Archive

Archives pour 10/2014

Henry Cording

27/10/2014 Aucun commentaire

Vironsussi 013

Toute cette semaine : gaffe à la loupiote rouge SVP, enregistrement en cours.

Olivier Destéphany et moi-même enregistrons, en compagnie d’une tétra-tripotée de musiciens invités, et grâce aux compétences d’ingénieur-son, cyniquement exploitées et outrageusement sous-payées, de Norbert Pignol, le CD qui sera joint au roman Vironsussi (bon de souscription en ligne ici même, sous peu, on ne sait pas trop, disons la semaine après la semaine prochaine).

Ce CD sera constitué de sept pistes. Les six premières, instrumentales, constituent la « bande originale du roman » . L’ultime, d’une durée d’un petit quart d’heure, est un duo entre Olivier (à la contrebasse solo) et moi-même (aux murmures, aux vociférations, aux hurlements bestiaux et chuchotements gutturaux, aux poussées de fièvre, aux postillons expressionnistes et à la littérature). Bref, un authentique morceau de Fais-moi peur comme si vous y étiez. Un quart d’heure de transe pour seulement cinq pages du roman (qui en compte quelques 200) – équation qui nous laisse perplexes lorsque nous nous rappelons avoir envisagé, pas très longtemps mais tout de même, d’enregistrer l’intégralité du livre. Nous étions jeunes et idiots.

Le fruit de ce travail sera également exhibé sur scène le 21 janvier 2015, cochez-moi ça dans votre agenda.

Vironsussi 017

Norbert et Olivier écoutent le résultat. Et simultanément le regardent, en pleine synesthésie.

Vironsussi 030

M. Olivier Destéphany, quelques secondes avant sa transformation en vironsussi. Ensuite, on ne l’a jamais revu.

quatuor

Le quatuor, à cordes, et à l’oeuvre.

Vironsussi 024

Mon pupitre, avec le texte, le casque, le micro, et à titre d’inspiration une gravure signée Romain Sénéchal.

Le Nobel c’est de la dynamite

13/10/2014 un commentaire

patrick-modiano-hugues-de-courson-fonds-de-tiroir

Ah, tiens ? Patrick Modiano. Un prix Nobel de littérature que j’ai lu. Ça ne m’était pas arrivé depuis 2008. C’est bien, lire un Modiano de temps en temps. Même un nouveau, on a l’impression de l’avoir déjà lu, mais peu importe, le précédent aussi était bien.

Comme s’il était mort, sauf qu’en plus il est vivant et qu’il vient de sortir un livre, les hommages à, et biographies de Modiano ont pullulé dans les médias, et ça nous a ventilé les neurones, ça nous a reposé de Zemmour,  un petit air frais comme si quelqu’un avait ouvert une fenêtre.

J’ai appris à cette occasion que Modiano avait écrit tout un album de chansons, enregistré par son vieil ami Hugues de Courson, sous le titre Fonds de tiroir. Je me suis rendu compte, creusant la question, que je connaissais certaines de ces chansons par des reprises, notamment La coco des enfants sages par le groupe Casse-Pipe.

Un chansonnier nobélisé ? C’est sa fille qui doit être fière, chanteuse de la famille ! Sincères félicitations à Modiano ! Toutefois… J’avoue être très réservé quant à l’intitulé de cet album… Fonds de tiroir, il faut reconnaître que ça ne fait pas très sérieux… Pas vendeur du tout, aucune chance de marcher, aucun avenir, suicide commercial, facilité, humour potache, autodérision balourde, nihilisme et balle dans le pied…

Ah ah ah, tu en veux-tu, de la dérision, mon p’tit gars ? Bouge pas, j’en ai, écoute ça. Mes beaux-parents déménagent. Ils passent ces jours-ci d’une grande maison à un petit appartement. Ils bazardent à tour de bras, ménagent par le vide, toute une vie bien siphonnée, par pans à la benne… J’avais toujours vu chez eux une élégante et intimidante collection de livres, un alignement d’épais volumes reliés, par dizaine, cuir blanc ou simili, crobard de Picasso sur la couverture. Il s’agit de la collection Prix Nobel de Littérature des éditions Rombaldi, commercialisée par correspondance dans les années 60 et 70. Plusieurs mètres linéaires, chaque Nobel par ordre chronologique depuis 1901 avait droit à sa reliure blanche et à son Picasso, une bibliothèque qui tenait toute seule, un patrimoine culturel qui imposait le respect,  qui serait transmis de génération en génération, qui était très répandu dans les bonnes familles bourgeoises des Trente Glorieuses… Aujourd’hui, plus personne n’en a que faire. Cette magnifique somme populaire de Littérature estampillée Nobel a trop couru, a vécu, n’a pas été beaucoup lu, et aujourd’hui elle se trouve facilement sur eBay. Mes beaux-parents ont essayé de placer leurs Nobel d’occase sur Leboncoin, à vil prix, puis à très vil prix, puis gratos à enlever sur place. Jusqu’ici, pas de client. Sic transit gloria liberi. Nobel, t’façons, c’est de la dynamite.

L’extraordinaire monde intérieur des écrivains

10/10/2014 Aucun commentaire

simmonds3-837x1024

Je lis, tout désopilé, Literary life de Posy Simmonds, qui raconte à l’anglaise, la-langue-dans-la-joue, le milieu littéraire, ses vanités, ses frustrations, ses malentendus et ses aléas. Et page 37, je tombe sur ce gag-ci.

Or illico je le reconnais : je l’ai déjà lu il y a plus de 30 ans, sous la plume de notre Posy Simmonds à nous, j’ai nommé Claire Bretecher. C’était ce gag-là.

Même idée exactement, même lenteur puis même chute rapide, même ressort comique. Seule différence en 30 ans (à part l’ordinateur qui remplace la machine à écrire) : l’inversion des sexes. L’auteur est devenue auteure, peut-être même une autrice, et c’est son époux, au lieu de l’épouse, qui s’occupe des enfants et veille à ne pas la déranger parce qu’elle a un livre à écrire. Est-ce un progrès ? Est-ce le seul progrès d’une époque sur l’autre ? Oui. Je fais partie des dégénérés qui croient que la possibilité d’intervertir les rôles sociaux dévolus aux deux sexes est une mesure très fiable du progrès social. Et j’emmerde la Manif pour tous.

Pour le reste, rien n’a bougé. Le monde intérieur des écrivains, ces héros (et héroïnes, donc) de la modernité post-romantique, est demeuré un mystérieux sanctuaire extraordinairement fascinant. Je vous prie de me laisser seul, à présent, j’ai un livre à écrire.

L’Échoppe : fermeture définitive

07/10/2014 Aucun commentaire

L Echoppe en robe rougeLe rêve est une seconde vie. Gérard de Nerval

L’opération S.U.M. Pack est close. Une douzaine de packs ayant été écoulée, je n’hésite pas à parler de triomphe, puisque j’espérais, téméraire, parvenir à dix. Merci douze fois, grâce à vous douze la sortie du prochain livre sera un tout petit peu moins compliquée (très-très compliquée seulement, au lieu d’insurmontable). Et spécial double-merci à Marie S., qui a poussé le mécénat et l’élégance jusqu’à me dire « Voici l’argent du pack mais pas la peine de me l’envoyer, je n’en veux pas, tes livres je les ai déjà » … À ce compte-là, j’eusse préféré qu’elle m’en commande 3 ou 4 ou même 15, mais je n’ai pas osé réclamer, c’eût été de l’abus. Je me contiens toujours quand je sens que j’abuse, je suis un gentleman.

Je reparlerai bientôt du monstre sur le point de s’échapper du Tiroir, qui en déforme déjà les battants à coups de boutoir… En attendant, ayons une pensée pour le livre qui y retourne à jamais : notre grande promo d’automne a eu pour effet collatéral d’épuiser définitivement le tout premier livre qui, en 2008, fut orné du logo Tiroir-qui-vole : L’Échoppe enténébrée, récits incontestables.

Adieu, adieu ! Adieu livre de rêve, rêve de livre, adieu prime aventure ! Je t’aime mais ne te réimprimerai jamais ! L’argent se fait si rare qu’il est jalousement réservé aux caprices nouveaux, crèvent les vieilles lunes !

Coïncidence : le jour où je fais le deuil de ce petit volume dont la couleur de couverture fut choisie in extremis, la veille de l’impression, en référence subliminale à la « chambre rouge » de Twin Peaks, endroit secret où les rêves révèlent la vérité, j’apprends le retour prochain de la série matricielle et hallucinogène…

L’aspirant habite Javel

06/10/2014 3 commentaires

9782848657509,0-2464383

Allons sois raisonnable, patiente ! Patiente ! Il ne sert à rien de l’annoncer trop tôt, attends la saison prochaine… Encore un mois… Encore une semaine… Encore un jour… Allez, attends encore une heure…

Oh et puis zut j’ai assez attendu, je trépigne et je dévoile : après un hiatus de près de cinq ans (c’est comme ça) durant lequel mon unique éditeur aura été Le Fond du tiroir, I’m back in the game. Dans trois mois, le 7 janvier 2015, sera disponible en librairie Fatale spirale, album fort singulier que j’ai écrit, que Jean-Baptiste Bourgois a illustré, et que Sarbacane a édité. J’avoue, je suis impatient. Je vais l’être encore trois mois. Heureusement, pour m’occuper l’esprit, j’ai un livre à boucler pour le Fond du tiroir.

Moi la synapse

01/10/2014 un commentaire

full_lp001couv_prokon_ok

Regarde-le lui-là qui revient enfariné bismuthé, avec ses deux neurones… Au moins grâce à lui on se souvient fugitivement pourquoi en 2012 on a voté pour l’autre.

Bon. Pour éviter que l’actualité politique ne me rende complètement idiot, je lis des livres. Les livres sont comme les neurones, bons à rien un par un, fertiles et utiles dès qu’ils se connectent, à la faveur d’une synapse. Vive Hermès, dieu de tout ce et de tous ceux qui se déplace(nt) ! Dieu des connexions ! Dieu des voleurs, des commerçants, des messagers, et des synapses ! Des magiciens aussi, c’est logique.

Comment faire bon usage de ses synapses ? C’est en mélangeant qu’on invente, et j’ai pour habitude d’associer les idées… La manie de faire surgir des liens entre des éléments disparates porte un nom : l’apophénie. L’apophénie peut conduire à diverses pathologies mentales comme la théorie du complot, mais elle fait merveille dans le processus créatif, pour révéler (ou inventer, mais c’est presque pareil) le sens caché des choses. On ne m’ôtera pas de l’idée que l’apophénie, favorisant la « rencontre fortuite » , fait les poètes, depuis que le parapluie, la machine à coudre et la table de dissection font la poésie.

Je lis coup sur coup, d’une même lecture, deux livres sans le moindre rapport. Je fais le rapport. C’est moi la synapse.

La présence de Pierre Jourde (éd. Les Allusifs, 2011) est un récit autobiographique et anxiogène sur l’attachement morbide à un lieu familier, en l’occurrence une maison d’enfance, écrit comme un conte d’angoisse de Maupassant. Les objets, et les masses d’air elles-mêmes qui les renferment, sont des fantômes.

Prokon de Peter Haars est une bande dessinée d’agit-prop-psychedelik-crypto-situ, une grosse farce à grosse trame, singeant Roy Lichtenstein et la société de consommation, et réinventant peut-être sans les connaître ses contemporains, Guy Pellaert ou Spain Rodriguez. Publié en 1971 par le graphiste suédois Peter Haars, cet objet hallucinogène où un savant fou menace par pure méchanceté l’économie capitaliste en rendant les marchandises éternelles (au lieu que d’être jetables selon le principe de l’obsolescence programmée), est enfin traduit, pour la première fois, par les rares et excellentes éditions Matière.

Dans le premier, je lis ceci :

Comme toutes les pièces [de la maison familiale inoccupée], le petit salon rouge comportait un lit, équipé de plusieurs matelas superposés, et une surpopulation de chaises, car il s’agit de ne rien laisser perdre. Jeter une vieille chaise est en soi inimaginable. La maison avait donc tendance, au fil des années, à s’enrichir de tous les meubles usagés qui ne servaient plus […] mais qu’on entreposait, au cas où. Aucune de ses pièces qui ne fût encombrée de sièges, semblant toujours attendre que quelqu’un voulût bien s’y poser, ce qui n’arrivait jamais. […]
L’amoncellement d’objets, la poussière, la prolifération des recoins d’où l’obscurité souriait comme une eau les retirait à eux-mêmes, les dérobait à l’emprise de la main ou du regard.
Le plus vaste de ces espaces était le grenier qui occupait tout le deuxième étage, au-dessus des chambres, voué tout entier à l’amoncellement d’un capharnaüm séculaire. On n’y montait jamais que pour ajouter l’un de ces innombrables objets inutiles qui peuvent toujours servir, selon les préceptes de la prudence paysanne. On apercevait des dictionnaires, des lits de fer, des fusils, des casques, des chaises, des lessiveuses, des bancs, des balances…

Dans le second, cela (notons que, le dogme productiviste restant inchangé depuis des décennies, on ne peut se douter que cette caricature date de 1971) :

Prokon était une ville heureuse…
Où chacun pouvait tout se permettre… d’en profiter !
Chacun pouvait acheter… consommer… et se fournir à nouveau !
À Prokon, tout le monde avait un travail.
Les produits étaient séduisants.Tout le monde désirait les acquérir.
Ainsi, tout le monde était heureux : les commerçants, les ménagères, les jeunes, les cadres, les patrons, les ouvriers.
« Nous produisons nos propres besoins : nous formons une grande famille heureuse dans une société libre. »
Mais !
Au plus profond de la forêt, le Dr Dracenstein mettait au point une sinistre invention.
« Ah ! Ah ! Ah ! Ah ! Je serai le maître de Prokon !
Tout ce qui sera aspergé par ce fluide durera…
ÉTERNELLEMENT !
La « loi de l’offre et de la demande » qui régit Prokon va m’aider à vendre la pulvérisation d’éternité qui… mènera au chaos !
Mon invention va annihiler Prokon ! »

Je ne sais si quiconque en dehors de moi voit le rapport. Après tout, une synapse, c’est perso. Mais moi je vois même, et très clair, le rapport entre J’ai inauguré IKEA et Double tranchant, c’est pour dire. D’ailleurs, maintenant que j’en parle, c’est un peu du même ordre… La fabrication et la circulation des objets… Le destin des choses…