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« La seule divinité raisonnable, je veux dire le hasard » (Albert Camus, La Chute)

Je sors de chez l’imprimeur. J’ai déposé là-bas les fichiers qui composent Lonesome George afin qu’ils se transforment en livre, ébloui comme au premier jour par le processus qui conduit de l’idée à l’objet. Je me souviens qu’Alan Moore prétend qu’écrivain et magicien sont une seule et même fonction, puisque dans les deux cas il s’agit de transformer la réalité en prononçant certains mots. Je n’ajouterai qu’un mot : Abracadabra.

Le hasard étant, selon Balzac, le plus grand romancier du monde, je ne doute pas qu’il en soit en outre le plus grand magicien. À mon retour de chez l’imprimeur, je trouve, comme par hasard, trois messages dans ma boîte. Trois fidèles lecteurs m’incitent à cliquer d’urgence sur ce lien. Je clique, et certes, je tire mon chapeau au destin : mon conte sur la tortue était mort en juin, en même temps que George ; il renaît et se multiplie (300 exemplaires) au moment précis où l’on découvre que le défunt, réputé solitaire, avait une tripotée de frangins. Simultanément, les premières souscriptions me parviennent par courrier (la première, comme d’habitude, est au nom de Yves).

Du reste, je suis de longue date dévot, convaincu de la toute puissance du hasard, ayant même publié un livre qui n’existe pas aux Éditions du pur hasard. À ne pas confondre avec les Éditions Aléatoires, qui n’existent pas non plus, et c’est dommage parce qu’on aimerait bien lire certains de leurs livres. Les Éditions Aléatoires, ou Irrégulières selon l’option choisie, ne sont qu’un site astucieux qui génère à la demande, avec vos seuls noms et prénom et selon un hasard numérique et miraculeux, des titres et des couvertures de livres qu’il ne vous reste plus qu’à écrire. Non seulement ce jeu de création de jolies vitrines ne donnant sur aucune arrière-boutique est très amusant, et propice à la rêverie, mais en plus il permet d’admirer comment le hasard fait bien les choses. J’ai tenté l’expérience, abracadabra, mon livre s’intitule Le doigts des tortues. Quel talent. (La vérité historique, mon beau souci, m’oblige à préciser que ce titre tortueux ne fut que la troisième réponse que me fit l’oracle. Il y aurait beaucoup à dire sur mon premier et mon deuxième tirages, et c’est pourquoi je n’en dirai rien. Je préfère ajouter qu’on peut trouver plein de variantes à ce jeu rigolo, comme faire écrire des livres à des gens connus. Mais attention, parfois ça cesse d’être rigolo.)

Sans lien explicite avec ce qui précède (débrouillez-vous pour l’implicite), un extrait d’interview d’Olivier Assayas à propos de son film Après mai, film reproduisant fidèlement les années 70, par conséquent un peu moche mais exaltant, contrairement aux années 80, super-moches et déprimantes.

Il y a un décalage dans le sens où, à l’époque, très peu de choses étaient accessibles. Elles étaient du coup extraordinairement précieuses. Aujourd’hui tout est accessible. (…) Il y a une autre opposition entre ces deux époques [celle évoquée par le film et la nôtre] : aujourd’hui, on croit à ce qui est majoritaire. C’est à dire que Stéphane Hessel ne vaut quelque chose que parce qu’il a vendu X millions d’exemplaires de son livre. Dans les années 1970, ce qui valorisait un ouvrage, c’était que très peu de personnes l’avaient lu, et qu’il y avait une complicité entre ces initiés. Pareil pour la musique, les journaux , la presse. Il y avait cette idée, cette foi dans la possibilité d’une minorité agissante.

  1. 28/11/2012 à 12:33 | #1

    Bonjour Fabrice, très marrantes ces éditions Aléatoires, je suis obligé d’écrire maintenant deux ouvrages : Les meurtres du désert (mouais) et surtout Le talent des chenilles, (J’ai oublié le premier titre). Reste plus que l’inspiration, et le talent pour arriver au bout d’un livre construit et cohérent. Finalement, je vais m’en tenir aux titres !
    Amicalement,

  2. 06/12/2012 à 22:27 | #2

    minorité qui agit!vive toi!!! je viens de lire le post de JPB sur Montreuil. il y a un lien. grand petit, beaucoup, peu, pauvre, riche. bon, allez, bonsoir et bises fraternelles, ouf qq chose de bon ce soir…

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