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Archives pour 03/2009

J’ai inauguré « J’ai inauguré »

29/03/2009 Aucun commentaire

Ingvar Kamprad Elmtaryd Agunnaryd

Je l’ai ! Il est beau ! Plus beau encore que je ne l’espérais, et j’espérais beaucoup ! J’ai inauguré IKEA a été rendu par l’imprimeur avant-hier, tout pimpant, gorgé d’odeurs d’encres, et depuis j’en ai des bouffées de rires, je glousse comme un imbécile heureux, que je suis au fond. (Au fond de quoi ?) Et je cite à nouveau, par plaisir et par devoir, celui qui est, au minimum, co-auteur de ce livre : Patrick Villecourt, factotum et concepteur de ce livre-objet qui est le sien encore bien plus que le mien.

À présent, comme à chaque livre du FdT, je dois digérer la joie d’avoir fait le plus beau livre du monde, et m’employer à une tâche d’éditeur, que je ne suis guère au fond : le vendre. Ouïe, les ennuis commencent. Ennuis rigolos, parfois : j’ai vendu les premiers exemplaires ce week-end même sur mon stand du salon de Grenoble, j’ai testé les  réactions…  Une dame s’est exclamée devant mon stand, « Oh, IKEA ! », ça lui faisiat quelque chose, elle m’a expliqué, en anglais, que sa famille était partiellement suédoise, qu’elle avait travaillé pour IKEA, que ses enfants adoraient IKEA, qu’ils appelaient ça « The Big Blue House », et d’empoigner mon livre et de le brandir à la face de son môme, en poussette, à peine plus d’un an, « C’est quoi ça mon chéri ? Tu reconnais le logo, hein ? C’est quoi ?  Réponds à maman mon chéri ! Tu sais ce que c’est voyons ! C’est iiiii…. C’est iiiiiiiiiiiikkkkk…… C’est ikkkkkkkkééééééééé…. » Le gamin a fini par lâcher le mot magique, qu’on en finisse, j’étais plutôt embarrassé. En-deçà de tels cas limites d’émotivité, les badauds s’arrêtaient globalement perplexes (et exceptionnellement émerveillés) devant cette planche bizarre, inconcevable,  « Alors ça, donc, ces affiches, là, ce sont les épreuves de votre prochain ? les brouillons ? les extraits ? et il sort quand, celui-ci ? » Eh bien, il sort avant-hier, chère madame. Car vous avez devant vous le produit fini. (Ah, et par ailleurs, restituez-moi immédiatement cet exemplaire du Flux que vous avez glissé en douce dans votre sac, il s’agit d’un vrai livre, pas d’un prospectus, ni d’un catalogue, ni d’un produit promotionnel.)

Je m’occuperai demain des souscriptions. L’envoi par la poste est problématique : l’objet mesure 64 cms sur 45 (une fois monté, 14 x 19,5)… Soit je le plie pour le glisser dans le pli, ce qui est dommage parce que la feuille, dans l’idée, ne doit être profanée que par son lecteur (en outre pour faire simple les plis nécessaires à l’enveloppe ne correspondent pas aux plis préconnisés pour le montage de l’ouvrage), soit j’achète des tubes en carton, mais j’augmente ainsi très sensiblement les frais de port.

Bon, que cela ne vous empêche pas de commander

C’est moi, ou bien il y a comme une odeur de lapin crevé, là ?

22/03/2009 2 commentaires

lapin en suédois, c'est "kaniner", presque une anagramme avec trois consonnes en trop

Patrick Villecourt, a.k.a. Factotum-man, pour être homme de l’ombre, n’en est pas moins photographe, soit étymologiquement « écrivain de lumière ».

Le prochain livre extrait du Fond du Tiroir créditera, enfin, Patrick en tant que co-auteur à part entière (comme s’il n’avait rien fait sur les trois premiers), puisque ses photographies, ainsi que sa conception graphique, donneront à l’objet sa tenue, son fil, son liant, sa colonne vertébrale, ses grandes oreilles et ses yeux rouges, comme vous voudrez.

Mandaté par le FdT en vue de la confection de ce projet spécifique, Patrick s’en fut un beau matin en repérages sur le parking du magasin IKEA. Ce qu’il vit là-bas ? Du jaune, du bleu, et un lapin écrasé sur la chaussée. Attention, petit lapin ! Ne va pas acheter tes meubles chez IKEA ! Rentre vite dans ton terrier ! Ah, zut, trop tard…

Cette photo ne rentrait pas dans le livre, mais je l’ai trouvée belle quand même, oh, à sa façon, modeste et baudelairienne, tellement juste dans son propos qu’il vaut mieux en blaguer, enfin chacun ses goûts, alors je la publie sur le blog.

Et qu’est-il, au fait, ce quatrième Fond de tiroir qui sent bizarre ?

L’ouvrage s’intitule J’ai inauguré IKEA. Il coûte 4 euros, presque rien, parce que c’est un petit texte (à peine plus long que le Flux), mais voici, en vérité, un ouvrage fort curieux. Il vous sera livré figurez-vous en un paquet plat, sous la forme d’une seule feuille de très grand format et de très belles couleurs, complet de son mode d’emploi (pas en suédois) et de ses deux attaches parisiennes, que vous pourrez plier, couper, monter et lire confortablement à la maison, en poussant des jurons ad libitum si, le cas échéant, l’accompagnement de jurons agrémente avec profit votre pratique du bricolage téléguidé.

Le livre (appelons-le « livre », même si c’est pure convention) étant actuellement chez l’imprimeur, vous pouvez d’ores et déjà nous le commander. Pas ici, malheureux ! Rendez-vous là, plutôt ! Aucune odeur de bête crevée, chez nous !

Quis custodiet ipsos custodes ? (Watchmen ou l’adieu à l’adolescence)

20/03/2009 2 commentaires

Splendeurs et misères de la culture populaire

Il semble que le film Watchmen (Zack Snyder, 2009) soit un bide, finalement. Tant mieux. En tout cas, moi non plus, je n’irai pas le voir.

Watchmen, d’Alan Moore et Dave Gibbons, est un livre parfait. La notion de « livre parfait » est naturellement sujette à caution ; je ne l’utilise que pour les besoins de la démonstration : une œuvre qui a trouvé sa forme idéale (en l’occurrence : une bande dessinée) ne peut pas avoir d’intérêt transposée dans une autre forme d’expression.  Un tableau parfait n’a nul besoin d’être transposé en musique. Hitchcock disait quelque chose comme : « On me conseille de temps en temps d’adapter Crime et châtiment de Dostoïevski… On me dit que c’est un livre pour moi… Voilà une erreur grossière. Si l’on veut faire un mauvais film, certes il faut adapter un bon livre. Mais si l’on veut faire un bon film, il faut adapter un mauvais livre… Prenez Psychose… »

Eh bien, ce qui vaut pour Dostoïevski, sans déconner, vaut pour Alan Moore. Permettez que je développe. Vous avez un peu de temps ? Le temps. Tout est là. Le mot Watchmen est traduit par « Gardiens ». C’est tellement évident qu’on en oublierait l’ambigüité apportée en douce par le second sens. Les Hommes-montres. Précédés, selon l’histoire, par les Hommes-minutes (Minutemen). Tic, tac.

J’ai lu pour la première fois Watchmen (dans la traduction de J.-P. Manchette, qui n’est plus celle que l’on trouve en librairie) en 1987, à l’âge de 18 ans. L’impact de ce maître-livre sur moi fut gigantesque, et ne s’est guère résorbé. C’était l’âge où mon goût se formait, où mon relief intérieur s’agençait à coups de  révélations littéraires : Dostoïevski justement, ou Céline, Kafka, Perec, Flaubert, Borges… Tous ceux-là  qui simultanément racontent de sacrées bonnes histoires et délivrent un geste esthétique ; ceux qui parlent du monde en même temps que de leur art ; ceux qui me nourriront à vie.

Alan Moore me nourrira à vie. À l’égal des écrivains précités, j’ai tenté de lire, après l’initiale illumination, et méthodiquement, tout ce qu’il a écrit. Inévitablement, certains aspects de mes propres livres sont influencés par Moore – thématiquement peut-être (l’ancrage dans le temps, la perplexité et la tentation de l’anarchie face aux images du pouvoir), mais formellement à coup sûr (le soin apporté à la structure globale, mettant en forme un sens qui est, ou bien qui n’est pas, celui du détail particulier ; l’itération dudit détail, qui modifie sensiblement le regard qu’on lui porte…).

L’œuvre d’Alan Moore me fascine à un point tel que j’ai même entrepris il y a environ trois ans de, ah, non, c’est vrai, j’ai promis que je ne parlerai plus de ça, c’est trop pénible.

Bref.

Voilà qu’on adapte Watchmen au cinéma. Pourquoi ? Parce que les films de super-héros, c’est cool, en ce moment. C’est sympa, en plus d’être possible numériquement. Et ça rapporte. Cependant il semble que le film Watchmen soit un bide. Au cul, le cool et le sympa. Bof. Tant mieux.

Je lis aujourd’hui une interview de Moore, très sévère, dans Technikart, dont voici un extrait :

« Je ne sais même pas si j’ai un exemplaire de Watchmen à la maison, je ne peux plus regarder cet album, il y a trop de mauvais souvenirs associés à cela. C’était la culture des années 80, nous sommes en 2009… Ça en dit long sur la pauvreté de la culture populaire actuelle. J’espérais que Watchmen allait ouvrir les portes et encourager les créateurs à concevoir des idées et des manières originales de raconter. C’est l’inverse qui s’est produit. (…) Depuis Watchmen, je ne pense pas que ce soit les comics qui ont gagné en maturité, c’est plutôt la société qui a régressé en s’infantilisant. Les lecteurs de comics, en deux générations, sont passés de la tranche 7-12 ans, à 12-18 ans, à une petite quarantaine. Nous voulions faire en sorte que les comics ne soient plus seulement pour les gosses… résultat, ils sont lus (et vus au cinéma) par les adultes qui ont refusé de grandir. (…) Vous savez, je n’ai vu aucun des films consacrés aux superhéros. L’idée me paraît ridicule et infantile. Je suis un adulte, pourquoi voudrais-je voir des fantaisies adolescentes telles que Batman ? Au niveau créatif, c’est pire. Les artistes pop d’aujourd’hui sont en état de choc créatif. C’est l’inertie totale. Prenons la misérable adaptation du Spirit par Frank Miller : dès que j’ai entendu parler du projet, j’étais incrédule. Ces gens ont-ils seulement compris le sens du Spirit ? Le Spirit n’est pas une série sur un ennemi du crime qui se bat dans un monde noir et graveleux à la Sin City. Le Spirit, c’est une disposition de cases sur une page. Will Eisner changeait le support et le langage des comics… Il n’y a rien à tirer d’une adaptation cinématographique, qui ne peut que passer à côté de la poésie d’Eisner. (…) J’ai le plus grand mépris pour toute cette culture qui s’inspire des comics. »

Je trouve Alan Moore très en colère, et même un poil aigri, mais je comprends ce qu’il veut dire. Tout ça pour ça…  Cette déflagration il y a 25 ans pour assister, sur grand écran plutôt qu’en quadrichromie, à un repli névrotique dans les archaïsmes super-héroïques et le pop-corn…

Reprenons. Tic, tac. La grande affaire de Watchmen, c’est le mûrissement. L’affirmation que le temps passe. L’historicité. L’adolescence, si l’on veut trouver un autre synonyme significatif. Il se trouve que, pour ma génération, et peut-être pour elle seule parce que les aiguilles ont continué leur rotation (historicité dès le gimmick : le mouvement des aiguilles est l’emblème graphique de l’oeuvre), Watchmen a été très important : dans la seconde moitié des années 80, alors que nous sortions, à des vitesses variables, de l’adolescence, Watchmen nous donnait l’impression que la bande dessinée de super-héros (culture adolescente par excellence, dont je me suis gavé, ayant pour ainsi dire appris à lire dans Strange) mûrissait en même temps que nous. L’effet était saisissant : nous ne reniions pas nos lectures passées (tout n’est pas à jeter, loin de là, dans les stéréotypes super-héroïque… la bravoure chevaleresque, pour être candide, n’en est pas moins parfois admirable), mais nous les relativisions, nous comprenions par cette œuvre ambitieuse et complexe que la vie était (ou plutôt : serait) plus ambitieuse et complexe que ce qu’on avait cru – la scène page 16 du dernier épisode est ainsi une métonymie de toute la lecture du bouquin :

« – Veidt ! You Bastard ! If you’ve hurt her, I’ll…
– Oh, Daniel. Daniel, Daniel, Daniel… Please… Do grow up. »

Or, ce qui est frappant dans Watchmen, c’est qu’on n’y trouve pas un seul ado (à part le jeune noir à côté du kiosque à journaux, dont le seul rôle consiste à lire des comics !). Les personnages ont entre 40 ans (le second hibou bedonnant) et 80 (le premier hibou, vieillard sympathique qui vit sur son passé), ils ont des « midlife crisis », des problèmes d’âge mûr. Voilà (entre autre) ce qui était vraiment culotté : aucun ado-miroir tendu au lectorat adolescent, pourtant cœur de cible. Je me suis fait cette réflexion a posteriori, puisque il arrive que l’on me prenne pour un « écrivain pour ados »… La question s’est posée pour mes Giètes: suis-je, au fil de ma narration, obligé de placer stratégiquement un personnage ado pour aller à la pêche au lecteur ? Non, pas question ! Pour cela (mais pour vingt autres raisons) Watchmen reste un modèle de perfection narrative, sans concession. Il ne faut pas croire que les ados ont forcément besoin d’un miroir tendu pour entrer dans une histoire, pour la sentir, pour vibrer, et en retirer quelque chose. Il ne faut pas croire qu’ils vivent dans leur seul présent et que le seul moyen de les toucher est de leur parler de ce présent-là. Ces histoires d’adultes ont contribué à façonner l’ado que j’étais.

Et, comme je le disais, le geste esthétique combine l’histoire très bien ficelée, les personnages habités, ET le discours réflexif sur l’art en train d’advenir : oui, c’est surtout sur la forme que l’on assiste au mûrissement puisque, de la part d’Alan Moore, l’innovation iconoclaste a été d’insérer les personnages de super-héros dans une chronologie (historicité encore) : ils sont nés à une époque, ils ont vieilli à une autre, et ils meurent en une troisième – contrairement à Superman qui a le même âge depuis 1938, et Spiderman depuis 1962… mais le tic-tac est à l’œuvre dans le fond aussi. Toute l’intrigue de Watchmen tourne autour du vieillissement, du passage d’une époque à une autre, du parfum « Nostalgia » au parfum « Millenium », c’est à dire du repli sur le passé à l’ouverture sur l’avenir.

Seulement, chaque personnage est apte ou pas à mûrir, prêt ou non à passer un cap, et chacun accomplit ce passage à sa manière ; mais irréversiblement.

– Dr. Manhattan décide que les conneries humaines ça commence à faire, et s’exile sur Mars, qui est sa vraie place.
– Daniel et Laurie décident que les conneries super-héroïques ça commence à faire (mais seulement après un dernier exploit, le plus important de leur vie, parce que leur carrière héroïque, le dévouement, l’adrénaline, ça avait vraiment un sens), et mènent désormais une vie bourgeoise, rangée, ils auront sûrement des enfants.
– Adrian Veidt a reçu une leçon, et consacrera la prochaine partie de sa vie à méditer la moralité de la fable : « Rien n’est jamais fini » (historicité, toujours). Alors à quoi bon ?
– Rorschach, lui, est trop intransigeant, il est incapable d’évoluer, de s’adapter, de renaître autrement : c’est le seul dans l’histoire qui choisit la mort, et c’est là son passage de cap à lui.
– Et moi, lecteur, qui ai sacrément mûri au bout du livre, pour toutes ces raisons-là, face à tous ces destins d’adultes. Est-ce donc ça, mûrir ? Alors, qu’est-ce que je vais faire de ma vie, de mon miracle thermodynamique perso, moi ?

Dans l’une des plus belle pages du dernier chapitre, Dr. Manhattan passe silencieusement devant le couple Daniel/Laurie, nus, endormis l’un contre l’autre. Il a pour eux un sourire bienveillant et, peut-être, un peu mélancolique (s’il est encore capable de mélancolie). Ce sourire signifie « Aimez-vous les enfants, couchez ensemble, profitez-en, vous mourrez un jour, alors soyez vivants… Moi, je suis immortel, donc je ne suis pas non plus vivant… Je ne connaitrai pas cela, la chaleur d’un corps qui vieillit contre le mien… »

Eh bien cette morale tacite, « Vous savez que vous allez mourir, donc vivez votre vie, soyez vivants avant la mort », est une définition tout à fait recevable de la maturité, et vraiment cela n’a rien d’une farce, c’est même plutôt le seul antidote au nihilisme qui domine ce bouquin, le smiley sanglant. Cette fin est, du reste, exactement la même que dans Le septième sceau de Bergman : les deux seuls qui s’en sortent correctement à la fin du film sont le couple de jeunes comédiens, qui rayonnent de vie charnelle et qui grâce à cela échappent (provisoirement) à la mort, à la farce – car pour le coup, Le septième sceau, voilà encore une grosse farce bien tragique à propos de la fatalité des ravages du temps sur les hommes et les sociétés.

Le mûrissement, c’est la prise de conscience que l’on s’inscrit dans un processus temporel, que le temps passe, autant le redire simplement puisqu’on le vit simplement… Certes, après le mûrissement, viendra le pourrissement ! On le sait au moins en abstraction. Mais cette désillusion s’accompagne d’une lucidité qui est loin d’être un renoncement.

Car avant le pourissement, eh bien profitons du mûrissement. Y compris politiquement. Quis custodiet ipsos custodes ? C’est encore ce même thème de la maturité qui travaille la question de Juvénal choisie comme épigraphe de Watchmen. Qui garde nos gardiens ? Se poser cette question, sous quelque forme que ce soit (à qui obéissent nos parents ?), c’est grandir. L’adolescence s’emploie énormément à mettre en doute l’autorité (« le roi est nu ! »), tandis que la maturité consiste à devenir sa propre autorité – penser par soi-même, devenir son propre gardien. Mais qui est vraiment mature, y compris parmi les adultes ?

Ah là là, quel beau livre ! Plus j’y pense, moins j’ai envie d’aller voir le film !

Livre noir, cependant, memento mori. La brièveté de nos échéances y est inscrite dès la première page : « The end is nigh »… C’est curieux, d’ailleurs, parce que cette angoisse de la fin, de la fin des hommes et de la fin du monde, on pourrait croire que c’est l’un des aspects périmés de Watchmen, parce que c’est ancré dans le contexte de la guerre froide, quand LA bombe arriverait à minuit moins une poignée de minutes. Mais en fait non, ce n’est pas périmé, ça ne l’est plus, le catastrophisme millénariste revient en force aujourd’hui, sous d’autres formes que l’apocalypse nucléaire de la guerre froide : la planète se réchauffe, la crise mondiale (partout-partout) déglingue la géopolitique mondiale et les structures sociales… A nouveau, comme il y a 25 ans, the end is nigh.
C’est fâcheux.
Il paraît qu’Alan Moore ajoute sa voix de prophète à ceux qui croassent la fin du monde pour 2012, j’ai lu ça quelque part.
C’est bientôt la fin du monde alors que j’ai des plans, moi…
D’un autre côté, Moore prévoit la sortie de son prochain roman, Jerusalem, pour 2013, alors…

Dub

Miaou

16/03/2009 un commentaire

Namedropping

Le grand jeu, mesdames et messieurs : je dégaine ci-dessus la dédicace que m’a offerte Philippe Geluck. Regardez : il a même écrit « amitiés », mot rarissime dans les rituels de dédicace, comme chacun le sait !

Je peux donc tenter de vous faire croire que Geluck, c’est mon pote, que lui et moi entretenons une relation privilégiée, une complicité de longue date, faite de respect mutuel et d’inoubliables fous rires (ah, il est super sympa, si vous saviez), et qu’il m’encourage sans cesse à persévérer au Fond du Tiroir, « si je peux te faire un petit dessin pour ton blog, c’est avec plaisir ».

Tout ceci n’est absolument pas vrai. En revanche, comme tout le monde, j’aime bien le Chat de Geluck, son humour charmeur, malin (qui donne l’impression d’être intelligent parce qu’on a saisi la finesse), et consensuel. Si je l’appelle à comparaître aujourd’hui, c’est pour me faire chat moi-même. Je veux me montrer charmeur, malin et consensuel, parce que j’ai un truc à vous demander.

Voilà : il est plus que temps que je régularise la situation du FdT, et que je le dote d’un vrai statut. D’abord, parce que le flou fiscal finit par être embêtant, et le retour de bâton serait pénible ; ensuite, parce que je m’achemine, à moyen terme disons, vers l’édition d’un livre qui, contrairement à mes expériences underground antérieures, mériterait une distribution digne de ce nom – qui nécessiterait, si jamais on arrive jusque là, une véritable identité pour ma petite entreprise (si j’ose employer ces trois mots, un jour de deuil).

L’identité la plus raisonnable pour le FdT serait l’association loi 1901. Avec des statuts déposés, un président, un secrétaire, un trésorier – même si ces rôles ne sont pas indispensables. Or, moi, je n’ai guère envie de m’occuper de ces démarches qui me semblent un peu fastidieuses. Pour la faire courte, j’ai envie d’écrire des livres, pas des statuts.  (et si je voulais la faire longue, j’ajouterais que symboliquement ET materiellement, c’est bon d’être épaulé.) Quelqu’un se sent de prendre en charge l’affaire, dans la salle ? J’en appelle aux bonnes volontés ! « Faites comme le Chat de Geluck : soutenez le Fond du Tiroir ! »

Et ton coeur et mon coeur sont repeints au vin blanc

09/03/2009 un commentaire

Rebelle en ayant un stand ?

« Il n’y a pas d’éditeur, il n’y a que des preuves d’éditeur ». (C’est de qui, ça, déjà ? Jean Cocteau, je crois, ou Pierre Reverdy, je ne sais plus, ou alors je me goure.) Quand j’ai reçu la plaquette du Printemps de Grenoble, j’ai bien ri en constatant que le Fond du Tiroir était coincé, par ordre alphabétique des éditeurs régionaux invités, entre les éditions du Dauphiné libéré, et la Maison de la poésie en Rhône-Alpes. Ah oui, c’est bien sa place, tiens, juste pile, je le saurai si on me demande.

C’est dingue : le Fond du Tiroir ressemble de plus en plus à un éditeur, puisqu’il tiendra un stand dans un salon du livre. Vous pourrez venir à ce stand, comme pour de vrai, faisons semblant de rien, pour discuter et vous faire dédicacer des livres, par mézigue mais également par Marilyne Mangione, qui a aimablement accepté de faire le pied de grue en ma compagnie (vous allez voir comme nous sommes gracieux en pieds de grue). Nous serons sous le chapiteau du salon de Grenoble, du vendredi 27 mars au dimanche 29, par intermittence, selon arrivage des produits frais, voisinant comme par un fait exprès avec celui qui m’a présenté à Marilyne, Hervé Bougel, autre cowboy solitaire et fringant.

Et le Tiroir, au Fond, comment va-t-il ? Eh bien, pas si fort, pour ne rien vous cacher. J’ai traversé une mauvaise passe, de tristesse et de découragement. Pour certaines raisons déjà évoquées, mais aussi, plus profondément parce que le troisième livre qui vole de ses propres ailes, ABC Mademoiselle, m’a coûté les yeux de la tête (je suis loin d’avoir fini de le payer, j’ai dû faire un emprunt) et ne s’est pratiquement pas vendu. La crise mondiale (et même partout-partout) se fait sentir ici aussi, finalement. Les temps sont durs.

Certains jours je me demandais mélancoliquement si tout ceci valait la chandelle, si cette auto-édition avait un autre sens qu’un caprice à long feu comme certaines bonnes âmes me l’ont susurré dans mon propre intérêt, et je me trouvais fort misérable d’être réduit à cette situation dégradante, douloureuse et vulgaire (vulgaire au sens de sort commun, hélas) : en permanence je pensais au fric – au lieu que de penser en permanence au sexe, comme n’importe quelle personne normale et libre. Merde, je n’avais tout de même pas créé le Fond du Tiroir pour en arriver là… Autant tout laisser tomber… La tentation était grande de fermer le tiroir, placer la clef sous le paillasson et passer à autre chose. Un an à m’amuser, c’était joli.

Mais je prends en main l’ABC, je le feuillette, je le trouve incroyablement beau, mon plus beau, et ça me revient : ah, oui, c’est vrai, c’est pour cette joie-là, que je l’ai créé, le Fond du Tiroir. Pour faire mon plus beau livre à chaque fois. Alors je me remets au prochain ; il est quasi-prêt. Sans blague, ce sera mon plus beau.

Envoyons d’l’avant, nos gens ! Retrouvons l’allant, le printemps, et la curiosité. Tiens, ceci : je note avec intérêt que, tandis qu’à Grenoble le salon du livre choisit d’honorer « les graines de rebelles », celui de Villeurbanne (j’y serai le mois prochain) vient d’annoncer son thème pour 2010 : « Résistances ». Attendez, c’est quelque chose dans l’air, ou quoi ?

Rubrique « Du pain et des jeux », suite : sur le blog dudit salon de Villeurbanne, vous trouverez un concours amusant, 22 trombines à reconnaître, 22 résistants-rebelles qui avancent masqués. Moi, j’ai vu où je suis, mais qui sont les 21 autres ? Sur ce, pardon, mais je vais plutôt faire du pain. Et en cadeau ci-dessous, la Cosa mentale de Marilyne Mangione, c’est beau comme du bon pain.

Où l’on reparle des rêves

04/03/2009 un commentaire

indicible !

J’adore les récits de rêves, même ceux des autres.

Nathalie Etienne, grande rêveuse, m’avait déjà confié quelques-uns des siens, notamment après la publication de l’Echoppe enténébrée. Elle m’en offre un nouveau que je reproduis ici avec grand plaisir, et d’autant plus de gourmandise qu’il s’agit d’un rêve joyeux, contrairement à d’autres qu’elle me confia… (Et je précise à la cantonade, avant que cette dernière ne me taxe de narcissisme parce que la cantonade est toujours de mauvaise foi, que j’adore les récits de rêves, même ceux des autres, même quand je n’y apparais pas. Il se trouve, que, dans celui-ci, j’apparais, bon…)

« Je rêve énormément, tout le temps (c’est un vraie vie parallèle pour moi), de tout le monde pratiquement…. de gens qui me sont proches ou éloignés, avec qui je suis très liée ou pas sur le plan affectif (je peux rêver du maire de mon village, par exemple), je peux même rêver de gens que je n’ai pas vu depuis 30 ans ! Cette nuit, j’ai fait un rêve dans lequel tu étais. Le rêve était très court, je te le raconte : Je suis dans un théâtre à l’italienne, à l’orchestre. Je suis venue pour voir Philippe Claudel, je dois l’accompagner sur scène pour recevoir des prix (rien que ça! la fille à peine mégalo !) Je vois dans la salle trois hommes qui se ressemblent beaucoup, ils regardent la scène et attendent eux aussi Philippe Claudel. Tous les trois portent le même prénom, « Fabrice », je ne sais plus comment je le sais mais je le sais. Une ouvreuse vient me dire, « allez-y, il faut jouer maintenant, ne vous trompez pas! ». Les trois « Fabrice » se mélangent (un peu comme les dés que tu dois retrouver sous un gobelet), je le dis d’ailleurs à l’ouvreuse , je lui dis « Mais c’est comme le jeu de dés dans la rue ! », elle me répond « oui c’est ça, exactement ! ». Je désigne le « bon Fabrice » que j’aperçois de trois quart, je sais que je dois trouver Fabrice Vigne et je ne me trompe pas. Je suis contente et je dis à l’ouvreuse, « je ne l’ai vu qu’une fois, Fabrice Vigne, mais je suis sûre que c’est lui ». Et là, tu te retournes, et tu me dis « Gagné ! » avec un sourire ravi et des yeux très doux, puis tu disparais et philippe Claudel entre sur la scène et je me réveille….. Sympathique comme rêve non ? en tout cas il m’a semblé de bon augure, pour mes démarches vis-à-vis de Castells.
Ciao ciao »

Lumières : « les démarches vis à vis de Castells » désignent nos démêlées longuettes auprès de notre éditeur commun ; Philippe Claudel, ami de Nathalie, est pour elle l’exemple type de l’intégrité littéraire, et de la justice dont font preuve, à l’occasion, les trompettes de la renommée ; il est normal que Nathalie et moi nous reconnaissions au théâtre, puisqu’elle et moi avons le théâtre en ligne de mire à notre horizon littéraire : une de ses pièces, écrite à partir du témoignage qu’elle a recueilli auprès d’un ex jeune détenu de la prison Metz-Queuleu, Quartier d’en bas, sera prochainement jouée à Nancy, tandis que j’attends impatiemment l’adaptation de mes Giètes à Lyon au mois de mai ; c’est un fait, nous ne nous sommes vus qu’une seule fois ; mais alors pourquoi cette partie de bonneteau sur ma personne ? Pourquoi suis-je triple ? Je ne sais pas. Mais ça me plaît. La cantonade peut bien me taxer de narcissisme.

Culture de masse

01/03/2009 2 commentaires

fonciforme

Patrick Villecourt, facétieux et perspicace homme de main du Fond du Tiroir, n’a pas que des qualités : il lit aussi Télérama. Du moins, chaque mercredi, il remplit consciencieusement la grille de mots croisés de cette auguste revue de télé-, comme son nom l’indique, mais aussi de culture (c’est la partie –rama). Or voilà que tout soudain Patrick me tonitrue : « Télérama parle de nous ! Vise un peu les mots croisés de cette semaine ! » Et de m’envoyer l’irréfutable montage ci-dessus (vous pouvez cliquer pour l’agrandir).

Effectivement. Nous sommes sauvés ! Si le FdT a enfin pénétré les pages cet officiel bulletin de la culture comme-il-faut, alors sa fortune est faite ! Le Tiroir ailé a achevé son destin, il a pénétré le goût dominant ! Mieux : il est le goût dominant ! Merci Télérama ! Fort de cette heureuse nouvelle, nous allons nous consacrer sereinement à la fabrication de notre quatrième « livre », qui sera tiré à bon marché quoiqu’à 1000 exemplaires (à peu près autant que les trois premiers réunis), et dont le bon de souscription mesdames et messieurs pourrait être disponible dès la semaine prochaine.

Ah oui, on ne traîne pas, on ne fait pas que des mots croisés, le quatrième est pratiquement prêt (mais c’est le dernier avant longtemps – ensuite plus rien d’ici l’automne, au moins)… Que voulez-vous savoir sur ce livre ? Son ISBN ? Vous êtes bien curieux ! Bon, d’accord, mais c’est bien parce que c’est vous : 978-2-9531876-3-2. Ne le répétez pas à n’importe qui.

(Pour de vrai, et pour l’anecdote, sans vouloir me hausser du col ni la ramener avec mon bouc, j’ai déjà été cité une fois dans Télérama, qui m’a qualifié de « sociologue » dans son n°2794 de juillet 2003, à propos d’un article que j’avais publié en revue : « Dans « Une Iliade ou une Odyssée ? Le voyage et son double », très belle étude qui nous a donné l’envie de savoir ce que voyage veut encore dire, le sociologue Fabrice Vigne laisse à son lecteur le soin de conclure etc…« , alors hein, c’est dire si je suis autorisé à en causer, de la culture de masse. Mais je vous laisse le soin de conclure.)

Quoi d’autre ? Ah, oui : en attendant l’avènement du prochain livre, vous pouvez vous occuper en lisant l’instructif échange qui vient d’avoir lieu sous un précédent article : ça barde, au Fond du tiroir. Je suis tricard en Tricastin, et plutôt triste, je l’avoue… Cherchez pas plus loin, c’est pour ça que je fais le clown…