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Musique(s) pop(s)

Ce mois-ci sont morts deux musiciens pop, populaires, chacun sa manière. Un batteur anglais, puis un chanteur belge. Puisque (sans me vanter) je fais partie du peuple, j’écoute de la musique populaire et je les ai eus tous deux dans les oreilles. Aussi, je leur dois : comme à chaque fois que je me fends d’une nécrologie, je rejoue aux Reconnaissances de dettes, jeu sans terme, les morts ont été vivants et m’ont fait vivre.

1) Le 24 août est mort Charlie Watts. L’image de lui qui me vient spontanément est la pochette de l’album Dirty Works des Rolling Stones, l’un de leurs plus négligeables peut-être, mais il se trouve que c’est l’un des rares que j’ai écoutés dès sa sortie (1986). Sur la photo, chaque membre du groupe regarde effrontément l’objectif avec cet air de défi post ado, maussade mais prêt à en découdre, qui définit le rock’n’roll selon les Stones. Tous, sauf Charlie Watts, qui, dans le coin inférieur gauche, regarde ailleurs, hors champ, peut-être ses pieds ou un coin du studio, ou rien du tout, il rêve en souriant, un peu ailleurs tout en étant là. Beau portrait d’un groupe, bien complet de son éternel intrus. J’avais énormément d’estime pour Charlie Watts, batteur toujours impassible quoique toujours impeccable, qui ne dédaignait pas de faire tchak-poum sur ses fûts pour remplir les stades avec ses potes, mais dont la vraie passion était le jazz (cf. les Charlie Watts Quintet & Tentet, The Charlie Watts-Jim Keltner Project ou The ABC&D of Boogie Woogie).

Étant donné la longévité anormale des Rolling Stones (1962-?), entité collective plus durable que nombre d’humains individuels, il est presque inévitable d’écouter, ou au moins d’entendre, leur musique à différentes périodes de sa vie. Je me souviens qu’outre 1986 j’écoutais les Stones, notamment, en 2006, alors que j’étais plongé dans l’écriture d’un roman intitulé Les Giètes. Je lisais articles et biographies sur les Stones dont l’histoire, à l’époque déjà, était jugée d’une durée exorbitante. J’ai appris que Watts s’était vu diagnostiquer un cancer de la gorge, qu’il avait (comment faire autrement) envisagé sa disparition et ses adieux, mais qu’il s’était finalement battu, avait gagné contre le crabe, ce qui lui avait valu de vivre assez longtemps pour enterrer certains de ses amis – et de vivre le restant de sa vie comme autant de jours en plus. J’avais trouvé ce trait fort émouvant et je l’avais aussitôt amalgamé tel quel, rayons dans la gorge comprise pour économiser la parole, au protagoniste de mes Giètes, Maximilien Bertram. Car, au cas où vous ne seriez pas au courant, c’est en mélangeant qu’on invente. Charlie Watts est mort à 80 ans, l’âge du narrateur des Giètes dans le roman.

2) Le 18 septembre est mort Julos Beaucarne. Puisque je me pique d’écrire des chansons, je ne peux que saluer l’effet que me faisaient les siennes. J’aimais ses chansons douces et anarchistes, et sa poésie même quand c’était celle des autres, par exemple sa version de Vieille chanson du jeune temps (« Je ne songeais pas à Rose« ) de Victor Hugo. Le père Hugo avait beau dire Défense de déposer de la musique le long de mes vers, trop orgueilleux pour partager la couverture, ce poème-ci s’est glissé en moi par la musique et par la voix de Julos.
Et dans un autre registre, j’ai souvent pleuré en écoutant la lettre qu’il a écrite la nuit où sa femme a été assassinée, ici dite par Claude Nougaro.
Et voilà ! ça a encore marché ce matin, j’entends cette phrase de celui qui ne joue pas à être le ténébreux, le veuf, l’inconsolé : « Sans vous commander, il faut s’aimer, à tort et à travers« , et je chiale…

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