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Archives pour 12/2009

Ouf.

31/12/2009 un commentaire

I'm on my way

L’année du Flux se parachève avec et sans nous. L’élégant marque-page conçu par Patrick « Factotum » Villecourt pour orner ce libretto se périme simultanément, tant pis, il est là, il demeure, élégant pour toujours.

Un bilan du vieil an 9 ?
– Trois livres publiés (deux au FdT et un
nulle part, mais très beau tout de même),
– 50 articles postés sur le blog,
– des commentaires de visiteurs à la pelle (davantage lorsque je cause politique que lorsque je cause littérature, tant mieux ? tant pis ?),
– deux ou trois cuisantes polémiques,
– une bonne douzaine de représentations des Giètes pour mon registre « intermittent sans cachet »,
– de la fécondité et de la stérilité par intermittence,
– l’asso FDT
créée en bon et due forme,
– quelques bonnes rencontres,
– quelques beaux voyages, dont un à Copenhague au mois d’août avant tout le monde, quand on avait espoir qu’il s’y passe quelque chose en décembre,
– des demi-nuits d’insomnie passées à faire des réussites débiles, ou à regarder sur Youtube des trucs comme ci ou comme ça, non mais je vous demande un peu,
– des citations dans ma besace (la palme de la phrase qui condense au mieux l’année 2009 revient à Hugo Chavez : « Si le climat était une banque, vous l’auriez déjà sauvé »),
– des joies,
– des frustrations,
– la grippa,
– une crise (partout-partout) aigüe d’eczéma,
– des « nouveautés » et leur contraire (c’est quoi, le contraire de la nouveauté ? c’est un truc qui disparaît discrètement – exemple :
Zazieweb, le seul site littéraire coopératif qui recensait le Fond du tiroir dans son annuaire de petits éditeurs, et qu’on a le droit de regretter pour mille autre raisons),
– des lectures, des écritures, du pain sur la planche, la vie.

De feu 2009, retenons aussi un film souvenir : la « géniale » fête du livre de Villeurbanne a mis en ligne un clip de poétique autopromotion où l’on m’entend me fendre d’un petit compliment. Une caméra se baladait dans le salon, qui demandait à chaque stand « Si vous deviez définir la Fête de Villeurbanne en un seul mot, ce serait ?… » J’ai improvisé une gentillesse paradoxale, j’ai fait le malin, et cela a eu l’heur de plaire au monteur de ce film, puisque ma contribution est finalement la seule reproduite in extenso.

Et demain ? L’an qui vient ?

La Mèche sera peut-être le prochain livre publié par le FdT. Entre temps un autre livre sera rapatrié dans le tiroir…

Les démêlés judiciaires avec l’éditeur initial de deux de mes ouvrages, Castells, sont récemment parvenues à un tournant, qui permet au FdT d’envisager en toute sérénité l’édition de la version revue et corrigée, définitive, de La Mèche – du moins, dès que les phynances le permettront. Je ne vais pas vous déballer comme ça aussi sec le bilan financier (vous n’êtes pas adhérent de l’association, que je sache), mais sachez qu’une certaine somme dort sur le compte de l’asso, et que nous visons au moins le double avant d’entreprendre une production (et une distribution ?) correctes de la Mèche. Mais dans l’intervalle, une autre source ponctuelle de revenus pourrait surgir : Castells a rendu les droits non seulement sur la Mèche, mais aussi sur mon recueil de nouvelles, Voulez-vous effacer/archiver ces messages. Il existe quelque part un stock d’invendus de ce livre introuvable, quelques 400 volumes. Si je parviens (à quel prix ? on verra…) à mettre la main sur ce trésor, j’en ferai don illico à l’association, et ainsi ce recueil deviendra le cinquième livre du catalogue. Ce retour au bercail serait non seulement très heureux, puisqu’il rendrait cette œuvre de jeunesse (que je suis loin de renier, oh câlibouère, bien loin) à nouveau disponible, mais également tout-à-fait cohérent : cet ouvrage a beau avoir été conçu pour le compte des défuntes éditions Castells, il n’en constitue pas moins la première collaboration entre le précité Factotum et moi-même. Il s’agit donc, en quelque sorte, d’un livre « pré-FdT » sans lequel les suivants n’eussent tout bonnement pas existé.

Parfois, l’on me demande « Alors, tu sors bientôt un livre ? », et je réponds tant bien que mal, « Ben, regarde, je viens de faire quatre livres en un an, là, au Fond du tiroir… », mais l’argument semble irrecevable lorsque l’on s’intéresse, fort aimablement du reste, davantage à ce que je « sors » qu’à ce que je « fais », et l’on me rétorque, « Non, mais des VRAIS livres, je veux dire ? » Ah, oui, d’accord, ces livres-là…

Au chapitre du « vrai », doit-on attendre une publication sous mon nom en 2010 ? Oui, j’espère bien. Je viens de terminer (d’où le titre du présent article – presque « ouf » à dire vrai, puisque quelques bricoles restent à fignoler) un roman dont la conception aura été ridiculement longue, presque trois ans pour en venir à bout, des allers et retours incessants entre certaines idées qui me chatouillent et des agencements romanesques d’autant plus laborieux que je les veux impeccablement fluides. Bref, ce roman, cette séquelle, pourrait paraître chez Magnier l’an qui vient – si tout va bien, c’est-à-dire si Magnier en veut, car la question n’est pas absolument réglée. Je crois que ce bouquin sera très bien, même avec son gros défaut : deux ans de retard.

Allez, l’histoire avance, avec, et sans nous. « I’m on my way ! »

Je me souviens du film Dick Tracy de Warren Beatty, kitsch et clignotant comme un sapin de noël. Je me souviens d’une interview de Beatty, à qui un journaliste demandait quelle mouche l’avait piqué, pourquoi diable un type aussi sérieux que lui, acteur respecté, auteur capable de Dix jours qui ébranlèrent le monde, mais pourquoi donc le prestigieux Warren Beatty s’était-il entiché de cet héroïsme régressif de comic strip, de ce défenseur de la loi au premier degré pop, de cet archétype infantile en imper jaune ? Pourquoi ne sortait-il pas de vrais films, plutôt ? Beatty avait répondu un truc du style : « Poser un chapeau sur ma tête, enfiler un imper, regarder ma montre, m’exclamer I’m on my way !, et partir en courant à l’aventure, figurez-vous que ça m’excite. » Je cite de mémoire, mais j’ai parfaitement retenu l’esprit de cette explication alors que j’ai pour l’essentiel oublié le film lui-même.

I’m on my way, c’est suffisant, c’est optimiste tout de même, c’est énergique, c’est juvénile, c’est disponible, c’est solaire comme un ciré, c’est fort judicieusement naïf, c’est parfait, en guise de vœux pour un nouvel an.

Quand faut y aller

09/12/2009 9 commentaires

On se dit : « Pas la peine ». On se dit même pire : « À quoi bon ». On se dit : « Ah, bah, c’est trop vain, c’est trop facile, l’indignation… c’est éculé… et puis politiquement correct ».

On se dit : « Pourquoi irai-je m’exprimer sur ces triviales, pénibles mais contingentes questions d’actualité ? Mon blog t’façons est lu par quatre personnes plus un tondu qui se débrouilleront par eux-mêmes pour s’indigner sur ces sujets, je leur fais confiance pour trouver le chemin et s’échanger des pétitions, personne n’a besoin de moi, oh non, personne n’a besoin d’un cri d’orfraie au fond du tiroir… ».

Ouais, ouais. On se dit tout ça, et du coup on garde tout à l’intérieur. On ne dit rien. On laisse faire. On laisse dire. Personne n’a besoin que je m’exprime sur ce sujet, voilà qui est indéniable. Sauf peut-être moi-même. Alors j’y vais quand même. Je le pousse, mon coup-de-gueule-politiquement-correct que je croyais ne pas devoir pousser. Ils continuent bien, ceux d’en face. Quand faut y aller.

Le gouvernement français, complètement déboussolé, trouve judicieux de s’interroger maintenant sur l’Identité Nationale, et dans le même temps envisage de supprimer l’histoire dans certaines filières d’enseignement (ah bon parce que l’histoire ce n’est pas ce qui forge l’identité d’une nation ?…), démantèle froidement les services publics (ah bon au temps pour moi parce que alors les services publics ce n’est pas ?…), ne craint pas de couper les vivres des musées nationaux (ah bon alors pardon moi qui croyais que la culture ?…), ni de flinguer l’économie des communes (ah ben ça alors j’en reviens pas moi qui aurais pourtant juré que les collectivités locales ?…) etc.

Ces incohérences manifestes cachent un grossier calcul politique. Sarkozy a été élu, notamment, en neutralisant stratégiquement le Front National. Il a peur de perdre aujourd’hui la main électorale, puisque Le Pen père et fille reprennent du poil de la bête immonde. Ainsi, c’est à ça qu’il sert, et seulement à ça je crois bien(1), le grand débat Polichinelle sur l’identité nationale (cf. le site officiel) : un bon gros appel du pied aux électeurs du Front du même nom, « coucou, je suis là mon ami de souche, laisse tomber ces losers de Le Pen, ils n’auront jamais le pouvoir, moi je l’ai, je le garde, et tu vois je pense comme toi… On va pas se laisser bouffer toi et moi pas vrai ? »

De là, cet accident, ce lapsus, cet inconscient politique qui parle : les déclarations ahurissantes mais décomplexées de M. André Valentin, maire UMP de Gussainville (Meuse), élu du peuple, qui s’exprime au micro parce que nous avons décidé qu’il avait le droit de s’exprimer à notre place, c’est le principe de la démocratie représentative. « Je pense qu’il est plus qu’utile, qu’il est même indispensable, qu’il est temps qu’on réagisse, parce qu’on va se faire bouffer (…) Par qui ? Par quoi ? Y en a déjà dix millions, hein. Il faut bien réfléchir. Dix millions que l’on paie à rien foutre. »

Il se trouve, pour tout vous dire, que je n’ai pas seulement un grand-père italien. J’ai aussi un frère iranien – ce sont des choses qui arrivent. Mon frère me dit en soupirant : « Que veux-tu, c’est ainsi, la France est raciste ». Je soupire avec lui. Mais attends, attends… Répète, pour voir ? bingo ! « La France est raciste », tout est dit ! En une seule phrase ! Ne cherchez plus ! Débat clos ! Ça va en faire des éconocroques aux contribuables ! On l’a trouvée ! on l’a identifiée l’Identité de cette grande et belle nation, c’était tout simple, on avait le nez dedans. L’Identité nationale, « ce n’est pas dangereux, c’est nécessaire », selon Sarkozy. C’est sympa. C’est même sexy, tiens. C’est tellement glamour de s’assumer enfin ! C’est moderne !

C’est moderne depuis toujours. L’Identité Nationale, ça a commencé il y a bien longtemps, une sale manie, archaïque au possible, l’Identité nationale ça vient du cerveau réptilien, l’instinct du territoire : ici je suis chez moi, un vieux réflexe leitmotiv avéré par l’Histoire, c’était par exemple Cro-Magnon qui défonçait la gueule de Néandertal à coup de massue parce décidément y’en avait trop dans la vallée, non c’est vrai un seul ça va, c’est quand ils sont trop que ça va plus, on va pas se laisser bouffer merde. Ensuite, les néandertaliens ont totalement disparu, bon débarras. Les Cro-Magnons se sont retrouvés entre eux, et se sont forgé une chouette identité rien que pour eux. Mais en se regardant bizarrement d’une tribu à l’autre…

J’ai envie de vomir. Je vomis. Je m’étouffe dans mon vomi. Je ne suis qu’un blogueur de plus, qui a été choqué dans ses fibres, dans sa putain d’ « identité » par ces propos d’un raciste moderne, je ne suis qu’un citoyen qui pense que le racisme, c’est mal, qui se désespère de devoir le dire encore, et qui ajoute pour le principe, vraiment pour le principe, pour faire avancer le débat, son billet-indigné-politiquement-correct, qui l’ajoute à des centaines d’autres, allez, faites suivre, faites tourner, laissons pas faire. Eh, bien, dites-moi, ça en fait du vomi. L’Identité nationale, ça pue.

(1) – À la réflexion, j’entrevois un second enjeu stratégique caché derrière le soutien mordicus de Sarkozy à Besson et à son ministère : Sarkozy est peut-être soulagé de lire dans les sondages que Besson est encore plus détesté que lui. Le méchant de l’histoire, dans les esprits des téléspectateurs, c’est celui-ci et non celui-là. Good cop/bad cop routine. En outre, un ministre aussi honni, c’est un fusible à faire sauter un jour de déprime.