« Now we are all sons of bitches. » (Kenneth Bainbridge)
Vu Oppenheimer de Christopher Nolan hier soir. Je redoutais une prise de tête absconse de type Tenet, du même… Mais non, heureusement ce film-ci, quoique difficile, est beaucoup plus incarné, humain, et d’autant plus humain que le sujet du film est inhumain. Les personnages existent et les acteurs excellent à les faire exister loin de la binarité sympathique / antipathique.
La dernière demi-heure m’a semblé trop longue et trop bavarde, avec une façon de retourner l’intrigue sur elle-même à coups de flashbacks qui est la signature même de l’auteur (idem Tenet, Interstellar, Inception, jusqu’au matriciel Memento : comment complexifier au maximum une situation déjà pas simple), mais je suis prêt à admettre que la longueur venait de moi, j’étais crevé.
Le pitch pourrait être résumé ainsi : Projet Manhattan, Gadget, Trinity, le 16 juillet 1945 à 5h 29 mn du matin, à White Sands, Nouveau-Mexique (USA), l’axe du monde (et du film) est coupé en deux par une main humaine, une force mauvaise est libérée à la surface de la terre, elle ne retournera jamais d’où elle vient (le néant), et l’Histoire des humains en est changée à jamais.
Or… Ce pitch s’applique littéralement à autre chose… Il est, aussi bien, le résumé de « Gotta light ? » , le sidérant 8e épisode de la saison 3 de Twin Peaks par David Lynch.
Je crains que la comparaison ne soit pas en faveur de Nolan : celui-ci ne serait qu’un laborieux dialoguiste à côté de Lynch, poète visuel, peintre, photographe, homme d’images qui se passent du moindre mot pour faire ressentir un vertige historique et métaphysique.
Illustration ci-dessus : photogramme de Twin Peaks, saison 3, épisode 8. Le 16 juillet 1945 à 5h 29 mn du matin, à White Sands, Nouveau-Mexique (USA), l’axe du monde est coupé en deux par une main humaine, une force mauvaise est libérée à la surface de la terre, et elle s’appelle Bob.
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(Autre référence : Eternals de Chloé Zhao qu’il ne faudrait pas balayer d’un revers de manche sous prétexte qu’il n’est qu’une émanation de Marvel Studios, et par conséquent le film le moins personnel de son autrice. D’abord, il s’agit d’une extrapolation à partir de l’imagination de Jack Kirby, par conséquent digne d’intérêt ; ensuite et surtout, parce que cette idée que la bombe atomique a changé l’histoire de l’humanité, délimitant pour toujours un avant et un après, est très prégnante, à travers le personnage tragique de Phastos, ce dieu-ingénieur incarnant l’ingéniosité prométhéenne, pour le meilleur et le pire. Il me semble d’ailleurs que le champignon atomique se trouve pile au mitan du film.)
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