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Séquelle

(oui, je sais, c'est la seconde fois que je publie cette image)

Révolution de coulisse : le Fond du Tiroir a désormais son compte en banque – au Crédit Mutuel, seul établissement bancaire, semble-t-il, qui manifeste  encore un certain soutien (et non un simple intérêt) à l’activité économique des associations, en leur accordant un compte courant sans le moindre frais de gestion.

Le bon de commande de nos précieux ouvrages a donc été dûment retouché, afin d’enjoindre le client-roi à libeller son chèque à l’attention du FdT, au lieu de mentionner le citoyen Fabrice Vigne, ce qui épargnera peut-être à celui-ci quelque tracasserie fiscale.

Un compte en banque, presque vide, hélas. Pas de quoi mettre en branle le grand projet d’automne du FdT, dont je vous entretiendrai prochainement.

Mais, bah ! L’argent ? Qu’est-ce que l’argent ? Surtout en période de crise (partout-partout) ? Quelle surnaturelle calculette dira la valeur des livres ? Le livre le plus cheap du FdT, trois euros, soit environ trois fois rien, le plus bref aussi, douze pages emballées-c’est-pesé, est peut-être bien son plus profond.

Je repense souvent à ce Flux, et je me demande ce que j’ai fait là. Chaque fois que je regarde ma fille, et que je comprends que la voir grandir est la seule consolation possible quand, simultanément, je me vois vieillir. Je la vois vivre, je me vois mourir, nous nous embrassons, et j’écrase une larme, oui, je l’écrase celle-là, bien fait pour sa gueule. Voilà tout ce qu’il ne dit pas, mais ce qu’il contient, ce « livre » infime à trois euros. Alors, l’argent, hein…

Et pendant ce temps ? Pendant que le Flux nous emporte ?

Eh bien, pendant ce temps, j’écris, figurez-vous. Me voici jusqu’au cou dans Jean II le bon, séquelle, suite naturelle (comme on dit d’un enfant) de Jean Ier le Posthume, roman historique. J’ai commencé ce livre il y a plus de deux ans, puis je l’ai mis de côté parce que, comme on sait, à un moment donné j’ai jugé bon de me consacrer à l’exploration de mes tiroirs. Cet été je me suis replongé dans l’Histoire et dans mon histoiriette, je me suis remis, pour la première fois depuis lurette, à travailler chaque jour sur un même roman, et ça marche, je m’amuse. Vous en voulez un extrait ? Bon, très bien, parce que c’est vous. Un extrait pittoresque, distrayante saillie, guise de bande annonce, scène de comédie parce-qu’il-n’y-a-pas-que-les-larmes-écrasées-dans-la-vie… mais qui ne trahira rien de l’intrigue réelle du livre. Éh, oh, je n’aime pas qu’on lise par-dessus mon épaule. À plus tard…


STAN – Souvenez-vous ! Nous avions laissé pour mort Jean Ier le Posthume à l’âge de cinq jours… Il est mort, quel suspense ! Que va-t-il lui arriver ? Le destin est en marche : en secret, le bébé avait été échangé avec Giannino Baglione, le fils de sa nourrice italienne… C’est l’Italien qui est mort à cinq jours sur le trône, tandis que le véritable monarque de France est exilé, à l’insu de tout le monde, y compris de lui-même, en Italie… Quarante ans plus tard, pendant que le roi de France en titre, Jean II le Bon, fait tranquille pépère la guerre contre les Anglais, le Giannino apprend qu’il est en fait l’héritier légitime du royaume de France ! Il lève une armée et fonce à Paris… Mais c’est la déroute ! Le cachot et les désillusions ! En prison, Giannino écrit un mémorandum dans lequel il estime son propre prix, que l’on peut réclamer au roi de France Jean II : 100 000 florins d’or s’il est vivant, 500 florins s’il est mort. Quelques pages plus loin, moins vantard, il propose 50 florins…
Toujours est-il qu’en 1362, Jean II envoie un ambassadeur à Naples. L’ambassadeur visite la prison de la Vicaria. Il s’entretient longuement avec le prisonnier pour préparer son transfert… Mais l’affaire ne se fera pas pour cause de décès soudain de Giannino… Tiens tiens ! Comme c’est commode ! QUI l’a assassiné, et pourquoi ?
J’en suis là de l’enquête… Sept cents ans que l’énigme perdure… Eh bien, les gars, là où les historiens capotent, commence le travail de l’imagination. Gianinno n’est pas mort du tout dans son cachot mais en héros, sur le champ de bataille, l’arme au poing… Je verrais bien un duel au sommet, le clou de notre film ! Jean II himself contre Giannino-qui-se-prétend-Jean-Ier ! À l’aube, ou plutôt, non, tiens, au crépuscule, quand les ombres s’allongent… Chacun des deux apparaît sur la crête d’une colline, et toise son rival… Puis ils se mettent à crier, tous les deux, chacun tentant de couvrir la voix de l’autre, « Je suis le seul vrai roi de France ! Usurpateur ! Salaud ! Ordure ! Je vais te faire la peau ! » Et là, ils dégainent leurs épées, ils courent dans la lumière du soir et la poussière, c’est le grand fracas des lames et des armures ! Moment de vérité ! Jugement de Dieu ! Un seul roi de France et de Navarre restera ! Au corps à corps Jean II prend l’avantage, parce qu’il est mieux entraîné, on mange mieux à la cour que dans un cachot, et alors… Stupeur ! Impitoyablement il tranche la main de son adversaire ! Giannino est à terre, diminué, en sueur, en larmes… En état de recevoir le coup de théâtre en même temps que le coup de grâce, le secret qui explique tout, la terrible vérité cachée depuis une génération : Jean II relève la visière de son heaume et il prononce ces mots, lentement, en contre-plongée : « Je suis ton père ». Explosion de désespoir de Giannino, qui hurle « Nooooooooooooon ! »
Qu’est-ce que vous en dites ?


ARTHUR– Extraordinaire.

ELSA – Éculé.

STAN – Hé, un peu de respect, oui ?

ELSA – Éculé ! On a déjà vu ça au cinéma.
En outre, historiquement, ce n’est plus de la libre interprétation, c’est juste n’importe quoi : Jean II et Giannino n’ont que quatre ans d’écart ! L’âge d’être frères peut-être, mais pas père et fils… Et pourquoi diable Jean II serait le père de Giannino ? Rien à voir ! On n’y comprendrait plus rien, ni à l’histoire de l’un, ni à celle de l’autre !

STAN – Pourquoi ? Ben, parce que ça fait une excellente scène, tiens !

ELSA (se rallumant une cigarette) – D’accord… Ce n’est pas avec tes élucubrations que je vais changer d’avis. Écrire une suite au Posthume, c’était forcément une mauvaise idée.

  1. 29/08/2009 à 16:03 | #1

    Je n’ai pas lu Jean Ier le posthume, mais je vais devoir m’y mettre si je veux bien tout comprendre de Jean II. c’est que les sagas, on sait quând ça commence et jamais quand ça finit

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