Archive

Archives pour 12/2008

Halte au putsch virtuel

31/12/2008 Aucun commentaire

Caramba, encore raté !

Je présente aux quatre lecteurs et demi de ce blog mes excuses pour l’article précédent : il n’était pas de mon fait, mais commis en douce par mon webmestre masqué (persistant à ne vouloir point révéler son compromettant patronyme) qui, en une sorte de pronunciamento technologique, a outrageusement usurpé ma libre chronique FdT pour insérer sa carte de Voeu (Indre) – calembour infect que, moi-même, je n’aurais jamais osé. Cela ne se produira plus.

Signé : Fabrice Vigne

(qui vous prouve que c’est bien moi, cette fois-ci, au fond ? qui vous prouve quoi que ce soit, au sein des tonnes virtuelles de bavardages blogosphériques ? Qui vous prouve même que je ne suis pas le véritable auteur de l’article précédent, publié uniquement afin de dégoiser ici au sujet de l’incertitude des informations ? Qui vous prouve que Fabrice Vigne existe ? Ah, on vous fait gober n’importe quoi…)

Le webmestre vous salue bien

30/12/2008 Aucun commentaire

Le webmestre du fond du tiroir vous souhaite de joyeuses fêtes.

carte_de_voeu

Raconter une histoire

25/12/2008 3 commentaires

Merci à Yann de m’avoir incité à lire le discours de Le Clézio à l’occasion de la réception de son Nobel, discours d’une très grande richesse (merci au même Yann pour son commentaire définitif et fulgurant, « Le Clézio est trop parfait »).

L’un des sommets de ce texte qui ne manque pas de relief consiste dans l’apologie des contes, des conteurs (et surtout d’une conteuse) – hommage appuyé à la littérature orale, à la fois paradoxal sous la plume de l’impétrant de la plus prestigieuse récompense couronnant la littérature écrite, et tout naturel : tout naît, semble-t-il, de l’art de raconter, art primitif et premier, précédant les égos encombrants des modernes « auteurs ».

Hasard objectif : j’ai découvert ce discours quelques jours après avoir profité de l’enseignement d’une conteuse, Nathalie Thomas (photo ci-dessus). Lors de la formation qu’elle nous a dispensée, de sa bouche à nos oreilles se sont écoulées maintes idées et, surtout, maintes histoires. Elle nous recommandait d’utiliser ses contes, de nous les approprier et de les transmettre, de les faire vivre à notre tour en direction d’autres oreilles ; ce que j’ai fait. L’une de ces histoires, celle de L’Homme qui cherchait sa chance, m’a tellement plu que je l’ai dite plusieurs fois, et puis, finalement, écrite.

Et c’est ainsi que le Fond du Tiroir, seul blog au monde qui publie un article le 25 décembre sans vous souhaiter Joyeux Noël, vous offre nettement mieux en lieu et place : une histoire.

« Il était une fois un homme qui se lamentait de sa malchance. « Qu’ai-je donc fait pour être si démuni ? Qu’ont-ils de plus que moi, tous ceux-là qui réussissent leurs affaires, leurs amours, et leur vie toute entière ? La chance, seulement la chance ! Ils ont la leur, mais où est la mienne ? Je donnerais tout pour connaître le secret de leur chance… Hélas que donnerais-je, puisque je n’ai rien ! Je n’ai rien puisque je n’ai pas de chance. Qu’ai-je donc fait pour être si démuni ? Où est ma chance ? », et ainsi se lamentait-il à longueur de journée.
Un jour la rumeur parvint à ses oreilles qu’un grand et vieux sage, ridé, plissé, chenu, logeait derrière la forêt. Ce sage, grâce à sa longue expérience, grâce aussi sans doute à certaines facultés plus occultes, était disait-on capable de répondre à n’importe quelle question, d’accéder à n’importe quelle requête. « Je pars à sa recherche ! Ce sage seul, s’il existe, saura m’indiquer où est ma chance ! »

L’homme se met en route, pénètre la forêt, et rencontre un loup qui se morfond.
« C’est bien ma chance ! Comme si je n’avais pas assez de soucis ! Pourquoi te morfonds-tu, ô loup ?
– Parce que je n’ai plus d’appétit. Qu’est un loup sans appétit ? Je suis un loup en vie, mais aussi bon que mort. Connais-tu le moyen de me rendre mon appétit ?
– Cesse de te morfondre. Sache que je vais à la rencontre d’un vieux sage qui est dit-on capable d’accéder à n’importe quelle requête. Je lui soumettrai ta requête en même temps que la mienne ».
L’homme se remet en route, pénètre la forêt plus avant, et rencontre un arbre qui gémit.
« C’est bien ma chance ! Comme si je n’avais pas assez de soucis ! Pourquoi gémis-tu, ô arbre ?
– Parce que mes bourgeons ne poussent plus. Qu’est un arbre sans bourgeon ? Je suis un arbre en vie, mais aussi bon que mort. Connais-tu le moyen pour que mes bourgeons poussent à nouveau ?
– Cesse de gémir. Sache que je vais à la rencontre d’un vieux sage qui est dit-on capable d’accéder à n’importe quelle requête. Je lui soumettrai ta requête en même temps que la mienne ».
L’homme se remet en route, pénètre la forêt plus avant, et rencontre un jeune fille qui pleure.
« C’est bien ma chance ! Comme si je n’avais pas assez de soucis ! Pourquoi pleures-tu, ô jeune fille ?
– Parce que j’ai perdu mon sourire. Qu’est une jeune fille sans sourire ? Je suis une jeune fille en vie, mais aussi bonne que morte. Connais-tu le moyen pour que mon sourire à nouveau illumine mes lèvres ?
– Cesse de pleurer. Sache que je vais à la rencontre d’un vieux sage qui est dit-on capable d’accéder à n’importe quelle requête. Je lui soumettrai ta requête en même temps que la mienne ».

L’homme se remet en route, récapitule en esprit ses quatre requêtes, la sienne, celle du loup, celle de l’arbre, celle de la jeune fille, et sort de la forêt.
Juste à la sortie de la forêt, il voit une maison et, devant la porte, un très vieil homme, ridé, plissé, chenu, assis dans un fauteuil à bascule.
« Oh là, vieil homme ! Est-ce toi, le fameux sage qui est dit-on capable d’accéder à n’importe quelle requête ?
– Je serai celui-là si tu veux croire que je le suis.
– Alors j’ai quatre requêtes à te soumettre. Comment rendre l’appétit à un loup ? Des bourgeons à un arbre ? Un sourire à une jeune fille ? Et moi, où est ma chance ?
– Tu diras au loup ceci : il a perdu son appétit parce qu’il souffrait trop de ne dévorer que de belles et bonnes choses – il retrouvera son appétit dès l’instant qu’il aura mangé l’homme le plus bête du monde ; tu diras à l’arbre ceci : ses bourgeons ne pousseront pas tant que ses racines seront entravées – or ses racines sont à l’étroit à cause d’un coffre empli d’un trésor enfoui à son pied ; tu diras à la jeune fille ceci : elle retrouvera son sourire dès qu’elle rencontrera un amoureux qui acceptera de l’épouser ; quant à toi, rentre vite, car ta chance t’attend chez toi.
– Merci, vieux ! Je pars sur le champ ! »

Et l’homme retraverse la forêt en sens inverse, cette fois en courant.
« Jeune fille ! Arrête de pleurer ! Tu retrouveras ton sourire dès que tu rencontreras un amoureux qui acceptera de t’épouser.
– Ah oui ? Et toi, beau jeune homme ? Me trouves-tu à ton goût ? Car tu es au mien, assurément… Veux-tu m’épouser ? (et elle esquisse, pour la première fois depuis longtemps, un sourire…)
– Tu es très jolie, jeune fille, hélas je ne puis rester auprès de toi, je dois rentrer chez moi au plus tôt ! Ma chance m’attend chez moi. »
Et l’homme se remet en route, en courant.
« Arbre ! Cesse de gémir ! Tes bourgeons pousseront dès que tes racines seront libérées du coffre contenant un trésor, enfoui à ton pied.
– Ah oui ? Mais je n’ai pas de bras, beau sire. Veux-tu creuser la terre pour moi et déloger ce coffre de mes racines ? Tu pourras conserver ce trésor en souvenir de moi.
– J’aimerais te rendre service, arbre, hélas je ne puis rester auprès de toi, je dois rentrer chez moi au plus tôt ! Ma chance m’attend chez moi. »
Et l’homme se remet en route, en courant.
« Loup ! Arrête de te morfondre ! Tu retrouveras ton appétit dès que tu auras avalé l’homme le plus bête du monde ! »
Alors, sans plus attendre, le loup dévora l’homme et retrouva pour toujours son bel appétit. »

(Merci encore à Yann, premier lecteur et destinataire de ce morceau de littérature orale écrite.)

Flux tendu

19/12/2008 3 commentaires

Hier est « paru » (si tant est qu’un tel livre puisse « paraître ») Le Flux. Je tiens entre mes mains ce mince et long objet, second livre estampillé FdT, seconde de mes publications ésotériques – et je n’ignore pas, en une certaine région de ma conscience, que mes livres exotériques (mes projets « Magnier ») m’attendent de pied ferme, que je ferais mieux de, qu’il me reste à, qu’il serait temps que, que j’ai du pain sur la, que j’accumule des retards sur, que je serais tellement plus raisonnable et moins autiste si, qu’il faudrait que je me consacre désormais à…

Permettez. Je jouis encore quelque secondes… Oh, bonne mère, il est magnifique ! (Merci Patrick, encore et toujours.) Qu’est-ce que je suis heureux de faire des livres. Vous pouvez, si le cœur vous en dit, partager ma joie… Mais sans vouloir offenser quiconque, je vous prie de ne point acheter ce livre pour me faire plaisir, ce serait peine perdue, mon plaisir est déjà là, bien au chaud au fond du tiroir.

Vie syndicale

16/12/2008 un commentaire

Frédérick Mansot, illustrateur et déjà membre très-actif du collectif de la Charte des auteurs jeunesse, a courageusement tenu à bout de bras un embryon de « syndicat des auteurs de livres », d’abord affublé de l’obscur nom de baptême « SCEI » qui évoquait plutôt un logiciel de gestion du risque industriel, et récemment rebaptisé « Nota Bene ».

Dès l’origine, j’avais adhéré au SCEI, par curiosité et par principe – d’un côté un « syndicat d’auteurs » me semble presque un oxymoron tant chacun écrit pour sa propre pomme ; d’un autre côté, ma foi en la solidarité est chevillée au corps (foi irrationnelle, c’est comme la Sainte Vierge, on y croit sans l’avoir vue), et avec ce que je raconte sur le syndicalisme dans Les Giètes… Bref, j’avais adhéré. Mais sans aucune autre adhésion qu’un simple chèque. Je suppose que nous étions nombreux dans ce cas-là, puisque faute de mobilisation massive le syndicat est entré dans une période d’hibernation, et avec lui toutes ses  revendication (dont la principale, l’instauration d’un « droit fixe », rémunération de l’auteur directe et forfaitaire sur chaque livre vendu – un brin utopique – nom de Dieu vive l’utopie).

En ce mois de décembre zéro-huit, Frédérick, qui semble avoir porté le projet à peu près seul pendant toute cette période creuse, nous redonne enfin des nouvelles du syndicat. Il présente comme une bonne nouvelle l’accord avec la CFDT, qui fédère désormais « Nota Bene » à cette grande centrale, et nous incite à transmettre autour de nous les tracts et bulletins d’adhésion.

J’ai obtempéré, et fait circuler ces informations auprès des écrivains égarés dans mon carnet d’adresse… Or j’ai immédiatement reçu, en réponse, ce mail du poète Michel Thion :

« Salut à tous,
Je trouve que l’idée n’est pas mauvaise en soi et qu’il faut la creuser.
Pour autant, plutôt crever que d’adhérer à la CFDT.
C’est à ce syndicat de vendus que l’on doit :
– la mort du statut des intermittents du spectacle, lorsque, en 2003, la CFDT qui est le syndicat le moins représentatif dans ce secteur a signé le protocole préparé par le MEDEF, alors que les groupements d’employeurs du spectacle, notamment le SYNDEAC, ne faisait pas partie de le négociation puisqu’ils ne sont pas au MEDEF…
– De la même façon, c’est avec la signature minoritaire de la CFDT que la dramatique réforme des retraites a été adoptée.
– C’est à la CFDT, élue à la tête de l’Assurance Maladie avec les voix du MEDEF que l’on doit les déremboursements, les franchises médicales, etc…
– Idem pour les ASSEDIC
– etc… Depuis Nicole Notat, aujourd’hui PDG d’une société de consultants sur les relations en entreprise, au service du patronat européen, la CFDT a toujours le stylo à la main pour signer les pires saloperies issues du patronat. Au nome de la « respectabilité » et surtout des prébendes patronales, des postes dans les organismes paritaires, la CFDT qui « privilégie la négociation » est un syndicat du renoncement et de la trahison.
Alors oui, vraiment, plutôt crever que d’y adhérer.
Un syndicat d’auteurs autonome, on peut voir, mais rattaché à une grande centrale ou il sera une goutte d’eau, ça n’a aucun intérêt. Si on allait voir la CNT, plutôt…
Amitiés à tous,
Michel »

Hé bé ! ça fait réfléchir, non ? en ce qui me concerne, c’est trop tard, j’ai déjà payé ma cotisation… Michel Thion est sensible à ces débats parce qu’il est homme de théâtre (et homme de gauche). J’ai moi-même, sinon un pied, du moins un gros orteil dans le milieu du spectacle vivant, depuis que je tourne un spectacle musical adapté des Giètes avec l’un de mes potes, lui-même intermittent – j’ai nommé Christophe Sacchettini… C’est dire si, grâce à Christophe, je n’ignore pas que « CFDT » est un vilain mot, c’est caca, c’est le mal, ce sont des vendus, c’est le diable….
Toutefois je persiste à croire que Nota (et non Notat) Bene n’est pas la CFDT. Quand j’entends les discours des fondateurs et leaders de Nota Bene, j’ai du mal à y reconnaître des suppôts du patronat et du capital. Suis-je en train de me faire rouler dans la farine ? Mon éducation politique est-elle toute entière à vivre, à base de désillusions ? Vos avis sur la question sont les bienvenus. En échange, je peux faire suivre les documents reçus, notamment le dernier tract de Nota Bene, « Manifeste pour une rémunération du travail des auteurs de livres ».

Coordonnées : NOTABENE* le syndicat des auteurs de livres, Frédérick Mansot, 27A rue Georges Courteline – 69100 VILLEURBANNE, Tel 06 80 71 44 60.

Flux et reflux

12/12/2008 un commentaire

Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible, Dont le doigt nous menace et nous dit : Souvienstoi !

Le Flux retranscrit, notamment, une conversation que j’ai eue avec ma fille à la table du petit déjeuner. En voici une autre :

Moi – Ah la la ! C’est dur de faire un livre ! Même un petit livre de rien du tout comme le Flux ! Chaque livre est un combat !
Elle – Pourquoi, un combat ? Vous vous battez, avec Patrick ?
Moi – Non, on ne se bat pas, on discute… Et c’est passionnant, mais c’est long, c’est compliqué… On met en forme les idées qu’on a, lui dans des images, moi dans des mots, et puis on échange. Des heures d’échanges pour chaque page, parfois pour chaque phrase… Ah, cette dernière phrase du Flux, elle nous en aura fait baver ! On l’aura faite et refaite, écrite et effacée et ré-écrite ! Il m’accusait de maltraitance, imagine un peu !
Elle – Vous ne voulez pas faire le même livre ?
Moi – Si, bien sûr, mais le livre en question, on saura ce que c’est seulement quand on l’aura fini.
Elle – Et alors ? Il n’est toujours pas fini ?
Moi – Il est presque fini depuis des semaines… Mais à chaque fois que Patrick me renvoie la dernière version, je lui rends au lieu du Bon à tirer une nouvelle salve de corrections, et on recommence…
Elle – Bah… C’est normal, que vous discutiez longtemps. Ce livre-là, c’est une question de vie et de mort.
Moi – Hein ? Mais comment tu sais ça, toi ? Tu l’as lu ?
Elle – Non.

Qu’est Le Flux ? Une belle chose, graphiquement signée Patrick Villecourt, certes, c’est le moins que l’on puisse espérer. Mais encore ?

Une carte de vœux en forme de memento mori, ou bien le contraire. « Souviens-toi que tu es mortel, si tu veux trouver du sens dans les sempiternelles formules de bonne année« . Si l’on cherchait à tout prix à découvrir un message caché, tel serait-il, dans Le flux, deuxième création FdT, élégante plaquette destinée à fêter l’année (de mes 40 ans). Un cadeau que je me fais à moi-même, comme tout surgissement du Fond(s) du tiroir, mais que j’offrirai également autour de moi, en choisissant souverainement qui régaler.

Vous pouvez en outre, si vous y tenez vraiment, l’acquérir pour (vous) l’offrir. Le bon de commande est ici. (Une semaine après la mise en ligne du bon de commande, c’est le raz-de-marée ! encore plus irrésistible que pour L’Échoppe : j’ai déjà reçu DEUX souscriptions ! Vous êtes formidables ! Rien n’arrêtera l’étourdissante spirale du succès !) Je récupère le tirage chez l’imprimeur mardi prochain.

Na zdorovié, Rock and roll !

07/12/2008 3 commentaires

L’un des éléments rationnalisables du rêve exposé hier ici-même est l’ennui profond éprouvé en plein salon du livre.

C’est parce que j’ai perdu mon dernier dimanche au Salon du livres des Marches. Il existe deux sortes de salons du livre : ceux qui vous invitent pour la seule raison qui vaille, parce qu’ils ont aimé vos bouquins ; et ceux qui vous invitent pour une autre raison, plus triviale, plus contingente, plus dérisoire, mauvaise, toujours mauvaise. Par exemple : on vous invite pour faire masse, juste parce que vous êtes dans le carnet d’adresse de quelqu’un.

Il faudrait, pour bien faire, n’accepter que les invitations des salons de la première catégorie, qui seuls offrent la garantie que vous ne perdrez pas votre temps puisque vous serez là pour la littérature (voire la Littérature, tant pis pour la grandiloquence en majuscule, merde, je veux bien être grandiloquent si c’est un moyen de faire comprendre qu’il n’y a que ça qui m’intéresse). Le Salon des Marches hélas appartient à l’autre catégorie. J’ai donc perdu mon dimanche à poireauter stérilement derrière mon stand, simplement parce que mon adresse était dans le carnet de quelqu’un, de quelqu’un qui ne s’intéresse pas à la Littérature (du moins, pas à la mienne) mais à son propre « événement médiatique ».

Je n’étais pas d’humeur sur ce Salon lorsqu’un « journaliste » m’a « interviewé », me demandant le titre de mon livre « qui a le plus marché » pour ensuite le qualifier de « sympa » dans le micro qu’il a tenu toute la journée à la main, afin d’animer en continu et de rappeler que l’événement médiatique était d’importance, puisqu’il y avait un journaliste et un micro. Un peu plus tard, un « cameraman » convié à faire un reportage pour une télé locale, afin de bien marquer l’importance de l’événement médiatique (puisqu’il y avait non seulement un journaliste, mais aussi un caméraman) m’a demandé de faire semblant de dédicacer un livre et de le tendre à quelqu’un censé se tenir devant le stand, « de toute façon vous inquiétez pas, je ne filme que les mains ». J’ai vertement refusé de me prêter à de telles simagrées, trouvant ce simulacre absurde puisque je n’avais encore fait aucune vraie signature de la journée, et de mauvais goût puisqu’il accréditait « l’événement médiatique », propagande dont je ne pouvais, déontologiquement, me faire complice. Je suis donc sans aucun doute passé pour un mauvais coucheur, et je m’en contrecogne. Le « cameraman » a trouvé son affaire un peu plus loin, auprès d’un auteur plus complaisant.

On ne le dira jamais assez : une seule chose peut sauver de la sinistrose une journée passée dans un « salon du livre » où l’on a été piégé parce qu’on fait partie du carnet d’adresse de quelqu’un et où l’on sait qu’on sera loin de la littérature, loin des flammes qui font lire et écrire, loin de soi-même, loin de tout. Et cette chose est la compagnie de compagnons de stand (d’infortune) sympathiques, chaleureux et/ou instructifs. Or je n’avais pas à me plaindre, puisque j’avais pour voisins Eric Boisset et Sylviane Doise.

Eric Boisset est l’auteur de trilogies de science fiction qui marchent très fort (lui-même a dédicacé sans relâche), Le grimoire d’Arkandias etc. Ses livres m’attirent fort peu, pas ma tasse de thé (ni de whisky), mais l’homme est d’un commerce très agréable, rigolo, cultivé, bavard, débordant d’anecdotes sur lui-même et les autres, vraiment de quoi égayer le désastre. J’ai ainsi recueilli de lui, cette après-midi là, les propos que je consigne ici :

« Quand Bernard Pivot était jeune journaliste, il est allé au culot frapper à la porte de Nabokov, qui refusait toute interview, mais qui l’a cependant reçu. Il s’est prêté au jeu de l’interview filmée, en sirotant, en bon Russe, une gorgée de thé entre chaque question. Pivot a révélé plus tard que la théière vidée ce jour-là ne contenait pas du thé, mais du whisky – même couleur, ni vu ni connu. Dans le même temps, Mick Jagger se laissait filmer lors d’une énième tournée des Rolling Stones, sifflant backstage une bouteille de whisky. Sauf qu’en réalité, la bouteille de whisky contenait du thé – même couleur, ni vu ni connu. Alors, Nabokov ou Jagger, lequel est le plus rock ‘n’ roll ? »

Grand merci, Eric, du fond du cœur. Si, après le Salon du livre des Marches, l’on rentre chez soi enrichi d’une aussi belle histoire, édifiante et tellement de circonstance (les caméras… les simulacres… les « événements médiatiques »…), il devient impossible de dire que l’on a perdu son dimanche.

Le Flux dans l’Echoppe

05/12/2008 un commentaire

Rêve des livres en papillotes de papier sulfurisé

Lundi 1er décembre 2008

Je suis assis à mon stand, qui est un bureau de modèle collège très ancien (avec trou pour l’encrier), sur un salon du livre. Le « salon » est en réalité une galerie unique, longue et étroite, où de semblables bureaux sont alignés. C’est apparemment la fin de la journée, parce qu’il n’y a plus grand monde, les allées sont jonchées de détritus, nappes déchirées, prospectus, gobelets, papiers divers. Personne ne fait attention à moi. Je suis très nerveux pourtant, parce que j’attends une livraison. Je ne peux quitter ce salon absurde sans avoir reçu ce que j’attends.
Finalement, à un moment où je reviens m’asseoir à ma place, la livraison a eu lieu pendant mon absence, je n’ai pas vu le livreur. Il s’agit de deux cartons empilés par terre, devant mon stand. J’ouvre fébrilement le premier carton avec un cutter. Il contient de minuscules cocons de papier sulfurisés, comme des poissons en papillotes prêts à mettre au four. Je déploie un de ces cocons dans le creux de ma main : il contient bel et bien mon nouveau livre « Fond du tiroir », intitulé Le Flux, que j’attendais. Il se présente sous la forme de quatre feuilles volantes et infimes, comme du papier à cigarette, quatre feuilles pliées en deux les unes dans les autres. Je peine à lire ce qui est imprimé dessus, je suis perplexe, quel lecteur va s’intéresser à ce « livre » illisible ?
J’ouvre le deuxième carton. Il contient l’accessoire indispensable à la lecture de ce livre : une visionneuse en plastique, de la taille d’un grille-pain mais bien plus légère, comme si elle n’était qu’une coque vide. Je l’inspecte de tous côtés, je hoche la tête, je la trouve bien sale pour un matériel neuf, je crois bien que je me suis fait refiler un truc d’occasion, et je me demande si je vais parvenir à en saisir le mode d’emploi. Peut-être qu’en rajoutant le logo Fond du Tiroir sur le côté… Non, même comme ça, cet engin abscons pue la camelote. Je le secoue légèrement, des bruits de légers entrechocs trahissent des pièces brisées. Je crois reconnaître sur le côté, en ôtant la poussière avec mes doigts, un gyrophare bleu, mais je ne vois pas où sont cachées les piles. Ce gyrophare est mort, ainsi peut-être que l’objet en entier. J’essaye de comprendre comment je dois insérer à l’intérieur le cocon de papier sulfurisé afin de rendre possible la lecture du Flux.

Je me réveille.

Il s’appelle Le Flux et n’a aucune parenté avec un quelconque RSS

03/12/2008 3 commentaires

Le Flux, livre miniature, deuxième création FdT, est sous presse et très beau.

Le bon de souscription sera en ligne dans une poignée de jours. Ainsi pourrez-vous précommander ce magnifique objet d’art, qui vous parviendra avant la noël, promis.

(Qui c’est, ce RSS, d’abord ? Je n’ai pas l’honneur ? Rouvroy de Saint-Simon, peut-être ? Ramille Saint-Saëns ? Rean-racques Servan-Schreber ? Rtéphane San Sévérino ? Ratzinger Sa Sainteté ? Récipissé de la Sécurité Sociale ? Bah, peu importe, bonne année à lui aussi. Les livres FdT ne sont pour personne, c’est dire s’ils sont pour tout le monde, y compris pour ce Raoul Schmitt-Smith et son frère.)

(Oui, ça va, je le sais bien, que « Un livre pour tous et pour personne » est le sous-titre d’Ainsi parlait Zarathoustra… C’est une si belle ambition esthétique, la plus belle, peut-être, que nietzschéenne ou pas, je la fais mienne et espère m’en montrer digne…)