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Marlon viendra et il mettra mes pendules à l’heure (Troyes épisode 49)

Il me causera un grand chagrin, le ministre qui, pour se faire remarquer, décrètera que 35 ans de bébés et de bovins perturbés dans leurs biorythmes c’est largement suffisant, et qui supprimera d’un trait de plume dans son cabinet (ici je me retiens de verser dans l’humour scatologique facile au sujet de ce qui nous tombe sur la tête depuis les cabinets des ministres) les changements d’heure semestriels.

J’adore les changements d’heure, en mars et en octobre. J’ai toujours aimé cette altération brutale dans la mesure de ce qui semble une donnée naturelle, objective, immuable : l’écoulement du Flux. Dès l’enfance, et naturellement sans en rien théoriser solidement, je comprenais obscurément cette variation comme une faille dans le système, un aveu : décaler aussi aisément l’heure de lever et de coucher d’un peuple de soixante millions d’individus est la preuve que le temps qui passe n’est pas notre temps, c’est seulement le temps conditionné socialement par des habitudes, des conventions, des codes partagés, et des ministres. De quoi vous dégoûter à jamais de lire l’heure sur le moindre cadran, leur heure, leur sale heure qui nous expédie à l’école ou au turbin. Tout marmot, j’expérimentais ainsi une prise de conscience pré-anarchiste, à la faveur d’une grande aiguille tournée en bourrique sur 360° tous les six mois. C’est dire à quel point je regretterais qu’un ministre prive les enfants de ce pays de leur chance de connaître pareille révélation, déclic anarchoïde qui un jour, de fil en aiguille de montre, allez savoir ce que deviennent les taches d’huile sur les ailes des papillons, finirait par renverser tous les cabinets de ministres.

Le spectacle adapté des Giètes, où il n’est pratiquement pas question d’autre chose que du temps qui passe, et qui par conséquent s’articule autour d’une scène clef où l’on remet toutes les pendules à l’heure un dimanche matin de changement d’heure, sera donné pour la dernière fois samedi prochain, à 11 heures du matin (heure d’hiver), à Vizille. Le spectacle est gratuit mais il est prudent de réserver auprès de la médiathèque, au 04 76 78 86 43. Ce spectacle, créé sur un coin de table il y a trois ans et demi avec Christophe Sacchettini, aura connu une longévité inespérée, et m’aura procuré bien du bonheur. Celle-ci sera la bonne, quoiqu’en vraie diva j’ai déjà annoncé plusieurs fois la der des ders.

  1. 31/10/2011 à 01:05 | #1

    Ouf, me voilà rassurée… Merci Fabrice, j’avais peur d’être la seule à aimer ce temps entre deux temps, cette heure qui n’existe pas, ce souffle suspendu. Je me souviens encore de l’enfance, des premiers changements d’heure, de cette question, sur les trains, qui doivent rester arrêter une heure, ou voler plus vite, qui sait, pour récupérer le bon fuseau horaire. Et de m’être dit, aussi, que le temps n’existe pas, qu’il est inventé, et que c’est mieux comme ça.
    Merci, Fabrice.

  2. 31/10/2011 à 01:06 | #2

    … et bon vent aux Giètes !

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