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Gloire à Tchekhov, honte à Poutine

12/06/2022 Aucun commentaire

Comme on sait depuis Clémenceau, La guerre est chose trop grave pour être confiée à des militaires. De même, la chronique et l’analyse d’une guerre est chose trop subtile pour être déléguée, naturellement aux militaires qui naturellement n’en diraient pas un traitre mot authentique, mais pas davantage aux politologues, économistes et autres éditorialistes appointés. Il faut confier tout discours sur la guerre aux poètes, et, en général aux littéraires. Eux, savent.

Le meilleur commentaire que j’ai entendu sur la guerre que mène Vladimir Poutine en Ukraine est celui d’André Markowicz, russe français, poète et traducteur – de Tchekhov, Pouchkine, Dostoïevski, Gogol, Gorki, Boulgakov…

Écoutez-le. L’émission dure 33 minutes, chacune vaut son pesant de lumière.

C’est fait ? Alors je poursuis. Avez-vous remarqué que le mot le plus employé par André Markowicz au fil de cette interview passionnante et terrible est la honte ? La honte comme moteur de l’histoire et de la guerre, comme incompressible noyau de l’âme slave, comme alpha et oméga de l’inconscient collectif, comme tache impossible à laver tel le sang chez Barbe Bleue, comme mal et aussi comme remède (il faudrait faire honte à la Russie, Markowicz explique très bien pourquoi la diplomatie de Macron, Ne pas humilier la Russie, est une aberration), la honte ainsi que la fierté (nationaliste) dont on ne saurait départager lequel des deux est le double maléfique de l’autre… Or la honte est un thème éminemment littéraire.

Parmi les membres de l’atelier d’écriture que j’anime en ma médiathèque se trouve une jeune femme russe. Lors de la séance qui a suivi le déclenchement de la guerre en Ukraine, elle nous avait dit, bouleversée : « Pardon, je ne sais pas ce que je fais là, je n’aurais pas dû venir aujourd’hui, je ne sais pas comment penser à autre chose qu’à ma honte » . J’ai tenté de lui suggérer qu’il ne fallait pas avoir honte parce qu’elle-même n’avait pas envahi l’Ukraine, mais qu’en savais-je, qui étais-je pour la raisonner, moi qui suis un tout petit peu poète mais pas même russe.


Ici : autre éloge des poètes russes et autre infamie des tyrans à lire au Fond du Tiroir.