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SP3C : un contrepoint

sp3c, sa jeunesse, sa littérature, son enthousiasme, sa fête, sa taxe professionnelle de l'AREVA

J’ai déclaré il y a quelques jours mon amour pour Saint-Paul-Trois-Châteaux, lieu magnifique d’une fête du livre réussie, euphorique, fertile, unique.

Beau paysage. Mais au fond du tableau, on aperçoit les cheminées du site nucléaire du Tricastin. On les voit, on traverse leur ombre, on les longe à l’allée comme au retour, et on peut les oublier, puisque c’est la fête. Or je ne les oublie pas une seconde car, vieille mentalité paysanne peut-être, j’aime savoir qui me paye. D’où vient l’argent ? De l’Areva, assez directement : si une aussi petite ville est capable d’organiser un aussi grand événement, c’est bien grâce à la taxe professionnelle pharaonique du nucléaire. L’énergie humaine de Saint-Paul ? Ah oui, bravo, merci, vous travaillez pour vos enfants, pour l’avenir, je viens travailler avec vous, hardi petit. Mais l’énergie produite ici pour de vrai, sans métaphore, dans les fils, dans les ampoules de la fête ? Quel avenir est ici travaillé, pendant que l’on raconte nos histoires aux enfants ? À quoi joue-t-on, les enfants ?

De quoi exactement suis-je complice quand, à l’entrée du chapiteau de la fête, le stand Areva distribue aux marmots des coloriages et des quizz, alors que j’ai dans un coin de la tête le dernier « incident », pas très vieux, septembre 2008, ou bien le scandale des déchets nucléaires jetés au bord de la route, alors que j’étouffe une sourde trouille, mais que tout compte fait je vais m’assoir à mon stand, et sourire et dédicacer ?…

J’aurais pu garder pour moi ces petits tiraillements, cette mauvaise conscience… Mais je reçois aujourd’hui le texte de Sarah Turquety, vigoureux, fier, qui incite à la prise de conscience collective. Texte de poète, c’est à dire qui sait mettre les mots d’une seule sur les pensées partagées. Non, je ne suis pas seul, et je ne garde rien pour moi. Je reproduis cette lettre ouverte avec l’accord de Sarah. Et maintenant, on fait quoi ?

A TOUS LES MILITANTS POUR LE LIVRE DE JEUNESSE

qui sont tout d’abord des militants pour l’Humanité

La fête du livre de Saint-Paul-Trois-Châteaux 2009

fut un beau moment de rencontres et d’échanges

avec tous ces bénévoles, une population venue en masse,

et Aréva.

Je rentre chez moi
et je reçois ce mail sur la prochaine émission de télévision
montrant les enfouiements illégaux de déchets nucléaires dans toute la France,

cette émission qui devrait être diffusée le 11 février sur France 3
et qui ne le sera peut-être pas car Aréva a saisi le CSA afin d’empêcher toute diffusion.

Je rentre chez moi
et je me rappelle ce reportage sur les mines d’uranium d’Aréva au nord du Mali

et l’exploitation des hommes, le pillage des ressources en eau, la sécheresse qui en découle.

Je rentre chez moi
et j’ai honte.

Ainsi je puis être adulte en 2009, parler de poésie
et penser participer à la construction d’un monde solidaire
dans lequel mes enfants pourront grandir
et en même temps accepter qu’un des groupes les plus pollueurs,
de ceux qui nous tuent (tout simplement : tuer)

diffuse sa propagande d’un monde idéal grâce au nucléaire

auprès d’enfants vivant près d’une centrale
qui a connu une grave fuite cet été même.

Je rentre chez moi.

Muette.

Mes mots n’ont aucune valeur. Ils sont vides. De mouvements.

Amour, solidarité, générosité, utopie.

Ainsi je puis avoir appris Tchernobyl et son impact, Hiroshima et la destruction totale

et accepter que l’on vante le nucléaire auprès d’enfants dans un lieu militant pour la lecture.

Je rentre chez moi

un mot en tête : compromis.

Je rentre chez moi
et je pense à nous tous, adultes présents à cette fête du livre,

auteurs, illustrateurs, plasticiens, instituteurs, bénévoles de tous bords, passionnés,

nous, passionnés, qui cloisonnant nos luttes, fermons les yeux,

tournons les regards, n’osons pas voir le mensonge et la manipulation.

Je suis rentrée chez moi

mais, pour autant, je ne resterai pas muette.

Car ma voix est celle de tous ceux qui

sont rentrés chez eux,

avec un regret, un élan noyé.

Car je sens que nous serions nombreux
à soutenir une transformation de cette magnifique aventure humaine
qu’est la fête du livre jeunesse de Saint-Paul-Trois-Chateaux.

Car je sens qu’aujourd’hui nous pouvons nous passer de restaurants chics, d’honneurs

pour nous sentir pleinement humains et pères et mères de nos enfants.

Car je fais confiance aux idéaux de chacune et chacun pour faire œuvre de sa conscience.

Utopistes, debout !

Sarah Turquety, poète


  1. 12/02/2009 à 22:03 | #1

    J’ai, moi aussi, regardé ce reportage ahurissant sur France 3, à propos des déchets nucléaires à peine enfouis ou carrément laissés à l’air libre et qui polluent nos villes et nos campagnes.
    Je suis consterné et dégouté par les pouvoirs publics.
    Et pourtant, ce matin, rien n’a changé. Je suis allé au boulot, nous sommes tous allés au boulot (enfin pour ceux qui en ont encore un) et nous avons continué à vivre comme si de rien n’était, à fermer les yeux, sur ça comme sur tout le reste…
    Ne faudrait-il pas, ici, maintenant, lancer un mouvement collectif ? Écrire, tous, chacun, au nain de jardin… oups, pardon, je veux dire « à ce qui nous sert de Président de la République » pour s’indigner de la situation, lui dire à quel point nous trouvons inadmissible ce qui se passe dans notre pays, à quel point nous trouvons criminel de laisser ainsi l’industrie nucléaire polluer notre environnement immédiat et futur, pour des milliards d’années, en toute impunité… Dire que c’est une véritable bombe à retardement que nous léguons à nos enfants et que la passivité, voire la complicité, de l’État en la matière n’est finalement rien d’autre qu’un crime contre l’humanité !
    C’est décidé, ce soir, j’écris à l’Elysée, et je reproduis ce que je viens d’écrire ici même…
    Et si l’on s’y mettait, tous ?
    http://www.elysee.fr/ecrire/
    Franck
    P.S : Le texte de Sarah est très fort et très beau à la fois.

  2. Denis Bruyant
    26/02/2009 à 23:42 | #2

    L’argent de la culture

    « L’argent n’a pas d’odeur », qui donc peut penser cela ? Pour quelques-uns, l’argent dégage une odeur étrange, une odeur AREVArienne, une odeur qui ne se sent qu’après, bien après avoir reçu cet argent.
    La Fête du livre de jeunesse de St Paul Trois Châteaux est située sur un territoire qui accueille une centrale nucléaire appartenant à EDF, et une usine d’enrichissement d’uranium appartenant à AREVA.
    Pas de chance ?
    Si certains le pensent, ce n’est pas notre cas. Vous semblez croire que nous sommes manipulés, voire même que nous manipulons les enfants avec l’argent du nucléaire, mais vous êtes-vous posés la question sur l’objectivité des médias quand vous regardez les images ou entendez les informations traitant du nucléaire et de déchets ? Chacun est libre de ses opinions et c’est tant mieux, mais il appartient à tous d’éviter les amalgames, de mélanger une position d’anti-nucléaire et les réflexions attenantes avec les buts et objectifs d’une manifestation sur le livre de jeunesse née de la volonté, du travail d’une poignée de bénévoles qui luttent depuis 25 ans pour faire progresser la lecture, pour que vive la culture, pour apporter aux jeunes des perspectives culturelles qu’ils ne trouvent que rarement dans une petite ville de 8000 habitants.
    Halte au mélange des genres !
    Ce n’est pas la municipalité qui organise la Fête du livre de jeunesse mais une association « Le Sou des écoles laïques », née en 1882 et qui n’a jamais cessé de fonctionner depuis tout ce temps. Ce sont des bénévoles (la plupart travaillent, ou ont travaillé dans les dites entreprises) qui, à force de pugnacité, sont allés chercher l’argent là où il se trouvait, dans la Ville, le Département, la Région, l’Etat, et les entreprises privées dont EDF et AREVA, pour bâtir une manifestation culturelle. Certes une partie de cet argent vient du nucléaire, en majorité par la taxe professionnelle. Cette partie représente environ 25% du budget.
    Êtes-vous prêts vous qui avez du mal à supporter son odeur à ne pas accepter ces 25% ?
    A diminuer d’autant vos rémunérations, repas, hébergements, transports, …. ?
    Êtes-vous prêts à ne plus accepter d’intervention dans les lieux où l’argent sent TOTAL, GAZPROM, à ne plus vous asseoir sur des chaises « made in China », … ?
    Vous êtes vous posé la question d’où venait l’argent quand une Région, un Département ou tout autre ville de France vous rémunéraient ?
    Rassurez-vous, à St Paul Trois Châteaux, le seul rayonnement ressenti est un rayonnement culturel qui irradie une région bien éloignée des grandes villes !
    Je vous respecte pour ce que vous faites, je respecte vos idées, mais pas vos propos quand ils manifestent un mépris envers celles et ceux qui ont eu l’idée de faire avancer la culture en utilisant intelligemment l’argent d’entreprises diabolisées. Il est méprisant de penser et faire penser que l’argent qui permet l’organisation de la Fête du livre de jeunesse nous est tombé tout rôti dans le bec, qu’AREVA, EDF et consorts sont venus nous trouver avec des enveloppes garnies d’euros.
    Savez-vous combien il faut argumenter, dire, redire, toujours recommencer pour convaincre petit à petit les élus pour qu’ils daignent tourner la tête et s’intéresser à une Fête du livre de jeunesse, pensez donc, … pour les enfants !
    Faut-il dorénavant que sur les contrats apparaisse cet argent issu de la « manne du nucléaire » ?
    Faut-il que les auteurs, intervenants, comédiens, … signent un contrat en connaissance de cause ?
    Voilà ce que m’inspire les propos lus, la peine occasionnée, la colère à peine retenue, la déception qui pénètre insidieusement.
    A tous les Sarah, Fabrice et autres anti-nucléaires, une bonne nouvelle vient d’arriver, la Taxe Professionnelle va disparaître et probablement …nous avec !
    Et maintenant, on fait quoi ?????
    Denis Bruyant

  3. 27/02/2009 à 01:54 | #3

    Cher Denis.
    Je reçois une lettre ouverte de Sarah, je la publie, respectueusement…
    Je reçois un droit de réponse de ta part, je le publie, tout aussi respectueusement…
    Mais tu viens m’accuser de mépris.
    Ohla, oh ! « Du mépris », moi ? Où ça, du mépris ? Pour qui ? Pour quoi ? « Pour celles et ceux qui ont eu l’idée de faire avancer la culture », en plus ? Il faudrait que je me sois bien renié pour mépriser ceux-là, les mépriser « après avoir empoché l’argent qui pue », il faudrait que je sois au tréfonds bien vilain et bien cynique et, pour le coup, je me sens insulté par tes propos – comme, semble-t-il, tu t’es senti insulté par les miens. Maintenant que nous nous sommes insultés mutuellement, « on fait quoi » ?
    Je sens dans ton commentaire une souffrance qui viendrait d’un manque de reconnaissance, comme si je venais remettre en cause ce que vous êtes, ce que vous faites. Alors balayons immédiatement cela, c’est le plus facile à faire, puisque le noeud du problème est ailleurs : j’ai le plus grand respect pour le travail accompli par le sou des écoles, pour tous les sous des écoles en général, pour celui de Saint-Paul en particulier – du respect et même de l’admiration. Je n’ignore pas l’âpreté de vos combats, et je constate qu’ils sont victorieux, bravo, merci. Je suis prêt à le redire à qui voudra, la fête de Saint-Paul est une réussite exceptionnelle, pas seulement parce que je m’y trouve bien en tant qu’auteur, mais parce que je sens à quel point le travail qui y est accompli est juste. Voilà !
    Mais la question n’est pas là, et ce n’est même pas un malentendu, ça n’est qu’une diversion. Je ravale donc mon orgueil blessé, puisque la question est infiniment plus délicate que mon pauvre ego – ou que le tien.
    La question, c’est le nucléaire.
    Le nucléaire comme horizon. Comme force économique (en temps de crise, qui plus est). Comme perspective d’avenir. Comme « projet de société ». Comme tabou ! Comme sujet qui fâche ! (la preuve.) Comme sujet qui mérite, qui exige, énormément d’attention, d’information, bien davantage que le présent blog n’en peut donner. Tout ce que ce blog a fait, c’est dire que le nucléaire existe. C’était déjà trop ?
    Tout ce que j’ai voulu faire en publiant la lettre de Sarah, assortie de mes propres commentaires, c’était réfléchir, pour moi-même essentiellement (comme tout ce que j’écris dans ces colonnes) au monde dans lequel je vis. Je vis dans un monde fragmenté, clivé, éparpillé, où par exemple d’un côté il y a de belles fêtes du livre pour la jeunesse ; et de l’autre l’énergie nucléaire, soit des forces terrifiantes, inhumaines (j’emploie « inhumain » non dans un sens moral mais afin de donner une échelle : nul être humain n’a plus la moindre prise face à cela, bien plus grand que lui), vaguement menaçantes mais structurées en lobbies incontournables, en partenaires, qui font dire, on sait bien, c’est dangereux, ça déraille parfois, mais que voulez-vous, c’est là, on fait avec, on n’a pas le choix.
    Or, la lettre de Sarah a pour un instant réunifié le monde, a juxtaposé deux fragments : la fête, la centrale. Voilà le monde dans lequel je vis : la fête ET la centrale. Oui, elles ont des rapports entre elles, il n’est ni paranoïaque ni injurieux pour quiconque d’en prendre conscience. Tu dis « Halte au mélange des genres ! » Je dis le contraire, et c’est là notre désaccord : le monde est un gros mélange de genres, je trouve. J’écris dans le mélange, à peu près exclusivement : pour trouver des liens.
    Ma question, que tu parodies, « Et maintenant, on fait quoi ? » était l’expression d’un authentique désarroi. Pas une leçon de morale. Une vraie question. Ce n’est pas ton texte qui m’apporte une réponse.
    Ou plutôt si, in extremis et comme par inadvertance : j’incline à prendre au sérieux une piste que tu n’avances que par dérision. « Êtes-vous prêts vous qui avez du mal à supporter son odeur à ne pas accepter ces 25% ? A diminuer d’autant vos rémunérations, repas, hébergements, transports, …. ? » Eh bien oui, absolument. De même que je suis prêt à renoncer, sans l’ombre d’un regret, à l’hôtel 4 étoiles (encore un fragment du monde qui crée un contraste hurlant avec ses voisins) pour aller dormir chez l’habitant. Quant à ne plus m’asseoir sur des chaises made in China, pourquoi pas, on peut y réfléchir.
    On peut, oui ?
    La fin du message de Sarah, quant à lui, était « Utopistes, debout ». Pas mieux dire.
    Je te souhaite bon courage et te conserve mon amitié.
    Fabrice

  4. 05/03/2009 à 14:29 | #4

    Cher Denis Bruyant,

    J’ai passé un excellent moment, bien que fugitif, au Salon du Livre Jeunesse de St-Paul-Trois-Châteaux. Un des désagréments de mon métier est qu’on passe trop vite et qu’on n’a le temps de rien faire ni remarquer.

    Y a –t-il une fatalité à ce que dans ce pays le silence et la paranoïa règnent sur tout ce qui touche au nucléaire ? Quelques remarques, sinon sur le fond, du moins sur quelques formes :

    – « Chacun est libre de ses opinions et c’est tant mieux », c’est bien entendu mon avis. Mais je ne sache pas que dans ce pays on ait demandé son avis à la population avant d’entamer les programmes énergétiques qui ont imposé le tout-nucléaire. C’est facile d’invoquer la démocratie quand le dossier est déjà plié…

    – « L’objectivité des médias » : sans rentrer dans un débat pour déterminer si le premier devoir d’un média est d’être « objectif », je note simplement que la diatribe anti-média est une obsession commune des minorités « opprimées », de droite ou de gauche, et des majorités courroucées…Est-ce le signe d’une bonne santé de l’information ? Je ne sais, mais je trouve ce genre de raccourci indigne d’un responsable de Salon du Livre…Quant à moi, j’ai rarement le temps de regarder des documentaires, et je n’ai pas besoin de voir celui-là pour connaître l’extrême dangerosité du processus nucléaire, comme vient encore de le reconnaître implicitement le gouvernement qui prépare un projet de loi d’indemnisation des victimes des essais en Afrique et en Polynésie ; et pour savoir, a minima, que l’enfouissement des déchets est une solution grandement préjudiciable au futur de la planète.

    – « Halte au mélange des genres ! » D’un côté, Areva, de l’autre, la culture. Mais, plus loin : « vous êtes-vous demandé d’où venait l’argent ? » Donc, le mélange, explosif ou non, existe bel et bien. Alors pourquoi ne pas en parler ? J’ai joué il y a quelques années à la Hague : même silence, même gêne, même bouclage de la discussion avant qu’elle ne commence…une omerta pratiquée par tout le monde : élus, publics, bénévoles (j’ai toujours savouré la frontière au-delà de laquelle le bénévolat devient un déni de responsabilité)…C’est facile de mettre des artistes sur une scène en s’imaginant qu’ils sont aussi dans votre poche, mais les artistes sont comme des enfants : ils viennent au monde, et ensuite se payent le culot de demander qui les a mis là et pourquoi…

    – Toutes les entreprises aujourd’hui consacrent un pourcentage de leur chiffre d’affaires à la communication et au mécénat, ce n’est pas pour rien. Et tant mieux. Est-ce pour autant que ceux qui profitent de leurs stratégies doivent devenir leurs alliés objectifs et refuser tout esprit critique ? Je me souviens d’une tournée en Grande-Bretagne dans les écoles, dans les années 90. Nous avons passé plusieurs jours dans une école primaire entièrement subventionnée par BP. Outre les fresques peintes à la gloire de l’entreprise qui ornaient tous les couloirs de l’établissement (du plus pur réalisme stalinien), nous avons été pilotés tout au long du séjour par un représentant de l’entreprise à tête d’aimable mafioso, qui faisait la pluie et le beau temps dans l’école et auprès duquel tous les enfants se massaient dès qu’il apparaissait, des cadeaux au logo de BP plein les poches…Dans un service public, ça ne vous mettrait pas un léger malaise sur la qualité de l’enseignement dispensé à vos enfants ? Sérieusement ?

    – « Etes-vous prêts à renoncer, etc. » Cher Denis Bruyant, vous vous moquez du monde. Je gagne ma vie depuis plus de 15 ans via une association culturelle ayant pignon sur rue à Grenoble, que j’ai fondée avec quelques amis. Les seules subventions que nous ayons touchées, en presque 20 ans, étaient ridicules au regard de notre projet et de nos réalisations. Ca ne nous a pas empêchés de faire, oh, pas tout, mais un certain nombre de choses. Nous n’avons peut-être pas les mêmes ambitions, mais j’ai beau militer, dans l’absolu, pour une culture subventionnée, notre histoire prouve que l’on peut aussi faire sans. Ou tout au moins s’en arranger. J’ai été organisateur de spectacles pendant 12 ans, sans un centime de subventions. Et vous nous demandez si nous savons d’où vient l’argent ? Croyez-vous les artistes prisonniers de tours d’ivoire ou de cages dorées ? Mais c’est tous les ans, qu’il nous faut budgéter chaque projet et partir à la pêche ! Et quand par hasard la Mairie de Grenoble ou la Région Rhône-Alpes nous consent un petit quelque chose, sommes-nous pour autant pieds et poings liés face à leur politique, désastreuse dans certains domaines ? Ca me semble un postulat du débat public dans une démocratie : l’argent n’y condamne pas au silence, ou alors vu les connivences à tous les niveaux, on ne peut effectivement plus discuter de rien. Parce que l’argent vient de partout, y compris du nucléaire. Est-on, quand on trouve ça problématique, condamné à retourner à la bougie ? Alors oui, pour répondre à votre boutade (car c’en était une, bien sûr), à quand une « traçabilité » de l’argent en circulation ?? Telle subvention vient de l’argent retiré à une association d’aide aux devoirs. Telle autre vient du trafic d’armes. Comme pour les OGM. Je crains qu’on n’en soit pas tout à fait là ; mais c’est ça qui serait rigolo !

    – J’ai la chance aujourd’hui, à 42 ans, de pouvoir dire non à certains projets. Alors me demander si j’oserais renoncer à certains « avantages » pour gagner un argent « propre » dont on sait bien aujourd’hui la chimère, est 1/ une insulte à tous ceux qui n’en ont pas les moyens ; 2/ la porte fermée à un projet culturel dans ce pays où le politique prendrait enfin ses responsabilités et arrêterait de laisser la gestion des affaires publiques à n’importe qui dans n’importe quel domaine.

    – Enfin, une dernière anecdote : la dernière fois que j’ai joué à St-Paul-Trois-Châteaux, c’était en 1990 avec le groupe Le Petit Bal Perdu. Nous avons joué dans une salle superbe. Nous étions 7 musiciens, une équipe technique, deux spectacles, plus un invité de marque passant par là au dernier moment, néanmoins payé comme nous. Je n’avais jamais touché un aussi gros salaire, plus bien entendu, mes frais pour venir de Paris où j’habitais alors (je me demande si je n’avais pas voyagé en première classe)…Nous avons joué devant…25 personnes. Qui ont payé leur entrée, comprenant le prix d’un somptueux repas. Est-ce à moi à renoncer à mes émoluments ? Ou aux organisateurs à être remplacés après quelques gouffres financiers comme celui-ci, sans communication aucune, ni autre souci de dépenser de n’importe quelle façon un argent coulant à flots ??

    Cher Denis Bruyant, excusez cette réponse qui a pu espacer quelque peu les bornes de la courtoisie. Je vous souhaite évidemment le meilleur pour le Salon du Livre Jeunesse – qui reste, encore une fois, un des meilleurs que j’ai visités (à part le monsieur qui s’époumonait pour raconter des histoires aux enfants dans un vacarme épouvantable), et où je reviendrai, j’espère, l’an prochain, avec mes enfants.

    Bien à vous,
    Christophe Sacchettini (accompagnateur de Fabrice sur « Les Giètes »)

  5. Christine Chobriat
    27/03/2009 à 11:43 | #5

    Je suis bibliothécaire pour la jeunesse depuis 1991, d’abord en Rhöne Alpes puis en Paca aujourd’hui et je fréquente le salon de St Paul depuis cette date avec toujours la même envie et la même admiration pour ceux qui l’organisent, pour l’exigence, la justesse et l’engagement de ses organisateurs et de ses participants!
    Je découvre en faisant une recherche sur le blog de Citrouille le message de Fabrice et tous les autres : il résonne très fort en moi; ce matin, à France Inter, un responsable d’Areva profitait de la visite de Sarko au Niger pour vanter les mérites de cette entreprise dans l’économie du pays, pour améliorer le niveau de vie de ses habitants… quelle foutaise! Je connais personnellement des gens, coopérants, travaillant pour des ONG ou associations humanitaires financées par des capitaux suisses entre autres, qui sont convaincus de leur utilité pour aider les femmes à conserver leur artisanat traditionnel de tissage, les familles à vivre dignement malgré leur très grande pauvreté…tandis qu’Areva s’en met plein les fouilles, pollue leur terre et se fout pas mal des populations locales!
    Pas d’amalgame d’accord mais ouvrons les yeux et soyons utopistes pour dénoncer l’inhumanité d’Areva ici ou là-bas!

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