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Le plus grand arbre du monde

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À force de me terrer dans mon Tiroir, j’aurais presque oublié ce fait : la littérature jeunesse en général, et les salons du livre jeunesse en particulier, c’est formidable, en fait. Du moins, dans le meilleur des cas. L’enfance de l’art et le garde-fou contre l’illettrisme (j’y viens). Du talent, de la joie, de la fête, de l’émotion, de l’émulation, du fourmillement, de la générosité, et mon tout aujourd’hui à l’attention des adultes de demain. Je reviens du seul salon de ce type que j’aurai fait cette année : Beausoleil. Or c’était le meilleur des cas. Je me suis régalé, merci du fond du coeur.

Le mois dernier, pour rire, j’ai publié ici même un article impénétrable, rédigé en langue Cherokee – idiome parlé par environ 30 000 personnes en ce monde, écriture lue par peut-être autant. Pour nous incultes, ce ne sont qu’amas de signes indéchiffrables, extra-terrestres aussi bien. Splendide à regarder / illisible. Je trouvais rigolo de rendre soudainement mon blog hermétique, inintelligible, crypté par notre seule ignorance. L’opacité, c’est le fun. Enfin, je dis ça manière de dire, je ne le répèterais pas si j’avais un analphabète devant moi, ce serait indécent. Bref, l’article a laissé pantois très exactement la moitié des lecteurs de ce blog, qui pourtant sont en nombre impair, je le sais, je connais chacun par son prénom. Comme j’ai rencontré à Beausoleil l’auteur du livre qui m’a révélé la langue Cherokee, Frédéric Marais, je cesse aujourd’hui de blaguer et vous ré-explique Sequoyah, cette fois en version française.

Sequoyah (1767-1843) est au départ un Cherokee, un handicapé au pied estropié. Il est à l’arrivée le seul Amérindien a avoir créé un alphabet, et une écriture, dans le but de sauvegarder la culture de son peuple. Son nom a été donné, en hommage à son courage, à sa ténacité, et à son influence, au plus grand arbre d’Amérique du Nord, et du monde, le séquoia. Déjà, relatée platement par moi, l’histoire est merveilleuse. Mais Frédéric Marais en fait un album qui, sans forcer sur la légende dorée du héros, ni s’appesantir dogmatiquement sur les nécessités politiques de l’alphabétisation, donne à admirer un être humain exceptionnel, et à voir, à voir, vraiment, la poésie même de l’écriture, cette série de signes, cette convention qui émancipe, ce code qui permet à une idée de passer d’un cerveau à un autre cerveau (Je viens de vous en glisser une, là, en douce).

Lisez les livres de Frédéric Marais. Ils sont tous très différents les uns des autres, mais tous excitants au moins par un angle.

Outre Frédéric, j’étais ravi, durant le salon, de renouer avec d’autres auteurs ou bien de les découvrir, Alan Mets, Amélie Jackowski, Anne Jonas, Hélène Rice, etc. Et Nadia Roman bien sûr mais bon Nadia c’est pas pareil c’est ma soeur.

Sinon, vous pouvez également lire le mythe étiologique cherokee de la naissance du séquoia, tel que rapporté ou inventé, je ne sais pas, par Jean-François Chabas (qui hélas ne met jamais un pied dans un salonduliv, alors je n’aurai jamais l’occasion de lui présenter mes respects). Conte merveilleux, profond et bouleversant, « écolo » et humaniste, qui restitue la place de l’homme dans la nature, en quelques pages. On gagnerait à comparer ce mythe avec l’histoire authentique de Sequoyah le démiurge : dans chacun des deux récits on trouve un enfant handicapé, quittant sa tribu, et qui au terme d’une longue méditation solitaire veillera sur elle, lui offrant une sagesse silencieuse à la vie infiniment plus longue que celle d’un mortel. Le récit de vie et l’imaginaire se rejoignent. Non seulement la littérature jeunesse est-elle formidable, mais en plus, de bien des façons.

  1. 31/05/2014 à 12:09 | #1

    Bonjour Fabrice,
    De retour de Beausoleil, j’ai lu Lonesome George. J’en garde des images imbriquées de méduses immortelles, de panoplies disco et de tortues géantes. Et surtout le sentiment d’avoir traversé un monde ultra sensible où tout se joue dans des espaces minuscules, où le déterminisme laisse sa longue trace insensée et où l’humanité est palpable à chaque minute de ce temps élastique. Est-ce que ce que j’essaie de dire a le moindre sens ? Une lecture dont je me souviendrai, merci pour cela.

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