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Archives pour 11/2008

Je me souviens d’avoir oublié (mais ça va me revenir)

23/11/2008 2 commentaires

Fin de l’année 2005. Le considérable Gérard Picot, tête pensante du salon du livre de Villeurbanne, ayant choisi le thème, tout péréquien, de sa prochaine fête : Je me souviens, sollicite des contributions sous l’intitulé Je me souviens de Villeurbanne auprès des auteurs accueillis lors des millésimes antérieurs. Je fais partie des contributeurs. J’avais été invité là quelques mois plus tôt pour mon premier livre, j’étais gorgé en conséquence de souvenirs d’autant plus frais que l’expérience de « vie de salon » était chez moi toute neuve. Je m’exécute très volontiers, et donne le texte que voici.

Pourquoi exhumer de mon disque dur cet aimable scribouillage, ce compliment de circonstance ? Parce que je viens de m’acheter, enfin et trois ans plus tard, le livre que j’évoque dans le point 10 de ladite énumération : Catalogue 0,25 de Géraldine Kosiak (Seuil). Je l’ai lu attentivement, une presque éternité après l’avoir feuilleté furtivement. Et c’est très, très beau. Plus encore que ce que j’en avais aperçu. Mon genre de beauté : solitaire dans le flot des signes, trivialement profonde dans la recherche, méthodique face aux affres, têtue dans l’abîme, l’étonnement en boucle et la vie continue (ce dernier mot un adjectif ou bien un verbe).

Quand un livre est beau, l’attendre plusieurs années n’a pas tellement d’importance. Et voilà. C’est tout pour aujourd’hui.

Joyeuses PACS (à la Toussaint)

18/11/2008 3 commentaires

Pas d’étalage de vie privée sur ce blog, voici une règle implicite que j’explicite volontairement aujourd’hui, afin de la mieux égratigner par exceptionnelle exception. Aujourd’hui 18 novembre 2008, je me suis pacsé. Désolé les garçons, je ne suis plus un coeur à prendre : comme vous pouvez le constater sur la photo officielle de l’événement, j’ai trouvé l’homme de ma vie. Ah oui, nous sommes comme ça, nous, très « transgenre » ; c’est pour plaire aux Inrockuptibles.

Le Pacs est une cérémonie prodigieusement anti-sentimentale, le minimum conjugal en deux minutes chrono, « Vous êtes monsieur ? Vous êtes madame ? Vous habitez la même adresse ? Allez en paix ! Aux suivants ! », et c’est très bien comme ça, tout littéralement est dit, le reste ne regarde que nous. Je suis contre le mariage. Sauf celui des homosexuels, bien sûr, puisqu’ils estiment en avoir besoin pour qu’on leur foute la paix. Avant tout, je suis pour foutre la paix. « Allez en paix, foutez en paix » ? Oui, voici la parole matrimoniale ultime.

Aussi, ne manquons pas de nous féliciter également, en ce jour de fête, de paix, de musique et de travestissement, qu’ailleurs sur la planète la civilisation, le progrès et la tolérence, ne cessent de gagner du terrain. C’est ainsi qu’à Dubai, le 16 octobre dernier, un couple de Britanniques a été condamné à trois mois de prison ferme, qu’ils devront purger avant d’être expulsés du pays et d’être virés par leur employeur anglais dans l’Émirat. Leur crime : s’être embrassés en public, ce qui équivaut à avoir des relations sexuelles, hors mariage. Ils ont fait appel, et devaient repasser devant leurs juges aujourd’hui, en ce même 18 novembre. Je les salue par télépathie, « et c’est ainsi qu’Allah est grand », comme l’écrivait un autre, en d’autres temps.

Les photos, ça sert à faire des souvenirs

17/11/2008 un commentaire

Et voici une archive sans rapport avec une quelconque « actualité », si ce n’est que j’ai actuellement retrouvé ce document.

Ci-dessus une photo prise en mars 2007, au salon du livre de Paris, juste après la sortie des Giètes. De gauche à droite : Francis Jolly, directeur de la collection Photoroman ; mézigue ; Anne Rehbinder, photographe, auteure des photos à l’origine des Giètes – c’était la première (et avant-dernière) fois que je rencontrais cette jeune femme avec qui j’ai fait un livre.

Le cliché a été pris par Yannick Vigouroux, photographe, critique, « dépressif actif » (selon la définition qu’il donne de lui même sur son blog que je vous recommande : il y a là plein de choses fort curieuses) ainsi que, au moment du déclic, compagnon de stand puisque signataire avec Sylvain Estibal du photoroman Naufragée, l’un des plus réussis de la collection, si vous voulez mon avis.

Tiens, tant que je suis là, un peu de réclame en lien à « l’actualité » : je serai ce samedi 22 au salon Objectif lire, Pont-de-claix, avec la lecture musicale des Giètes en compagnie Christophe S. en soirée de clôture, à 18h30. Entrée libre, venez de même.

En vente partout !

14/11/2008 Aucun commentaire

En vente nulle part, oui. Je l’ai déjà dit, L’Échoppe enténébrée, récits incontestables n’est pas en vente en librairie (mais seulement sous le manteau). Pourquoi ? Eh bien, pour certaines raisons évidentes (étant donné le prix de revient, si on enlève la marge du libraire, je vends ce livre à perte et préfère donc ne pas le vendre du tout) et pour d’autres plus occultes (voilà un ouvrage underground, pas tête-de-gondole pantoute, dédaigneux de ses chiffres de vente, exclusivité réservée aux lecteurs sérieusement motivés, qu’ils se débrouillent donc pour trouver le chemin, le Fond du tiroir ça se mérite).

Certains libraires (bonjour Yves, bonjour Christian) m’en ont affectueusement fait le reproche, mais c’est comme ça. Pas d’échoppe pour l’Echoppe.

Et pourtant, j’ai fait à ce jour deux exceptions.

1) J’ai déposé le mois dernier une poignée d’exemplaires à la librairie Bonnes nouvelles, 3 rue Dominique Villars à Grenoble. Pourquoi acceptè-je de vendre à perte ici et pas ailleurs ? Eh bien, pour certaines raisons évidentes (cette librairie-ci se distingue par son fonds, constitué de curiosités introuvables, de mille et un livres rares et précieux, exclus des circuits commerciaux ordinaires, L’Échoppe y est bien entourée), et pour d’autres plus occultes. Je dois une fière chandelle aux Bonnes nouvelles. En 2005 je leur avais confié un manuscrit, pour avis. Elles l’avaient transmis à Philippe Castells, un autre client de leur boutique. Dans l’année qui a suivi cette entremise, j’ai publié deux livres aux éditions Castells – expérience au bilan nuancé mais sans laquelle je ne me serais jamais lancé dans l’auto-édition. C’est dire si, d’aile de papillon en aile de papillon, sans l’échoppe « Bonnes nouvelles », L’Échoppe « incontestable » n’existerait pas.

2) Je reviens de Saint-Etienne, où une animation sur Les Giètes a eu lieu tant bien que mal (les gens qui m’accueillaient étaient tout à fait charmants mais foutredieu j’ai rarement vu une organisation aussi par-dessus-la-jambe ! les libraires croyant que les bibliothécaires se chargeaient de tout, et réciproquement, personne finalement n’a rien organisé du tout. Parlez-vous un peu, messieurs-dames ! Vous êtes voisins ! bref…). J’étais venu avec sous le bras quelques exemplaires de l’Echoppe, et avant de repartir je les ai confiés à la librairie Les Croquelinottes. Pourquoi ? Eh bien, pour certaines raisons évidentes (on me l’a demandé gentiment), et pour d’autres plus occultes (ils ont accepté que je ne leur concède qu’une remise ridicule de 10%, au lieu des 35% habituels).

Et c’est ainsi que L’Échoppe enténébrée, récits incontestables est désormais en vente dans deux librairies au monde. Je me demande si je ne suis pas en train de me faire récupérer par le système, corrompu, pourri, vicié, laminé, en un mot : vendu…

Acme Novelty Library

13/11/2008 Aucun commentaire

Ah nom de Dieu ! Quel génie ce Chris Ware ! Quelle maîtrise ! Quelle épure et quelle émotion ! Quel art ! Ah oui quel génie ! Il est toujours dangereux de traiter un auteur de génie, cela peut l’inhiber durablement : tant pis, il est hautement improbable que Chris Ware lise le Fond du Tiroir. La seule chose indéniable ici est la réciproque, l’indéniable influence que Ware a sur le Fond du Tiroir, notable dans ma volonté de ne jamais publier deux livres aux formats identiques, ou dans les baratins fleuves à petits caractères dans les formulaires de bons de commande

On pouvait croire que Ware avait réalisé son chef d’œuvre avec Jimmy Corrigan, et finalement non, il est encore jeune, il a de quoi crever le plafond deux ou trois fois : l’histoire en cours dans sa revue sporadique l’Acme Novelty Library (dernier numéro paru : 19), Rusty Brown, est largement aussi bonne que ces travaux précédents, sans doute supérieure. On savait Ware formaliste fou mais il est en outre maître psychologue et maître narrateur : le tout conjugué nous donne un récit comme on n’en a jamais lu/un livre comme on n’en a jamais vu/une humanité comme on ne l’a jamais pensée.

Et voilà qu’avec le nouveau chapitre, la nouvelle pièce du puzzle global intitulée Les chiens d’aveugle de Mars, il donne à présent dans la science-fiction ! Sauf que non, ce n’est pas la science-fiction que vous croyez. De même que, si vous vous imaginez savoir de quoi il retourne en étiquetant tout ceci dédaigneusement « bédé » , vous vous gourez mais alors à un point. Allez voir de ma part ce livre magnifique, qui réussit à être bouleversant grâce à, ou en dépit de, sa maestria technique. Une façon nouvelle, vraiment nouvelle, de raconter une histoire ancienne, vraiment ancienne, celle de la solitude de l’être humain.
Sur Mars.
Génie !

Ce n’est pas encore traduit en français, donc il n’ est d’autre choix que de se le procurer en anglais. J’aurais très envie de le traduire moi-même, mais la dernière fois que j’ai pris cette sorte d’initiative, ça s’est mal terminé.

Rions un peu avec Wikipedia

11/11/2008 2 commentaires

Je ne sais pas vous, mais je passe rarement un jour sans consulter Wikipedia, pour une raison ou une autre. J’ai appris d’innombrables choses, plus ou moins directement utiles, sur Wikipedia. Tiens, un exemple : c’est grâce à Wikipedia que j’ai appris à distinguer la couleur « cuisse de nymphe » de la couleur « cuisse de nymphe émue ». Rien à voir, vérifiez.

Le pli est pris. Wikipedia est la ressource absolue, l’oracle universel. Un doute ? Un manque ? Une interrogation ? La réponse est sur Wikipedia, suppose-t-on.

Par conséquent, les statistiques de recherche sur Wikipedia.fr permettent de se faire une idée assez précise de la masse des préoccupations culturelles, soucis personnels, professionnels, ou simples curiosités, de nos concitoyens. Consulter ces statistiques est très instructif : y sont classés, par ordre décroissant, les plus consultés parmi les 725 000 articles dont s’enorgueillit le je-sais-tout du net, qui a réduit tant de marques de dictionnaires et encyclopédie à la faillite.

Le sommet de la liste la plus récente (couvrant le mois d’octobre 2008) est occupé par des pages techniques (accueil, recherche, liste de suivi, modification, export, etc…). La première « vraie page » de contenu arrive au 10e rang : c’est Youtube. Ainsi, on demande à une ressource Internet des renseignements sur une autre ressource Internet. C’est cohérent, et circulaire. Wikipedia, page auto-réflexive, occupe la 56e place, Facebook la 20e et Dailymotion la 33e.

Barack Obama tient seulement la 71e place, loin derrière Batman 28e, Dr. House 39e, Heath Ledger 19e, Jeff BuckleyMark Calaway 37e, Michael Jackson 59e, Lil Wayne 65e. Je précise que je donne bien ici les statistiques concernant la version française de Wikipedia. 23e,

Parmi les champs de recherche récurrents, voici un intéressant tir groupé :

Portail de la pornographie 44e, Portail de la sexualité et de la sexologie 46e, Position sexuelle 66e, Sodomie 68e, YouPorn (avec un P majuscule) 69e, Clara Morgane 75e, Acteurs et actrices de films pornographiques 78e, Masturbation 91e, Fellation 95e (alors que le Cunnilingus est très loin, à la 308e place : l’égalité des sexes n’est pas pour demain), Clitoris 99e, Taille du pénis humain 108e, Vagin 113e, Pénis 140e, Nicolas Sarkozy 141e, Vulve 152e, Pornographie 154e, Pénis 160e, Youporn (avec le p minuscule) 179e, Rocco Sifredi 232e, Film pornographique 245e, et Sexe tout court (si j’ose dire) 281e, serré de près par Circoncision 288e.

Sans compter les choses du sexe qui débordent sur d’autres articles, les plus inattendus. Il y a quelques jours, je cherchais sur Internet une jolie illustration de tiroir pour orner le présent blog. Je balance à Google ce simple mot, « tiroir »… Comme pour n’importe quelle recherche (essayez, vous verrez), la liste des réponses inclut forcément une entrée « Wikipedia ». Je clique donc sur la page « Tiroir » de Wikipedia, et je lis ceci :

« La première apparition du tiroir remonte à l’antiquité. Le tiroir sert à ranger des objets.(lingerie fine, vaseline, viagra, dildo, jouet sexuel, film porno, magazine, vibrateur, condom…) De plus, c’est très utile parce que les objets ne tombent pas et vont accentuer le plaisir. » (Pas la peine d’aller vérifier, cet article farceur a été censuré depuis… Mais vous pouvez le retrouver dans l’historique.)

Ainsi, Wikipedia fonctionne comme notre inconscient collectif : il condense notre recherche du sens de la vie, et répond à nos quêtes les plus vitales, nos aspirations les plus existentielles : le cul, bien sûr. (Je t’en foutrai, de la cuisse de nymphe.)

Et moi ? Eh bien oui, moi aussi, j’y suis, sur Wikipedia. Car c’est un Who’s who en plus d’être un site porno : il faut y être. J’y suis. Le jour où j’ai constaté que j’y avais droit à ma page, j’en ai été tout ému (forcément ! appartenir à l’imaginaire collectif, ce n’est pas rien ! aux côtés de la sodomie et des actrices porno !), et me suis mis à fantasmer sur une bienveillante et secrète admiratrice, qui m’aurait mis en ligne parce qu’elle estimait que ma présence parmi les références du savoir mondial était indispensable… Las ! J’ai appris quelques temps plus tard que celui qui m’avait ainsi fait pénétrer le wikimonde était un pote, un écrivain lui aussi qui, après avoir créé sa propre page, avait purgé son petit péché d’orgueil en créant la mienne dans la foulée.

L’inconscient collectif, vous dis-je : les vanités aussi sont dans Wikipedia.

Le Fond du Tiroir vous souhaite une bonne année

06/11/2008 un commentaire

Et surtout la santé. Oui, je le sais bien, que ce n’est pas du tout la saison. Seulement voilà : le FdT et je-soussigné vous adressons dès à présent nos meilleurs vœux recyclables en tout temps, à l’occasion du 50e article publié dans ces colonnes et surtout de la sortie prochaine du deuxième livre publié par nos soins.

Or, ce n’est pas un livre, à peine une plaquette (moins de 10 000 signes, si l’on parle calibre), c’est une carte de vœux.

Parfaitement.

Je ne l’avais pas annoncé, celui-ci (j’en avais annoncé d’autres, retardés d’autant), je ne l’avais même pas vu venir… On prévoit de faire un livre, on en fait un autre (c’est ça qui est bien, je vous expliquerai à l’occasion), on ne maîtrise pas tout, on ignore quel polichinelle au juste repose au fond de son tiroir… Bref c’est ainsi, une carte de voeux jaillit de la corne d’abondance à queues d’aronde, fabriquée avec amour par Patrick « Factotum » Villecourt et moi-même dans l’absolu respect de l’éthique d’ores et déjà traditionnelle du Fond du Tiroir (maison sérieuse fondée en 2008) : désinvolture et perfectionnisme.

Ce sera une élégante bricole de 12 pages format horizontal insérable dans une enveloppe type DL (C6/5 ou C5/6), pour célébrer le jour que l’on veut, l’année qui vient ou une autre, pour marquer le temps qui passe plus vite que nous, beau prétexte pour se lancer des vœux à la figure. En tout cas, moi, je m’en servirai sans faute pour souhaiter un joyeux 2009 à mes amis et alliés – si vous êtes en train de lire ceci, vous comptez vraisemblablement parmi mes alliés et amis, mais rien ne vous empêche de m’en commander un petit stock pour l’adresser à votre tour à votre propre liste d’alliés et amis, qui ne recoupe pas forcément la mienne, ça changera des cartes UNICEF et des paysages de neige la nuit. Vous pourriez même m’en envoyer un, je vous assure que ça me ferait plaisir.

Parution deuxième quinzaine de décembre, prix de vente 3 euros, tirage 365 exemplaires. Je n’ai pas donné son titre ? Ah non, tiens, effectivement. En revanche, si vous voulez son ISBN, c’est le 978-2-9531876-1-8.

Brève rencontre au musée du Louvre

03/11/2008 un commentaire

Je ne connais qu’une seule personne à Paris, eh ben tu me croiras si tu veux, mais je tombe nez à nez avec elle par le plus grand des hasards.

« Portrait de jean II le Bon, Anonyme, vers 1340. Nous voici maintenant face au premier portrait d’un roi de France réalisé de son vivant. Il s’agit de celui de Jean II. Surnommé « Le Bon », il succède le 22 août 1350 à Philippe de Valois, son père. Très vite, Jean est confronté au complot d’une partie de la noblesse prête à se rallier à Édouard III, roi d’Angleterre. Jean II va laisser son nom dans l’histoire lors d’un fameux épisode de la guerre de 100 ans, la bataille de Poitiers. Cerné par les Anglais, le roi est lâchement abandonné par trois de ses quatre fils. Seul le dernier, Philippe, reste à ses côtés. Père et fils combattent courageusement, le fils protégeant son père en prononçant ces paroles restées célèbres et enseignées à tous les écoliers de France : « Père, gardez-vous à droite ! Père, gardez-vous à gauche ! » L’héroïque résistance du roi n’y peut rien, il est fait prisonnier. Traité avec les plus grands égards par Édouard III, il est néanmoins transféré à Londres pour plus de sûreté. Édouard lui offre la liberté à la condition que Jean reconnaisse le royaume de France comme relevant de la couronne d’Angleterre. « J’ai reçu de mes cieux un royaume libre », répond Jean, « je le laisserai libre à mes descendants. Le sort des combats a pu disposer de ma personne, mais non des droits sacrés de la royauté ». Après de longues négociations, il est libéré moyennant une rançon de trois millions d’écus d’or. Des otages de sang royal sont envoyés à Londres pour garantir le paiement de la somme. Or, l’un deux, le duc d’Anjou, fils du roi, s’enfuit de Londres. Homme d’honneur, Jean II retourne se constituer prisonnier à Londres, où il décède l’année suivante à l’âge de 56 ans. Son courage, sa droiture, son infortune, le firent aimer de ses sujets qui le surnommèrent « Le Bon » pour lui prouver leur attachement. C’est donc la représentation d’un roi bien infortuné qui constitue le premier portrait individuel de la peinture française. Le roi est représenté de profil, un profil sombre, à la ligne épurée sur un fond d’or, d’une rigidité comparable à celle des médailles et pièces de monnaie. Mais contrairement à celles-ci, cette représentation respire la vie et l’humanité. En effet, l’idéalisation est absente de ce portrait et c’est la simplicité qui émane de cette œuvre. Le front bas, l’œil en amende et la lèvre charnue semblant esquisser un sourire… Le roi est humain, profondément humain, et peut-être si peu royal. On peut en effet s’étonner que Jean II soit représenté sans couronne, et sans attributs royaux. Peut-être est-ce dû au fait que ce portrait a été peint alors que Jean n’était pas encore roi mais duc de Normandie. De même, il est fort probable que l’inscription ait été rajoutée a posteriori. C’est donc pour ces raisons que cette œuvre constitue un tournant dans l’histoire de la peinture. En désacralisant le roi, c’est sa vraie nature qui transparaît, celle d’un monarque courageux, d’un roi à la bonté profondément humaine qui le fait aimer de son peuple, et dont l’éclat du nom a quelque peu fait oublier l’histoire de son règne. »

Source : audioguide du Musée du Louvre.