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Aujourd’hui, il pleut

Il y a presque trois ans, j’entamais l’écriture d’un livre intitulé Les Giètes.

Il y a dix-huit mois, ce livre paraissait, livre de deuil, de préparation au deuil, deuil de soi, des autres, de tout ce qui disparaît.

Il y a neuf mois, la personne à qui je l’ai dédié, pour qui je l’ai écrit, qui imprègne ce roman de toutes ses fibres et de sa vie, mourait. Le deuil commençait pour de vrai.

Aujourd’hui, il pleut, et je pense encore, à nouveau, à elle.

Elle était ma grand-tante, ma troisième grand-mère. Je reconnais volontiers, je suis un gars privilégié : j’ai eu trois grand-mères. Elle est morte à 96 ans, je l’ai connue dans son dernier tiers. « Privilégié », disais-je… Allons, 96 ans, « c’est un bel âge » ! De quoi me plaindrais-je ? En voulais-je encore ? Eh bien oui, voilà, j’en voulais encore. Je ne relis pas, ni ne me récite, la dernière ligne des Giètes, « Que croit-il, ce gamin ? Que je suis immortel ? », sans refouler un sanglot. Bien sûr, que je la croyais immortelle ! Même si je savais le contraire.

J’ai été proche de ma tante toute ma vie, toute la fin de la sienne. Rares étaient les jours où je ne prenais pas de ses nouvelles. Quand il pleuvait, par exemple, je regardais la pluie par la fenêtre, je me disais, « Tiens, il pleut… Ma tante aussi doit voir la pluie… Je vais lui passer un petit coup de fil, pour vérifier… Allô ? Alors ? Tu as vu ? Il pleut ? Ah oui, hein, il pleut… »

Aujourd’hui, il pleut. Il pleut tout seul. Je regarde par la fenêtre, et je comprends qu’un deuil se loge dans de telles choses, vastes comme la couleur du ciel, infimes comme les gouttes sur le carreau.

  1. 29/10/2008 à 22:36 | #1

    Voilà un très beau texte, qui, personnellement, me touche beaucoup.

  2. Marie Pérouse
    01/11/2008 à 23:13 | #2

    Bonsoir Fabrice

    Aujourd’hui aussi il pleut, sur Lyon en tout cas, depuis plusieurs heures, sans arrêt. Alors j’en profite pour lire Martin Eden ; je l’avais acheté parce que tu en as parlé un jour sur ce blog. Il va me tenir compagnie cette nuit, merci donc, et bonne nuit à toi.

    Marie

  3. Nathalie Etienne
    04/11/2008 à 17:45 | #3

    Bonjour Fabrice,
    Pour une fois, il ne pleut pas en Meuse. Pourtant , Gravelotte n’est pas loin. Mais c’est ainsi, il ne pleut pas. Et nous nous en réjouissons, nous autres habitants de ce département que tout le monde connaît grâce ou à cause de Verdun. Nous regardons la météo à la télévision et nous nous disons « tiens! Il pleut beaucoup là-bas », c’est la catastrophe!Pour une fois,chez nous, ça va, ça va à peu près.Ca pourrait être pire, les averses, connaissent les lieux de toutes les façons: larmes, sang, cendre, boue. Quand il pleuvra en Meuse-et cela arrivera bientôt-probablement au prochain repas familiale, en traversant le bois des Caures, on pensera encore une fois aux soldats dans les tranchées, on ne pourra pas faire autrement; la pluie ici n’est pas roborative, elle est mortifère, néanmoins la région est magnifique, sous le soleil……
    Bonne soirée
    Nathalie

  4. Maryvonne Rippert
    05/11/2008 à 14:40 | #4

    Moi aussi j’en avais une comme ça, Tata Mimi qu’on l’appelait. Un nom de bisou provençal. Elle est morte l’année dernière, et depuis je cherche quels défauts lui trouver pour adoucir l’absence. Je se souvient qu’elle disait : « Ô tu me fais plaisir », en me serrant le bras, simplement parce que j’étais venue lui rendre une petite visite. Une bonté irréductible.
    Et ces jours de pluie dédiés au deuil, en me rendant au cimetière vers d’autres chagrins apaisés, je suis passé devant sa tombe. Sa tombe?

    Non, pas elle. Elle, elle sera toujours derrière ses rideaux de dentelle, à regarder le paysage, en berçant de paisibles pensées.

  5. Gisèle Moyroud
    24/11/2010 à 19:36 | #5

    Monsieur et cher auteur,
    Vous m’aviez souhaité Bonne lecture de « Les Giètes », lors de votre présentation à Autrans à l’Anecdote. Vous dire que cette lecture fut grand plaisir, partagée avec mon compagnon, de jour en jour, dans une lecture à voix haute. Ce matin, avant qu’il descende sur Grenoble, nous habitons St Nizier, nous avons laissé Maximilien s’en aller, confiant dans la suite de l’histoire. Nous avons pleuré de rire,souvent, parfois pleuré de pleurer. Nous avons aimé votre virtuosité à boucler les boucles, à friser les métaphores, à rendre vie à la vie. Précision : nous sommes vieux, pas encore très vieux mais en charge de plus vieux que nous. Aussi avons-nous apprécié la justesse du récit, cru nous reconnaître, ou reconnaître des amis … j’ai voulu faire profiter mon fils de ma découverte mais en voyant le livre il m’a aussitôt grillée. De même Elouan mon petit fils à qui vous avez dédicacé La Mèche vous avait déjà lu ! il a cependant gardé le deuxième exemplaire à cause de la dédicace.
    bon ! voilà j’ai tout dit. Comment faire profiter les copains de cette verve, de cet humour jamais blessant ? où peut-on se procurer vos ouvrages ?

  6. 24/11/2010 à 20:09 | #6

    Chère madame
    Votre message me comble, merci énormément. Etre aussi bien lu, aussi bien compris, aussi bien senti, récompense l’écriture aussi bien que la performance théâtrale.
    Je me suis permis de déplacer votre commentaire : vous l’aviez écrit sous un article consacré à « Jean II le Bon », j’ai trouvé qu’il avait davantage sa place sous un autre, relatif aux « Giètes ». Naturellement, cela ne change rien à sa teneur, ni à la joie qu’il me procure.
    Pour répondre à votre question :
    Mes livres sont de deux catégories distinctes, et leur mode d’acquisition varie selon ce critère.
    1 – Mes livres publié chez un éditeur pourvu d’un distributeur (c’est le cas de TS, les Giètes, Jean Ier et Jean II) se trouvent « dans toutes les bonnes librairies », sinon en rayon, au moins en les commandant au libraire.
    2 – Tous mes autres livres (dont « la Mèche ») sont auto-distribués sous l’enseigne « le fond du tiroir », et se commandent directement chez moi en imprimant le bon de commande que vous trouverez sous ce lien : http://www.fonddutiroir.com/Docs/Catalogue2010.pdf
    En outre, ce mode d’acquisition par correspondance vous permet de me réclamer une dédicace pour chaque ouvrage…
    Bien à vous,
    Fabrice

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