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Anachorète idiorythmique (Troyes, épisode 19)

C’est toujours comme ça un train qui part…
La Gare de Troyes n’aura pas mieux !
Ange

Je fais des allers-retours entre Troyes et Grenoble, six, sept heures de rail. Quand le train entre en gare de Grenoble, je suis content, je pense « j’arrive chez moi ». Mais désormais quand le train entre en gare de Troyes, je constate que je suis pareillement content, je pense « j’arrive chez moi ». J’ai deux chez-moi. Un double domicile fixe est un luxe exorbitant dans un pays qui compte 100 000 SDF, je m’en rends compte, je suis un scandale. Au risque en outre d’un peu de schizophrènie, car Qui a deux maisons perd la raisonproverbe champenois.

Je vous rassure, ma raison aux dernières nouvelles tient bon. Parce que je sais que ce double toit ne durera pas, j’ai pleine conscience aussi de cet éphémère. J’en ai même une conscience exagérée : un huitième environ de ma résidence de quatre mois s’est déjà envolé, or je suis hanté par l’impression que tout est déjà fini, tic-tac, ne restent plus que 100 jours, autant dire rien.

C’est là mon tempérament, je le crains, Je suis morte déjà puisque je dois mourir. L’invincible impression que tout est fini dès le début, joué, déjà trop tard, condamné à trépas dès le bain amniotique, le damné Flux nous a glissé entre les doigts, nos mains sont vides, à jamais. Je me souviens du jour, il y a quelques années, où j’avais retrouvé après une longue séparation un de mes amis, mon meilleur ami peut-être, et où nous avions passé des heures lumineuses attablés dans un café, à discuter, rattraper le temps perdu, rigoler comme des collégiens… C’était un bon moment caractérisé, un de ceux qui font qu’on est heureux d’être vivant, ici et maintenant. Soudain, le cœur gonflé d’avoir tant ri, reprenant mon souffle et essorant mes yeux, j’ai lâché dans un soupir : « C’est étrange, tu vois, je me sens un peu triste, j’ai la nostalgie de cet instant comme s’il était déjà passé » . C’est dans les yeux incrédules de mon ami que j’ai réalisé en silence l’énormité de cette phrase.

Okay, finalement je ne m’aventurerai pas à garantir l’état de ma raison-entre-deux-maisons.

  1. fred paronuzzi
    19/09/2011 à 13:04 | #1

    I am roughly in the same mood… mais c’est pas une raison pour ne plus se raser, merde !
    la bise, mon pote

  2. 19/09/2011 à 18:08 | #2

    Cher ami-frère,
    Je viens de lire ces quelques lignes de ton dernier article qui me donnent de tes nouvelles, de tes va-et-vient entre Troyes et Grenoble, entre « chez toi » et « chez toi », merci pour tes impressions justes. Mais après la lecture, je me suis demandé à mon tour si je n’avais pas, moi aussi, des « chez moi » ; il y en a plusieurs en France, un en particulier au Japon, plusieurs au Canada. Pourtant mon « vrai chez moi » n’est plus un « chez moi » pour moi ! Tu sais de quoi je parle mon ami-frère. Le vrai « chez soi » est là où on se sent chez soi, mais n’est-ce pas une petite banalité que d’affirmer cela ? Comme tu sais, cette petite banalité, je la vis depuis 20 ans, mais j’en suis tellement heureux…
    En tout cas je suis content de pouvoir bientôt te rendre visite à Troyes, puis « chez toi » à Grenoble…

  3. Laurence
    19/09/2011 à 18:42 | #3

    Héhé Fred, je pourrais te raconter, mais en un autre endroit, l’histoire de cette photo et l’histoire de cette barbe…

  4. 19/09/2011 à 19:10 | #4

    Pourquoi que Fred? Nous aussi nous voulons savoir. Allez à poil!

  5. Vincent Karle
    21/09/2011 à 15:55 | #5

    Ah zut, sans le faire exprès, j’ai donné un indice…

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