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Que faire du baroque ? (Cancel la Cancel, 1/5)

Photos : Laurence Menu. Le gars de dos au premier rang du public en chemise blanche, c’est Eric Piolle. C’est pas pour cafter, mais il a passé l’essentiel du concert sur son téléphone, à consulter les résultats des élections.

Deux photos des concerts « les tubes du baroque » donnés dimanche dernier par l’orchestre baroque Le Jardin Musical (Christine Antoine et compagnie). Le tambouriniste est un peu flou mais au moins il est en mesure et plein de bonne volonté.

Je prends un plaisir gigantesque à accompagner ces concerts en tant que présentateur-conteur-pédagogue (et tambouriniste). Je raconte de bonnes anecdotes, souvent liées à l’histoire littéraire davantage que musicale (pour évoquer Lully je parle de Molière, pour évoquer Purcell je parle d’Aphra Behn et par conséquent de Virginia Woolf, etc.) et j’en profite pour glisser quelques messages politiques bien sentis.

Échantillon : « Oui, bien sûr, mesdames et messieurs, on peut se moquer gentiment des opéras baroques dont les livrets, qui fantasmaient l’Orient, reposaient sur des présupposés racistes exprimant la supériorité de l’Occident blanc. Ah, la « danse des sauvages » des Indes Galantes ! Mais à partir de ce constat, deux solutions s’offrent à nous : soit l’on s’indigne de l’arrogance de ces œuvres, de leur caractère discriminatoire, de leur complicité dans le colonialisme et l’esclavage, de leur privilège blanc qui est une incarnation du mal, et on supprime du répertoire les Indes Galantes, Armide, Rinaldo, Abdelazer ou la revanche du Maure, on déboulonne Lully, Haendel, on relègue tous ces mâles blancs de plus de 50 ans (certains ont même 300 ans) dans une liste noire, et poubelle.
Cette solution très en vogue s’appelle la « cancel culture », qui est une culture de l’oubli – oxymore, contradiction dans les termes.
Soit l’on n’oublie rien, même pas les préjugés anachroniques, on se souvient qu’ils ont existé, que quelque chose a eu lieu, et pour cela et on montre les œuvres, on les joue, on les accompagne au tambourin s’il le faut, on les présente d’une manière contemporaine pour un public contemporain. C’est ce que nous prétendons faire. »

Du reste c’est également ce que fait Clément Cogitore quand il met en scène « Les Indes Galantes » à l’Opéra de Paris avec des danseurs urbains, et qu’il explose tout sur son passage. À ne pas manquer : sort aujourd’hui (mercredi 23 juin) en salle le documentaire sur cette mise en scène fabuleuse, film titré également Les Indes Galantes, par Philippe Béziat.

Que faire du baroque ? Le jouer, naturellement.

Prochaine représentation de nos « Tubes du baroque » : 16 janvier 2022, temple protestant, 2 rue Joseph-Fourrier à Grenoble, mais tout le monde a le temps d’oublier la date entre temps.

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