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Volatil comme un rêve

« Nous avons tous du génie
dans la position horizontale
et les yeux clos »
André Hardellet, Lourdes, lentes…

One satisfied customer. Pendant l’été, la vente par correspondance continue. Un seul exemplaire de l’Echoppe m’a été commandé ce mois-ci (il m’en reste ! plein ! profitez-en ! n’hésitez pas !). Cette singularité n’a pas empêché, et a peut-être favorisé, une prise de contact directe puis une convivialité de type 2.0, c’est à dire une correspondance soutenue et blogoïde, avec le commanditaire, un certain Yves Mabon, animateur (auteur ? dit-on « auteur » pour un blog ou bien ce mot est-il trop sacré ?) d’un blog intitulé Lyvres.

Je reproduis ci-dessous cette correspondance, qui a essentiellement trait aux rêves, comme il se doit.

« Bonjour. Je viens de recevoir mon exemplaire à moi de L’échoppe enténébrée (tuyau piqué chez Sylire). Je n’ai encore lu que deux ou trois rêves, et bien qu’assez prosaïque, j’avoue y avoir pris un goût certain ! Assez amateur en général de livres sortant de l’ordinaire soit par l’histoire, soit par l’écriture, je pense être tombé sur un beau petit livre fait pour moi. Bonne continuation
Yves Mabon »

« Merci Yves, me voilà très touché (ma seule vente de livre de tout l’été, et elle fait mouche ! chic), et merci aussi à Sylire, par procuration. Je viens de fureter dans votre blog, du coup. Si je partage certains de vos enthousiasmes (ah ! Ali Farka Touré !), en revanche, je suis désolé que vous n’ayez pas goûté Casse-Pipe de Céline, livre avorté certes, mais quel vigoureux avorton ! Je l’ai lu autrefois, juste après mon service militaire, et il m’a vengé de bien des choses. Mais peut-être n’avez-vous pas fait l’armée ? Avec tous mes voeux de fertiles et cependant absconses rêveries,
Fabrice »

« Et pourtant si, je l’ai bien fait ce satané service militaire, contraint et forcé. J’ai trouvé la lecture de Casse pipe très difficile : tout ce qui était dialogue m’a fatigué, je n’ai pas apprécié. (J’aurais dû le lire moi aussi juste après cette sinistre période) Par contre, j’aimais bien la prose de Céline, de même que j’ai adoré Voyage au bout de la nuitMort à crédit. Je viens de finir votre échoppe d’une première lecture, histoire de savoir à quoi j’avais affaire. Dans l’ensemble, j’aime bien vos rêves : quelques uns sont très beaux ! (j’en ferai une petite critique sur mon blog). Je suis donc ravi par le livre, petit cadeau que
je me suis fait à moi-même. Je relirai plus lentement, peut-être juste un par soir, avant de dormir, histoire de faire venir mes propres rêves. Bonne continuation à vous
PS : du coup, je viens d’emprunter à la bibliothèque, TS d’un certain Fabrice Vigne. n’hésitez pas à revenir me voir. Puisque j’ai partagé vos rêves, je me permets de vous saluer amicalement,
Yves »

« Bon, puisque vous aimez Voyage au bout de la nuit, nous n’allons certainement pas nous fâcher. Céline est l’un de mes écrivains essentiels, l’un de ceux sans qui je n’écrirais pas moi-même, et je considère que beaucoup d’écrivains contemporains (je me compte dans le lot) ne sont à côté de lui que des petits garçons. Je ne me lasse jamais de « l’entendre parler » (puisque il disait écrire « comme on parle à l’oreille du lecteur »), y compris dans ses livres les plus mineurs, comme Casse-Pipe.
Merci pour votre critique de l’échoppe. Et puisque vous avez emprunté TS, je vous recommande de ne relire l’échoppe que lorsque vous aurez terminé l’autre, avec lequel il a quelques liens : le grand secret du livre rouge, c’est qu’il s’agit d’un journal occulte d’écriture du livre bleu, narrant épisode par épisode les effets de la conception de ce texte princeps, jusqu’à ceux de sa publication.
Le récit de rêve est un genre littéraire à part entière, et si cela vous intéresse, je vous recommande ceux de Perec, de Queneau, de Leiris, de Kerouac, de Michaux, par exemple. Moi, j’adore ça. C’est de la poésie brute, sans affectation. En bande dessinée, ceux de David B. ou JC Menu sont également très beaux.
Bien amicalement à vous, et bonne(s) lecture(s)
Fabrice »

« D’accord pour dire que beaucoup d’écrivains sont tout petits à côté de Céline et de son écriture si forte, toujours, à mon sens, sur le fil du rasoir, si près de passer dans le vulgaire, mais restant néanmoins du « bon côté » du rasoir. Sûrement ce qui en fait sa force. Pour Casse-pipe, j’ai senti qu’il avait franchi ce fil, mais cela reste mon interprétation personnelle.
Quant aux rêves, je ne savais pas que c’était un genre littéraire à part entière, et que Queneau (un des écrivains que je préfère) y avait participé. Je lirai sans doute, moi qui ne suis pas forcément amateur de poésie pure, mais qui aime bien les récits poétiques (comme votre échoppe) : je ne connais pas non plus cet aspect de Perec. Je n’ai pas encore osé m’aventurer dans Kerouac ni Michaux et ne connais pas Leiris, ni les auteurs de BD que vous citez. Que de belles découvertes en perspective !
Merci des conseils
Yves »

« Peut-être que Casse-Pipe est plus vulgaire que ses autres livres parce que la matière première (l’expérience militaire) l’était en proportion ?
En ce qui concerne les rêves de Queneau, voilà un cas intéressant. Il s’est entraîné, comme beaucoup de ses ex-camarades surréalistes, à rédiger ses rêves, mais il a aussi, et c’est plus original, concocté de FAUX rêves, rédigés à la manière onirique, retrouvant en plein jour l’énergie de l’imagination nocturne. Très curieux. On en trouve des échantillons recueillis dans le livre Contes et propos, si le coeur vous en dit…
Merci pour la causette, bonne journée…
Fabrice »

« En lisant votre mail, je me suis dit, bon sang, mais c’est bien sûr, je connais ce titre (Contes et propos) de Queneau. alors, je monte quatre à quatre les escaliers pour me retrouver devant ma bibliothèque, qui contient ce fameux opus. Honte sur moi d’avoir oublié cet ouvrage, lu il y a assez longtemps. Bien sûr, je l’ai ouvert, j’ai feuilleté la préface, signée… Michel Leiris. Et hop un bouquin et un auteur soit-disant inconnus qui me reviennent en pleine figure. Quelle aventure !
A bientôt
Yves »

  1. 02/09/2008 à 15:12 | #1

    Je viens de faire le curieux et de lire cet article et le précédent. Ravi que vous ayez aimé ma critique de L’échoppe enténébrée. J’ai vraiment beaucoup aimé (ainsi que TS d’ailleurs). quant à notre « correspondance », rien n’est confidentiel, donc tout peut être publié.
    Yves

  2. 26/09/2008 à 21:27 | #2

    Je suis ravie de vous avoir mis en relation l’un et l’autre :-)
    Je profite de l’occasion pour te saluer, Fabrice !

  3. 29/04/2009 à 00:34 | #3

    « …Vous vivez toujours deux fois, n’est-ce-pas…? »

    (A. Hardellet, « Lourdes, lentes… »)

    « L’éthique, c’est l’esthétique du dedans. »
    (Pierre Reverdy)

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