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Du jour et de la nuit (Troyes épisode 23)

Je dépose cet article en équilibre entre le jour et la nuit, douze heures chacune pas de jalouse, à l’instant exact de l’équinoxe : je programme sa mise en ligne pour le 23 septembre, 9h04 du matin. Coupons le ruban rouge avec de grands ciseaux : c’est la minute où nous entrons légalement en automne.

Comme tous les ans à pareille date, j’ai une pensée pour Montherlant, qui choisit de se donner la mort sur cette même frontière invisible en 1972, comme il l’avait semble-t-il annoncé dès 1938 : « Je serai donc parti le 24, date de l’équinoxe de septembre, quand le jour est égal à la nuit ; en la fête de ce saint Mystère, que le oui est égal au non, qu’il est indifférent que le oui ou le non l’emporte », ce qui est rétrospectivement romanesque en diable et peut-être même romantique. (Ce qui l’est moins, ce sont les raisons probables de son suicide : ce vieux pédophile redoutait le scandale dont le menaçaient les parents d’un très jeune garçon…)

Et c’est aussi le dernier alexandrin d’Hugo, prononcé sur son lit de mort, que je remâche in petto à chaque équinoxe : « C’est ici le combat du jour et de la nuit ». Le bougre à l’agonie faisait d’ultimes vers. Puis, les vers l’ont mangé.

Ah, pardonnez-moi, l’automne me fait ça, toujours. Mais j’aime bien. Ma saison préférée.

Sous ma fenêtre, le gingko monumental n’a pas bronché. Il est toujours aussi vert, quand ses collègues, et notamment le marronnier de l’autre côté de la maison, se sont déjà salement orangés. Je suis tellement ignorant en botanique que je n’ai aucune idée de la période où le gingko est censé changer de couleur. Je verrai bien, je le regarde tous les jours, attentivement, aux premières loges. Ce que je sais en revanche, c’est que le gaillard a résisté à la bombe A d’Hiroshima. Cet arbre nous enterrera tous. Autres pensées d’automne.

  1. Vincent Karle
    23/09/2011 à 15:04 | #1

    « Ah tiens, Fabrice, comment va-t-il ? »
    Lecture-rencontre avec Antoine Choplin hier soir à la librairie du Square, on boit un coup ensuite, je lance ton nom au détour de la conversation, réaction similaire & simultanée d’Antoine & de Françoise, la directrice : Ah tiens, Fabrice, comment va-t-il ? Hé bien il est à Troyes, il réside, il écrit, il compte ses mots, il compte ses pas, il détartre les cafetières, il visite, il flâne, il herborise, il éphéméride…
    T’as le bonjour

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