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Comme un autoportrait en ville

08/03/2019 3 commentaires

Aujourd’hui avait lieu le dernier atelier d’écriture du cycle 2018-2019, que je mène avec les adultes handicapés du SAMSAH-Chambéry. Thème imposé pour les ateliers : « Autoportrait en ville » . Restitution le samedi 25 mai pendant le Festival du premier roman de Chambéry.

Merci aux participants, bravo à tous, à bientôt. Pour la route, un petit poème en « – il » que je leur ai mirlitonné en guise d’échauffement :

Comme une fleur sans chlorophylle
Comme un moineau à Tchernobyl
Comme un savant un peu débile
Comme un Vendredi sur son île
Comme un garde suisse en civil
Ou comme un vampire hémophile
Un hyperactif immobile
Un jeune devenu fossile
Un patriarche volubile
Un usurier sans domicile
Un temps d’hiver au mois d’avril
Un diablotin dans l’évangile
Un homosexuel au Brésil
Un myopathe haltérophile
Un prince qui tend sa sébile
Ou n’importe qui en exil
Je cherche mon chemin en ville.
F.V.

Je suis arrivé très tôt à Chambéry ce matin, plusieurs heures avant l’horaire de mon atelier, mais comme aucun des deux amis qu’il me reste dans cette ville n’est disponible pour me recevoir, j’ai du temps à perdre, j’ère seul dans les rues, j’arpente, marcher fait peut-être du bien à mon dos.
Curieux magnétisme : comme je ne savais pas où aller, je me suis retrouvé directement devant mon ex-lycée. Puis j’ai accompli divers cercles concentriques pour constater tout ce qui a changé. J’ai multiplié les stations pour invoquer un passé qui ne regarde que moi. Tiens, ici j’ai fait cela, là j’ai fait ceci, tout a changé, d’ailleurs ici c’était une boulangerie. Ce qui après tout est pertinent avec le thème de mes ateliers d’écriture, poétiser la ville, disons que je suis en train de faire le tour de chauffe.
Je me suis longuement arrêté dans un petit square en contrebas du Boulevard de la Colonne, où autrefois trônait une cabine de Photomaton, devenue mon endroit préféré de Chambéry  et même de la surface de la terre peu après mon emménagement ici à l’âge de 12 ans. Avec mon ami Matthieu, nous nous amusions des heures dans ce Photomaton, c’était 5 francs les 4 photos, nous préférions largement claquer notre pièce de 5 francs dans le Photomaton plutôt que dans un flipper ou un baby-foot, on s’inventait des histoires, cette photo-là c’est notre fiche de police après arrestation, c’est notre affiche de campagne pour les élections présidentielles, c’est la rubrique des faits divers, c’est rien du tout juste un prétexte pour faire les cons, et si nous n’avions plus de pièces de 5 francs rien ne nous empêchait de faire des grimaces dans le miroir.
On ne trouvera nulle part dans le square de plaque rappelant aux passants « Ici en 1982 se tenait un Photomaton qui marchait avec des pièces de 5 francs », je le regrette. En lieu et place, une photo montre le quartier momentanément transformé en tas de gravats après les bombardements de 1944, on regarde la photo, on pivote le regard et on compare avec le réel d’à côté, ah oui dis donc.
Ensuite Matthieu a déménagé dans le Nord et j’ai appris sa mort quelques années plus tard, sans l’avoir revu.