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Y’en aura pas pour tout le monde

JPB et moi-même sommes allés chercher hier le tirage de Double tranchant, sur le dos de la bête, en Ardèche (photo ci-dessus). C’est dingue, l’Ardèche, allez voir, c’est juste à côté sauf qu’il y fait beau.

Il fait super beau, tu veux dire. Double tranchant est un livre magnifique, j’en ris tout seul, mais à deux c’est mieux. Si je ne le vendais pas, je l’achèterais. Pendant tout le trajet de retour, sur l’autoroute, tressautant de joie je lorgnais les lignes pointillées sur la chaussée d’un oeil et d’une main, tandis que de l’autre et de l’autre j’admirais le livre dans le carton trésor posé sur le siège passager, et j’étais heureux. Je pense parfois à cette anecdote rapportée par Borges, je ne me souviens plus si c’est un souvenir, un poème, une fiction : J’étais dans le désert, je me suis accroupi, j’ai puisé dans ma main une poignée de sable, j’ai fait quelques pas, j’ai écarté les doigts, le sable s’est dispersé, et j’ai dit à haute voix : « Je viens de changer le visage du désert ». Je pense à cette anecdote parce que je continue de croire que faire un beau geste, un beau livre par exemple, c’est changer le visage du monde, qui est, faut bien l’avouer sans vexer personne, globalement disgracieux, faire un beau geste dans le désert, déplacer quelques grains de sable c’est faire de son mieux contre la mocheté du monde.

Il n’y en aura pas pour tout le monde, de la grâce à la valeur ajoutée : suite à une erreur  de l’imprimeur, le tirage est plus modeste que prévu, amputé d’un tiers, peinant à atteindre les 400 exemplaires.

Il n’y en aura pas pour tout le monde bis : les cent souscriptions initiales, bénéficiant d’un tiré à part original dédicacé par Jean-Pierre Blanpain, sont pratiquement toutes parties (nous venons d’attribuer le n° 91, et il en tombe tous les jours dans la boîte, dru, genre Gravelotte, merci mesdames et messieurs). Plus la peine d’utiliser le bon de souscription, c’est trop tard, fallait y penser avant, ah si j’avais su, ouais ouais, tout le monde dit ça dans le désert, si j’avais su, consolez-vous avec ce qui reste, or il vous reste à imprimer le bon de commande ordinaire afin de vous procurer la même chose mais sans extra, qui est déjà très bien.

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