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Archives pour 02/2009

Le roi de la réclame

25/02/2009 Aucun commentaire

yalepapouapouetlepapoupahapouVous vous trouverez à Grenoble, par habitude ou par exception, le samedi 7 mars prochain au soir ? Alors, j’ai un super bon plan pour vous ! Vous avez de quoi noter ?

Toute l’équipe des Papous dans la tête enregistrera sa prochaine émission en public à l’Amphidice, salle de spectacle de l’Université Stendhal, sur le campus de Saint-Martin-d’Hères. Entrée libre et gratuite, ouverture des portes à 18h15, enregistrement de 19h à 21h.

En plus, il y aura même Jean-Bernard Pouy. Un rendez-vous avec des érudits farceurs, des acrobates de la rhétorique, à ne manquer sous aucun prétexte !

(Je vais cependant le manquer. Ce même soir, je jouerai avec Christophe Sacchettini “les Giètes, the musical”, en version spectacle d’appartement, dans le même Grenoble. Renseignements auprès de l’hôtesse, Rachel Divisia… Je vous inviterais bien, mais puisque vous préférez aller écouter les Papous, tant pis pour vous… Enfin bon, Rachel, elle, vous invite, il vous suffit de cliquer ici.)

« Du pain et des jeux ! » (Juvénal, 45? – 128?)

22/02/2009 2 commentaires

stylo habile

Hé… Psst… Vous cherchez quelque chose, citoyen ?

Ne prenez pas cet air innocent… Si vous vous promenez tout seul ici, c’est que vous cherchez quelque chose… Une petite diversion en temps de crise, peut-être ? Allons, citoyen, deux mots ! La recette du divertissement est connue depuis 2000 ans ! Apportez votre pain, et je fournis les jeux !

L’an dernier, j’ai quasiment inauguré ce blog en lançant à la cantonade un grand concours, avec à la clé non pas des dizaines, non pas des centaines, non pas des milliers de cadeaux, mais tenez-vous bien un seul magnifique lot à gagner ; et puis la solution a été trouvée par une perspicace lectrice dès le surlendemain.

J’ai voulu rééditer l’émulation ludique voici quelques semaines… Mais cette fois-ci, nul n’a répondu à mon grand jeu international. Je ne sais que conclure de ce silence… Personne (ni moi non plus, au fait) ne connaît la réponse à la trop difficile question que j’ai posée ? ou bien tout le monde s’en fout ? ou alors vous n’avez pas pris au sérieux le superbe lot que j’ai mis en jeu, l’authentique stylo série limitée FdT en vrai plastique et sa bille qui écrit sans bavures ni fautes d’orthographe ? vous avez jugé hâtivement qu’il n’en valait pas la peine ? Je n’ose le croire. (Cf. sur le document exclusif ci-dessus, notre suggestion de présentation : l’objet, discret, efficace, aussi pratique qu’élégant, vous sera d’un précieux secours en cas de dédicace impromptue de l’ABC Mademoiselle).

Après, il en fera ce qu’il voudra, l’heureux lauréat, de ce beau stylo… Il écrira des livres ou il cochera des cases sur un bulletin de Loto…

De ce côté-ci du Tiroir, oui, merci, on joue, on écrit. Patrick F. Villecourt et moi-même planchons sur notre quatrième expérience. Elle est très bizarre, je vous préviens, une drôle de tête en kit. Mais quand réussirons-nous à la publier ? Pas demain la veille ! Plus un sou vaillant, au fond du Tiroir ! Et vous, ça va, sinon ? Alors ? Cette crise mondiale ? Partout-partout ?

ABC Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs

14/02/2009 Aucun commentaire

Oui, bon, allez, d’accord, c’est la Saint-Valentin, qu’est-ce que vous voulez que je vous dise ?

Saint-Valentin, fête la plus inepte du monde, source d’anxiété pour les couples (« ça va ? j’ai bon ? suis-je assez amoureux cette année ? avec tout ce que je lui offre ? »), et d’amertume pour les esseulé(e)s (« mon Dieu ! tous les garçons et les filles de mon âge savent bien ce que c’est qu’être heureux, oui mais moi etc »), Saint-Valentin ne fait rien pour exalter nos réelles aptitudes à l’amour. Au contraire, elle nous ferait douter – cette célébration dans le calendrier ressemble à une commémoration je trouve, un deuil, une pensée obligatoire pour nos poilus, 11 novembre en février. Saint-Valentin donne envie de détester l’amour à mort et le soldat inconnu et de brailler à tue-tête une chanson de Brigitte Fontaine.

Oh, et puis ça suffit, hein, vous avez, nous avons, ils/elles ont, presque aussi peu besoin d’une chronique, d’un billet d’humeur, d’un coup de gueule supplémentaire contre Saint-Valentin, que de Saint-Valentin. Vous avez, nous avons, ils/elles ont, besoin d’amour, c’est tout. L’amour, fête intime la plus précieuse qui soit, tourne à l’horreur et au grotesque quand elle devient fête sociale et institutionnelle, ou bien en critique de la fête sociale et institutionnelle. Ce n’est pas une raison pour ne pas nous aimer les uns les autres ; simplement, aujourd’hui on peut jeûner, faire relâche, dès demain on s’y remettra. Sinon, c’est nous qui sommes morts.

Tiens, si vraiment vous souhaitez vous abandonner au consumérisme valentin plutôt que d’être authentiquement amoureux, vous n’avez qu’à vous offrir mutuellement ABC Mademoiselle, et si vous êtes seul(e), vous l’offrir à vous-même ; cadeau de très bon goût dans tous les cas, idéal pour fêter l’amour puisque c’est un conte joyeux à propos de la solitude, l’amour en jachère dans un joli terrain, en attendant que ça pousse.

Et moi, ce que je vous offre : ci-dessous une trouvaille de l’habile et diligent Patrick « Factotum » Villecourt qui, fouinant sous la surface du web, a dégoté ce bel abécédaire, vingt-six photos qui ne sont pas sans lien avec les vingt-six gravures de Marilyne Mangione (exposées à la bibliothèque du centre-ville de Grenoble jusqu’à la fin du mois). L’auteur en est le photographe russe Oleg Origin. Et sur le même sujet, certainement inépuisable, des liens charnels entre le corps du désir, et le corps des lettres qui expriment ce désir, vous trouverez ici deux autres variations, transmises par une lectrice non moins diligente et habile, que je remercie chaleureusement.

Filmographie sélective : allez donc voir (ou lire) La fête de l’amour de Philippe Caubère, film drôle et profond sur l’amûr, son intériorité et son extoriorité, ses rituels et ses serments, ses euphories et ses tourments, son éternelle surprise et sa fatalité. Tant que vous y serez, voyez donc Le Roman d’un acteur en entier, les onze épisodes, ça ne peut pas vous faire de mal.

Le Fond du Tiroir vous aime.

les grands esprits se rencontrent

 

SP3C : un contrepoint

12/02/2009 5 commentaires

sp3c, sa jeunesse, sa littérature, son enthousiasme, sa fête, sa taxe professionnelle de l'AREVA

J’ai déclaré il y a quelques jours mon amour pour Saint-Paul-Trois-Châteaux, lieu magnifique d’une fête du livre réussie, euphorique, fertile, unique.

Beau paysage. Mais au fond du tableau, on aperçoit les cheminées du site nucléaire du Tricastin. On les voit, on traverse leur ombre, on les longe à l’allée comme au retour, et on peut les oublier, puisque c’est la fête. Or je ne les oublie pas une seconde car, vieille mentalité paysanne peut-être, j’aime savoir qui me paye. D’où vient l’argent ? De l’Areva, assez directement : si une aussi petite ville est capable d’organiser un aussi grand événement, c’est bien grâce à la taxe professionnelle pharaonique du nucléaire. L’énergie humaine de Saint-Paul ? Ah oui, bravo, merci, vous travaillez pour vos enfants, pour l’avenir, je viens travailler avec vous, hardi petit. Mais l’énergie produite ici pour de vrai, sans métaphore, dans les fils, dans les ampoules de la fête ? Quel avenir est ici travaillé, pendant que l’on raconte nos histoires aux enfants ? À quoi joue-t-on, les enfants ?

De quoi exactement suis-je complice quand, à l’entrée du chapiteau de la fête, le stand Areva distribue aux marmots des coloriages et des quizz, alors que j’ai dans un coin de la tête le dernier « incident », pas très vieux, septembre 2008, ou bien le scandale des déchets nucléaires jetés au bord de la route, alors que j’étouffe une sourde trouille, mais que tout compte fait je vais m’assoir à mon stand, et sourire et dédicacer ?…

J’aurais pu garder pour moi ces petits tiraillements, cette mauvaise conscience… Mais je reçois aujourd’hui le texte de Sarah Turquety, vigoureux, fier, qui incite à la prise de conscience collective. Texte de poète, c’est à dire qui sait mettre les mots d’une seule sur les pensées partagées. Non, je ne suis pas seul, et je ne garde rien pour moi. Je reproduis cette lettre ouverte avec l’accord de Sarah. Et maintenant, on fait quoi ?

A TOUS LES MILITANTS POUR LE LIVRE DE JEUNESSE

qui sont tout d’abord des militants pour l’Humanité

La fête du livre de Saint-Paul-Trois-Châteaux 2009

fut un beau moment de rencontres et d’échanges

avec tous ces bénévoles, une population venue en masse,

et Aréva.

Je rentre chez moi
et je reçois ce mail sur la prochaine émission de télévision
montrant les enfouiements illégaux de déchets nucléaires dans toute la France,

cette émission qui devrait être diffusée le 11 février sur France 3
et qui ne le sera peut-être pas car Aréva a saisi le CSA afin d’empêcher toute diffusion.

Je rentre chez moi
et je me rappelle ce reportage sur les mines d’uranium d’Aréva au nord du Mali

et l’exploitation des hommes, le pillage des ressources en eau, la sécheresse qui en découle.

Je rentre chez moi
et j’ai honte.

Ainsi je puis être adulte en 2009, parler de poésie
et penser participer à la construction d’un monde solidaire
dans lequel mes enfants pourront grandir
et en même temps accepter qu’un des groupes les plus pollueurs,
de ceux qui nous tuent (tout simplement : tuer)

diffuse sa propagande d’un monde idéal grâce au nucléaire

auprès d’enfants vivant près d’une centrale
qui a connu une grave fuite cet été même.

Je rentre chez moi.

Muette.

Mes mots n’ont aucune valeur. Ils sont vides. De mouvements.

Amour, solidarité, générosité, utopie.

Ainsi je puis avoir appris Tchernobyl et son impact, Hiroshima et la destruction totale

et accepter que l’on vante le nucléaire auprès d’enfants dans un lieu militant pour la lecture.

Je rentre chez moi

un mot en tête : compromis.

Je rentre chez moi
et je pense à nous tous, adultes présents à cette fête du livre,

auteurs, illustrateurs, plasticiens, instituteurs, bénévoles de tous bords, passionnés,

nous, passionnés, qui cloisonnant nos luttes, fermons les yeux,

tournons les regards, n’osons pas voir le mensonge et la manipulation.

Je suis rentrée chez moi

mais, pour autant, je ne resterai pas muette.

Car ma voix est celle de tous ceux qui

sont rentrés chez eux,

avec un regret, un élan noyé.

Car je sens que nous serions nombreux
à soutenir une transformation de cette magnifique aventure humaine
qu’est la fête du livre jeunesse de Saint-Paul-Trois-Chateaux.

Car je sens qu’aujourd’hui nous pouvons nous passer de restaurants chics, d’honneurs

pour nous sentir pleinement humains et pères et mères de nos enfants.

Car je fais confiance aux idéaux de chacune et chacun pour faire œuvre de sa conscience.

Utopistes, debout !

Sarah Turquety, poète


Les Giètes, dernière

11/02/2009 3 commentaires

J'y étais

« Fatigué : qualificatif universel, verdict absolu. On peut l’employer sans risque de se tromper à propos de n’importe qui. Je suis fatigué, tu es fatigué, il est fatigué. Vous allez bien Mme Lomza ? Oh je suis fatiguée. Comme tout le monde. Nous sommes fatigués, voilà. Ce qui veut dire : nous sommes mal fichus, malades, ou bientôt malades, ou mal rétablis,  nous sommes à l’agonie, nous sommes résignés, nous sommes pratiquement morts. » (Les Giètes, pp. 122-123)

Quant au livre, il est épuisé.

Deux ans que j’attendais ça.

Après la parution des Giètes, début 2007, dès que j’ouvrais ce livre, je trouvais à redire. Je me lamentais d’avoir lâché ce texte trop tôt, truffé de scories. Je bombardais Charlotte Goure, à l’époque mon interlocutrice chez Magnier, de mails sur l’air de « Mais comment ai-je pu laisser passer ça ? Il faut corriger ! corriger ! corriger ! » Charlotte (que je remercie encore de sa patience) compilait soigneusement mes remarques, plus ou moins essentielles (pensez donc ! une virgule mal placée fout une phrase en l’air) – tenant au chaud pour le jour du retirage une bonne quinzaine de repentirs, depuis tel détail qui manquait, jusqu’à tel mot qui méritait mieux, en passant par telle erreur grossière corrigée (Ray Barretto saxophoniste ? Où avais-je la tête ?) et telle syntaxe malheureuse amendée.

Deux ans plus tard, je viens d’apprendre que le temps est venu, et je l’ai appris de fort brutale façon : invité à une dédicace dans une librairie de Lyon, je me suis retrouvé, situation comique et inédite, en situation de devoir signer un livre que le libraire n’avait pas réussi à se procurer.

Bref, nous avons enfin écoulé le tirage initial (3000 ex.), et la réimpression aura lieu. « L’édition définitive » des Giètes paraîtra au mois de mai. Je sais, c’est tard, un long hiatus, trois mois d’indisponibilité, mais la maison Magnier estime que c’est un livre très cher, très peu rentable (ah comme je les comprends ! mal placé pour me plaindre ! je m’y connais désormais, en livres non rentables !), alors par mesure d’économie elle attend l’impression des deux prochains volumes de la collection Photoroman, en mai, pour réimprimer le mien dans la foulée, tant que les machines sont chaudes.

Vous pourrez donc l’acheter, en mai. Cette fois c’est la bonne. Moi je ne l’ouvre plus, c’est plus prudent.

Je me sens tour à tour la perle et le pourceau

08/02/2009 Aucun commentaire

Le Stradivarius télésurveillé, c'est la sécurité pour vos enfants

« Le musicien de rue était debout dans l’entrée de la station « Enfant Plaza » du métro de Washington DC. Il a commencé à jouer du violon. C’était un matin froid, en janvier dernier. Il a joué durant quarante-cinq minutes. Pour commencer, la chaconne de la 2ème partita de Bach, puis l’Ave Maria de Schubert, du Manuel Ponce, du Massenet et à nouveau, du Bach. À cette heure de pointe, vers 8h du matin, quelque mille personnes ont traversé ce couloir, pour la plupart en route vers leur travail. Après trois minutes, un homme d’âge mûr a remarqué qu’un musicien jouait. Il a ralenti son pas, s’est arrêté quelques secondes puis a démarré en accélérant. Une minute plus tard, le violoniste a reçu son premier dollar : en continuant droit devant, une femme lui a jeté l’argent dans son petit pot. Peu après, un quidam s’est appuyé sur le mur d’en face pour l’écouter mais il a regardé sa montre et a recommencé à marcher. Il était clairement en retard. Celui qui a marqué le plus d’attention fut un petit garçon qui devait avoir trois ans. Sa mère l’a tiré, pressé, mais l’enfant s’est arrêté pour regarder le violoniste. Finalement sa mère l’a secoué et agrippé brutalement afin que l’enfant reprenne le pas. Toutefois, en marchant, il a gardé sa tête tournée vers le musicien. Cette scène s’est répétée plusieurs fois avec d’autres enfants. Et les parents, sans exception, les ont forcés à bouger. Durant les trois quarts d’heure de jeu du musicien, seules sept personnes se sont vraiment arrêtées pour l’écouter un temps. Une vingtaine environ lui a donné de l’argent tout en en continuant leur marche. Il a récolté 32 dollars. Personne ne l’a remarqué quand il a eu fini de jouer. Personne n’a applaudi. Sur plus de mille passants, seule une personne l’a reconnu.

Ce violoniste était Joshua Bell, un des meilleurs musiciens de la planète. Il a joué dans ce hall les partitions les plus difficiles jamais écrites, avec un Stradivarius valant 3,5 millions de dollars. Deux jours avant de jouer dans le métro, sa prestation future au théâtre de Boston était « sold out » avec des prix avoisinant les 100 dollars la place.

C’est une histoire vraie. L’expérience a été organisée par le Washington Post dans le cadre d’une enquête sur la perception, les goûts et les priorités d’action des gens. Les questions étaient : dans un environnement commun, à une heure inappropriée, pouvons-nous percevoir la beauté ? Nous arrêtons-nous pour l’apprécier ? Reconnaissons-nous le talent dans un contexte inattendu ? Une des possibles conclusions de cette expérience pourrait être : si nous n’avons pas le temps pour nous arrêter et écouter un des meilleurs musiciens au monde, jouant pour nous gratuitement quelques-unes des plus belles partitions jamais composées, avec un violon Stradivarius valant 3,5 millions de dollars, à côté de combien d’autres choses passons-nous ? À méditer … Vidéo visible sur you tube. »

Reçu aujourd’hui par mail ce récit, qui m’interloque. Je le reproduis au Fond du Tiroir, très solidaire du Fond du couloir de métro. Pour qui mes belles tripes, mon sang ma sueur et mes larmes ? Ma joie, aussi, et mon travail ? Pour personne et pour la télésurveillance. À votre bon cœur messieurs-dames, merci et bonsoir.

(source : Pierre Voyard. Mais, comme toujours dans le cas d’informations assistées par l’électronique, il est prudent de fouiller un minimum le oueb afin de vérifier les circonstances. Le texte transmis par Pierre stipule « en janvier dernier », ce qui tôt ou tard ne veut rien dire : l’expérience a eu lieu, précisément, le 12 janvier 2007. Peu importe, c’est actuel. Édifiant article d’analyse, en anglais, à lire ici.)

Je dis ça, je dis rien

04/02/2009 8 commentaires

Abaissez quoi, au juste ?

ABC Mademoiselle : un troisième opus jaillit orgasmatiquement du tréfonds du tiroir. C’est mon huitième livre, je dis ça, je dis rien…

Et c’est mon premier livre érotique, je dis ça, je dis rien…

Je réalise au passage que, jusqu’à présent, je n’avais encore jamais publié trois livres chez le même éditeur. Un seul chez l’Ampoule, deux chez Magnier, deux chez Castells.

Trois chez moi.

Je dis ça, je ne dis rien de spécial.

Ce que je dis, en revanche, c’est que vous êtes cordialement invités au vernissage du nouveau-né, demain jeudi 5 février 2008 à 18h30 à la bibliothèque du centre-ville de Grenoble, où la charmante Marilyne Mangione et moi-même tâcherons d’accomplir une lecture de cet ouvrage en conservant notre sang-froid.

Et puis faites-vous donc plaisir en commandant l’ouvrage, car du même coup vous me ferez également plaisir : cet ABC a beau chanter les plaisirs solitaires, quand c’est partagé, c’est bien, aussi.

Voilà l'invitation diffusée par Marilyne. Je suis très choqué ! Je suis un auteur jeunesse, moi ! C'est obscène ! Indécent ! Scandaleux ! Que fait la police des moeurs ?

(bien sîr que c’est fait exprès, les deux V de Février, qu’est-ce que vous croyez.)

Saint-Paul-Trois-Histoires

02/02/2009 8 commentaires

Simple et subtil : signé Sara

Je rentre fourbu et bienheureux de mes cinq jours à Saint-Paul-Trois-Châteaux. Lors de ma première participation à SP3C, en 2006, j’avais conclu qu’il s’agissait du meilleur salon du livre du monde. Or j’avais une solide expérience qui autorisait les comparaisons : des salons du livres, j’en avais déjà faits au moins deux. SP3C m’a réinvité en 2009, et je suis ravi de constater qu’il s’agit toujours du meilleur salon du monde. Or je peux en parler avec autorité, car entre temps mon expérience n’a fait que croître : des salons, aujourd’hui, sans me vanter, j’en ai faits au moins huit.

SP3C a trouvé la formule magique, l’équilibre parfait. L’équilibre entre la fête et le sérieux (ah, être pris au sérieux, pour un écrivain « jeunesse », ça n’a pas de prix), entre les agapes où l’on est reçu comme un prince et les débats où l’on peut vraiment s’exprimer sur son travail (les gens écoutent ! c’est dingue !), entre les rencontres scolaires et les retrouvailles professionnelles, entre le commerce et l’échange l’humain (car l’on est en droit de coller une tarte à quiconque déclare ou seulement pense que l’un est réductible à l’autre), entre le cerveau et le cœur. Comme le dit Susie Morgenstern (ma voisine de stand –  j’avais du bol) : « Dans le milieu de la littérature jeunesse, lorsqu’on entend pour la première fois un auteur dire « Je suis invité à Saint-Paul-Trois-Châteaux », on répond : « C’est où ? »… Mais ensuite, une fois que l’on sait, on répond : « Veinard ! »

J’ai vécu ces jours auprès de personnes que j’aime et/ou que j’admire (et que même, parfois, je connais), Jeanne Benameur, Philippe-Jean Catinchi, Mathis, Sara, Susie Morgenstern, Kochka, Jean-Philippe Blondel, Bruno Heitz, Hubert Ben Kemoun, Lucie Land… et au fin tréfonds des choses et des illusions et des ambitions et des alouettes littéraires, je ne sache pas qu’il y ait mieux à espérer d’un salon ou de la vie, que de passer un peu de temps en compagnie de personnes que l’on aime et/ou que l’on admire (et que même, parfois, l’on connaît).

Pour remercier Saint-Paul depuis mon Tiroir en chambre d’écho, ci-dessous trois histoires que j’en ai retirées, en échange de celles que j’y ai laissées : élémentaire échantillon d’émotions advenues, sur place et à emporter. J’aurais pu en choisir trois autres, je n’avais que l’embarras, mais ce sont ces trois-là.

Un récit qu’on m’a offert ; un conte que j’ai choppé au vol ; et un morceau de vie qui m’est tombé sur le coin de la figure.

Première histoire

Le premier matin, après la nuit dans l’hôtel où je dormais assez mal (seule occasion dans ma vie de dormir jamais dans un hôtel quatre étoiles, et je dors mal ! quel snob je fais !) je pénètre chiffonné dans la salle du petit déjeuner. Je m’assoies à la table de Kochka, que j’ai déjà rencontrée ailleurs, qui me touche beaucoup par sa douceur et sa fragilité. Nous bavardons. Au fil du bavardage, surviennent des paroles tout sauf anodines : elle me parle de l’un de ses enfants, autiste. Les anecdotes qu’elle me tend me bouleversent par surprise. Celle-ci :

« Quand Mathieu était petit, il n’y avait que le bruit de la pluie qui le calmait. Alors, dans les moments de stress, il faisait la pluie : il attrapait tout ce qui lui tombait sous la main, le jetait en l’air, et le regardait tomber. Il le faisait très souvent dans sa classe. Sa maîtresse a fini par trouver comment réagir : elle a confectionné un « costume de ramasseur de pluie », ciré jaune et chapeau, qu’elle a attribué tour à tour aux élèves. Le ramasseur de pluie était chargé de tout remettre en ordre après l’averse… »

J’ai traversé toute la journée en résonance de ce récit du matin, qui m’avait donné le la. Tous les contacts humains qui ont suivi ont vibré à l’aune de cette exemplaire délicatesse. Y compris la grève nationale qui commençait de gronder, et les manifs partout dont nous entendions l’écho : savoir qu’une maîtresse aussi géniale existe, reprendre espoir grâce à elle dans le genre humain, et regarder le gouvernement laminer l’Education Nationale ?

Merci Kochka.

Deuxième histoire

L’un des invités de SP3C était le conteur libanais Jihad Darwiche. J’ai assisté au spectacle qu’il donnait en duo avec sa fille. Je me suis laissé bercer par leurs deux jolies voix, mais j’avoue que je n’ai pas reçu semblablement chacun de leurs contes, j’ai bien souvent décroché au cours de la soirée. J’ai retenu au moins, et je retiendrai longtemps je l’espère, cette histoire-ci, tellement simple et tellement sage :

Il était une fois un vieux derviche que tous ses disciples révéraient pour son calme, son détachement, et sa sérénité. Il ne haussait pas la voix, ne semblait jamais inquiet, et endurait les joies et les malheurs avec la même patience, comme s’il pesait de très haut, de très loin, l’importance et la futilité des choses et des existences.

Une famine survint, qui fit de nombreux morts ; le derviche resta serein. Un séisme survint, qui dévasta le pays ; le derviche resta serein. La guerre survint, qui déchira les hommes et les peuples ; le derviche resta serein.

Ses disciples interloqués cherchaient à pénétrer son secret : « Comment fais-tu, ô maître, pour conserver ton calme en toutes circonstances ? » Le derviche répondit : « Je puise mon calme dans ce qu’il y a entre les pages du Saint Coran ».

Les disciples, très impressionnés, tentèrent d’appliquer cette leçon à leur propre vie. Ils lirent et relirent leur Saint Coran, jusqu’à le savoir par cœur. Mais le jour où survint une nouvelle famine, un nouveau séisme ou une nouvelle guerre, cette leçon s’évanouit instantanément et les disciples s’abandonnèrent aux affres, aux angoisses, à la lutte, au désespoir. Le secret du derviche, qui demeurait inébranlable, leur échappait. Lisait-il le Saint Coran mieux que les autres mortels ?

Le jour où le sage derviche mourut, très vieux, très calme, et très serein, ses disciples le pleurèrent à chaudes larmes. Ils lui rendirent hommage, et voulurent, pour son enterrement, lire quelques pages du Saint Coran. Il s’emparèrent du Coran du derviche, l’ouvrirent, et il s’en échappa une fleur séchée, qu’autrefois sa bien-aimée lui avait offerte.

Merci Jihad.

Troisième histoire

Jeudi après-midi, la classe de CM2 que je rencontrais se trouvait à Malataverne, un village à 30 kms de Saint-Paul. La rencontre était consacrée à La Mèche, fait exceptionnel étant donné que ce livre est introuvable (la classe avait travaillé sur tirages papiers du PDF…), et cela me faisait grand plaisir, j’étais drôle, volubile, énergique, énergétique.
Fin de la séance, 16h30, sonnerie, heure des mamans, brouhaha… Une petite fille enjouée, épanouie, se lève pendant que les autres rangent leurs affaires, elle vient me voir et me dit : « Au fait, c’est moi qui vous remmène à Saint-Paul en voiture…
– Ah bon ? Tu as le permis ?
– Meuh non, c’est ma maman… (et elle rit). »
Je sors avec elle sur le trottoir. Sa mère est bien là. Elle pleure, consolée par des amies.
Je suis emmerdé. Je ne sais comment réagir. Je n’arrive pas à poser de questions, sinon un plat et décalé : « Ça va ?
– Qu’est-ce qu’il y a, maman ? Pourquoi tu pleures ?
– C’est rien, c’est rien… Alors, ça s’est bien passé avec l’auteur ?
– Oui mais quoi ? Qu’est-ce qu’il y a, maman ? C’est mamie, c’est ça ?
– Mais non, mais non, c’est rien, je te dirai… alors, ça va ? »
On s’installe dans la voiture, moi côté passager, la petite à l’arrière. La mère retient ses larmes. Chacun de nous attache sa ceinture.
« Mais dis-moi, maman ! C’est mamie ? Hein, c’est mamie ?
– Je te dirai. Alors cette rencontre ? Tu es contente ?
– Voui ! »
Je discute avec la gamine pour faire diversion.
« Dis-moi Harmony, est-ce qu’au moins, tu l’avais repéré, le message caché, dans la Mèche ?
– Ben non…
– Alors voilà : regarde, il est là.
– Wouah ! C’est drôlement bien ! La maîtresse l’avait même pas vu ! J’ai le droit de le dire à tout le monde ?
– Tu fais comme tu veux, Harmony. Le sujet de ce livre, c’est que quand on grandit, on est capable d’apprendre des choses. Après, on devient responsable de ces choses. Tu es grande, Harmony ! Débrouille-toi !
– D’accord… Je vais réfléchir… »
Et la mère, pendant ce temps, pleure au volant. Les larmes ont pris le dessus. Elle fixe la route. Je lui glisse : « Bon courage », j’ai envie de pleurer avec elle, à la place je ris avec la petite fille, c’est peut-être ce que j’ai de mieux à faire.
« Je crois comprendre que je tombe mal… Si vous ne vous sentiez pas de faire le voyage, vous auriez peut-être pu vous faire remplacer ?
– Non, non, je m’étais engagée à vous ramener, je le fais… Si le salon du livre tient debout, c’est grâce aux 80 bénévoles comme moi. Il faut savoir ce qu’on veut. Si personne ne se bouge, on ne fait plus rien pour les enfants. C’est important, les livres. »

Merci. Voilà. C’est important. Il faut bien que quelqu’un se bouge. Vive Saint-Paul-Trois-Châteaux, vivent les bénévoles, et les livres. Salut, bonne route et fraternité.