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Pendant que personne ne regarde

Entendu dimanche soir ce dialogue, durant l’auguste émission Le Masque et la Plume, sur France Inter. Les critiques débattent d’un roman de Claudie Gallay intitulé L’amour est une île.

Jean-Claude Raspiengeas (critique littéraire au journal La Croix, il cherche à défendre le livre) : Non… Ce que je crains, là, c’est qu’on en dise le plus grand mal, alors qu’il faut juste descendre de quelques marches… On est face à un type de littérature sur lequel on va émettre des réserves, pour être poli. Je pense simplement que là, il faut abandonner notre appareil critique habituel et accepter ce livre, qui est un livre agréable à lire, qui comporte quelques faiblesses, quelques naïvetés, quelques maladresses… Mais qui, dans son genre, tient la route, voilà, qui parle assez bien d’une histoire d’amour…

Nelly Kapriélian (critique littéraire au journal les Inrockuptibles) : Je ne suis pas du tout d’accord avec Jean-Claude ! Il y aurait des livres pour lesquels il faudrait abandonner un appareil critique et puis pas d’autres ? Surtout, je pense que plus ils ont de succès, plus ils se vendent. Alors pourquoi ne pas appliquer notre appareil critique ? Je ne pense pas qu’on lui fera beaucoup de mal. Et par ailleurs je ne vois pas pourquoi on aurait cette condescendance avec Claudie Gallay. Moi tout simplement je n’ai pas adoré son livre…

Jean-Claude Raspiengeas : Erreur d’interprétation ! Condescendance ? Aucune condescendance ! Je n’accepte pas le mot condescendance !

Nelly Kapriélian : Ah ben tant pis pour toi ! Dire « il faut abandonner son appareil critique pour Claudie Gallay », c’est de la conscendance ! Jean-Claude, tu as été condescendant ! C’est pas bien, de dire ça pour Claudie Gallay, je ne trouve pas ça bien… Elle mérite une critique, comme tous les auteurs ! Je ne vois pas pourquoi… C’est pas un auteur pour enfants, c’est un livre absolument digne, qui mérite une critique, comme tous les autres livres.

Cette énormité a glissé sur les ondes comme lettre à la poste. L’émission a suivi son cours, comme si de rien. Ces messieurs-dames, très sérieux, avaient de plus graves sujets de discorde : le fait de balayer la littérature pour enfants comme impropre à tout discours critique était, quant à lui, consensuel. Il est frappant de constater que les Inrocks, bastion d’exigence esthétique et/ou de branchitude parisienne, rejoint en esprit les poncifs d’une certaine doxa réactionnaire et bien-pensante, ces deux adversaires idéologiques communiant enfin, dans l’éternel déni d’un statut de création, d’art, à tous les objets ce que l’on refourgue aux marmots. La littérature jeunesse comme paillasson devant la porte de la Littérature : tout le monde s’y essuie les pieds sans même y penser, cela nous fait au moins une valeur en commun.

Ceci pour dire qu’aujourd’hui le salon du livre de jeunesse de Montreuil ouvre ses portes. J’y serai dimanche et lundi.

  1. 01/12/2010 à 10:04 | #1

    Et vlan ! Ben moi, je n’ai aucune condescendance pour ce genre de personnes. Alors je fais tourner ton article, que tout le monde sache à quel point la « littérature jeunesse » est appréciée par les intellos menthe à l’eau. Une littérature qui, comme toute littérature, comporte ses chefs d’œuvre et ses paquets de lessive, mais qui a l’avantage sur la générale d’être au commencement des choses : si la littérature « vieillesse » a demain des lecteurs, elle les devra à la « jeunesse ».
    Allez, bonbons Haribo pour tout le monde, les auteurs, illustrateurs, créateurs jeunesse font la fête à Montreuil…

  2. 01/12/2010 à 10:51 | #2

    Et si on disait une bonne fois pour toutes à ces respectables critiques qu’on les emmerde ?

  3. 01/12/2010 à 12:05 | #3

    Moi j’aime bien quand Cécile fait « Vlan! »
    Merci d’avoir fait tourner Cécile, merci d’avoir relevé Fabrice et… pour les bonbons Haribo, j’en suis!

  4. 01/12/2010 à 12:12 | #4

    Leur commentaire est assez con, et de base, pourrait-on dire mais faut bien avouer que les « auteurs jeunesse » ne font pas grand-chose pour contrebalancer ce genre d’opinions : ils travaillent beaucoup avec des schémas tout faits, des poncifs en veux-tu en-voilà, des thèmes porteurs (comme certains adultes, on m’ dira avec justesse), avec une volonté pédagogique, etc. Je ne suis pas en train de jeter le bébé avec, etc, mais je ne me sens pas l’envie de défendre une corporation à tout prix.
    A part ça, il y a des « auteurs jeunesse » qui pissent mille fois plus loin que la majorité des « auteurs adulte »…

  5. 01/12/2010 à 13:50 | #5

    Ce que ces gens obtus semblent ignorer c’est que les lecteurs adultes sont d’abord des enfants et des adolescents. Et que c’est parce qu’ils ont eu accès à de la bonne littérature pour la jeunesse, qu’ils deviennent des lecteurs avides et exigeants.

  6. 01/12/2010 à 14:57 | #6

    Pas la première fois que Le Masque et la plume se laisse aller à des considérations méprisantes pour la littérature jeunesse. Mais c’est plutôt la preuve d’une véritable ignorance sur le sujet, un peu comme le sieur Busnel qui avouait ici: http://www.lexpress.fr/culture/livre/lisez-jeunesse_939382.html
     » Je dois l’avouer, je n’ai jamais cru aux vertus de ce que le monde de l’édition appelle la « littérature jeunesse ». Sans doute est-ce une tare, mais ce « secteur » m’est toujours apparu comme une invention marketing destinée à écouler une production souvent mièvre et à soutenir des maisons en mal de chiffre d’affaires. »
    Il y a de la mauvaise littérature jeunesse, comme de la littérature vieillesse plus que médiocre.

    Sauf que nous, on ne l’insulte pas.

  7. Alinoé
    01/12/2010 à 16:04 | #7

    Ce besoin de tout mettre dans des cases, il paraît que c’est à cause de Descartes … Enfin, on devrait plutôt penser que toute la littérature s’adresse à tout le monde, que les livres purement Adultes, sont ceux que les enfants ne vont pas lire, c’est à dire deux catégories : les interdits aux mineurs, et ceux qu’ils trouveraient ennuyants (encore que là ça peut varier d’un lecteur à l’autre).
    Il y a « le forum des lecteurs » http://livrebd.forumactif.com/ où les plus de 18 ans lisent avec gourmandise la dite littérature jeunesse, et même les albums illustrés. Voilà de quoi se consoler.

  8. 01/12/2010 à 20:45 | #8

    Vive la littérature jeunesse, la littérature vieillesse et la littérature entrelesdeuxâgesques ! Que toutes puissent vivre être lues et appréciées pour ce qu’elles sont : de la littérature. Pourvu que le livre soit bien écrit, il sera bien lu.

  9. 02/12/2010 à 00:24 | #9

    Le mépris et la condescendance pour la littérature de jeunesse sont fréquents. Nous les retrouvons à tous les niveaux de la chaîne du livre, à la bib c’est pareil l’équipe jeunesse… je vous passe les commentaires. Je pense comme Maryvonne que cela tient beaucoup de la méconnaissance du sujet, ceux qui critiquent de façon négative ne lisent pas de littérature de jeunesse. Nous savons tous que les auteurs (jeunesse) méritent… le Goncourt ! Vive la littérature de jeunesse !! Vive les auteurs (jeunesse) !!
    Lj83
    http://lecturejeunesse83.wordpress.com

  10. 02/12/2010 à 08:11 | #10

    voila qui nous conforte dans le choix de toujours dire les mots complètement, les mots « littérature jeunesse » et ne pas aller à la facilité, rapidité de « jeunesse ».
    continuer d’accoller ces deux mots, c’est dire!
    ceci rejoint ta traversée des librairies et le « c’est pour quelle tranche d’âge »!!!
    à dimanche et lundi frangin

  11. 02/12/2010 à 10:58 | #11

    Ce que j’ai ressenti durant cette émission c’est le malaise des critiques qui n’ont pas osé dire tout le mal qu’ils pensaient du dernier roman de Claudie Gallay, ce dont ils ne se privent pas quand c’est Claudel ou Gaudé, pourtant). Comme eux j’ai détesté ne pas aimer ce roman (http://lacompagniedeslivres.over-blog.com/article-les-grosses-deceptions-de-la-rentree-2010-58116899.html) alors que jusqu’ici elle avait fait un parcours sans faute.

  12. Valérie Thorel
    03/12/2010 à 16:30 | #12

    Je m’attendais à une réaction suite aux propos de Nelly Kapriélian, d’autant plus que ce fut une émission à certains moments tendue. Eh non ! Visiblement tout le monde était d’accord, pour une fois, dès l’instant qu’il s’agissait de déconsidérer, ou plutôt de ne pas considérer, la littérature jeunesse. Pourquoi ce mépris, alors que dans la même émission consacrée au cinéma, on critique, et souvent positivement, le cinéma d’animation, Ponyo sur la falaise, Mia et le Migou… ? La littérature doit être une chose trop importante et sérieuse, un truc d’adultes quoi !

  13. fred paronuzzi
    03/12/2010 à 20:18 | #13

    Gros dégoût. Est-ce que l’on met moins de sueur, de passion, de travail, d’amour, de tripes dans l’écriture d’un livre dit « jeunesse »? Non, putain, mille fois non! Si l’on est honnête, on écrit. Point barre. Parce que c’est nécessaire. Pour soi. Sans penser au lecteur, à l’éditeur, au plan de carrière, au Pape, que sais-je…
    « C’est pas un auteur pour enfants, c’est un livre absolument digne. »
    Burp. Renvoi.

  14. Franck Pélissier
    07/12/2010 à 00:40 | #14

    Globalement d’accord avec tout ce que j’ai pu lire ici. Pas tout à fait d’accord avec Stéphie : je n’ai jamais vraiment « eu accès à de la bonne littérature jeunesse » durant l’enfance et l’adolescence et ça ne m’a pas empêché de devenir un lecteur « avide et exigeant » passé le cap des 30 ans. Je ne pense pas qu’il y ait ainsi de règle pré-établie, de chemin absolument balisé.
    Mais plutôt que de continuer à ergoter ainsi, sur le blog de Fabrice, est-ce qu’au moins l’un d’entre vous s’est fendu d’un courrier au Masque pour exprimer son indignation ? Ce serait peut-être (encore) plus efficace, non ?

  15. 14/12/2010 à 11:34 | #15

    A propos des Zinrocks, je pense qu’il existe une guéguerre qui n’en a pas le nom entre Télérama et Les Inrocks qui sont les deux hebdos phares de la branchitude parisienne (je n’en lis aucun, me suis désabonné il y a déjà longtemps). Il est de bon ton de lire l’un ou l’autre et c’est une façon de faire savoir et reconnaitre qu’on est quelqu’un qui a de la culture. Or Télérama est le partenaire officiel (avec Le Monde, qui est du même groupe de presse) du Salon de Montreuil. Salon qui est au Livre de Jeunesse ce que Lourdes est au chrétiens, La Mecque aux musulmans et Jérusalem aux juifs. Du coup on peu comprendre le manque d’intérêt voire l’aversion ce cette journaliste Nelly Kaprielian pour ce qui lui semble n’être que de la guignolade.

  16. 15/12/2010 à 15:14 | #16

    J’avais écrit au Masque sur le coup, le 28 nov au soir, furieuse de cet échange « condescendant et demi ». Mais emportée par ma colère, je me suis trompée de coupable. Grâce à la revue de presse de la Charte, j’ai découvert ce blog de Fabrice Vigne, réalisé ma bévue… et re-écrit derechef ce matin le texte ci dessous. A voir, ou plutôt à écouter lors de la prochaine émission consacrée aux livres : ma protestation aura-t-elle droit à qqs secondes d’antenne ? (à noter que j’ai écrit 4 fois et… été lue 4 fois) En tout cas ça fait du bien de savoir que je ne suis pas seule à bondir à côté de mon transistor ! MERCI !

    « RECTIFICATIF ! Je vous ai écrit mon choc et mon dégoût en entendant dans votre émission littéraire du 28 novembre Jean-Claude Raspiengeas se faire traiter de CONDESCENDANT par une CONDESCENDANTE AU CARRÉ que j’ai crue être Olivia de Lamberterie. Pardon Olivia ! La snobish Miss Critique qui s’arsouille au champagne avec son ami Houellebecq et qui a osé lâcher (il s’agissait d’un livre de Claudie Gallay) : « CE N’EST PAS UN LIVRE POUR ENFANTS TOUT DE MÊME ». La coupable était NELLY KAPRIÉLIAN ! Mon haro s’adresse donc à NELLY qui devrait prendre le temps de découvrir quelques-uns, juste quelques-uns, des TRÉSORS que publie l’édition jeunesse actuelle ! A noter que Miss Nelly n’a pas fait bondir que moi, mais aussi LA CHARTE DES AUTEURS ET ILLUSTRATEURS JEUNESSE, association regroupant plus de 1000 créateurs de toutes plumes et pinceaux, des créateurs qui mettent tout leur coeur et leurs (grands) talents à séduire le moins complaisant des publics : les jeune lecteurs qui deviendront… GRANDS et peut-être aaarrrggghhh écouteront vos critiques, Miss Nelly Rabat-Joie !

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