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Éloge de la série B

Ça y est : j’ai écrit et interprété une histoire d’épouvante. J’ai pris, à me transformer en monstre, un pied lui-même monstrueux. Je n’étais même pas sûr d’être capable de donner dans le genre fantastique, pour la bonne raison que je pâtis de mes études. J’ai l’impression de savoir comment ça marche, j’ai le citron farci d’éxégèse, de schémas narratifs, de structures quinaires, de Vladimir Propp, CLS et consorts, et toutes ces dissections théoriques, que je suis loin de renier, m’inhibent, brident fatalement l’imagination : au moment de bricoler ma terreur, ma malédiction, ma scène atroce où un pauvre type bascule dans la folie et libère la créature infernale en lui, je me dis oh la la j’ai déjà vu et lu ça douze mille fois, quel cliché, quelle pauvreté, le (vrai) démon de mon coeur s’appelle à-quoi-bon comme disait un écrivain qui justement a écrit quelque chose à propos de Satan, ton loup-garou est en carton-pâte, laisse tomber vieux, tu viens de réinventer l’eau tiède, tiens si tu allais plutôt faire un sudoku et boire une bière…

Je ne remercierai jamais assez Olivier Destéphany, co-auteur sur ce coup-là (en plus d’être compositeur) de m’avoir entraîné sur ce terrain. Nous l’avons faite, notre scène de transmutation, oh oui pas à moitié, et nous avons exulté. Le concert (orchestre à cordes dirigé par Christine Antoine) a été fabuleux et quant à moi, sans me vanter, humblement au contraire, je me suis montré à la hauteur du petit gars Stan, dans Jean Ier le Posthume : j’y ai cru, à mon conte fantastique, donc je l’ai fait croire.

Vive l’histoire qu’on raconte pour la joie de l’histoire. Vive la série B. Vive l’épouvante, vive le cauchemar et le frisson primitif, vive le premier degré et les EC comics, vive Roger Corman et les hurlements déchirants au plus noir de la nuit. Comme un conte, et d’ailleurs ce sont des contes, les histoires de genre sont à réinventer à chaque fois qu’un nouveau conteur les susurre ou les hurle à un nouvel auditeur. Les clichés n’existent pas, n’ont jamais existé, puisque l’émotion est neuve à chaque fois.

Vironsussi est un « travail en progression » comme on dit en anglais. La première phase s’est achevée, et a donné ceci. Reste à ne pas mollir, à concrétiser la suite, le livre avec Romain, le CD avec Olivier, etc. À suivre. (Ouah, rien que ça, À suivre, dans ces deux mots toute l’excitation du roman feuilleton…)

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