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La voix du feu (Troyes épisode 27)

Il ne se passait rien. (François Bon, L’incendie du Hilton, p.95)

Il se trouve que j’essaye d’écrire un livre. Je prends pour point de départ un fait divers, un incendie en milieu urbain, puis je recherche les moyens appropriés pour raconter cette histoire de biais, et en extrapoler des considérations sur le monde dans lequel je vis. J’avais entendu parler, lors de sa sortie il y a un ou deux ans, de l’Incendie du Hilton, roman (du moins, étrangement qualifié tel sur la couverture) de François Bon, qui prend pour point de départ un fait divers, un incendie en milieu urbain, puis qui recherche les moyens appropriés pour raconter cette histoire de biais et en extrapoler des considérations sur le monde dans lequel vit François Bon. On comprendra que j’aie consciencieusement dédaigné de lire ce livre, craignant qu’il ne me parasite.

Une jeune fille avec qui je suis en correspondance (bonjour, Pauline) me demande récemment si je l’ai lu. Comme je réponds par la négative, elle se fait radicale : « Alors, ne le lis surtout pas ! C’est très mauvais. » Mauvais ? Bon ! (Cas de le dire, pardon.) Il ne m’en fallait pas davantage pour foncer tête baissée : si ce livre était loupé, je ne pouvais plus redouter, orgueilleux comme je suis, qu’il m’influençât.

Je viens de lire l’Incendie du Hilton. Le 22 novembre 2008, François Bon, invité au salon du livre de Montréal, loge dans une chambre de l’hôtel Hilton. L’hôtel prend feu. Tout le monde est évacué en pleine nuit. Le salon du livre devant avoir lieu dans les sous-sol de ce même hôtel, les stocks de livres risquent de partir en cendres et fumée, métaphore possible du microcosme littéraire et/ou de la place du livre dans la société. François Bon discute avec des gens. Finalement ce n’est pas grave, alors tout le monde remonte se coucher. C’est tout.

Je me préparais, d’après l’avertissement de ma correspondante, à détester ce récit plus franchement. Je l’ai trouvé mal écrit, laborieux, non nécessaire, répétitif (le genre de répétitions fastidieuses, pas lancinantes comme du Thomas Bernhard) mais, pour autant, pas détestable. Certaines pages sont dignes d’intérêt (j’ai même aimé le chapitre, pourtant hors-sujet, sur le stage de récupération des points de permis)… mais l’ensemble est certes bien mal fichu. J’essaye d’en tirer des leçons sur ce qu’il ne faut pas faire.

Mon avis global sur François Bon : il a incontestablement inventé quelque chose sur son blog, il a été l’un des pionniers de cette écriture-là, en flux électronique et participatif, éphémère en éphéméride, archi-subjective puisqu’égocentrique, en prise directe et quotidienne avec ce qui entoure le scribe, c’était gonflé et vif, subversif, nouveau, bon timing. Tous les écriveurs de blog lui sont peut-être redevables, moi inclus, même si je ne l’ai lu que tardivement. Les problèmes, je crois, sont venus quand il a appliqué ce style d’écriture à tout un bouquin : étiré sur 180 pages, un monologue à la blog ne tient pas, ne peut pas tenir, il va vieillir prodigieusement vite, ça n’a pas de colonne vertébrale, toutes ses petites réflexions sur ce petit événement sont déjà éventées, ni fait ni à faire, le livre est mort. Le défaut de François Bon est donc, à ce que je comprends, d’avoir confondu deux sortes d’écriture. Je me le tiens pour dit.

Londonomètre : 601.

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