Porca Madonna !
(La sainte famille jedi selon Chawakarn Khongprasert. Cliquer ici pour voir d’autres œuvres religieuses du même artiste.)
Il mouilla l’extrémité de son pouce, tourna quelques feuilles de livre, et sortit un petit papier crasseux, plié…
Grananande Maarieie !…
Mèèèree Chééérieie !
Il ravalait ma poésie ! il crachait sur ma rose ! il faisait le Brid’oison, le Joseph, le bêtiot, pour salir, pour souiller ce chant virginal ; Il bégayait et prolongeait chaque syllabe avec un ricanement de haine concentré: et quand il fut arrivé au cinquième vers… Vierge enceininte ! il s’arrêta, contourna sa nasale, et! il éclata! Vierge enceinte! Vierge enceinte ! il disait cela avec un ton, en fronçant avec un frisson son abdomen proéminent, avec un ton si affreux, qu’une pudique rougeur couvrit mon front. Je tombai à genoux, les bras vers le plafond, et je m’écriai: O mon père !…
– Votre lyyyre ! votre cithâre ! jeune homme ! votre cithâre ! des effluves mystérieuses ! qui vous secouaient l’âme ! J’aurais voulu voir ! Jeune âme, je remarque là dedans, dans cette confession impie, quelque chose de mondain, un abandon dangereux, de l’entraînement, enfin !
Il se tut, fit frissonner de haut en bas son abdomen puis, solennel:
– Jeune homme, avez-vous la foi ?…
– Mon père, pourquoi cette parole ? Vos lèvres plaisantent-elles ?… Oui, je crois à tout ce que dit ma mère… la Sainte Eglise !
– Mais… Vierge enceinte !… C’est la conception ça, jeune homme ; c’est la conception !…
– Mon père ! je crois à la conception !…
– Vous avez raison ! jeune homme ! C’est une chose…
Arthur Rimbaud, Un coeur sous une soutane, intimités d’un séminariste
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Je me promène en Sicile, « ce pays de fantômes où seuls les conquérants ont laissé des traces » (Nicolas de Staël), ce pays très beau très sec très chaud très vieux, conquis et occupé par nombre de peuplades successives, Sicunes, Grecs, Carthaginois, Etrusques, Phéniciens, Romains, Ostrogoths, Byzantins, Musulmans, Normands, Espagnols, Français, Napolitains, Fascistes, Mafieux, Touristes, Confraternité de la Hache Noire… Où, en conséquence, les traces de civilisations anciennes, ces ruines de temples somptueux voués à des dieux désuets (c’est qui ce Jupiter ?), ces reliquats de maisons splendides, ces vestiges de raffinements éteints et de mœurs disparues, ces arts et techniques magnifiques et engloutis, s’accumulent par strates comme autant de memento mori adressés aux nations et aux religions.
La leçon de vanité ne porte guère, puisque l’île se révèle toujours excessivement pieuse. Incidemment la religion du moment est le christianisme.
C’est ainsi que chaque coin de rue recèle sa Sainte Vierge en plâtre, son Crucifié en bas-relief, son Padre Pio en plastique, son San’ Gioacchino en plâtre, son San’ Calogero en massepain ou quelque autre support à superstition. Comme ce matin encore je prenais un bain de mer sous l’œil vide d’une statue de Marie voilée, je me décide avec intrépidité à célébrer le 15 août, jour de l’Assomption de la Vierge et jour férié d’un pays prétendu laïque, en glosant sur la virginité de ladite mère de Dieu.
Notons en préambule qu’au sein du polythéisme (mystère de la trinité, saints…) déguisé en monothéisme qu’est le christianisme, la Vierge fait l’objet d’un culte spécifique, fervent et parfois exclusif – Dieu est une abstraction tandis que Marie est une femme comme vous et moi, mais en mieux, et se prête sans doute mieux à un lien personnel. Aviez-vous remarqué la différence de ton entre les deux prières essentielles du catéchisme ? On tutoie Dieu (Que ton règne arrive) tandis qu’on vouvoie la Vierge (Vous êtes bénie entre toutes les femmes). Respecte ta maman ! Car le respect dû aux mères est un paradoxal pilier du patriarcat.
Puis, clarifions la chronologie : les croyances concernant Marie ont été inscrites dans le dogme chrétien en quatre temps distincts ; le mythe de la femme dépourvue de chair et d’organes est devenu dogme en quatre dates.
Petit un, concile d’Éphèse, 431 : dogme de la maternité divine. Il est décidé que Marie est la mère de Jésus, donc de Dieu.
Petit deux, synode de Latran, 649 : dogme de la virginité perpétuelle. Il est décidé que Marie était vierge avant la naissance de Jésus et qu’elle l’est demeurée jusqu’à sa mort.
Petit trois, bulle du pape Pix IX, 8 décembre 1854 : dogme de l’Immaculée Conception. Il est décidé que Marie est littéralement conçue sans péché : elle échappe définitivement au sort commun de l’humanité qui vit sous le joug du péché originel. L’Immaculée Conception se fête depuis le 8 décembre, de même que la journée mondiale du Climat – aucun rapport.
Petit quatre, constitution apostolique du pape Pie XII, 1er novembre 1950 (entre temps, en 1870, le pape est devenu infaillible) : dogme de l’Assomption, fêté quant à lui le 15 août. Il est décidé qu’à sa mort, Marie ne s’est pas partagée comme tout un chacun entre son corps qui pourrit en terre et son âme qui s’épanouit au ciel, elle est montée au ciel intégralement, telle quelle, son corps étant de toute éternité pur esprit et non soumis à la corruption matérielle.
Les mythes m’émerveillent ; les dogmes m’emmerdent.
Si l’on me raconte qu’un barbu tout-puissant a créé l’univers en six jours, la lumière en premier pour ne point bosser dans le noir, puis la terre le ciel l’eau le feu les plantes les animaux, et qu’il a terminé par sa créature préférée qui tôt ou tard ne pouvait que le trahir et tenter de le dépasser, l’Homme, oh j’adore, je m’assois, j’ouvre la bouche et les yeux, encore-encore, j’estime comme Borges que « la théologie est une branche de la littérature fantastique » et puisque je kiffe à mort la littérature fantastique j’applaudis des deux mains la géniale métaphore, six jours pour rendre compte de 13,8 milliards d’années, chapeau le conteur.
Mais soudain, je réalise avec angoisse que des individus, qui vivent dans le même siècle que moi, que je pourrais croiser dans la rue, croient dur comme fer à cette billevesée, la création en six jours plus le dimanche pour la messe. Certains parmi les plus hardcore n’hésitent pas à partager l’humanité en deux camps : les élus, braves gens qui avalent tout rond cette fable, et les infidèles, salauds qui n’y croient pas, darwinistes, fornicateurs et blasphémateurs (à punir au plus vite par des sanctions allant jusqu’aux sévices corporels), et chaque jour ces gens poussent stratégiquement leurs pions, en interdisant ici ou là l’enseignement de la théorie de l’évolution, sous prétexte que cela les offense pauvres chochottes – à ce compte il faudrait ne pas enseigner davantage que la terre est ronde pour ne pas offenser les auteurs chrétiens de l’Ecole théologique d’Antioche qui soutenaient que le monde a la forme de l’Arche d’alliance, terre plate à la base et ciel en couvercle. Ni expliquer que la foudre est un phénomène électrostatique afin d’éviter de froisser la foi de ceux qui partent du principe que les éclairs sont l’exclusif privilège et le projectile fétiche de Jupiter (mais celui-là bon il est un peu passé de mode – c’est qui ce Jupiter, à la fin ? c’est un faux dieu, seul le mien est le vrai). Ni jouer avec les spaghettis de la cantine pour ne point heurter la sensibilité des pastafariens.
Idem la virginité de Marie. Quelle magistrale trouvaille de science-fiction ! (1) Un être extraordinaire apparait parmi les hommes, et son caractère singulier est souligné dès sa conception : sa maman, échappant au sort vulgaire de tous les mammifères, se retrouve enceinte sans qu’un zizi ait jamais craché la purée dans son ventre. Je salue l’imagination de l’auteur… Je salue les artistes pleins de grâce qui s’en s’ont inspirés, Bach, Schubert, Gounod, Bruckner, d’innombrables compositeurs de la Renaissance au baroque, et puis Brassens, et puis Godard (2), et puis Gainsbourg, et puis aujourd’hui Damien Saez (Au nom du vice, de la chaire/Et puis du sein meurtri/Sainte meurtrie mère de Dieu/Je te salue Marie)… Certains de ces artistes croient au mythe, grand bien leur fasse, puisqu’ils transforment le mythe en œuvre, non en dogme. D’autre ne croient pas et se contentent d’ajouter une histoire aux histoires. Peu importe, un même amour les brûla, celui qui croyait au ciel, celui qui n’y croyait pas.
Ce n’est jamais l’œuvre, c’est l’instrumentalisation du dogme, la mariologie, la mariolâtrie, qui peut se révéler prodigieusement toxique. Car (secret de polichinelle dans le tiroir), le dogme de la conception asexuée a pour fonction explicite de contrôler la sexualité des femmes. Celle-ci ayant trait aux mystères de la vie, elle a toujours un peu terrifié les hommes, spécialement les barbons du patriarcat chrétien qui y voient une inadmissible concurrence à la toute puissance de Dieu-le-Père, qui seul crée la vie, sans les bonnes femmes. Ce qui fait que la virginité féminine est louée et sa perte considérée comme une déchéance, tandis que la virginité masculine est au contraire un défaut de jeunesse dont on encouragera à se débarrasser au plus vite (comparons l’insulte infamante puceau à l’éloge attendri pucelle).
Certes les deux autres monothéismes ne sont pas en reste d’apologie de la virginité féminine (on sait le prix que les musulmans accordent à la marchandise « pucelage de mariée » (3), on sait aussi que les abrutis du djihad sont motivés par les 70 vierges qui les attendent cuisses ouvertes dans l’outre-là, fantasme taillé sur mesure pour connard machiste puéril – alors que faire l’amour avec une femme expérimentée est une expérience nettement plus intéressante que déflorer une jeunette (4), sauf à imaginer que l’orgueil toxique masculin est un organe sexuel) mais le christianisme a ceci d’original : la création d’une icône dévolue exclusivement à la sacralisation de l’hymen intact. Donner aux filles et aux femmes en modèle, en exemple de vie, un être imaginaire fait de pur esprit, sans sexualité, sans corps, sans libido, sans organe, sans désir, sans plaisir… puis culpabiliser la première qui, manquant fatalement à cet idéal impossible, découvrira qu’elle a un corps, une libido, des désirs et des plaisirs, est une torture mentale qui perdure depuis l’an 431. Porca Madonna…
En des temps plus héroïques ou philosophiques que les nôtres, le beau mot de vertu désignait « la disposition de l’âme à faire le bien, à suivre ce qu’enseignent la loi et la raison » (Furetière). Au XVIIIe siècle s’est effectué un glissement bizarre, réduisant le mot vertu à la chasteté féminine. On fera de semblables observations lexicales avec les mots pureté, honneur ou innocence. Cette distorsion du langage n’est que l’un des nombreux symptômes de l’exorbitante valorisation, dans nos contrées, y compris prétendument sécularisées, de la virginité des filles, qui reste le petit capital traditionnel des familles et la récompense des époux. On pourrait multiplier les autres conséquences collatérales de cette surcotation dans tous les recoins de la société… L’effet le plus visible, mais sans doute le plus superficiel, est la fréquence du prénom Marie et ses dérivés composés (pour les filles Marie-Jeanne, Marie-Louise ou Marie-Pierre… pour les garçons Jean-Marie, Louis-Marie ou Pierre-Marie…), parce qu’on place ses enfants sous la protection, mais aussi sous le modèle, de la Vierge. Ainsi Marie est le premier prénom donné au XXe siècle en France, et se maintient aujourd’hui à la 7e place (5) tandis que Virginie décroche l’accessit et le rang honorable de 56e prénom du siècle. Mais cette fréquence a des racines très anciennes : j’apprends ici que dès l’époque du Christ, Marie (ou Mariam ou Myriam) est le prénom féminin juif le plus courant, porté par environ une femme sur quatre : on connaît Marie de Nazareth, Marie Madeleine, Marie de Béthanie, Marie l’Égyptienne, les Saintes Maries de la Mer…
(Pendant ce temps, au cinéma : on remarque du reste qu’en dépit du déterminisme de 16 tonnes et de 20 siècles pesant sur ce prénom, les Marie au cinéma sous souvent des personnages étonnamment libres, à l’instar de Marie 1 et Marie 2 dans les Petites Marguerites de Vera Chytilova, ou bien de Maria 1 et Maria 2 dans Viva Maria de Louis Malle.)
D’autres effets plus retors de la glorification de la Vierge seraient à recenser dans le langage, depuis l’insulte fils-de-pute (qui ne s’adresse, remarquons-le, qu’aux garçons, fille-de-pute n’existe pas puisque pour insulter une fille on dira plus simplement pute, on insultera sa sexualité à elle, non celle de sa mère), jusqu’aux rites surannés des rosières de village en passant par une pop star qui se fait appeler Madonna et chante Like a virgin, sans oublier le cas intéressant du drapeau européen... mais revenons au cœur du sujet, le mythe marial.
Dans l’espoir vain et donquichottesque d’attenter au mythe débilitant de la virginité perpétuelle de Marie Théotokos, le Fond du Tiroir s’en va l’examiner comme il convient, avec la méthode d’un mythologue, en isolant consciencieusement son « mythème », c’est-à-dire sa plus petite et irréfragable unité narrative : un homme exceptionnel est conçu miraculeusement sans relation sexuelle, par une mère réputée vierge, enceinte sans contact préalable avec l’organe sexuel masculin.
Une fois identifié ce mythème, il nous appartient de le débusquer dans d’autres sources que les Évangiles, à fin de mythologie comparée, et à nous ébaubir de la diversité des occurrences. Pour que vous ne me soupçonniez pas d’affabulation, je donne toutes les sources dans des liens prêts-à-cliquer, qui sont, ô splendeur, bleus comme la Vierge et comme le drapeau européen.
* Rien que dans le judaïsme, les annonces prophétiques de naissances miraculeuses sont loin d’être rares, presque des lieux communs, et parmi les fils de vierges on trouve par exemple un certain Emmanuel (mentionné dans Isaïe 7:14 – forcément les chrétiens ont vu dans cette prophétie de l’Ancien Testament une bande-annonce du Nouveau et ont prétendu qu’Emmanuel était un autre nom pour Jésus) ou bien Melchisédech.
* Non loin de là, en Perse, un grand classique, Zoroastre alias Zarathoustra, naquit (en riant, selon Pline l’ancien) après que sa maman, Dughdova, ait été fécondée par un rayon de lumière.
* Mais plusieurs siècles, voire quelques millénaires avant Zarathoustra, les Perses révéraient déjà un dieu né d’une vierge : Mithra, le dieu-soleil. Du reste, celui-ci a tellement de points communs avec Jésus (naissance le 25 décembre, 12 disciples, résurrection après trois jours, etc.) qu’on pourrait presque parler de plagiat chez les inventeurs de Jésus, heureusement que ni le copyright ni les avocats n’avaient encore été créés.
* Au XVe siècle, le poète mystique Kabir, trait d’union entre les Hindous et les musulmans soufis, est dit-on né d’une mère vierge, de sa paume ouverte qui plus est.
* Et puis chez les Asiatiques, tiercé gagnant : on trouve au moins trois superstars nés d’une vierge. Lao Tseu (sa mère a mangé une prune et/ou observé une comète), Krishna (sa mère nommée Devakî a quant à elle regardé de trop près un cheveu de Vishnou), et Bouddha (sa mère s’est retrouvée enceinte après avoir rêvé qu’un éléphant blanc entrait dans son ventre).
* Dans la mythologie grecque, l’origine de Dionysos est des plus tortueuses : il est né plusieurs fois, dont une fois de la cuisse de son papa. D’abord conçu par un coup de foudre de Zeus (au sens propre : le tonnerre fertilise la terre), il est ensuite tué, coupé en morceaux, et son cœur est donné à manger par Zeus à Sémélé, fille du roi de Thèbes dont il s’est épris, qui tombe enceinte (techniquement elle est toujours vierge). Notons que Dionysos (qui est, sans vouloir me la péter, mon dieu tutélaire perso, puisque dieu de la vigne) devient alors le seul dieu grec enfanté par une mortelle vierge, ce qui fait de lui l’un des modèles historiques de Jésus.
* Dans la mythologie romaine, Romulus et Rémus, les jumeaux qui fondèrent Rome, sont les enfants d’une vestale vierge, mise enceinte par le regard de Mars (et je suis prêt à parier mon missel que c’est sur leur modèle que furent inventés deux autres jumeaux, Jacob et l’Homme-en-Noir, nés pour régner sur une île d’une mère romaine dont on ne connaît pas d’époux). Tant qu’on y est, faisons un lot avec les conquérants antiques : Alexandre le Grand, quelques Césars, les Ptolémaïques, se sont tous passés de géniteur, tellement qu’ils étaient virils.
* Même pas besoin d’être un dieu, un héros, un tyran ou un chef militaire pour être un grand homme né d’une vierge. La conception merveilleuse fonctionne aussi si l’on n’est que philosophe. Écoutons ce que Diogène Laërce raconte de Périctioné, la mère du grand Platon : « Quand Périctioné fut nubile, Ariston voulut la violer, mais ne put y parvenir ; ayant cessé ses violences, il vit le visage d’Apollon, dont l’intervention conserva Périctioné vierge jusqu’à son accouchement. »
* Chez les Aztèques : Quetzalcoatl, le grand serpent à plumes, avait quant à lui une maman nommée Chimalman qui fut engrossée par un rêve du dieu Ometeotl.
* Chez les Amérindiens, Le Grand Pacificateur, parfois appelé Deganawida ou Dekanawida, fondateur mythique de la communauté iroquoise au XVe siècle, avait lui aussi une mère vierge.
* Au Japon, le héros traditionnel Kintaro a pour mère Yama-uba, qui l’a conçu par un éclair envoyé par le dragon rouge du mont Ashigara.
* Cette liste de beaux bébés (uniquement des garçons, au fait… tiens tiens… une fille n’est pas assez pure pour naître d’une vierge, peut-être ?) ne saurait être exhaustive, mais terminons par une mention de la religion jediiste, sans doute l’une des plus récentes sur le marché de la spiritualité, selon laquelle le prophète Anakin Skywalker, connu après son initiation mystique sous le nom de Darth Vader (quoique certaines sectes dissidentes l’appellent encore Dark Vador), est le fils unique d’une vierge nommée Shmi, ensemencée par l’Esprit Saint que les dévots locaux nomment Force.
Une citation de pleine sagesse, pour finir, que j’emprunte à un couple d’auteurs catholiques, Colette et Jean-Paul Deremble, car n’étant point sectaire je ne doute pas que l’on puisse être catho et croire cependant que deux et deux sont quatre et quatre et quatre sont huit (belle religion que l’arithmétique) :
Ce thème de la conception virginale (…) récurrent dans toutes les religions anciennes (…) reconnu indubitablement mythique pour les autres cultures, aurait-il valeur réaliste pour le seul Christianisme ? Ne serait-il pas raisonnable de reconnaître qu’il s’agit, pour l’Évangile aussi, d’un mythe, grandiose et structurant comme il en est de tous les mythes, et de se préoccuper d’en comprendre le sens ?
Amen, si je puis me permettre.
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- (1) – Actualité du motif : la saison 3 de Legion (2019), qui compte parmi les plus remarquables séries de SF, trip psychédélique hallucinogène ne nécessitant même pas la prise de substance, s’ouvre sur une pregnant virgin, souriante et épanouie mascotte d’une secte louche de type Manson Family. On l’aperçoit dès les premières images de cette bande-annonce.
Certes, bien antérieurement, dans l’épisode 19 de la saison 1 de Lost, John Locke, le personnage le plus mystique de la série, apprenait par sa mère qu’il n’avait pas de père car il était immaculately conceived. Mais comment s’en étonner puisque, comme on le sait au Fond du Tiroir, tout est dans Lost. - (2) – À propos de Je vous salue Marie de Jean-Luc Godard (1985), on notera avec intérêt que le film a « profondément blessé » certains catholiques intégristes qui ont manifesté dans les rues et même incendié un cinéma, bref qu’il a fait scandale comme est susceptible de faire scandale auprès des cons n’importe quelle intervention publique qui évoque le mythe sans se plier au dogme, alors même que ce film est au fond extrêmement respectueux de la transcendance et du mystère de la conception virginale – excellent pitch pour grand écran. Godard ne fait rien d’autre que ce qu’ont fait les artistes durant des siècles : un remake. C’est-à-dire qu’il a peint à nouveau des personnages imaginaires, Marie, Joseph, Jésus, avec les atours, les vêtements, les mœurs et le langage de leur propre époque, en somme il les a réincarnés pour aujourd’hui. Lire cet article de Natalie Malabre : « Le film [accepte] le mystère de Marie sans jamais dévier de sa lecture catholique ».
- (3) – Cf. par exemple cette description extraordinaire d’une pratique ordinaire, dans L’Amande, Nedjma, Plon, 2004 :
« Enfin est arrivé le jour des noces. Neggafa a poussé notre porte de bon matin. Elle a demandé à ma mère si elle voulait vérifier la « chose » avec elle. – Non, vas-y toute seule. Je te fais confiance, a répondu maman. Je crois que ma mère cherchait à s’épargner la gêne qu’une telle « vérification » ne manque jamais de susciter, même chez les maquerelles les plus endurcies. Je savais à quel examen on allait me soumettre et je m’y préparais, le cœur noyé et les dents serrées de rage. Neggafa m’a demandé de m’étendre et d’enlever ma culotte. Elle m’a ensuite écarté les jambes et s’est penchée sur mon sexe. J’ai senti soudain sa main m’écarter les deux lèvres et un doigt s’y introduire. Je n’ai pas crié. L’examen a été bref et douloureux, et j’ai gardé sa brûlure comme une balle reçue en plein front. Je me suis juste demandé si elle s’était lavé les mains avant de me violer en toute impunité. « Félicitations ! a lancé Neggafa à ma mère, venue aux nouvelles. Ta fille est intacte. Aucun homme ne l’a touchée. » J’ai férocement détesté et ma mère et Neggafa, complices et assassines. » - (4) – « Mais d’abord… est-ce que tu as déjà dépucelé des filles, toi ?
– Oui. Ça n’est pas drôle. Tu es bien gentille de ne plus l’avoir, ton pucelage. » (Pierre Louÿs, Trois filles de leur mère) - (5) – Incroyable mais vrai ! Je connais un groupe dont tous les membres féminins, soit précisément la moitié de l’effectif, s’appellent Marie. C’est un miracle. Tiens d’ailleurs plutôt que de perdre votre temps sur Internet vous feriez mieux d’aller regarder leur clip, il est très beau.
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