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Archives pour 06/2012

On a tous besoin d’hamour

25/06/2012 4 commentaires


Ma petite entreprise, mon terrain de jeu et de liberté, mon utopie à roulettes, mon « Fond du tiroir », a donc volé en éclats. Alors que j’avais un planning de deux publications en 2012 (mai et octobre), Patrick Villecourt, mon graphiste, factotum et ami, co-inventeur de tout ce qui concerne le Fond du tiroir, me tire sa révérence dans le dos, mettant un terme brutal à quelque chose comme six ans (puisqu’il y eut une vie avant le FdT) de collaboration fructueuse, fébrile et rigolote. Il m’explique qu’il n’est plus capable de rester des heures devant un écran à composer des livres, ça l’emmerde, ça le fait souffrir, ça le laisse froid, il n’a qu’une envie, déguerpir, prendre l’air, s’occuper de ses ruches, de ses essaims et de son miel. Que faudrait-il répondre ? Naturellement je ne lui en veux pas, comment pourrais-je, il me reste encore un paquet de mercis à lui dire. Je te souhaite bon miel, vieux.

Pour me consoler il me la joue « les cimetières sont pleins de gens irremplaçables, tu peux continuer avec n’importe qui », mais je ne vois pas les choses ainsi, je considère Patrick comme le co-auteur des 7 livres réalisés ensemble (le summum étant bien sûr J’ai inauguré IKEA, objet particulièrement graphique, où sa part de travail est supérieure à la mienne). Moi j’avais dans l’idée que le FdT était un duo, j’écrivais, il visualisait, on éditait à deux. Certes rien ne m’empêcherait, rien ne m’empêchera, de reformer un duo avec n’importe qui (l’un des deux livres prévus, au moins, reste à l’ordre du jour, sans que je sache ni où ni quand ni comment, et à peine pourquoi), mais ce ne sera pas le même cadre, ce ne sera pas sous le logo dessiné par Patrick.

Cette fin brutale était (presque) imprévisible, elle est en tout cas malencontreuse, parce qu’elle advient au moment précis où, ayant échoué depuis lurette intéresser des éditeurs traditionnels à mon travail (le dernier contrat que j’ai passé pour un livre date de 2009), j’avais fait une croix sur toute velléité de pénétrer le paysage éditorial français, bien décidé à occuper, en guise de position stratégique, le seul fond de mon tiroir. Le tiroir se délite et me voici tout nu.

Merci à tous ceux qui, dans mon dénuement, m’ont adressé un petit message d’hamour.

Je vais écrire un petit peu. Et voir ce que ça devient. Comme toujours.

Cette chronique est dédiée à la mémoire de Lonesome George, mort hier, dans la force de l’âge.

Suspense

08/06/2012 3 commentaires

Rien ne va plus. J’avais entrevu, dos au mur mais citant Flaubert pour me donner du coeur (« si vous n’êtes pas un coquin… »), la perspective d’un nouveau livre, réalisé rapidement, souscription en mai, sortie en juin, et dans la foulée l’opus suivant illico mis en chantier.

Finalement, tout croule et tombe au fond des limbes. Le livre en question n’est pas sorti, ne veut pas sortir, ne sortira peut-être pas. Le Fond du Tiroir en reste hébété. C’est quoi, cette odeur ? L’est en sapin, le Tiroir ? Patrick et moi aurons fait sept livres ensemble, ce n’est pas rien sept fois le plus beau livre du monde, mais le huitième ne vient pas, ah. Tarkovski, qui croyait dur aux fantômes, avait lors d’une séance de spiritisme invoqué l’esprit de Pasternak, et reçu de lui cette prophétie : Tu ne feras que sept films. Puis Tarkovski a fait sept films, et il est mort. Moi, pour les fantômes, je ne me prononce pas, mais sept est un joli chiffre.

Le blog aussi est suspendu dans cette mauvaise passe. À plus tard. Peut-être.

Ah, et puis, sinon, j’ai aussi fait un disque.

07/06/2012 un commentaire

Mélosophia, à la base, est un duo de chanson créé par une copine, Sophie Rouvre, et son jules, Benoît Quévy, pianiste. On peut entendre sur leur site quelques échantillons de leur musique. En prévision d’une prestation très spécifique et très extraordinaire, ainsi que de la sortie de leur album, ils ont transformé le duo en « vrai » (?) groupe, recrutant il y a quelques mois une basse, une batterie, et un trombone – c’est là que j’entre en scène. J’ai répondu à l’aimable invitation, d’abord avec circonspection, pas certain de trouver là ma place, mais finalement j’y ai pris beaucoup de plaisir.

[Flagrant délit d’auto-censure : ici, je supprime un paragraphe qui a fait de la peine à quelqu’un que j’aime. Un journal intime en public comprend des risques, je les accepte, mais je n’écris pas ce blog pour faire de la peine à quelqu’un que j’aime.]

Point culminant, après des heures et des jours de répétition : concert, vendredi dernier (ici une petite vidéo de la répète finale). Nous n’avons joué qu’une demi-heure (nous ne faisions qu’assurer, en réalité, la première partie d’une pièce de théâtre scolaire pour laquelle Mélosophia a composé une bande originale), et ce fut une demi-heure exaltante, je suis toujours autant attiré par l’adrénaline de la scène et ses projos. Ce projet me fut fertile en premières fois, or il n’y a que les premières fois qui valent comme le prétend un roman qui est une seconde fois  : … que je chantais (et sifflais) en public, que je jouais un solo (par coeur, sans partoche), que je donnais dans l’orchestre variète en étant la section cuivre à moi tout seul, que je me lançais dans un chorus (j’ai osé, pas trop long, pas trop compliqué, en do mineur… Je ne l’ai pas trop foiré…),  que je jouais dans une salle aussi classe que l’Hexagone (scène nationale s’il vous plaît), première fois enfin que je faisais un disque, ah ! un disque ! J’ai toujours rêvé de faire un CD, surtout depuis que ce support est moribond, c’est mon côté « soins-palliatifs », je suis friand des agonies, des modi operandi sacrifiés dans le Flux, encore-un-instant-monsieur-le-numérique, de même que j’adore projeter des films en pellicule argentique, que j’éprouve une profonde tendresse pour les cabines téléphoniques, ou que j’ai la passion du livre en papier, sortir en 2012 un CD vintage vraie galette ronde brillante polycarbonate sous boîtier cristal n’est pas très raisonnable, raison de plus, enfin le voilà, j’ai fait un disque, j’ai mon disque entre les mains, j’ai cru fort à un moment que mon disque serait la captation des Giètes, mais non, autre chose à la fin assouvit mon fantasme, l’album du groupe Mélosophia existe, il s’appelle Déclic, je chante et trombonise et sifflote sur quelques titres, et vous savez quoi je suis content.

Mais à présent, foin de satisfaction exotique et facile, fini de plaisanter, terminée la petite bière, arrachés les oripeaux du simple-exécutant : je replonge dans le bain où j’ai de réelles ambitions, je sors un bouquin la semaine prochaine (du moins si tout va bien – car à l’heure où je vous parle, c’est la crise partout-partout-partout, mon factotum est en plein burnout).