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Belladone

Merci à ceux qui ont demandé des nouvelles de ma santé durant ma semaine d’excursion au fin fond du Covid (on a le tourisme qu’on peut). Sachez que j’ai recouvré l’usage approximatif de mon cerveau puisque je viens de lire le dernier livre de mon camarade Hervé Bougel, Belladone (Buchet-Chastel). C’est du costaud.

En fait, j’avais initialement commis une erreur d’évaluation : j’imaginais, sous prétexte de minceur à l’encolure, que je serais capable de l’avaler d’une traite, ainsi que j’avais fait de son fulgurant opus précédent, Clandestine. Tu parles, cela me fut impossible, j’ai dû recommencer plusieurs fois et pas seulement pour cause de virus. C’est certes un petit livre, mais pas une petite bière, plutôt un alcool fort, le cul-sec n’est pas à recommander.

C’est un récit d’enfance d’une noirceur implacable, à Voiron vers la fin des années 60, qui se déploie le long de la dernière semaine d’école du narrateur avant les grandes vacances – en septembre il entrera au collège, il aura changé de vie. Car il faut changer de vie, parfois on le comprend à l’âge de 9 ans.

Dès l’ouverture, on est pris à la gorge par l’absence d’amour érigé en leçon de vie, par le sordide, la misère, la violence normale, la haine de soi des parents comme seul modèle, mais on tourne les pages jusqu’à entrevoir la lumière. Au fond c’est dans son dernier mouvement que j’ai vraiment compris de quoi parlait le livre, pour moi le pivot, la phrase clef, qui explicite les enjeux, est : « Je me sens coupable d’être là, mais je sais aussi que je veux vivre, me battre, m’organiser pour vivre, pour dans longtemps, pour plus tard. » (p. 115) Ce plus tard est-il 2020 et l’écriture de cette histoire ? Indice : le livre est dédié À ma mémoire, par conséquent voué à ce qui a survécu, non a ce qui a disparu.

C’est un livre sur la force de vie qui s’entête au milieu des forces de la mort. Une fois que j’ai compris le sens de ce combat, tous les autres éléments du récit coulaient de source (le sport, la boxe, le fantasme sur le petit Daniel à l’hôpital qui lutte en parallèle depuis son coma, l’extraordinaire scène finale onirique sur le destin à venir…) et tout en lisant je n’ai pas pu m’empêcher de le prendre à titre personnel : en moi également, toutes proportions gardées, la vie a pris le dessus. Va te faire foutre, Covid !

[Addendum : une excellente critique signée Xavier Houssin dans le Monde]

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