher de proférer des gros mots et de maudire le petit con inconnu, qui eût mieux fait d’aller se dépenser au foot ou aux putes.
À moins que…
Une autre hypothèse me vient…
Je me prends à imaginer que, parmi les douze propriétaires de bagnoles cassées sur la chaussée, onze peut-être seraient susceptibles, par colère et dépit, de voter RN dans le but chimérique de mettre un terme aux « incivilités » ainsi que, tant qu’à faire, au grand remplacement (quant à moi, l’hypothèse de voter pour ce parti qui pue arrive juste derrière celle de me percer les deux yeux et les deux tympans juste pour voir l’effet que ça fait sous prétexte qu’on n’a « pas encore essayé »). Donc… À qui profite le crime ? Ce crime-là ? J’espère pour Jordan Bardella qu’il a un bon alibi pour la nuit du 14 au 15 mars…
(Ou alors… Attends laisse-moi réfléchir encore un peu… C’est Carglass qui a fait le coup !)

Le mystère des saisons

13/03/2024 Aucun commentaire
Le cycle des saisons, figure A : la science
Le cycle des saisons, figure B : Le rapt de Proserpine (Perséphone) par Pluton (Hadès), sculpture par Le Bernin, 1621-1622. Galerie Borghese, Rome.

Ces jours-ci j’enchaîne les classes, à qui je raconte des mythes grecs. J’adore ça, même si je suis conscient qu’à notre époque parler des « dieux » dans un cadre scolaire est affaire délicate qui réclame quelque doigté (cf. cette archive au Fond du Tiroir).
Je remplis ma mission pédagogique en commençant par rappeler que les histoires, toutes les histoires, notamment celles des dieux (sous-entendu que je garde consciencieusement pour moi : celles de Dieu) découlent toujours de l’observation de la nature.
Prenant comme exemple le cycle des saisons, je fais remarquer qu’on peut expliquer ce phénomène naturel, comme tous les autres, de deux façons, selon deux storytellings (évidemment je n’emploie pas ce mot). Soit par la science, et cela prend des siècles de méthodes et d’hypothèses avant de comprendre la révolution de la Terre autour du Soleil, et les variations d’exposition dues à son axe qui n’est pas droit mais incliné de 23,4° ; soit par les dieux (sous-entendu que je garde consciencieusement pour moi : par Dieu), qui sont comme chacun sait à l’œuvre derrière toute chose. Explication poétique, symbolique et tout-à-fait digne d’intérêt, qui n’est pas « vraie » mais ce n’est pas cela qu’on lui demande, et c’est ainsi que je narre l’histoire de Perséphone, jeune fille coupée en deux, et coupant en deux l’année : elle est vouée à passer six mois sous terre aux côtés de son époux le roi des Enfers, puis six mois sur terre auprès de sa maman Déméter qui, de joie, accepte à chaque printemps de réchauffer la terre et permettre à nouveau l’éclosion de la végétation.
J’espère rendre les enfants sensibles à la beauté de cette image qui n’est pas « vraie » : qu’est-ce que l’hiver, avec ses paysages désolés, ses arbres secs, ses horizons décolorés et sa nature éteinte ? C’est le chagrin d’une déesse à qui l’on a ravi sa fille.
Je m’applique à ne pas opposer l’explication scientifique et l’explication mythologique de façon manichéenne, la bonne contre la mauvaise : je n’oublie jamais que les deux sont bonnes si on ne prend pas l’une pour l’autre. Les anciens Grecs étaient grands scientifiques autant que grands conteurs et, va savoir, peut-être qu’il fallait l’un pour alimenter l’autre, et c’est la réunion des deux qui a créé cette civilisation – la nôtre, un peu.
Naturellement, comme l’âge de mes interlocuteurs varie du CP jusqu’au CM2, je m’adapte à chaque séance. Je ne dis jamais tout. Je passe notamment sous silence les aspects les plus louches de « l’histoire d’amour » entre Perséphone et le sulfureux Hadès, dieu des Enfers. Il tombe amoureux de Perséphone et l’épouse ? Okay, si l’on veut. Mais l’on pourrait aussi bien raconter qu’il l’enlève et la viole, puisque jamais Perséphone n’a son mot à dire. On pourrait aussi rappeler que ce barbon masculiniste toxique infernal n’est autre que le tonton de Perséphone, puisqu’il est de la génération des Cronides, par conséquent frère de Déméter et de Zeus. Mais l’on n’est pas obligé. Je raconte, je choisis. Car cette distinction capitale aussi, je tente de la leur faire comprendre, ou du moins sentir : tandis que l’explication scientifique est universelle et unifiante, la révolution de la Terre étant unique et indiscutable, en revanche l’explication par les dieux (sous-entendu que je garde consciencieusement pour moi : par Dieu) est variable à l’infini, à la discrétion de celui qui raconte, puisqu’elle est imaginaire.
Les réactions des mômes, outre un émerveillement très naturel, très sain et très gratifiant, sont d’une maturité confondante. Ils posent des « bonnes questions » , du genre très difficile, sans réponse évidente. Ils me demandent par exemple si les Grecs croyaient à ces histoires ! (coucou Paul Veyne.)
Plus difficile encore, ils me demandent si des mythes existent encore à notre époque. Je pourrais me lancer dans un vaste débat au cours duquel je les perdrais, où je suggèrerais que notre époque regorge de revendications identitaires, par conséquent d’histoires des origines, c’est-à-dire, littéralement, de mythes… Mais je me contente de savourer leur niveau de réflexion, leurs questions qui provisoirement resteront sans réponse, et je me dis que tout espoir n’est pas perdu.

Irisation

03/03/2024 Aucun commentaire

Aimanté, six mois plus tard je me trouve à nouveau dans le plus beau pays du monde, mais cette fois-ci versant adriatique.

Je visite un somptueux palais ducal de la Renaissance, perché sur un rocher et transformé en musée car la démocratie exige que les chefs d’oeuvres des collections privées ducales soient mis à la disposition de la populace, dont je suis, bien qu’étranger.Je me suis gorgé les yeux d’Uccello, de Raphaël, de Piero della Francesca… Je n’ai pas pris de photos. Je ne prends jamais de photos dans les musées. À quoi bon prendre un cliché qui sera moins bon qu’une carte postale ou une reproduction sur Internet ? Pour « faire des souvenirs » ? Allons donc ! Mes souvenirs se font très bien sans cela, merci.

Mais aujourd’hui, par exception, j’ai eu l’impulsion, j’ai photographié. J’ai photographié ne oeuvre qui n’existait pas. Une oeuvre en train de se faire sous mes yeux. Que j’étais peut-être seul à voir. Que j’aurais voulu montrer à ceux qui l’auraient loupée, peut-être. Je me souviens que Doisneau répondait quelque chose dans ce goût-là quand on lui demandait pourquoi il prenait des photos : c’était disait-il pour que les absents, mais aussi bien les présents qui n’y avaient vu que du feu, puissent eux aussi profiter de ce que lui avait vu.

Un vitrail, une fenêtre composée de 60 carreaux en couleurs subtiles, se reflétait devant moi sur un voile qui frémissait doucement en protégeant les tableaux du soleil d’hiver. Oeuvre cinétique et éphémère, métamorphosée insensiblement et en continu. Celle-ci, ni moi ni personne ne la retrouvera jamais sur Internet. « Faire le souvenir » s’impose.

Clic.

Perec et descendance

27/02/2024 Aucun commentaire

Thierry Bodin-Hullin, éditeur rennais à l’enseigne de L’Oeil Ébloui, est un obsédé de Georges Perec. Il compte parmi ces inoffensifs maniaques qui se reconnaissent entre eux, qui disent, et qui se disent l’un à l’autre lorsqu’ils se croisent : Oh, moi sans Perec, je n’aurais sans doute jamais (écrit, édité, réfléchi, joué, lu, compris, senti, cherché, ri, eu le vertige, animé des ateliers d’écriture, été verbicruciste, été cruciverbiste, médité à ce que je ne devrais pas oublier de faire avant de mourir, – rayer les mentions inutiles). Je fais partie du lot. Faut-il le rappeler ? Le seul livre au catalogue du Fond du Tiroir dont je ne sois pas l’auteur est signé Perec, je l’ai édité en hommage et en reconnaissance de dette : Ce qui stimule ma racontouze (quelques exemplaires sont en sursis d’épuisement définitif, commandez-les ici).

Le nom de la maison d’édition L’Oeil Ébloui est d’ailleurs un hommage à un livre sur les trompe-l’oeil, recueil de photos de Cuchi White préfacé par Perec – ultime parution avant la mort de Perec en 1982, tout le reste sera posthume. Seuls les véritables amateurs, les chineurs complétistes obsessionnels, ont cet Oeil Ébloui ; j’ai.

Thierry Bodin-Hullin s’est lancé dans un projet délirant, mais cohérent avec ce qui précède : sa maison d’édition inaugure une collection intitulée Perec 53, qui accueillera au total 53 volumes de 53 pages chacun, écrits par 53 auteurs, chacun écrivant une variation sur son Perec. Les formes possibles sont infinies, comme l’étaient les potentialités littéraires explorées par Perec. Pourquoi 53 ? Si j’ai besoin de vous expliquer que « 53 jours » (les guillemets font partie du titre) est le dernier roman inachevé de Georges Perec, alors vous ne faites pas partie de la confrérie, mais tant pis, restez, vous rattraperez le temps perdu, on est un peu cinglés mais accueillants.

Les quatre premiers de la collection viennent de paraître, et comme j’avais pris la précaution de m’abonner, je les ai dévorés d’une traite.

1 – Le premier, à tout seigneur tout honneur, est signé Perec lui-même (ainsi que par Jacques Bens), afin de donner le ton : 50 choses qu’il ne faut tout de même pas oublier de faire avant de mourir. Énumération perequienne connue depuis longtemps et même souvent entendue qui trouve ici son écrin définitif. Lister ce que l’on voudrait accomplir (ou seulement vivre, ou lire, ou apprendre, ou voir, etc.) avant de calancher est une contrainte d’écriture fort stimulante, métaphysique et joyeuse, inventée par Bens pour une émission de radio, et popularisée par Perec qui joua le jeu à merveille, comme il jouait tous les jeux.

Or voyez ce qui se passe dans la préface du livre, page 13 :

Parmi les continuateurs de cette idée matricielle, Hervé Bougel est cité, lui qui, du temps de son pré#carré, demanda des contributions sur ce modèle à une palanquée d’artistes et d’écrivains. Je m’enorgueillis de faire partie de cette autre clique. D’ailleurs il me reste quelques copies de mes propres 36 métiers à faire avant de mourir édités par pré#carré, que je glisse gracieusement dans les colis de quiconque me commande un livre, figurez-vous.

2 – Vient ensuite l’opus signé par l’éditeur lui-même, Trajet Perec par Thierry Bodin-Hullin, vibrante autobiographie sous le signe de Perec, destin qui ne pouvait que le conduire à la présente collection.

Un passage de ce volume, p. 18, résonne cruellement en moi :

Tout amateur endurci de Perec possède a minima le timbre de La Poste édité à l’occasion du quarantième anniversaire de sa disparition, sur une enveloppe illustrée avec la mention « premier jour d’émission – 21 septembre 2002 » et le cachet portant sa signature.

… puisque j’ai raconté ici que je possédais ce timbre et qu’il m’a été dérobé.

3 – Troisième volume : L’espace commence ainsi, par François Bon, qui réécrit ici, en le commentant parfois jusqu’à la paraphrase, son livre culte de Perec, Espèce d’espaces, y compris le principe de son époustouflant zoom arrière universel, de la page en train de s’écrire jusqu’au cosmos. J’avoue que des quatre volumes inauguraux, c’est celui qui m’a le moins réjoui, et m’a demandé le plus d’efforts. Car je reste dur d’oreille au style parfois confus de François Bon, et à sa syntaxe biscornue. MAIS ! Je ne suis pas ingrat. Si l’écriture de Bon m’est hermétique, en revanche j’ai pour lui, comme devraient avoir tous les écrivains proposant des ateliers d’écriture, une gigantesque gratitude pour sa générosité et sa profusion de vulgarisateur. François Bon fait école. D’ailleurs, autant le dire franchement : c’est grâce à François Bon, et spécifiquement grâce à la vidéo ci-dessous, que j’ai appris que la collection Perec 53 existait, alors merci, et 53 fois. Toutes les vidéos du fertile François sont recommandables, on ne manque jamais d’y apprendre quelque chose.

4 – Permutation, signé du pseudonyme collectif Yokna, est le dernier volume paru à ce jour mais pas le moins intrigant. Yokna est le nom de l’agence de graphistes (Thierry Fétiveau, Clément Le Proie & Benjamin Reverdy) qui ont inventé la police de caractères à l’oeuvre dans cette collection. Invente-t-on encore, de nos jours, des polices de caractères ? Eux l’ont fait, et leur note d’intention en 53 pages est formidable, inspirante, belle (c’est la moindre des choses), originale (vous comprendrez pourquoi et comment les quatre voyelles a, e, i, o n’ont pas toujours la même forme), et bien sûr perequienne en diable. La typologie est un champ de la culture humaine particulièrement fécond, je suis content de me souvenir grâce à Yokna que je m’y suis souvent passionné, comme comme lors de la lecture des livres de David Rault… Au fait, le numéro 27 parmi les choses à faire avant de mourir de Georges Perec (voir ci-dessus) ? « Apprendre le métier d’imprimeur.« 

… – Parmi les numéros suivants déjà annoncés, diverses promesses et eaux à la bouche, dont un volume signé Claro et titré Une seule lettre vous manque. Je suis de ceux qui ont hâte. Le chemin pour parvenir au 53 prendra des années.

Bonus : en ce moment sur France Cul, un feuilleton documentaire Sur les lieux de Georges Perec.

Ukulélé sous cerisier en fleur

24/02/2024 un commentaire

(Illustrations : j’ai demandé à une intelligence artificielle une image représentant « Bashō, le grand maître du haïku japonais, jouant du ukulélé sous un cerisier en fleur. » Oui, Bashō a six doigts, comme tous les japonais jouant du ukulélé.)

Comme nous l’a dit approximativement un ami après un concert de Marie Mazille et moi-même : « On n’est jamais déçu, avec vous. On sait que ce sera débile mais on est tout de même surpris par la manière. » C’est le plus beau compliment que nous avons jamais reçu.
Donc ! Nouvelle aventure surprenante du Débile-Duo !
Marie invente un nouveau jeu, me demande si je veux jouer, je dis oui avant même d’avoir entendu la suite, comment dire non.
Marie crée des mots valises et des expressions à tiroir, à base de jeux de mots terrifiants et d’à-peu-près éhontés. Je réceptionne et je suis chargé de donner à chacun de ces « mots que nous avons inventés et dont le besoin se faisait généralement sentir » une définition acceptable. (Car ainsi, pour vous révéler le secret, notre duo fonctionne, au fond très traditionnellement : un Auguste fantaisiste met le bazar, un clown blanc réintroduit un peu d’ordre dans le chaos et fait mine que tout est normal.)
Feu.

Un connastère : monastère où toutes les nonnes sont systématiquement abruties par une discipline dictatoriale.

Un carambariolage : délit consistant à s’introduire par effraction dans un domicile privé et à repeindre tous les murs de couleurs criardes.

Un appétit de Doisneau : envie de pratiquer l’art très vite rassasiée, et dissipée dès le premier déclic, dès la première image.

Oui-Oui l’ourson : jouet qu’autrefois on déposait sur les tablettes arrière des voitures, ours en peluche dont la tête montée sur ressort hochait au gré des cahots de la route.

Charles-se-Magne : célèbre « message personnel » diffusé sur Radio Londres le 14 juin 1944, avertissant de façon cryptée que de Gaulle a bien posé le pied en Normandie et qu’il est en route pour Paris.

Hercule poireaute : proverbe signifiant que même les personnes les plus courageuses hésitent devant une épreuve trop épineuse. Allusion à l’attitude d’Hercule qui, après avoir accompli onze de ses travaux, se reposa avant d’entamer le douzième, le plus difficile, la descente aux enfers. Il prononça alors devant la porte des enfers ces paroles immortelles : « J’y vais ou j’y vais pas ? ».

La nuit tous les ch’tis sont gras : polar publié en 2008 par Quinquin Bodard, la star des écrivains de Roubaix, qui raconte une enquête de police particulièrement délicate. Le seul indice révélé par la vidéosurveillance est que l’assassin est obèse. Mais que faire de cette piste puisque le meurtre a eu lieu dans le Nord-Pas-de-Calais où une personne sur quatre est atteinte d’obésité ? Heureusement, l’assassin a laissé des traces de maroilles…

Le petit pou sait que le petit pouce hait : proverbe signifiant que l’on trouve toujours plus fort que soi et que nos vies tiennent à un cheveu. Allusion au fait qu’un pou se promenant paisiblement sur un cuir chevelu peut se faire exterminer en un clin d’œil, sans avoir rien vu venir, par le passage d’un pouce rageur, pourvu d’un ongle tranchant, et ainsi le destin s’abat et qu’y pouvons-nous, pauvres créatures ? Rien. C’est la vie. Une seconde on est vivant, la suivante on est mort. On est quand même peu de chose.

L’heureux narre et le corps beau : proposition morale audacieuse contrecarrant le cliché selon lequel « les gens heureux n’ont pas d’histoires » . Eh bien, si ! Lorsqu’on est heureux, on peut raconter, le bonheur est même une disposition très favorable à la narration ! En revanche, ce sont plutôt les gens beaux qui, se contentant d’être posés là et jouissant de leur propre beauté, n’ont rien à raconter. Rien d’intéressant, du moins. C’est du reste la leçon du conte Riquet à la Houppe.

Lady de Nantes : surnom moqueur, brièvement donné à la duchesse Anne de Bretagne (1477-1514), au moment où la presse people colportait les ragots sur ses prochaines fiançailles avec le roi d’Angleterre Edouard V. Des manifestations populaires devant son château de Nantes, au cri de « Pas d’alliance avec les rosbifs », ont mis un terme au projet de mariage. Cette rupture de noces est un évènement historique demeuré célèbre sous le nom de révocation de Lady de Nantes.

La bille ne fait pas le moine : proverbe qui rappelle qu’il ne faut pas rentrer dans les ordres si l’on sort à peine des jeux de cours de récréation.
Variante ! La bile ne fait pas le moine : proverbe qui rappelle qu’il ne faut pas rentrer dans les ordres sur un coup de colère.

Un haïku-lélé : genre poétique traditionnel japonais célébrant, en 17 pieds répartis sur trois vers, la nature, l’évanescence du monde, le passage des saisons, et la musique hawaïenne. Exemple fameux tel qu’écrit par le grand maître Bashō : « Au bord de l’étang/Une grenouille qui plonge/Guitare hawaïenne. »

Un haïku-cikuça : genre poétique traditionnel japonais célébrant, en 17 pieds répartis sur trois vers, la nature, l’évanescence du monde, le passage des saisons, et l’indécision. Exemple fameux tel qu’écrit par le grand maître Bashō : « Au bord de l’étang/Une grenouille qui plonge/Je reste ou je pars. »

Un Haï-couille : genre poétique traditionnel japonais, célébrant, en 17 pieds répartis sur trois vers, la nature, l’évanescence du monde, le passage des saisons, et une paire de couilles. Exemple fameux tel qu’écrit par le grand maître Bashō : « Au bord de l’étang/Une grenouille qui plonge/Et j’ai froid aux couilles. »

Un fesse-maker : complément médical ou alimentaire promettant un regain de libido mais ne réussissant, parfois, qu’à enfler la couche de graisse à l’arrière-train. (Exemples : Viagra, gingembre, chocolat, fruits de mer…)

Un tire-messe : terroriste islamiste faisant un carton à la Kalashnikov sur une église le dimanche en fin de matinée.

Le tiroir-fesse : département du Fond du Tiroir entièrement dédié à la pornographie (exemple : Trois filles de leur mère).

La fesse de minuit : métaphore qui désigne l’heure où les corps emmêlés des vieux amants, autrefois carrosse, se transforme en citrouille. Blette, en plus.

Le palinceste : logique sociale fataliste selon laquelle une personne abusée sexuellement dans son enfance par un membre de sa famille, devient agresseur sexuel à son tour, et ainsi un nouveau drame recouvre l’ancien.

Un mic mackintosh : confusion ou quiproquo engendré lorsque, pendant une visioconférence sur Mac, on ne parvient pas à éteindre son micro.

La gratatouille : recette traditionnelle des Hautes-Alpes, dans laquelle les légumes, trop rares en montagne, sont remplacés par des orties.

La carte vitam æternam : certificat d’immortalité décerné par l’administration française, à condition d’avoir cotisé au denier du culte à tous les trimestres durant sa carrière, de fournir l’attestation du contrôle technique de son âme révisée tous les 20 000 kms, et d’être à jour, le cas échéant, de ses démarches de don d’âme. Comme l’État, en dépit de ces précautions, ne saurait garantir tout-à-fait la vie éternelle, il est fortement recommandé de souscrire, en sus, à une mutuelle, afin de préparer son immortalité par capitalisation.

Loire-Désir : appellation médiatique, inventée par un spécialiste en communication chevronné, du jumelage entre les communes de Loire-sur-Rhône (département du Rhône, région Auvergne-Rhône-Alpes) et de Saint-Désir (département du Calvados, région Normandie). Depuis que ce jumelage a été officialisé par un vin d’honneur réunissant les deux fanfares municipales, les maires des deux communes, très régulièrement agressés physiquement ou verbalement, et empêchés de monter sur scène, ne cessent de publier dans la presse des démentis : non, ils ne sont pour rien dans la mort de l’actrice Marie Trintignant.

Le ku-klux-klandestin : immigrant, souvent à peau noir, entré illégalement sur le territoire des États-Unis, qui a trouvé refuge sous l’uniforme du Ku-Klux-Klan (longue robe blanche et cagoule à sommet pointu) afin de ne pas se faire importuner par tous ces cons de racistes.

La période chose de Picasso : maturité artistique de Picasso durant laquelle celui-ci ne pouvait plus se contenter de peindre des tableaux, mais éprouvait le besoin de fabriquer des objets (sculpture, céramique, tapisseries, macramé, vannerie, broderie, poterie, bracelets de couleur pour aller au bal…). En réalité, comme Picasso a été mûr très tôt et très longtemps, sa période chose a débuté quand il avait 20 ans et s’est achevée à sa mort à 91 ans.

Une piste d’atterri-stage : promesse formulée à un(e) jeune stagiaire qu’on exploite gratuitement, en lui faisant miroiter que grâce à cette expérience formidable et bénévole, il pourra voler de ses propres ailes et ensuite se poser où bon lui semble. La réalité est souvent moins rose, les stagiaires parfois se crashent et on parle alors de « piste d’atterri-sképéril ».

Stages de chansons, c’est reparti

16/02/2024 Aucun commentaire

STAGES CRÉATION ET ENREGISTREMENT DE CHANSONS

9-10 et/ou 23-24 mars

Oyez, oh yeah ! Le dynamique duo Marie Mazille/Fabrice Vigne met à jour son agenda de formations 2024.
Depuis huit ans, Marie et Fabrice font, mais aussi font faire, des chansons.
Ils proposent des ateliers, des formations, des stages, pour une durée qui va d’un quart d’heure (formule Chanson à manger sur place ou à emporter) à une semaine, en passant par l’atelier « classique » de deux heures ou le week-end en immersion…
Vous portez en vous une chanson ? Vous l’entendez fredonner dans votre oreille interne, depuis deux jours ou depuis toujours ? Marie et Fabrice vous aident à l’extérioriser – avec doigté bien sûr, avec délicatesse, avec humour, avec technique et avec imagination.

Tout-terrain, Marie et Fabrice ont proposé leurs services à des écoles ou collèges, des musées, des bibliothèques, des associations de quartiers, des salons du livre, des MJC, des hôpitaux… Et quel que soit le format, à chaque fois chacun repart avec la joie de la chanson créée.

Sous ce lien Soundcloud, quelques-unes des maaaaagniiiifiiiiiques chansons nées pendant les stages de Marie et Fabrice, enregistrées aux bons soins de Patrick Reboud.

Deux prochaines sessions, mars 2024

* en duo (Marie Mazille + Fabrice Vigne) le week-end des 9-10 mars aux Épicéas (Méaudre) // Possibilité de monter à Méaudre dès le vendredi 8 mars au soir.
Les repas seront partagés, apportez vos spécialités. Prévoir trois repas (quatre si vous êtes présent dès le vendredi soir) : samedi midi (attention, repas froid pour cause cuisine inaccessible), samedi soir, dimanche midi. Restitution tranquille le dimanche en fin de journée, vers 17h : invitez vos amis et familles pour écouter vos chansons.

* en trio (Marie Mazille + Patrick Reboud + Fabrice Vigne) le week-end des 23-24 mars à Solexine, 12B rue Ampère à, Grenoble (38). Attention ! Celui-ci est un stage de niveau 2 : ouvert seulement à ceux qui ont déjà effectué un stage avec nous, qui ont déjà une chanson au moins en chantier, qui souhaitent la parachever et s’essayer à l’exercice de l’enregistrement.

Naturellement, il est possible, sinon chaudement recommandé, d’enchaîner les deux stages, dans la limite des places disponibles ! Venez créer votre chanson le week-end des 9-10 mars, et la peaufiner, l’arranger et l’enregistrer, le week-end des 23-24 mars.

Tarif pour chacun des deux stages :

Tarifs : 150 euro tarif normal / 100 euros tarif réduit (vous avez sûrement droit au tarif réduit).

Frais supplémentaires pour les nuitées du stage des Épicéas (9-10 mars) : 30 euros les 2 nuits (16 pour les QF inférieurs à 1000) / Seulement nuit du samedi au dimanche 22 euros (12 pour les QF inférieurs à 1000) / + adhésion aux Épicéas : 10 euros)

Renseignements complémentaires et inscriptions : Marie 06 60 88 95 84.

Musiciens bienvenus (amenez vos instruments), non-musiciens bienvenus aussi (amenez votre voix, votre cerveau, vos mains).

Et pour ceux qui en veulent plus (des références, des liens), encore plus (des biographies, de la gaudriole), toujours plus (le livre d’or de nos stagiaires reconnaissants), il vous reste à flasher le QRcode ci-dessous, et vous serez sans délai téléporté.e.s dans un monde merveilleux et une forêt magique gorgée de licornes et fées bizarres, où les poèmes et les mélodies vous sortiront en arc-en-ciel par tous les orifices, avec effet positif garanti ou remboursé sur la santé, les examens, la régularisation des papiers, la libido, la paix dans le monde, la caisse la plus rapide au supermarché, et le retour de l’être aimé en 14 jours chrono. Ou alors, au pire, vous aurez seulement créé une chanson rien qu’à vous, qui vous comblera de fierté, de joie, et de consolation.

Le duel est déjà commencé ?

15/02/2024 Aucun commentaire

Ah, quel immense acteur ce Gérard Depardieu !
Ah, quel immense cinéaste ce Ridley Scott !
Les deux géants ont en commun de posséder des vignobles en France, c’est dire s’ils ont du savoir-vivre.
L’un de leurs plus beaux films respectifs, ils l’ont tourné ensemble ! Non, je ne parle pas du balourd 1492 : Christophe Colomb, mais du méconnu Terrazza Romana, tourné la même année, chef d’œuvre de 47 secondes que voici :

Bon…
On pourrait continuer tant qu’on voudrait à se foutre de la gueule de Depardieu, buffet à volonté, il l’a bien mérité maintenant qu’on sait qu’il ne vaut pas mieux en termes d’abus sexuel que tant d’autres hommes de pouvoir (politique, économique, médiatique, artistique, religieux, tous les chemins mènent à la petite chatte).
En revanche, on va arrêter cinq minutes de dire du mal du publicitaire Ridley Scott, pour faire l’éloge de l’un de ses films. Aujourd’hui au Fond du Tiroir : un bon film de Ridley Scott.

Moi qui suis un vieux romantchique, je place l’amour au-dessus de tout. Voilà pourquoi je place la Saint-Valentin au-dessous de tout. La Saint-Valentin, rien à foutre. Hier soir Saint-Valentin ? Ouais ben c’est un soir comme un autre : soit je vais jouer de la musique soit je mate un film. C’était film.

C’est ainsi que le soir de la Saint-Valentin, nous avons regardé, en couple s’il vous plait, un film d’amour particulièrement tordu, ambigu, malaisant, un film qui parle de viol : Le Dernier duel (Ridley Scott, 2021).

Je ne suis guère amateur du cinéma de Ridley Scott. Ses bourinneries virilistes me navrent et je reste, contrairement à quelques amis dont je respecte le goût cinématographique, désespérément insensible à Blade Runner que j’ai pourtant vu autant de fois qu’il en est de versions et ça fait un paxon, film décoratif et vieilli, très loin des puissances intactes, propres à retourner le cerveau, des romans de Philip K. Dick. Ainsi je n’attendais rien de ce Dernier Duel… Oh comme on fait bien parfois de n’attendre rien ! Quelle merveille que ce film ! À mon goût le plus surprenant de Ridley Scott depuis Seul sur Mars, et le plus féministe depuis Alien (oui, car Alien, film de dure à cuire dont le sujet caché est la grossesse, est mille fois plus féministe que Thelma et Louise, dans lequel deux femmes se punissent de mort pour avoir tenu tête aux hommes – mais bref).

Le Dernier duel est adapté d’une histoire vraie, comme il est mentionné en incipit de deux films sur trois, mais le fait divers ici est vieux de 750 ans, c’est dire si les sources sont fragiles et reconstituées. Le livre adapté n’est pas un roman mais une enquête menée par un historien américain, Le Dernier Duel : Paris, 29 décembre 1386 par Eric Lager.

Triangle amoureux sempiternel, deux hommes et une femme : un chevalier et son épouse ; un écuyer. L’écuyer est amoureux de la femme de son prétendu grand ami le chevalier. Il la viole. La femme raconte tout quand son mari rentre au château. Un procès s’en suit. L’écuyer nie le viol (lui, comme tant de violeurs, ne parle que d’une histoire d’amour, quelle modernité !). Parole contre parole. Que faire ? S’en remettre à Dieu (quelle modernité bis !). Une ordalie est décidée. Les deux hommes vont s’affronter en duel. Celui qui tuera l’autre aura prouvé qu’il avait raison, puisque Dieu, c’est connu, favorise les justes.

Ces prémisses sont déjà palpitantes tant elles brassent des thématiques d’aujourd’hui et de toujours (la brutalité, l’instinct de possession et la rivalité mimétique des hommes ; la paroles des femmes comptée pour rien ; le mariage arrangé et l’amour où est-il ; la culture du viol et ses sources patriarcales moyenâgeuses ; les réseaux de pouvoir et de solidarité court-circuitant la justice ; la superstition religieuse prônée comme vérité suprême, etc.), mais ce qu’en fait Ridley Scott est d’une audace stupéfiante.

Surprise : sa brutalité testostéronée, si pénible dans ses films de gladiateurs ou de guerre, a pour une fois du sens, car le fameux duel final, admirablement bien filmé et par conséquent révulsant, se pare d’un vrai suspense et d’infinies questions sur le cynisme, sur l’absurdité, sur la rage non seulement de vivre mais de prouver qu’on a raison (à qui Dieu va-t-il donner sa faveur ? au cocufié antipathique, ou au cocufieur séduisant ?).

Plus sidérant encore : la construction elle-même du film, en diffraction, est d’une originalité presque inédite (presque, car on peut penser à un précédent : Rashōmon de Kurosawa, 1950, et à un suivant : le tout récent L’innocence de Kore-eda, 2023). Trois parties, qui vont nous raconter trois fois la même histoire, mais du point de vue de chacun des trois personnages. Les scènes se répètent mais les plans et les détails ne sont pas les mêmes, les gestes diffèrent, les intentions aussi, les mots échangés, la signification qu’on leur prête… Or les trois versions sont filmées comme sont filmés tous les films, c’est-à-dire en tant qu’illusion de la réalité. Leur juxtaposition donne le tournis comme le faux flashback inventé par Hitchcock (Le Grand alibi, 1950 – ah, tiens, la même année que Rashōmon ! 1950, ère du soupçon ?) : spectateurs, témoins trompés, nous ne comprenons plus le statut exact de ce que nous sommes en train de voir. Aucun des trois récits n’est vrai ? Les trois le sont un peu ? Chacune est faussée comme sont faussés tous nos souvenirs ? Notre souvenir d’une scène précédente, une demi-heure plus tôt, est-il déjà falsifié ? Le cinéma dit-il la vérité 24 fois par seconde (Godard) ? Le cinéma ment-il 24 fois par seconde (De Palma) ?

Un indice pour sortir du trouble : la version de la femme est la dernière à laquelle nous aurons accès, et selon l’adage c’est le dernier qui a parlé qui a raison. Message capital adressé aux femmes violées : on te croit.

Laïcité pour quoi faire

06/02/2024 Aucun commentaire
Illustration : Philippe Vuillemin, prince du bon goût.

Je ne comprends pas trop pourquoi il semble si difficile en France de se mettre d’accord sur une définition de la notion de laïcité, sans l’affubler d’on ne sait quel qualificatif qui la relativise et l’amoindrit (inclusive, ouverte, positive, plurielle… comme si la laïcité était, par nature, excluante, fermée, négative et totalitaire, soit à l’image de la première religion venue).

J’estime que la définition de la laïcité est très facile à trouver : il s’agit très littéralement (loi de 1905) d’un principe qui établit une hiérarchie entre l’État et la religion. Explicitons pour qui n’aurait pas compris : la religion est placée en-dessous (en-deça) de l’État.

La laïcité consiste donc, je le répète c’est simplissime, à (re)mettre la religion à sa place, qui est celle de l’intimité, de l’échelon individuel et introspectif. Attendu que les fois religieuses sont diverses, a priori incompatibles, et qu’aucune n’est en mesure de l’emporter sur les autres par la simple puissance de sa démonstration factuelle (l’existence de Dieu n’est ni plus ni moins avérée que celle d’Allah ou de Yahvé, non plus que celle de Brahmā, celle de Wakan Tanka le Grand Esprit, celle d’Ahura Mazda, celle du Monstre Volant en Spaghettis, celle des leprechauns, celle de la Force et de son côté obscur, celle des mânes des ancêtres, ou celle de la Dame Blanche) ; attendu qu’il est impossible de construire un projet politique commun sur une seule de ces fois dès lors que des individus appartenant au même corps social revendiquent, dans des proportions diverses, toutes les autres, et que chacun s’estime détenteur de la vérité ; il ressort que la religion concerne l’individu et non la société, et qu’il faut la maintenir la plus éloignée possible de ce qui est commun à tous : la loi. C’est ici que le principe d’une hiérarchie (et, donc, le principe de la laïcité) s’impose par l’évidence : la loi étant la même pour tous tandis que la foi étant l’affaire de chacun, la loi est au-dessus des religions, CQFD.

La loi est non seulement au-dessus des religions, mais, depuis ce surplomb, elle les protège (loi de 1905 encore, article 1 : « l’État garantit l’exercice des cultes »). C’est ainsi que la laïcité est, ni plus ni moins, une liberté, accordée à tous les citoyens (et non, comme veulent le faire croire ses détracteurs, une oppression, fasciste, raciste et néocoloniale).
Liberté que je propose de définir ainsi :

Version un, périphrases incluses : libre à chacun, dans le secret de son âme (pour peu qu’on croie à la réalité de ce concept autrement que comme une métaphore de toute vie intérieure et poétique), de prier Dieu (pour peu que l’on croie à la réalité de ce concept autrement que comme une métaphore du monde, du destin, de l’unicité de l’univers, de la Nature, de ce que l’on voudra de plus grand, plus durable et plus global que nous), de mener son existence en évitant de pécher (pour peu que l’on croie à la réalité de ce concept autrement que comme une métaphore du mal prodigué à autrui et au monde), afin de travailler à son salut et/où à sa grâce (pour peu que l’on croie à la réalité de ces deux concepts autrement que comme des métaphores d’une vie bonne, heureuse, saine, sereine et généreuse) et d’ainsi préparer sa vie éternelle (pour peu que l’on croie à la réalité de ce concept autrement que comme une métaphore des souvenirs que l’on laisse dans la mémoire de ceux qui nous survivent).

Version deux, écourtée, délestée de toutes les périphrases : libre à chacun, dans le secret de son âme de prier Dieu, de mener son existence en évitant de pécher, afin de travailler à son salut et/où à sa grâce et d’ainsi préparer sa vie éternelle.

La laïcité, c’est : prie si tu veux, et personne ne te fera chier ; mais réciproquement ne fais chier personne avec ta prière.

Voilà, il me semble que présentée ainsi, la laïcité est simple, claire, équitable, raisonnable, et c’est ainsi qu’il faudrait la présenter aux enfants et aux jeunes citoyens – c’est ainsi que je me proposerais volontiers d’aller la leur présenter moi-même, si j’avais le moindre espoir qu’on me sollicite jamais, cf. cette archive 2017 au Fond du Tiroir). J’en viens à me demander si les personnes qui estiment que la laïcité est plus compliquée et problématique que ça n’auraient pas un intérêt à ce qu’elle soit plus compliquée et problématique que ça.

Ceux qui estiment qu’elle est plus compliquée et problématique, et que la religion doit bénéficier d’un respect supérieur (à la loi, notamment) sont, à mon sens, les victimes de l’un ou l’autre de quatre processus psychiques extrêmement dangereux, quatre biais cognitifs qui faussent le jugement :

– Le premier de ces processus psychiques dangereux est, bien sûr, la religion elle-même. Une frange de la population, qui aimerait se faire passer pour majoritaire alors qu’elle est minoritaire, croit en Dieu (dernier sondage Ifop en date, 2023 : à la question Croyez-vous en Dieu, les Français répondent non à 56%) ; au sein de cette minorité, une frange encore plus minoritaire et extrêmiste estime que leur religion perso devrait prendre le pouvoir – en somme mettre un terme à la laïcité.
– Le deuxième de ces processus psychiques dangereux est (comme les suivants) le propre des non-croyants. Il s’agit de la trouille. La terreur comprise étymologiquement et traditionnellement dans le mot « terrorisme » : certains non-croyants respectueux de la foi des autres sont, pour le dire autrement, intimidés par les religions. Ils ne « respectent » les religions que lorsque les religions les « tiennent en respect », au besoin avec une kalachnikov ou un couteau de boucher (exemple : la consigne « pas de vague » dans l’Éducation Nationale peut être interprétée non comme une manifestation de laïcité, mais comme une manifestation de trouille, par conséquent d’anti-laïcité).
– Le troisième processus psychique est plus insidieux, moins manifestement veule, plus barbouillé de vertu et maquillé de tolérance, bref beaucoup plus contemporain, plus « jeunesse du XXIe siècle », en cela il est un marqueur générationnel : l’admiration. Il conviendrait de respecter les religions au prétexte qu’elles seraient intrinsèquement respectables, ayant trait aux mystères qui nous dépassent, au sacré. Cette admiration repose, outre sur un complexe d’infériorité et sur le besoin d’échapper au matérialisme régnant dans notre malheureuse société de consommation, sur une grave confusion logique qui pose, en une équation tout-à-fait frelatée, religion = spiritualité = sagesse = esprit supérieur éclairé. Chacun de ces trois signes « égal » est à interroger soigneusement (je le ferai quand j’aurai le temps).
– Le quatrième de ces processus psychiques dangereux, enfin, est le plus pernicieux, le plus cynique : le calcul politique, mâtiné de culpabilité post-coloniale. Il est le propre de la France Insoumise, qui voit dans les musulmans, catégorie fantasmée, une réincarnation du prolétariat, des damnés de la terre à libérer, et surtout un réservoir de voix.

Ces quatre processus psychiques dangereux dessinent les contours des quatre ennemis de la laïcité, assez différents mais aboutissant au même résultat : l’injonction de, surtout, ne pas critiquer les religions, admettre leur préséance, et ne pas blasphémer. Or condamner le blasphème (le condamner judiciairement ou « seulement » moralement), c’est placer la religion au-dessus de la loi. Donc c’est la mort de la laïcité.

La laïcité n’est pas ringarde, elle est un combat qu’il faut mener aujourd’hui, le 9 décembre ainsi que le 364 autres jours.

Par ailleurs : l’un des énormes avantages de la laïcité est de pouvoir se passionner pour l’histoire des religions sans arrière-pensée dogmatique, et même, tout simplement, d’accéder à cette histoire, à cette connaissance-là, sans se cogner contre le mur du sacré. L’histoire des religions est une aventure humaine (et non divine) de premier ordre, pleine de bruit et de fureur, une histoire qui a contribué à construire le monde dans lequel nous vivons. Une fois encore Pâcome Thiellement, conteur et exégète, m’épate avec deux épisodes de sa série L’empire n’a jamais pris fin : Jésus contre le christianisme, puis Marie-Madeleine ou comment l’Église est devenue l’Empire.