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Archives pour 12/2014

Santé Bonheur

31/12/2014 Aucun commentaire

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Dans l’édition DVD du film Le Bonheur (1965), la géniale et malicieuse Agnès Varda, qui utilise toujours le mot latin bonus au pluriel, a donc ajouté Les boni du Bonheur.

Parmi ceux-ci, on trouve sous le titre « Le bonheur, concept ou patronyme ? » une très brève interview de quelques personnes dont le patronyme est Bonheur. Notamment, une jolie jeune femme se présente à nous avec un grand sourire : « Bonjour, mon nom est Karine Bonheur et je travaille à la Maison de la Santé. »

Santé, Bonheur. De quoi garder le sourire une bonne partie de l’année. Le Fond du tiroir lève son verre et vous souhaite pour l’an nouveau plein de Varda et peu de prison.

Fauve

22/12/2014 2 commentaires

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Les souscripteurs ayant désormais reçu leur exemplaire (merci Yv pour la première recension) de notre roman musical augmenté de sa bande-son sur CD, nous pouvons mettre fin au suspense et lever le voile ci-dessus sur la vraie de vraie couverture définitive de Vironsussi : ni rouge ni grise ni bleue ni verte, tout compte fait elle nous arrive fauve, nuance honeupeuplu appropriée pour notre conte de bête sauvage.

Comme nombre d’autres coups de théâtre ayant émaillé une longue aventure éditoriale, cette idée de dernière minute (la maquette était sur le point d’être envoyée à l’imprimeur) a surgi lors d’une séance de montage-de-bourrichon à deux, entre Olivier et moi, dans une salle de répétition de musique (une autre de ces « sessions de travail » fut relatée ici) :

Moi – Alors, cette couve ? Il est temps de trancher, là.
Lui – Ben je sais pas. La grise a l’air de faire consensus, non ?
Moi – Le consensus on s’en cogne. Faut choisir celle qui nous plaît.
Lui – Heu… La rouge ou la grise.
Moi – La rouge, ou la grise ?
Lui – Quoique la bleue… Elle n’est pas mal, la bleue.
Moi – On n’avance pas. Et que dirais-tu d’orange ? C’est ma fille qui a suggéré orange hier, j’ai d’abord trouvé ça bizarre mais plus j’y réfléchis plus je crois que c’est une bonne idée.
Lui – (grimaçant) Orange ?
Moi – Okay. J’ai compris. T’es pas fan.
Lui – (accentuant sa grimace, visualisant je ne sais quel papier peint des années 70) Tu veux dire, orange, orange ?
Moi – Je veux dire orange fauve, flamboyant, orange qui brûle les yeux, pas fluo mais chaud, tirant sur le brun…
Lui – Par exemple, dans ce genre-là ?… (tapotant du doigt le bois d’une des nombreuses contrebasses au garde-à-vous contre le mur de la salle de répétition)
Moi – (écarquillant les yeux façon Eureka) Le bois de la contrebasse… Mais comment n’y a-t-on pas pensé avant ?

Ni une ni deux, Olivier photographie le dos orangé de sa contrebasse, vieille d’un siècle et demi et couverte d’expressives rayures balayant les motifs ligneux le long de la table, comme si un vironsussi s’était soudain crispé, agrippé à son instrument (« Les ongles de ma main gauche ont égratigné le bois. » Vironsussi p. 149), et il envoie l’image à Patrick. Patrick adopte immédiatement l’idée, recompose sa maquette de couve, l’expédie chez l’imprimeur, et en voiture jeunesse et roulez Simone.

Vous n’aurez donc plus la surprise de la couleur en commandant ce livre. Que cela ne vous empêche pas de le commander. Il ne se réduit pas à sa fauvitude de façade, vous en verrez d’autres, et de belles, et entendrez.

Récupérez-moi !

21/12/2014 Aucun commentaire

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Illusion d’optique : ce n’est pas parce que nous approchons de Noël que la bougie ci-dessus illustre un énième article sur La Mèche (toujours en vente, ceci dit). Cette faible flamme sur fond jaune qui vacille derrière les barbelés est en réalité le fameux logo d’Amnesty International. D’ailleurs sans me vanter je risque gros, la menace sur leur site est explicite, ça fait peur : « Le logo d’AMNESTY INTERNATIONAL FRANCE a fait l’objet d’un dépôt de marque auprès de l’Institut national de la propriété industriel (INPI). Cette marque ne peut donc être reproduite sans l’autorisation du  secrétariat national. Toute utilisation du nom ou du logo d’AMNESTY INTERNATIONAL FRANCE, sans autorisation constitue une contrefaçon, dorénavant punie de peines pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende en cas de poursuites » , la vache, si je me retrouve en taule trois ans pour usurpation de logo, tu sauras pourquoi, n’oublie pas de militer pour mes droits, me laisse pas croupir au fond d’une geôle humide, je suis un être humain merde, je ne sais pas, moi, fais quelque chose, alerte Amnesty.

Et pourquoi que je le reproduis effrontément, le logo, assumant de si terribles risques ? Je vais t’expliquer, pourquoi, attends, laisse-moi digresser, je te raconte.

Je me sens irrécupérable. Parfois, par mélancolie, par pessimisme pathologique, il m’arrive d’être certain que le pire est inévitable. Je prophétise que l’avenir ressemblera fatalement à Zemmour, à Daesh, à Gattaz, à Cahuzac, à Swagg Man, à Guantanamo, à Closer, à Pascal Brutal, à Jessica Deboisat, à Davos et à Fukushima. Et parfois non. Parfois je suis récupérable. Je suis même récupéré.

Hier soir je me trouvais au bord de la route et je me suis fait récupérer. Je rentrais tard du boulot, j’ai couru mais j’ai loupé mon bus, à ça, à rien, sous mon nez. Le suivant et dernier passerait une heure plus tard. Alors j’ai levé le pouce. Je n’avais pas fait du stop depuis des années. C’est très bien, le stop, de temps en temps, pour éprouver son taux de récupérabilité.

J’ai été récupéré successivement par deux personnes qui m’ont chacune offert la moitié de la route. Un militaire (je ne suis pas capable d’aimer l’armée, j’ai mes raisons, j’ai fait mon service, mais je suis capable d’apprécier un militaire, d’aimer un être humain) et une paysanne (et j’aime les paysans comme la paysannerie, moi-même petit-fils de).

D’abord le militaire, qui revenait du Mali, un Noir avec l’accent antillais qui écoutait du zouk mais qui se disait Normand, qui m’a raconté que le plus difficile tout de même à la guerre, c’est que ses enfants lui manquent, un garçon une fille, quatre et six ans, les voir grandir, les voir tout court, enfin là pour ce soir que faire d’autre, il partait rejoindre des collègues pour faire la fête, pas de problème il avait bien le temps de faire un petit détour pour moi ; puis l’agricultrice, une camionnette chargée des provisions hebdomadaires, et l’odeur de fromage, qui m’a dit avoir hésité à me prendre parce qu’elle était épuisée par sa longue journée, elle havait hâte, levée à 4 heures pour son troupeau de brebis, puis là toute l’après-midi jusque trois heures après la nuit pour tenir la permanence de son magasin de producteurs, à quelques jours de Noël tout se jouait, mais que bon, à cette heure-ci il ne passait plus grand monde alors elle ne pouvait pas me laisser là au bord de la route avec le froid, et où est-ce que j’habite ? ah, alors, elle va faire un petit crochet pour moi, oh, non, ça ne la rallonge presque pas. Je suis parvenu chez moi, plus vite qu’en bus et surtout mieux, je me sentais superbien, remonté comme une pendule, méditant la tripartition dumézilienne, le soldat le paysan et le clerc, je voyais bien le rôle qu’il me restait, le costard à enfiler : le scribe, la souveraineté magique et juridique. J’ai encore cette humeur-là ce matin, à t’écrire, à estimer que le pessimisme est un vilain luxe pour qui n’a pas besoin de lever le pouce.

Mais revenons.

Comme je suis irrécupérable mais que j’aime être récupéré, j’ai écrit un livre l’an dernier. Il s’appelle Fatale spirale. Il sort dans quelques jours. C’est un livre à l’envers, qui prend à rebrousse-poil la catastrophe, qui dit Cessez-le-feu sur un ton tout bizarre, tout burlesque, le ton optimiste contrefait par un pessimiste, tout y est à double-fond. Je viens d’apprendre que ce livre a tapé dans l’œil d’Amnesty International France, qui, quelques fois l’an, appose son logo sur la couverture d’un livre choisi dans le catalogue Sarbacane, et explique pourquoi en quat’ de couv’. Je suis soutenu par Amnesty, rends-toi compte, c’est aussi bien que de soutenir Amnesty. Y’a pas à tortiller les gars, faut qu’on se serre les coudes ! Je suis récupéré par Amnesty. Oh oui, récupérez-moi, s’il vous plaît ! Je ne demande que ça, me faire récupérer avec ce bouquin : je veux aller le lire dans les écoles, les lycées, les agoras, les rues, les manifs, partout. À bon entendeur.

À chacun, joyeuse fête de la lumière. Fêtons le solstice, ce jour à partir duquel tout s’arrange, fêtons les Lumières.

J’aime le hurlement du vironsussi le soir au fond des bois

12/12/2014 Aucun commentaire

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Vironsussi, le très attendu ([Par qui ?], comme dirait Wikipédia) livre-CD du Fond du Tiroir, est enfin disponible. Je le tiens entre mes mains et il me réjouit le coeur. Je sens mon poil qui pousse, mes canines qui enflent, mes oreilles qui s’effilent, mes ongles qui pointent. Je ne détaille pas le reste, mais bref tout grandit. J’ai une de ces envies de hurler à la lune, moi. Par surprise, l’ouvrage nait revêtu d’une tout autre couleur que celles envisagées précédemment. Alors ? Alors ? Il ressemble à quoi, finalement ? Suspense !

Les souscripteurs découvriront son teint incessamment, en recevant leur exemplaire dans leur boîte aux lettres. Vous avez encore allez disons deux trois jours quatre maxi pour profiter de la promo de souscription (nous vous faisons grâce des frais de port, téléchargez le bon ici) et recevoir votre exemplaire avant Noël. Après quoi, certes il vous sera toujours loisible de commander le luxueux objet, mais en passant par le bon de commande du Fond du Tiroir.

Pour fêter dignement ce considérable événement littéraire et musical, Télérama, le magazine préféré des bobos, a décidé de consacrer sa une à un portrait du co-auteur et compositeur de cette œuvre épouvantable, j’ai nommé M. Olivier Destéphany. Remarquons que Télérama a tellement de flair que la couverture du journal reproduite ci-dessus, sur laquelle Olivier souffle dans son trombone, date de juin 1991. C’est beau, c’est même beau-beau, d’être à ce point en avance sur son temps.

Noël-Noël est-il le fils caché de Lola Lola et Humbert Humbert ? Et sinon, quoi ?

05/12/2014 Aucun commentaire

Franquin

Pour le plaisir, je reproduis un dessin d’André Franquin. J’admire Franquin avec constance depuis une bonne quarantaine d’année, soit depuis l’instant crucial où, à peine capable de me tenir assis tout seul sur mon derrière, je fus (je me revois) saisi soudain par l’intuition que la destruction par mâchouillage n’était pas le seul usage possible de l’objet « livre » qu’une grande personne avait placé entre mes mains. Depuis lors, jamais je n’ai vu un mauvais dessin de Franquin. Je ne connais que le trait toujours bienveillant de Franquin, expressif, drôle (alors que l’homme était dépressif chronique), généreux, humaniste… Franquin est nourrissant. On puise dans son dessin une joie sans cesse renouvelée, une évidence, une justesse, une souplesse qui est aussi souplesse de l’esprit, on puise tout ce qui semble couler de source mais qui en réalité provient d’un travail acharné, d’une pratique quotidienne. La maîtrise sereine mêlée à la recherche perpétuelle (comme chez Moebius ou Crumb, deux similaires passions de longue durée). Un grand artiste. Une humilité maladive, avec ça.

Pour le plaisir, je reproduis CE dessin d’André Franquin. Autoportrait expéditif, crobard modeste et cependant merveilleusement représentatif de son art. Le contexte a beau être poignant voire funeste (Franquin se remet alors de son premier infarctus – quelques années plus tard, le prochain aura raison de lui), ce dessin est un memento mori plein de grâce, d’esprit, de vie même, de profonde légèreté, de métaphysique-pour-tous, qui rendrait des points aux variations sur le même thème par les maîtres de la Renaissance.

Je constate que je me suis laissé déborder… Je voulais procéder comme d’habitude, glisser une illustration sans rapport direct avec mon propos, et sans prendre le soin d’expliciter le lien, débrouillez-vous lecteurs, je vous tiens pour intelligents… Mais ce matin, pour une fois, l’exégèse du dessin a pris le dessus, j’en ai finalement écrit deux paragraphes. C’est parce que j’aime Franquin. (Sous ce lien, une mise en scène maison, autre hommage à un gag de Franquin.)

Revenons tout de même au sujet. Or quel est-il ?

Il est plus tard que je ne croyais. Le temps vole : c’est un oiseau, c’est un voleur.

Deux ans que je n’avais pas publié de livres. Je rattrape en vitesse, avec un doublon, un doublet, un doubli, un double-clic, deux livres en quinze jours. Des faux jumeaux, comme en 2010.

* Vironsussi, avec Olivier Destéphany et Romain Sénéchal, Le Fond du Tiroir, décembre 2014 (op. 15)

* Fatale spirale, avec Jean-Baptiste Bourgois, Sarbacane, janvier 2015 (op. 16)

Tous deux sont calés, chez l’imprimeur, cordon coupé, je ne peux plus corriger, je peux toujours me gratter. Ils ne se ressemblent pas tellement. Je sais de moins en moins quoi répondre quand on me demande Vous faites quoi comme genre de livre, aucune idée, un livre après l’autre, pas très vendeur l’absence de genre. Ces deux-là je leur cherche des points communs… À première vue je n’en trouve qu’un, peu significatif : ils contiennent tous deux l’expression « œil pour œil dent pour dent ». Je suis le maître es-Talion, ou quoi ?

Concernant l’arrière-boutique au Fond-du-Tiroir, sachez que la souscription de Vironsussi a relativement bien marché : plus de 30 souscripteurs à ce jour, merci à eux. Le livre atteindra son seuil de rentabilité au bout de 230 exemplaires écoulés, c’est dire si nous ne sommes pas encore extraits des ronces (certes on a fait pire : certains titres antérieurs, comme La Mèche ou L’Échoppe n’ont remboursé leurs frais de fabrication qu’au bout de plusieurs années ; d’autres comme ABC Mademoiselle ou Lonesome George n’y parviendront a priori jamais…), donc continuez à remplir et renvoyer le bon de souscription, braves gens ! Et vous recevrez avant Noël un bel ouvrage augmenté de son CD. En déballant le paquet, vous découvrirez en outre et en exclusivité la vraie couleur de sa couverture, différente des quatre précédemment envisagées… Encore plus belle, je ne vous dis que ça. Les non-souscripteurs ne savent pas ce qu’ils perdent. C’est même à cela qu’on les reconnaît.