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Ah et puis aussi en Belgique j’ai vu ces gens-là

Ils sont tous là, suspendus à hauteur d’oeil sur un mur du Musée des Beaux arts de Gand. On les reconnaît, un par un.

D’abord… D’abord, y’a l’aîné (çui qu’est comme un melon, qu’est complètement cuit et se prend pour le roi). Et puis, y’a l’autre (des carottes dans les cheveux, qui fait ses petites affaires). Et puis, y a les autres (la mère qui ne dit rien ou bien n’importe quoi, la toute vieille qu’on attend qu’elle crève). Et puis au beau milieu, dans son cadre (sur sa croix) en bois, le figé pour toujours, l’icône du patriarche, qui est mort et qui regarde son troupeau… Ça fait des grands pschlfchlfr.

Je ne les ai pas seulement vus, je les ai regardés longtemps. Je pouvais me permettre, j’étais seul dans la salle, un luxe, la solitude pour contempler la foule, en somme s’en extraire un instant, avant de replonger. Il y a de quoi faire. Cette masse cristallisée de grimaces concassées dans un tableau presque carré, est passionnante à admirer et à détester, le point de vue est à la fois chrétien et furieusement anti-chrétien, le fond est humaniste autant qu’anti-. L’innocente méchanceté, la roublardise coupable, l’ahurissement grégaire, la superstition fanatique… et toutes ces turpitudes pour accompagner, pour célébrer, pour engendrer quoi ? Un culte bi-millénaire de rédemption : et-puis-y-a-Frieda-qu’est-belle-comme-un-soleil, voyez comme elle est heureuse, comblée, sauvée, la Sainte Véronique en bas à gauche, d’avoir arraché au stand son T-shirt perso à l’effigie de l’idole, grâce au miracle de la vraie transpiration. De la part du Crucifié, c’était de bon coeur : même qu’il donnerait sa chemise à de pauvres gens heureux.

Mais il est tard, monsieur. Il faut que je rentre chez moi.

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