Archive

Archives pour 11/2014

Nuancier automne/hiver

20/11/2014 un commentaire

Couverture
Couverture

 Couverture

Couverture

Je me tâte. Qu’enfiler pour sortir ? Je m’habille et me déshabille, je prends la pose devant la psyché. La couve du prochain livre… En gris ? En vert ? En bleu ? Que convient le mieux à sa carnation ? Vous avez le droit de voter, mais seulement si vous êtes inscrits sur les listes électorales – pour cela, remplir le bon de souscription.

C’est excitant, les finitions. Autant que les prémices. Entre les deux, une course de fond – deux ans d’endurance, en l’occurrence. Deux ans que je n’avais pas publié de livre. Vous je ne sais pas, moi ça m’a manqué. Enfin, il est prêt. C’est un roman. De genre, en plus. Genre : épouvante. J’ai déjà fait à son propos l’éloge de la série B, mais voilà que, pour abonder dans l’éloge du fantastique, je viens de tomber, exactement comme on déniche à la dernière seconde l’épigraphe qui cerisera le gâteau, sur une citation de Tolkien qui me plaît énormément : Pour réprouver la littérature d’évasion, il faut être un peu geôlier sur les bords.

J’ai cueilli cette profonde sentence durant une lecture revigorante que je recommande à chacun toutes affaires cessantes : le manifeste de Neil Gaiman, Pourquoi notre futur dépend des bibliothèques, de la lecture et de l’imagination. Gaiman l’a rédigé parce qu’il est préoccupé par une certaine tendance des pouvoirs publics, enclins en Angleterre (et très bientôt en France, je le crains) à prendre prétexte de la crise-partout-partout et de leurs dettes pour abandonner les bibliothèques, réduire leurs dotations, voire les fermer purement et simplement… L’argent manque, alors on sacrifie l’esprit : on vise la tête. Bang ! Choix politique effarant (quoiqu’il serait cohérent dans un pays dont la Ministre de la Culture avoue sans manière qu’elle n’a pas lu un livre depuis deux ans). Merci à l’éditeur de ce texte, Au diable vauvert, de le donner à lire gratuitement.

(Dans ce même texte, Gaiman confesse une funeste erreur : avoir mis trop tôt entre les mains de sa fille des romans de Stephen King, au risque de la traumatiser… L’anecdote me rappelle quelque chose… Attention, lecteurs ! Vironsussi n’est pas un livre pour enfants ! Pas du tout non non.)

Viron-souscription

09/11/2014 2 commentaires

P1030820

L’enregistrement du versant musical de Vironsussi, prochain livre du Fond du tiroir, est terminé. Encore toute notre gratitude à Norbert Pignol, et à tous les musiciens impliqués, très impliqués même. On vous en offre un échantillon : une prise alternative du duo Destéphany/Vigne à écouter ici même. Le chasseur et le chassé (duo-duel). Document brut non mixé, hein. La version gravée sur le CD sera sensiblement différente, un peu plus longue, sans bafouilles et avec plus de reliefs, de cris et de chuchotements… mais déjà, ça donne une idée de ce que nous tentons de faire.

L’enregistrement… Okay. Le roman… Okay. La mise en page… Okay. Les illustrations… Presqu’okay. (courage, Romain ! Tu vois le bout !) Reste à faire tout ce qui coûte beaucoup d’argent : le mixage, la gravure de la galette, l’impression du livre.

Donc, on a besoin d’argent. Donc, faites chauffer sans tarder le carnet de chèques, ou un vironsussi viendra vous dévorer cette nuit pendant votre sommeil. Donc, imprimez le bon de souscription, remplissez-le, joignez un chèque de 25 euros seulement (port offert aux souscripteurs), adressez-nous l’ensemble dans les plus brefs délais, puis trompez l’impatience en lisant par exemple d’autres livres, moins palpitants mais on fait avec ce qu’on a, avant de recevoir chez vous, vers la mi-décembre, ce volume unique en son genre (promis, il ne ressemble à rien, pas même à un autre livre du Fond du tiroir) agrémenté et augmenté d’un CD contenant sa bande, elle aussi, originale.

192 pages, 15×19 cms, reliure cartonnée, CD en pochette de protection transparente, ISBN 978-2-9531876-8-7.

Munographie

05/11/2014 Aucun commentaire

BxM7FZ5IQAA0nDf.jpg-large

L’héroïque Jean-Christophe Menu tente de planifier et d’orchestrer l’Apocalypse. Le nouveau site de cette valeureuse maison d’édition sera mis en ligne le lundi 17 novembre. (D’ici là, vous pouvez toujours y aller, mais les infos sont un peu moisies. Des nouvelles plus fraîches sur leur page Facebook.)

Promotion à venir : pour quelques livres achetés sur cet imminent site flambant neuf, l’amateur se verra gratifié d’une belle et verte réédition du livre Munographie (la première mouture vit le jour aux Éditions de l’an 2, 2004) où je suis cité en tant que mederologue, dignité qui m’honore aujourd’hui comme autrefois.

Ça, c’était pour l’infiniment petit. Du côté de l’infiniment grand, voyons un peu ce qui se passe chez nos amis d’IKEA.

Survie en milieu hostile

01/11/2014 un commentaire

Les Combattants

Je jette un oeil sur la une du quotidien régional. Je soupire préventivement, on a quoi aujourd’hui comme mauvaise nouvelle, comme méchante humeur ? Les Français n’aiment pas le changement d’heure. Allons, bon, qu’est-ce qu’il leur prend encore aux Français. Moi je l’adore, le changement d’heure, je le trouve stimulant, j’ai expliqué pourquoi autrefois, à une époque qui me semblait plus légère. Eh bien les Français, eux, ils n’aiment pas ça. Mais ils n’aiment pas grand chose, en ce moment.

Ils n’aiment pas les Français, déjà. Ni du reste les étrangers. Ils n’aiment ni ce qu’ils ont, ni ce qu’ils n’ont pas. Ni l’état des choses ni les changements. Ni les riches ni les pauvres (sans doute parce que les riches n’ont jamais été si riches, ni les pauvres plus pauvres). Ni la pollution ni l’écotaxe. Ni les impôts ni le parlementarisme (parce que les parlementaires négligent de payer leurs impôts). Ni les artistes qui érigent pour rire des joujoux sexuels gonflables dans les rues, ni les artistes en général et intermittents. Ni les sondages qui leur demandent leur avis ni l’automne. Avec tout ce que les Français n’aiment pas, la PQR peux tenir sa une 365 jours par an.

Je n’ai pas trop le moral. Je vois arriver gros comme une maison le prochain coup d’état fasciste. Je me crois en cela plutôt rationnel : le fascisme nationaliste et/ou religieux, celui des intégristes musulmans ou celui des catho-tradi-tue-l’amour, celui des bonnets rouges ou celui des chemises bleu marine, celui des obscurantistes ou celui des cultivés, celui des complotistes internet ou celui des racistes décomplexés, celui de tous ceux qui ont quelque chose à perdre, celui de ceux qui n’ont plus rien à perdre… le fascisme s’affirme comme le seul projet politique capable de mobiliser la rue (et les médias, et Internet, et accessoirement les librairies – pour ce qu’il en reste). Je n’en mène pas large.

Je m’efforce de ne pas trop le dire, parce qu’à force d’écrire des choses horribles, les choses horribles finissent par arriver, et puis aussi parce que quand je vaticine, mes proches ont tendance à me coller des beignes pour me faire reprendre mes esprits… Mais tout de même je l’avoue à voix basse à mon blog, presque comme une faute : je n’ai pas trop le moral. Je prends au sérieux le risque de la fin de la démocratie en 2015, sensiblement plus que je ne redoutais la fin du monde le 21 décembre 2012.

Alors ma fille m’engueule. Elle me dit « Tu te fais du mal tout seul en épluchant systématiquement tous les commentaires laissés sur les sites d’information, pas étonnant que tu déprimes au bout de la souris, tu confonds les trolls avec la population française… » Elle a sûrement raison. Elle est fine, ma fille. Je préférerais confondre cette fille avec la population française.

Reste que l’avant-goût de cataclysme est le parfum de l’époque. Il faudrait faire quelque chose de ce climat, de peur que ce climat fasse quelque chose de nous. Et qu’en faire, au juste ? Un roman, peut-être.

Ou un film. Thomas Cailley en a fait son premier film, qui s’appelle Les Combattants.

Film très impressionnant. Terrifiant, parce que fort juste sur ce que sont la violence et l’angoisse en 2014, avec peur de la fin du monde, dernier retranchement de l’individualisme dans les convulsions de l’agonie du monde, et jeunesse mutante, pétrie de cynisme et de système D. Des dialogues parfaits, une écriture très fine et qui pourtant semble spontanée, du grand art. Il faut attendre longtemps ? Non, il faut seulement attendre. J’adore ce bref échange, même arraché à son contexte. Mais si l’on ajoute ce que dit le contexte...

L’envoûtant et répugnant personnage de Madeleine, joué par Adèle Haenel, est le coeur du film. Elle incarne très exactement le parfum de fin du monde dont je causais trois paragraphes plus haut, un air du temps sublimé par le romanesque. Jeune fille et monstre, elle est idéalement adaptée à son milieu (hostile). Puisqu’elle a fait des études d’économie prospective, elle a intégré qu’en ce monde c’est chacun pour sa peau. Elle anticipe que l’apocalypse imminente se doublera d’une lutte de tous contre tous, et que dans le chaos seuls les plus durs survivront. Alors, méthodiquement, elle s’endurcit. Elle se lance dans un stage de préparation militaire. Mais se rend compte qu’elle n’y est pas à sa place. L’Armée est une institution d’un autre temps, une discipline d’arrière-garde, une bêtise périmée : Madeleine y teste la vie à la dure, okay, mais les notions qu’on essaie de lui inculquer, l’obéissance à la hiérarchie, le devoir, la solidarité, le sacrifice, ne signifient rien pour elle. Aussi désuet qu’une uniforme à pompon. Elle quittera son régiment une fois qu’elle y aura puisé les seuls enseignements techniques (mot qu’elle emploie beaucoup) dont elle a besoin.

Le film raconte quelque chose d’important, et d’inédit : l’irruption dans la fiction de cette sorte de personnage signale que cette sorte de personne est possible dans le monde réel. Je crois bien que j’en connais. Et, en plus de ce pavé dans la mare, le film réussit à être drôle, haletant, bourré de péripéties, et même, puisque c’est aussi une histoire d’amour, curieusement charnel (sensualité extraordinaire de la scène du maquillage aux couleurs camouflage, variation martiale du Blason ou du Cantique des cantiques).

Seuls points faibles d’un film, à ceci près, magistral : son titre vague et passe-partout (quel dommage pour vous, si vous passâtes à côté par faute d’un intitulé peu exigeant), et sa BO, tartine techno-french-touch sûrement « originale » mais qu’on a l’impression d’avoir déjà trouvé ringarde il y a 20 ans – même les musiques de Carpenter dans les années 80 étaient plus « modernes ». (Même grief contre Bande de filles de Céline Sciama, autre film passionnant, nécessaire et neuf, avec une musique pénible. Une tendance, apparemment.)