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La peau de la Mèche

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Au départ, il y avait La Mèche, livre joyeux et crypté, délicieusement enluminé par Philippe Coudray, édité par les éditions Castells à l’automne 2006. Tout de suite après, les éditions Castells se sont évanouies dans l’éther, avant d’avoir jamais donné de distribution sérieuse à ses livres… et j’en ai le coeur brisé, parce que je considère La Mèche comme mon livre potentiellement le plus grand-public. Il n’a pas « trouvé son public », comme on dit pour se consoler. Je l’ai défendu autant que j’ai pu – cf. cette exégèse dont j’ignore si elle était judicieuse… Mais attention, si vous lisez ce mode d’emploi en entier, certains secrets vous seront dévoilés, tant pis pour vous… Il vaut mieux ne lire la résolution qu’après avoir lu La Mèche… Ce qui est difficile, puisqu’il est introuvable… Vous saisissez le truc ?

Je supposais que plus aucun exemplaire n’était en circulation, mais je viens de remettre la main sur 8 (huit !) exemplaires de la Mèche, des invendus qu’un libraire tentait depuis plus d’un an, le malheureux, de restituer à l’introuvable Castells… Si quelqu’un dans la salle est preneur, qu’il m’écrive. Bon, ce microstock tombé du ciel peut dépanner, souder pendant la disette, mais ce n’est pas lui qui va, à proprement parler, faire exister ce bel ouvrage.

Depuis trois ans, je frappe aux portes des éditeurs et j’essaye de les convaincre de la beauté, de la malice, et de l’originalité de ce conte post-moderne… Peine perdue. Personne, personne, personne n’en veut. Pire que la fin de non-recevoir ordinaire, on me déclare à l’occasion : « Oui, c’est très bien. Mais je n’en veux pas, parce qu’il a déjà été édité… Je veux de l’inédit, je suis un éditeur qui découvre, pas un recycleur… » Double peine, donc : les éditions Castells n’ont pas permis de faire vivre ce livre, mais l’empêchent, de facto et post-mortem, de renaître ailleurs.

Je me résous, non sans soupirs, à l’éditer au Fond du tiroir. Mais je sais pertinemment que c’est un contre-sens : le Fond du tiroir a été conçu pour des expériences confidentielles et underground, pas pour des romans jeunesse grand-public (ces romans fussent-ils eux-mêmes très expérimentaux, et bizarroïdes). Intégrer La Mèche au catalogue du FdT certes m’attire (revendiquer enfin pleinement la production de cet opus qui m’est cher), mais change mes plans… Pour bien faire, c’est-à-dire pour donner à ce livre la visibilité qu’à mon sens il mérite, il me faudrait travailler avec un distributeur… Modifier très sensiblement la structure et les ambitions du tiroir ailé… « Fond du tiroir distribué » est un oxymoron.

J’en suis là de mes réflexions ( « Vive l’oxymoron nom de Dieu ! »), qui achoppent sur l’aspect financier des choses… Un distributeur, ça coûterait cher… De toute façon, les caisses du FdT sont vides (la crise que voulez-vous, la crise partout partout), et si je réimprime, ce sera quelque part, loin, en 2010… En attendant cette résurrection fantasmatique, je remets une dernière fois le texte sur le métier, je relis et recorrige La Mèche… Puis une nouvelle dernière fois… Puis une autre dernière fois… Puis une quatrième… Je l’aime énormément, ce livre, comme si je l’avais écrit ce matin. Et j’échange quelques mails avec Philippe Coudray. Sa couverture (ci-dessus) me convenait parfaitement, mais Philippe me suggère (Patrick F. Villecourt abondant dans son sens) qu’un changement d’édition se marque plus naturellement et plus fermement par un nouvel emballage.

Philippe : Le fait de changer la couverture est peut-être nécessaire si le livre a déjà été distribué (sinon les libraires risquent de le refuser parce qu’il reconnaîtront un livre qu’ils ont déjà vu). Maintenant, il faut trouver une idée de dessin de couverture. Je vais y réfléchir. Si tu as des idées, n’hésite pas !

Mézigue : Voilà la première idée qui me vient, brainstorming sous un crâne à moi tout seul. La mèche, c’est à la fois la bougie et le secret… Ce double sens m’évoque des jeux d’ombres et de lumière… Reprendre les deux personnages qui se font face, et jouer sur les secrets qui se cachent dans leurs ombres, de part et d’autre puisque la bougie est au centre… En outre, l’un des « secrets » en jeu dans le livre, c’est l’âge de Lila : au début, elle fait croire qu’elle est une petite fille, et à la fin elle avoue qu’elle est une adulte – or les ombres permettent des illusions sur la taille des personnages… Est-ce que cette improvisation te cause ?

Eh bien oui, elle lui a causé : en un rien de temps, ce grand professionnel m’adresse la maquette suivante :

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J’émets des remarques : Effectivement, les ombres portées donnent à la couverture un aspect beaucoup moins premier degré. C’est intéressant, et pertinent pour une réédition : variation sur le même thème, mais avec une ambiguïté en plus… En outre, graphiquement parlant, j’aime bien l’ajout de la base bleue au sol.
J’ai toutefois une réserve, qui porte sur les deux « visages » des ombres :
– Lila « adulte » semble porter une coupe afro, et on se demande pourquoi. Je suggère qu’elle porte plutôt une queue de cheval, comme celle que porte sa maman telle que tu l’as dessinée. Ainsi, une autre ambiguïté s’ajoute, sous-jacente : le couple d’ombres, sont-ce les parents de Lila, ou alors Lila plus tard, avec son mari, qui sait ?
– Quant à l’ombre du visage du père Noël, je la préfèrerais de profil : ainsi, on pourrait voir en majesté le tarin proéminent (voire, les lunettes) qui est (qui sont) le (les) signe(s) distinctif(s) du papa.

– Mais surtout, je trouverais préférable que les deux ombres soient de profil pour qu’on ait l’impression qu’elles se regardent ! qu’elles partagent le secret, en silence, mais sans se quitter des yeux… une complicité père-fille, une relation « de mèche » dans l’ombre, au fil du temps… Qu’en dis-tu ?

Et cet immense professionnel de me renvoyer ceci, dans la foulée, intégrant scrupuleusement mes desiderata :

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Cette fois, sans nous vanter, nous sommes bons. Plus qu’à.

Plus qu’à ronger son frein, oui, attendre Noël… Pour tromper l’impatience, intéressons-nous à autre chose. Le monde est si vaste. Philippe Coudray, authentique original, à l’ancienne, s’intéresse ainsi à la cryptozoologie, et en a fait le sujet de son dernier livre. Hé ben mon vieux.

Ou bien, pour faire le lien avec l’article précédent, on peut continuer de s’intéresser au sort des sans-papier et prendre dans ses bras le petit Chama Dieumerci, 6 ans. Comme Philippe Coudray (photo 10 du diaporama) ou moi-même (photo 30).

  1. 18/09/2009 à 00:37 | #1

    Moi je trouve très bien cette nouvelle version mais, tant qu’à vouloir se démarquer un peu de l’édition initiale, n’aurais-tu pas intérêt à changer la couleur de fond (et je ne dis pas ça que parce que je n’aime pas le vert…). Car, bien que les deux versions soient différentes, les couleurs dominantes n’ayant pas changé (le vert du fond et le rouge du Père Noël), je pense que les libraires conserveront de toute façon cette impression de « déjà vu ». Je ne sais pas, moi, essayer avec un bleu nuit par exemple.

  2. 19/09/2009 à 15:39 | #2

    Eh bien, moi qui suis hors du monde de l’édition, je vois qu’il faut beaucoup cogiter pour trouver la couverture qui fera mèche -pardon, mouche-. Par contre, j’imaginais bien la pugnacité nécessaire pour placer ses livres chez un éditeur. Mais après tout, en tant que lecteur assidu du fond du tiroir, je ne suis pas contre cette publication, qui, si elle sort de la « ligne éditoriale :) » peut nous aovrir à d’autres horizons. si vous êtes en peine avec vos exemplaires récupérés, je veux bien vous alléger ; avec votre accord, je peux même en donner un à l’école des enfants, puisque j’ai cru comprendre qu’il s’agissait d’un livre jeune public. arrêtez-moi si je me trompe
    Yves

  3. 01/10/2009 à 11:18 | #3

    Il ne change rien, celui qui ne change pas tout…

  4. Delmas
    02/10/2009 à 16:04 | #4

    J’aimais bien ce petit coup de vent, cette petite brise, ce petit ventilo hors champs de la première version…le mouvement de la barbe, le secret « soufflé »à l’oreille….
    Lo

  5. Vinz
    27/10/2009 à 11:26 | #5

    Oui, bon, je sais, j’arrive un peu tard, je le reconnais, je n’étais plus venu ici depuis un bon moment, c’est d’autant plus dommage que je suis gentiment cité dans le « marronnier » de septembre, mais que voulez-vous, lire un blog régulièrement c’est un coup à prendre…
    J’interviens sur la nouvelle couverture de « La mèche » pour dire que j’apprécie grandement cette réflexion sur la ré-édition, étant moi-même en phase de recherche pour republier mon roman ex-Castells (en fait c’était un château de sable) « la brume & la rosée ». Je n’en suis pas encore à la nouvelle couv, j’en suis à peine à frapper aux portes, comme l’a fait Fabrice. Mais je me pose déjà la question.
    Donc, j’aime beaucoup le travail de Fabrice et Philippe, et je suis plutôt d’accord avec Franck : attention à ce que des libraires pressés ne jugent pas hâtivement « Ah non, celui-là je l’ai déjà reçu ». Ne faut-il pas se démarquer plus franchement de l’original ? Soit en changeant la couleur, comme il le suggère. Soit en apposant une mention, genre mettons La mèche 2e édition revue et augmentée / à consumer sans modération / mise à fau Noël 2009 ! (là j’en fais trop, comme dirait Eddy Mitchell).
    Bref, à mon sens, sur le métier remettez votre ouvrage…

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