C’est reparti pour un four
Je n’avais pas autant désopilé en lisant un livre depuis belle lurette : Le Tampographe Sardon – déjà, cette somme se singularise par une anomalie : son titre et son auteur sont une seule et même chose, Le Tampographe Sardon, coïncidence entre le sujet et l’objet, très existentialiste au fond, je suis ce que je fais, pratique courante en musique où l’on n’hésite pas à intituler son album de son propre nom, surtout si c’est le premier, mais en bibliophilie je ne songe à aucun précédent, il doit pourtant s’en trouver, dites-moi si vous avez ça en tête, oh, pas de jeu-concours, rien à gagner cette fois-ci, je réfléchis c’est tout, si vous voulez bien vous donner la peine de réfléchir avec moi, je cherche, je trouve en quelques secondes des livres dont le nom de l’auteur fait partie du titre, celui-ci par exemple, ou celui-là, ou cet autre, sans parler des innombrables Vie de Untel écrite par lui-même, mais l’identité parfaite nom/auteur, je ne vois pas, ah, un instant, madame la Présidente murmure dans mon oreillette, elle me souffle ceci, c’est exact, bon, je m’éloigne du sujet.
Je disais donc, je désopile. Je lis dans mon lit ce pavé sans exemple, j’en suis secoué de spasmes, et pas que de rire, parfois ça grince aussi, ou parfois les deux, comme dans la page 238 du livre où l’on commence par l’un pour sombrer dans l’autre.
Sardon trouve même le moyen de pervertir le paratexte de son bouquin : à la fin du volume, la page Du même auteur est rebaptisée Précédents échecs commerciaux. Ah, j’éclate de rire à nouveau ! Mais tout de suite après, je re-grince, parce que cela me rappelle que je publierai sous peu mon propre prochain échec commercial, et que je ferais bien de retourner au boulot sur mon histoire de tortue plutôt que de rigoler comme une baleine amère. Je m’y remets, le coeur joyeux, je choisis pour cet article une illustration qui m’évoque à la fois les tortues et le printemps, je me sens tout printanier moi-même, en plus nous changeons d’ère politique dans quelques jours, enfin débarrassé de l’exaspérant prince du bling, on n’en peut plus de cette arrogance, de cette vanité vulgaire, de cette démagogie, de ces mensonges continuels, de cet arrivisme, de ce mépris, de cette violence symbolique (putain, il m’est resté dans la gorge, son « discours de Grenoble », ma cité, ma cité à moi est célèbre grâce à ça, sagouin ! voyou ! sauvageon ! terroriste !), de ce clivage permanent entre les bons et les mauvais (sa dernière invention, vraiment la dernière espérons-le : « la fête du vrai travail » pour ceux qui travaillent plus pour gagner plus de Rolex, par opposition aux feignasses fonctionnaires paupérisés et/ou créateurs désargentés dans mon genre, tous losers répugnants cancers), c’est simple je me sens insulté dès qu’il ouvre la bouche, de la même façon très exactement que je me sens insulté quand je vois ou entends une publicité, la pub cherche à occuper mon cerveau et me prend pour un con, ce type qui fait pareil au fond n’est pas un Président, c’est une publicité pour un Président, alors d’accord, on peut regretter que son challenger soit un pépère un peu terne qui dans les cinq ans à venir nous décevra fatalement, il lui manque sans doute quelques qualités, mais au moins n’a-t-il pas tous ces défauts, je crois à la puissance des symboles, or le Président se pose comme symbole et il me représente, moi et soixante-cinq millions d’autres misérables, si être représenté par un gros pépère socio-démocrate est peu reluisant, l’être par un gougnafier démagogue qui flatte l’extrême droite prolétarisée ou plutôt le prolétariat extrême-droitisé afin de continuer cinq ans de plus à rouler pour le Rotary est toxique, il s’agit maintenant de décider si on préfère avoir une image de son pays, par conséquent, un peu, de soi-même, peu reluisante, ou bien toxique.
Ah ? Tiens ? Je me suis encore éloigné de mon sujet. Un peu de mal à me concentrer. « Je suis moins guéri de politique que je ne le crois s’il s’agit d’aller botter le cul de cette andouille de etc. » Ce n’est pas de ça que je voulais parler. Je voulais parler du septième continent en plastique. Une autre fois.
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