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Viron-souscription

09/11/2014 2 commentaires

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L’enregistrement du versant musical de Vironsussi, prochain livre du Fond du tiroir, est terminé. Encore toute notre gratitude à Norbert Pignol, et à tous les musiciens impliqués, très impliqués même. On vous en offre un échantillon : une prise alternative du duo Destéphany/Vigne à écouter ici même. Le chasseur et le chassé (duo-duel). Document brut non mixé, hein. La version gravée sur le CD sera sensiblement différente, un peu plus longue, sans bafouilles et avec plus de reliefs, de cris et de chuchotements… mais déjà, ça donne une idée de ce que nous tentons de faire.

L’enregistrement… Okay. Le roman… Okay. La mise en page… Okay. Les illustrations… Presqu’okay. (courage, Romain ! Tu vois le bout !) Reste à faire tout ce qui coûte beaucoup d’argent : le mixage, la gravure de la galette, l’impression du livre.

Donc, on a besoin d’argent. Donc, faites chauffer sans tarder le carnet de chèques, ou un vironsussi viendra vous dévorer cette nuit pendant votre sommeil. Donc, imprimez le bon de souscription, remplissez-le, joignez un chèque de 25 euros seulement (port offert aux souscripteurs), adressez-nous l’ensemble dans les plus brefs délais, puis trompez l’impatience en lisant par exemple d’autres livres, moins palpitants mais on fait avec ce qu’on a, avant de recevoir chez vous, vers la mi-décembre, ce volume unique en son genre (promis, il ne ressemble à rien, pas même à un autre livre du Fond du tiroir) agrémenté et augmenté d’un CD contenant sa bande, elle aussi, originale.

192 pages, 15×19 cms, reliure cartonnée, CD en pochette de protection transparente, ISBN 978-2-9531876-8-7.

Munographie

05/11/2014 Aucun commentaire

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L’héroïque Jean-Christophe Menu tente de planifier et d’orchestrer l’Apocalypse. Le nouveau site de cette valeureuse maison d’édition sera mis en ligne le lundi 17 novembre. (D’ici là, vous pouvez toujours y aller, mais les infos sont un peu moisies. Des nouvelles plus fraîches sur leur page Facebook.)

Promotion à venir : pour quelques livres achetés sur cet imminent site flambant neuf, l’amateur se verra gratifié d’une belle et verte réédition du livre Munographie (la première mouture vit le jour aux Éditions de l’an 2, 2004) où je suis cité en tant que mederologue, dignité qui m’honore aujourd’hui comme autrefois.

Ça, c’était pour l’infiniment petit. Du côté de l’infiniment grand, voyons un peu ce qui se passe chez nos amis d’IKEA.

Survie en milieu hostile

01/11/2014 un commentaire

Les Combattants

Je jette un oeil sur la une du quotidien régional. Je soupire préventivement, on a quoi aujourd’hui comme mauvaise nouvelle, comme méchante humeur ? Les Français n’aiment pas le changement d’heure. Allons, bon, qu’est-ce qu’il leur prend encore aux Français. Moi je l’adore, le changement d’heure, je le trouve stimulant, j’ai expliqué pourquoi autrefois, à une époque qui me semblait plus légère. Eh bien les Français, eux, ils n’aiment pas ça. Mais ils n’aiment pas grand chose, en ce moment.

Ils n’aiment pas les Français, déjà. Ni du reste les étrangers. Ils n’aiment ni ce qu’ils ont, ni ce qu’ils n’ont pas. Ni l’état des choses ni les changements. Ni les riches ni les pauvres (sans doute parce que les riches n’ont jamais été si riches, ni les pauvres plus pauvres). Ni la pollution ni l’écotaxe. Ni les impôts ni le parlementarisme (parce que les parlementaires négligent de payer leurs impôts). Ni les artistes qui érigent pour rire des joujoux sexuels gonflables dans les rues, ni les artistes en général et intermittents. Ni les sondages qui leur demandent leur avis ni l’automne. Avec tout ce que les Français n’aiment pas, la PQR peux tenir sa une 365 jours par an.

Je n’ai pas trop le moral. Je vois arriver gros comme une maison le prochain coup d’état fasciste. Je me crois en cela plutôt rationnel : le fascisme nationaliste et/ou religieux, celui des intégristes musulmans ou celui des catho-tradi-tue-l’amour, celui des bonnets rouges ou celui des chemises bleu marine, celui des obscurantistes ou celui des cultivés, celui des complotistes internet ou celui des racistes décomplexés, celui de tous ceux qui ont quelque chose à perdre, celui de ceux qui n’ont plus rien à perdre… le fascisme s’affirme comme le seul projet politique capable de mobiliser la rue (et les médias, et Internet, et accessoirement les librairies – pour ce qu’il en reste). Je n’en mène pas large.

Je m’efforce de ne pas trop le dire, parce qu’à force d’écrire des choses horribles, les choses horribles finissent par arriver, et puis aussi parce que quand je vaticine, mes proches ont tendance à me coller des beignes pour me faire reprendre mes esprits… Mais tout de même je l’avoue à voix basse à mon blog, presque comme une faute : je n’ai pas trop le moral. Je prends au sérieux le risque de la fin de la démocratie en 2015, sensiblement plus que je ne redoutais la fin du monde le 21 décembre 2012.

Alors ma fille m’engueule. Elle me dit « Tu te fais du mal tout seul en épluchant systématiquement tous les commentaires laissés sur les sites d’information, pas étonnant que tu déprimes au bout de la souris, tu confonds les trolls avec la population française… » Elle a sûrement raison. Elle est fine, ma fille. Je préférerais confondre cette fille avec la population française.

Reste que l’avant-goût de cataclysme est le parfum de l’époque. Il faudrait faire quelque chose de ce climat, de peur que ce climat fasse quelque chose de nous. Et qu’en faire, au juste ? Un roman, peut-être.

Ou un film. Thomas Cailley en a fait son premier film, qui s’appelle Les Combattants.

Film très impressionnant. Terrifiant, parce que fort juste sur ce que sont la violence et l’angoisse en 2014, avec peur de la fin du monde, dernier retranchement de l’individualisme dans les convulsions de l’agonie du monde, et jeunesse mutante, pétrie de cynisme et de système D. Des dialogues parfaits, une écriture très fine et qui pourtant semble spontanée, du grand art. Il faut attendre longtemps ? Non, il faut seulement attendre. J’adore ce bref échange, même arraché à son contexte. Mais si l’on ajoute ce que dit le contexte...

L’envoûtant et répugnant personnage de Madeleine, joué par Adèle Haenel, est le coeur du film. Elle incarne très exactement le parfum de fin du monde dont je causais trois paragraphes plus haut, un air du temps sublimé par le romanesque. Jeune fille et monstre, elle est idéalement adaptée à son milieu (hostile). Puisqu’elle a fait des études d’économie prospective, elle a intégré qu’en ce monde c’est chacun pour sa peau. Elle anticipe que l’apocalypse imminente se doublera d’une lutte de tous contre tous, et que dans le chaos seuls les plus durs survivront. Alors, méthodiquement, elle s’endurcit. Elle se lance dans un stage de préparation militaire. Mais se rend compte qu’elle n’y est pas à sa place. L’Armée est une institution d’un autre temps, une discipline d’arrière-garde, une bêtise périmée : Madeleine y teste la vie à la dure, okay, mais les notions qu’on essaie de lui inculquer, l’obéissance à la hiérarchie, le devoir, la solidarité, le sacrifice, ne signifient rien pour elle. Aussi désuet qu’une uniforme à pompon. Elle quittera son régiment une fois qu’elle y aura puisé les seuls enseignements techniques (mot qu’elle emploie beaucoup) dont elle a besoin.

Le film raconte quelque chose d’important, et d’inédit : l’irruption dans la fiction de cette sorte de personnage signale que cette sorte de personne est possible dans le monde réel. Je crois bien que j’en connais. Et, en plus de ce pavé dans la mare, le film réussit à être drôle, haletant, bourré de péripéties, et même, puisque c’est aussi une histoire d’amour, curieusement charnel (sensualité extraordinaire de la scène du maquillage aux couleurs camouflage, variation martiale du Blason ou du Cantique des cantiques).

Seuls points faibles d’un film, à ceci près, magistral : son titre vague et passe-partout (quel dommage pour vous, si vous passâtes à côté par faute d’un intitulé peu exigeant), et sa BO, tartine techno-french-touch sûrement « originale » mais qu’on a l’impression d’avoir déjà trouvé ringarde il y a 20 ans – même les musiques de Carpenter dans les années 80 étaient plus « modernes ». (Même grief contre Bande de filles de Céline Sciama, autre film passionnant, nécessaire et neuf, avec une musique pénible. Une tendance, apparemment.)

Henry Cording

27/10/2014 Aucun commentaire

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Toute cette semaine : gaffe à la loupiote rouge SVP, enregistrement en cours.

Olivier Destéphany et moi-même enregistrons, en compagnie d’une tétra-tripotée de musiciens invités, et grâce aux compétences d’ingénieur-son, cyniquement exploitées et outrageusement sous-payées, de Norbert Pignol, le CD qui sera joint au roman Vironsussi (bon de souscription en ligne ici même, sous peu, on ne sait pas trop, disons la semaine après la semaine prochaine).

Ce CD sera constitué de sept pistes. Les six premières, instrumentales, constituent la « bande originale du roman » . L’ultime, d’une durée d’un petit quart d’heure, est un duo entre Olivier (à la contrebasse solo) et moi-même (aux murmures, aux vociférations, aux hurlements bestiaux et chuchotements gutturaux, aux poussées de fièvre, aux postillons expressionnistes et à la littérature). Bref, un authentique morceau de Fais-moi peur comme si vous y étiez. Un quart d’heure de transe pour seulement cinq pages du roman (qui en compte quelques 200) – équation qui nous laisse perplexes lorsque nous nous rappelons avoir envisagé, pas très longtemps mais tout de même, d’enregistrer l’intégralité du livre. Nous étions jeunes et idiots.

Le fruit de ce travail sera également exhibé sur scène le 21 janvier 2015, cochez-moi ça dans votre agenda.

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Norbert et Olivier écoutent le résultat. Et simultanément le regardent, en pleine synesthésie.

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M. Olivier Destéphany, quelques secondes avant sa transformation en vironsussi. Ensuite, on ne l’a jamais revu.

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Le quatuor, à cordes, et à l’oeuvre.

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Mon pupitre, avec le texte, le casque, le micro, et à titre d’inspiration une gravure signée Romain Sénéchal.

Le Nobel c’est de la dynamite

13/10/2014 un commentaire

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Ah, tiens ? Patrick Modiano. Un prix Nobel de littérature que j’ai lu. Ça ne m’était pas arrivé depuis 2008. C’est bien, lire un Modiano de temps en temps. Même un nouveau, on a l’impression de l’avoir déjà lu, mais peu importe, le précédent aussi était bien.

Comme s’il était mort, sauf qu’en plus il est vivant et qu’il vient de sortir un livre, les hommages à, et biographies de Modiano ont pullulé dans les médias, et ça nous a ventilé les neurones, ça nous a reposé de Zemmour,  un petit air frais comme si quelqu’un avait ouvert une fenêtre.

J’ai appris à cette occasion que Modiano avait écrit tout un album de chansons, enregistré par son vieil ami Hugues de Courson, sous le titre Fonds de tiroir. Je me suis rendu compte, creusant la question, que je connaissais certaines de ces chansons par des reprises, notamment La coco des enfants sages par le groupe Casse-Pipe.

Un chansonnier nobélisé ? C’est sa fille qui doit être fière, chanteuse de la famille ! Sincères félicitations à Modiano ! Toutefois… J’avoue être très réservé quant à l’intitulé de cet album… Fonds de tiroir, il faut reconnaître que ça ne fait pas très sérieux… Pas vendeur du tout, aucune chance de marcher, aucun avenir, suicide commercial, facilité, humour potache, autodérision balourde, nihilisme et balle dans le pied…

Ah ah ah, tu en veux-tu, de la dérision, mon p’tit gars ? Bouge pas, j’en ai, écoute ça. Mes beaux-parents déménagent. Ils passent ces jours-ci d’une grande maison à un petit appartement. Ils bazardent à tour de bras, ménagent par le vide, toute une vie bien siphonnée, par pans à la benne… J’avais toujours vu chez eux une élégante et intimidante collection de livres, un alignement d’épais volumes reliés, par dizaine, cuir blanc ou simili, crobard de Picasso sur la couverture. Il s’agit de la collection Prix Nobel de Littérature des éditions Rombaldi, commercialisée par correspondance dans les années 60 et 70. Plusieurs mètres linéaires, chaque Nobel par ordre chronologique depuis 1901 avait droit à sa reliure blanche et à son Picasso, une bibliothèque qui tenait toute seule, un patrimoine culturel qui imposait le respect,  qui serait transmis de génération en génération, qui était très répandu dans les bonnes familles bourgeoises des Trente Glorieuses… Aujourd’hui, plus personne n’en a que faire. Cette magnifique somme populaire de Littérature estampillée Nobel a trop couru, a vécu, n’a pas été beaucoup lu, et aujourd’hui elle se trouve facilement sur eBay. Mes beaux-parents ont essayé de placer leurs Nobel d’occase sur Leboncoin, à vil prix, puis à très vil prix, puis gratos à enlever sur place. Jusqu’ici, pas de client. Sic transit gloria liberi. Nobel, t’façons, c’est de la dynamite.

L’extraordinaire monde intérieur des écrivains

10/10/2014 Aucun commentaire

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Je lis, tout désopilé, Literary life de Posy Simmonds, qui raconte à l’anglaise, la-langue-dans-la-joue, le milieu littéraire, ses vanités, ses frustrations, ses malentendus et ses aléas. Et page 37, je tombe sur ce gag-ci.

Or illico je le reconnais : je l’ai déjà lu il y a plus de 30 ans, sous la plume de notre Posy Simmonds à nous, j’ai nommé Claire Bretecher. C’était ce gag-là.

Même idée exactement, même lenteur puis même chute rapide, même ressort comique. Seule différence en 30 ans (à part l’ordinateur qui remplace la machine à écrire) : l’inversion des sexes. L’auteur est devenue auteure, peut-être même une autrice, et c’est son époux, au lieu de l’épouse, qui s’occupe des enfants et veille à ne pas la déranger parce qu’elle a un livre à écrire. Est-ce un progrès ? Est-ce le seul progrès d’une époque sur l’autre ? Oui. Je fais partie des dégénérés qui croient que la possibilité d’intervertir les rôles sociaux dévolus aux deux sexes est une mesure très fiable du progrès social. Et j’emmerde la Manif pour tous.

Pour le reste, rien n’a bougé. Le monde intérieur des écrivains, ces héros (et héroïnes, donc) de la modernité post-romantique, est demeuré un mystérieux sanctuaire extraordinairement fascinant. Je vous prie de me laisser seul, à présent, j’ai un livre à écrire.

L’Échoppe : fermeture définitive

07/10/2014 Aucun commentaire

L Echoppe en robe rougeLe rêve est une seconde vie. Gérard de Nerval

L’opération S.U.M. Pack est close. Une douzaine de packs ayant été écoulée, je n’hésite pas à parler de triomphe, puisque j’espérais, téméraire, parvenir à dix. Merci douze fois, grâce à vous douze la sortie du prochain livre sera un tout petit peu moins compliquée (très-très compliquée seulement, au lieu d’insurmontable). Et spécial double-merci à Marie S., qui a poussé le mécénat et l’élégance jusqu’à me dire « Voici l’argent du pack mais pas la peine de me l’envoyer, je n’en veux pas, tes livres je les ai déjà » … À ce compte-là, j’eusse préféré qu’elle m’en commande 3 ou 4 ou même 15, mais je n’ai pas osé réclamer, c’eût été de l’abus. Je me contiens toujours quand je sens que j’abuse, je suis un gentleman.

Je reparlerai bientôt du monstre sur le point de s’échapper du Tiroir, qui en déforme déjà les battants à coups de boutoir… En attendant, ayons une pensée pour le livre qui y retourne à jamais : notre grande promo d’automne a eu pour effet collatéral d’épuiser définitivement le tout premier livre qui, en 2008, fut orné du logo Tiroir-qui-vole : L’Échoppe enténébrée, récits incontestables.

Adieu, adieu ! Adieu livre de rêve, rêve de livre, adieu prime aventure ! Je t’aime mais ne te réimprimerai jamais ! L’argent se fait si rare qu’il est jalousement réservé aux caprices nouveaux, crèvent les vieilles lunes !

Coïncidence : le jour où je fais le deuil de ce petit volume dont la couleur de couverture fut choisie in extremis, la veille de l’impression, en référence subliminale à la « chambre rouge » de Twin Peaks, endroit secret où les rêves révèlent la vérité, j’apprends le retour prochain de la série matricielle et hallucinogène…

L’aspirant habite Javel

06/10/2014 3 commentaires

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Allons sois raisonnable, patiente ! Patiente ! Il ne sert à rien de l’annoncer trop tôt, attends la saison prochaine… Encore un mois… Encore une semaine… Encore un jour… Allez, attends encore une heure…

Oh et puis zut j’ai assez attendu, je trépigne et je dévoile : après un hiatus de près de cinq ans (c’est comme ça) durant lequel mon unique éditeur aura été Le Fond du tiroir, I’m back in the game. Dans trois mois, le 7 janvier 2015, sera disponible en librairie Fatale spirale, album fort singulier que j’ai écrit, que Jean-Baptiste Bourgois a illustré, et que Sarbacane a édité. J’avoue, je suis impatient. Je vais l’être encore trois mois. Heureusement, pour m’occuper l’esprit, j’ai un livre à boucler pour le Fond du tiroir.

Moi la synapse

01/10/2014 un commentaire

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Regarde-le lui-là qui revient enfariné bismuthé, avec ses deux neurones… Au moins grâce à lui on se souvient fugitivement pourquoi en 2012 on a voté pour l’autre.

Bon. Pour éviter que l’actualité politique ne me rende complètement idiot, je lis des livres. Les livres sont comme les neurones, bons à rien un par un, fertiles et utiles dès qu’ils se connectent, à la faveur d’une synapse. Vive Hermès, dieu de tout ce et de tous ceux qui se déplace(nt) ! Dieu des connexions ! Dieu des voleurs, des commerçants, des messagers, et des synapses ! Des magiciens aussi, c’est logique.

Comment faire bon usage de ses synapses ? C’est en mélangeant qu’on invente, et j’ai pour habitude d’associer les idées… La manie de faire surgir des liens entre des éléments disparates porte un nom : l’apophénie. L’apophénie peut conduire à diverses pathologies mentales comme la théorie du complot, mais elle fait merveille dans le processus créatif, pour révéler (ou inventer, mais c’est presque pareil) le sens caché des choses. On ne m’ôtera pas de l’idée que l’apophénie, favorisant la « rencontre fortuite » , fait les poètes, depuis que le parapluie, la machine à coudre et la table de dissection font la poésie.

Je lis coup sur coup, d’une même lecture, deux livres sans le moindre rapport. Je fais le rapport. C’est moi la synapse.

La présence de Pierre Jourde (éd. Les Allusifs, 2011) est un récit autobiographique et anxiogène sur l’attachement morbide à un lieu familier, en l’occurrence une maison d’enfance, écrit comme un conte d’angoisse de Maupassant. Les objets, et les masses d’air elles-mêmes qui les renferment, sont des fantômes.

Prokon de Peter Haars est une bande dessinée d’agit-prop-psychedelik-crypto-situ, une grosse farce à grosse trame, singeant Roy Lichtenstein et la société de consommation, et réinventant peut-être sans les connaître ses contemporains, Guy Pellaert ou Spain Rodriguez. Publié en 1971 par le graphiste suédois Peter Haars, cet objet hallucinogène où un savant fou menace par pure méchanceté l’économie capitaliste en rendant les marchandises éternelles (au lieu que d’être jetables selon le principe de l’obsolescence programmée), est enfin traduit, pour la première fois, par les rares et excellentes éditions Matière.

Dans le premier, je lis ceci :

Comme toutes les pièces [de la maison familiale inoccupée], le petit salon rouge comportait un lit, équipé de plusieurs matelas superposés, et une surpopulation de chaises, car il s’agit de ne rien laisser perdre. Jeter une vieille chaise est en soi inimaginable. La maison avait donc tendance, au fil des années, à s’enrichir de tous les meubles usagés qui ne servaient plus […] mais qu’on entreposait, au cas où. Aucune de ses pièces qui ne fût encombrée de sièges, semblant toujours attendre que quelqu’un voulût bien s’y poser, ce qui n’arrivait jamais. […]
L’amoncellement d’objets, la poussière, la prolifération des recoins d’où l’obscurité souriait comme une eau les retirait à eux-mêmes, les dérobait à l’emprise de la main ou du regard.
Le plus vaste de ces espaces était le grenier qui occupait tout le deuxième étage, au-dessus des chambres, voué tout entier à l’amoncellement d’un capharnaüm séculaire. On n’y montait jamais que pour ajouter l’un de ces innombrables objets inutiles qui peuvent toujours servir, selon les préceptes de la prudence paysanne. On apercevait des dictionnaires, des lits de fer, des fusils, des casques, des chaises, des lessiveuses, des bancs, des balances…

Dans le second, cela (notons que, le dogme productiviste restant inchangé depuis des décennies, on ne peut se douter que cette caricature date de 1971) :

Prokon était une ville heureuse…
Où chacun pouvait tout se permettre… d’en profiter !
Chacun pouvait acheter… consommer… et se fournir à nouveau !
À Prokon, tout le monde avait un travail.
Les produits étaient séduisants.Tout le monde désirait les acquérir.
Ainsi, tout le monde était heureux : les commerçants, les ménagères, les jeunes, les cadres, les patrons, les ouvriers.
« Nous produisons nos propres besoins : nous formons une grande famille heureuse dans une société libre. »
Mais !
Au plus profond de la forêt, le Dr Dracenstein mettait au point une sinistre invention.
« Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Je serai le maître de Prokon !
Tout ce qui sera aspergé par ce fluide durera…
ÉTERNELLEMENT !
La « loi de l’offre et de la demande » qui régit Prokon va m’aider à vendre la pulvérisation d’éternité qui… mènera au chaos !
Mon invention va annihiler Prokon ! »

Je ne sais si quiconque en dehors de moi voit le rapport. Après tout, une synapse, c’est perso. Mais moi je vois même, et très clair, le rapport entre J’ai inauguré IKEA et Double tranchant, c’est pour dire. D’ailleurs, maintenant que j’en parle, c’est un peu du même ordre… La fabrication et la circulation des objets… Le destin des choses…

It don’t mean a thing (if it ain’t got that swing)

20/09/2014 Aucun commentaire

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Le défi a été lancé par mon vieux complice JP Blanpain : « Le festival Jazz en Velay organise un concours de nouvelles, dont le thème tient en un seul mot : jazz. Tu sais écrire ? Tu aimes le jazz ? Alors on s’y colle, hop, on écrit une nouvelle chacun » . Chiche. Sacrée tête d’émule !

Or dans le même temps, Christophe Sacchettini me faisait découvrir le travail d’artiste-colleur de Louis Armstrong. Quelle révélation ! Armstrong est une de mes idoles, depuis longtemps, depuis toujours puisque j’écoute The Good Book sans interruption depuis ma vie intra-utérine, et j’ignorais tout de son activité picturale. Satchmo a passé sa vie, lorsqu’il ne soufflait pas dans sa trompette, a jouer du rouleau de Scotch, composant des montages relevant de l’art brut, ou naïf, ou surréaliste, ou égocentrique, comme on voudra. Il n’était pas du genre à intellectualiser les choses ainsi, mais quant à moi je trouve que le ruban adhésif fonctionne très bien comme métaphore du lien immatériel entre les gens, de ce qui relie et retient toute une époque de façon invisible… De la musique, en somme.

Ma nouvelle parlerait donc d’Armstrong, d’un rouleau de Scotch, et de musique qu’on n’écoute pas mais qu’on regarde.

Jazz en Velay a débuté le 21 septembre 2014, le résultat du concours a été révélé, je n’ai pas gagné (Jipébé non plus). Tant pis ! L’avantage, c’est que je n’irai pas au Puy-en-Velay, je ne serai pas obligé de serrer la main de son député-maire. Reste que je suis  content d’avoir écrit cette nouvelle, je swingue de la tête. Elle vous est offerte (la nouvelle, pas ma tête, dont j’ai encore besoin) ici même en téléchargement gratoche.