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Londonomètre (Troyes, épisode 20)

Je me souviens d’une conversation avec Mathias Enard, en 2006 je crois, il était alors en résidence à la Villa Medicis et me disait tout le bien qu’il pensait de cette expérience. En réponse, j’avouais ma perplexité : « Je ne suis pas sûr pour ma part d’être tenté par une une résidence d’écriture. J’y vois une obligation de résultat, genre combien de pages as-tu écrites aujourd’hui, ça aurait plutôt tendance à m’inhiber… » En contrexemple, Mathias évoqua devant moi un de ses camarades résidents, un poète qui composait des haïkus. Il pouvait consacrer une semaine à trois lignes, personne ne vérifiait son rendement par-dessus son épaule. Ah, bon. Cette anecdote fut sans aucun doute déterminante pour modifier ma perception des résidences d’écriture, j’ai postulé à Troyes, et voyez où je me retrouve.

Je ne parle guère sur le blog de l’avancement de mes travaux de boulange… C’est exprès, j’ai déjà expliqué pourquoi : je préfère écrire, plutôt qu’écrire « j’écris ». (Contrairement aux rappeurs qui, eux, adorent rapper « je rappe », fin en soi.)

Pourtant cette omission me gêne aux entournures, sans que je sache exactement pourquoi. Peut-être ai-je peur, si je n’écris pas quotidiennement « j’écris », de laisser entendre que je ne glande rien du tout, ce qui serait tout de même embarrassant pour tout le monde… Pour ceux qui m’ont offert cette thébaïde en croyant que j’étais écrivain, pour ma famille que j’ai abandonnée au loin en prétendant « je m’en vais écrire », pour mon amour-propre et mon Jiminy-Cricket, tu parles d’un enfoiré celui-ci j’aurais pu me dégoter mieux comme ami imaginaire, toujours prompt à me traiter de faignasse…

Que faire ? Le seul moyen à ma disposition pour prouver concrètement l’avancement des chantiers serait d’en publier des extraits, mais à cela je ne me résous pas, rien n’est au point, je n’ai pas de quoi faire une bande annonce, peut-être plus tard… Peut-être jamais.

Mais j’ai trouvé la solution alternative, le biais qui me permettra désormais de donner un bulletin de santé de mon écriture sans rien dévoiler du fond de l’affaire, grâce à Jack London. London prétendait, et on n’a aucune raison de ne pas le croire, que durant les quelques décennies qu’aura duré sa vie d’écrivain, il écrivait ses mille mots par jour, quoi qu’il arrive, quoi qu’il ait fait dans la journée, quoi qu’il ait vécu et, même, quoi qu’il ait bu. Wow. Mille par jour, day in day out, ça vous pose un homme, une brique de mille déposée chaque matin contre les précédentes et ainsi de suite jusqu’au mur, maison, rue, ville, pays, et London rappelons-le n’avait même pas de blog, c’était mille mots de vraie encre sur de l’authentique papier.

J’inaugure devant vous mesdames et messieurs le Londonomètre du Fond du tiroir : chaque jour j’annoncerai ici le nombre de mots écrits depuis la veille, sauf erreur ou omission. Je ferai simplement le compte des mots de mon texte, et la différence avec le chiffre de la veille fournira l’indice de mon avancée concrète, certifiée, quantifiée. (Je redoute d’ores et déjà le jour où je tomberai sur un solde négatif… C’est très possible, un jour de grande rature…)

Aujourd’hui mardi 20 septembre 2011 : 432 mots. Loin du gros lot…

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