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Le schéma narratif des Raptout (Troyes épisode 84)

On n’est pas sorti des ronces.

Le salon du livre jeunesse de Montreuil ferme ses portes aujourd’hui. En toute logique, ce grand raout annuel devrait être l’occasion pour les médias de parler de ce champ culturel immense et fertile et excitant et influent, la littérature jeunesse. Sauf que non. On n’en parle pas. Et quand on en parle, on dit n’importe quoi. Le CRILJ, dans sa revue de presse, relève un blog du Nouvel Obs, animé par Yves Delahaie, prof de lettres en collège (et accessoirement membre du bureau national du MoDem), qui lui règle son compte, à la littérature jeunesse. Sous couvert de poser deux bonnes et vraies questions, Qu’est-ce que la culture et pourquoi a-t-on du mal à l’enseigner, voilà le professeur parti dans une charge contre le bouc émissaire désigné. Il démasque la grande arnaque : les livres pour les enfants. Cette diatribe aurait aussi bien pu être écrite il y a un an, dix ans, trente ans, pourtant non, je revérifie, le post est bien daté octobre 2011, toujours les mêmes présupposés, la même ignorance, rien n’a changé, rien ne change, c’est fatigant.

Moi qui aurais spontanément tendance à esquiver pour mon compte l’étiquette de littérature jeunesse, parce que je m’obstine à me situer aussi ailleurs, lorsque je lis pareil tissu d’âneries et d’attaques particulièrement viles (auteurs en rencontres scolaires = camelots qui font leur beurre), brusquement je me hérisse et me sens porte-étendard. Je suis un auteur jeunesse et tu ne me parles pas comme ça ! Je suis un juif allemand, aussi, en cas de besoin.

Les programmes de français ont pollué la discipline plus de vingt ans avec des ponts d’or offerts à la littérature jeunesse. Entendons nous bien : je ne proclame pas qu’il faut bannir la littérature jeunesse. La censure n’a jamais été une solution, et nous fûmes les premiers à nous délecter étant plus jeunes de Picsou Magazine, de la collection Le Club des cinq ou encore des aventures de Tom-Tom et Nana dans J’aime Lire.
Mais je n’ai jamais étudié en cours de français le schéma narratif du dernier cambriolage des Raptout ! Ainsi, pendant une vingtaine d’années, il fallait donner à dose homéopathique les Perrault, Caroll et autres La Fontaine pour abreuver jusqu’à plus soif nos ouailles de Vignod, des Chair de Poule ou encore de l’inénarrable Harry Potter, tous producteurs ou production à la page des temps modernes dont l’unique but est de faire vendre. Cannibales, ils ont tout dévoré sur leur passage, des professeurs leur consacrant plusieurs semaines de travail à grands coups de séquences, quand les auteurs ne venaient pas à prix d’or monnayer leur notoriété en improvisant des « rencontres » avec les élèves, tels des camelots.
Fort heureusement, la nouvelle réforme des programmes vient de relayer ces produits du mercantilisme littéraire au rayon « lecture cursive », ce qui en langage pédago-jargonnant désigne les lectures faites pour le plaisir et non pour l’étude. Le futile est donc revenu à la seule place qui lui incombait : celle de l’oisiveté.

Oh, putain. Il faut donc tout reprendre à zéro, encore une fois, tout ré-expliquer, repartir en polémique… Mais pour parler de « littérature jeunesse » à quelqu’un qui l’assimile aux Raptout, il faut se lever d’aussi bon matin que pour ratracer la grandeur de la chanson française à un qui croirait que par métonymie elle se résume à Christophe Maé. Je n’ai pas le courage ce soir de souffler contre le vent.

Tentons plutôt la démonstration par l’absurde, au moins en chemin aura-t-on une chance de s’amuser. Prenons le professeur Delahaie au mot, supposons qu’on le donne pour de bon, ce cours sur les Raptout. On commencerait par faire respectueusement remarquer au professeur que la pédagogie exige, c’est un minimum, l’exactitude orthographique, et qu’en français, ces personnages se nomment Rapetou. Ensuite, on exposerait que les Beagle Boys en VO (le beagle étant une race de chien à oreilles tombantes, vague modèle graphique des personnages – le même que celui de Snoopy, d’ailleurs) ont été inventés en 1951 par Carl Barks, l’un des seuls authentiques génies de la bande dessinée ayant travaillé dans les usines Disney, considéré comme un maître par la plupart des dessinateurs animaliers, même ceux qui jouent dans des genres très éloignés comme Lewis Trondheim. Barks (1901-2000), dont les bandes sont en cours de réédition chez Glénat (prix du patrimoine au festival d’Angoulême 2012), a créé un grand nombre de personnages, davantage peut-être que Disney lui-même, dont l’onc’ Picsou, qui quant à lui se nomme en anglais Scrooge, référence directe au personnage principal de la célèbre nouvelle de Charles Dickens, Un chant de noël. Il faut déduire de cette référence culturelle que Carl Barks a étudié ce grand classique de la littérature jeunesse quand il était à l’école, le ver était déjà dans le fruit (et ce salaud de Dickens se goinfrait cyniquement du pont d’or que lui offrait l’école publique).

Revenons au gang des Rapetou : inspiré, pour sa part, par un gang d’ennemis publics des années 30, il a inauguré l’archétype de la famille de gangsters obsessionnels « plus bêtes que méchants ». Morris et Goscinny, fins connaisseurs des histoires produites chez Disney, commirent sans aucun doute un plagiat lorsqu’ils créèrent en en 1957 une fratrie de quatre hors-la-loi stupides, au faciès identique, reconnaissables à leur tenue de bagnard, et sempiternellement occupés par leur seule passion, le cambriolage.

Ensuite, si on voulait aller plus loin, on pourrait (en module complémentaire au second semestre ?) interroger en compagnie du professeur Delahaie le sens que revêtent pour nous ces personnages fictifs, et pourquoi pas en venir à esquisser oui môssieur leur foutu schéma narratif. Comprendre l’attrait immémorial que l’on a pour les mauvais garçons, puis explorer la forme de cette fascination. Scrooge le self-made-man (registre imaginaire : Rockefeller, Bill Gates, Ingvar Kamprad, Bernard Tapie) et ses ennemis les Beagle Boys (registre imaginaire : Al Capone, Tony Montana, Jacques Mesrine, Bernard Madhoff) sont en réalité très semblables, reflets l’un de l’autre, puisque tous sont structurellement réductibles à leur fonction narrative, campés sur leur idée fixe respective : protéger le magot/s’emparer du magot. Sous le binocle comme sous le loup, ils ne pensent qu’à l’argent. Outre qu’ils perpétuent là une tradition vieille comme la commedia dell’arte (l’avare Pantalone face au filou Mascarille qui lui soutire sa bourse), il est intéressant de noter que, contrairement à ce qu’une analyse hâtive (ou le Monde diplomatique) pourrait laisser croire, cette fixette sur le pognon, reformulée par un support comique destiné à la jeunesse, dans le pays même qui a imposé le capitalisme au monde, n’est en rien une apologie de l’argent roi. Au contraire ! Scrooge est plutôt antipathique, et les Beagles sont des crétins qu’on croirait clonés en nombre incertain… Voilà où mène cette passion triste qu’est la quête de l’or, les enfants : soit à la sécheresse de coeur, soit à la bêtise normative de masse, deux facettes de l’aliénation. Ce sont des histoires morales, au fond.

C’est de la culture, tout ça ? Je n’en sais rien. Je sais juste que si on s’en donne la peine, les frères Rapetou peuvent se décortiquer soigneusement, puisqu’ils ont un avant, un après, bref une histoire, toute une gamme de liens à créer, et c’est intéressant. Crédo minimaliste : je crois qu’il faut intéresser les élèves. N’importe quoi peut devenir intéressant (du moment qu’on le regarde longtemps). Tiens, pour prendre un autre exemple, l’histoire du mouvement punk français n’est pas assez enseignée à l’école, je trouve. Qui se souvient du groupe OTH ? Ah, eux, au moins, ils étaient bons en orthographe !

  1. blanpain
    05/12/2011 à 11:48 | #1

    ce Meussieu Delahaie n’est-il pas remonté aprés la littérature jeunesse parcequ’il n’a aucun talent pour se mettre lui aussi à la plume ou au pinceau ou peut être même est-il aigri aprés avoir envoyé des manuscrits qui ont été refusés ? lui seul pourrait répondre à cela. A moins que son incompétence ne se soit manifestée en littérature vieillesse.
    Je plains des élèves…
    Combien de fous de littérature sans âge, accros, acharnés, adultes j’entends, ne l’auraient jamais été s’ils n’avaient dévoré des Mickey, des Rahan, des Club des Cinq, des « biblothèque verte » ou « rouge et or » ?

  2. 05/12/2011 à 14:34 | #2

    Bonjour
    autant l’an dernier j’étais d’accord avec vous. Autant cette année, je ne peux cautionner l’attaque personnelle que vous engagez. Monsieur Delahaie, qui a été le professeur de ma cousine, est un professeur investi et ambitieux pour ses élèves. Comment le lui reprocher ? Il ne critique pas la littérature jeunesse en soi mais l’utilisation idiote et abusive qui a pu en être faite au collège.
    J’adore la littérature de jeunesse, j’en lis beaucoup, j’en conseille et je prête mes livres à mes élèves. Néanmoins, mon rôle de professeur est de leur enseigner les grands textes, ceux qui font notre héritage. Et un classique bien amené donne un plaisir fou. Et d’ailleurs Monsieur Delahaie (mais avez-vous bien lu ?) a critiqué la mauvaise approche des textes classiques qui pourrait décourager le lecteur.
    Ensuite, je suis navrée de vous le dire mais au niveau du style, peu d’auteurs contemporains (et peu importe que ce soit ou non pour la jeunesse) n’offre un tel bonheur d’analyse de la langue que ceux de nos grands auteurs. Et là est aussi le rôle de l’enseignant, donner à l’école ce que les élèves n’auront pas la curiosité d’aller chercher seul.
    Je le répète j’ai beaucoup de respect pour les auteurs jeunesse et pour leur talent. Mais ne cherchons pas polémique là où il n’y en a pas.

  3. 05/12/2011 à 14:35 | #3

    Merci pour votre contribution au débat. Je trouve votre point de vue plus nuancé que celui de M. Delahaie.
    Si vous avez lu dans mon article une « attaque personnelle », sachez qu’il s’agissait plutôt pour moi d’une défense (et illustration), l’attaque première n’était pas mon fait. Le passage que je cite est suffisamment clair : M. Delahaie traite la littérature jeunesse de « pollution ». Bon. Au temps pour les nuances.
    Je n’ai pas de raison de mettre votre parole en doute si vous m’affirmez qu’il est un bon prof, mais il est manifestement passé à côté de quelque chose. Sans même parler de son procès d’intention inadmissible (en gros, la littérature jeunesse ne vise qu’à faire du fric = exclusion sans appel du champ de la connaissance), si pour lui la littérature jeunesse se limite aux trois exemples qu’il donne, il est tout simplement ignorant, cela est dommage pour lui et pour ses élèves. Quant à moi je n’ai absolument pas la nostalgie de Picsou Magazine (que d’ailleurs, pour être franc, je détestais quand j’étais enfant) et je ne peux que m’insurger quand je lis la phrase « nous fûmes les premiers à nous délecter étant plus jeunes de Picsou Magazine », manière de se montrer bon prince, condescendant, il faut bien que « jeunesse » se passe. La littérature jeunesse, ce n’est simplement pas ça. Puisque vous semblez vous-même en être férue et que vous connaissez ce monsieur, pourquoi ne pas faire son éducation ?
    Bien à vous
    Fabrice Vigne

  4. fred paronuzzi
    05/12/2011 à 14:57 | #4

    Moi même enseignant, auteur vieillesse et (oserai-je l’avouer tant c’est apparemment honteux?) auteur jeunesse, je me sens profondément blessé par les propos de monsieur Delahaie, chez qui l’aigreur, la fatuité et l’ignorance le disputent à la mauvaise foi… « à prix d’or monnayer leur notoriété tels des camelots »… Bel exemple de coup bas, franchement en dessous de la ceinture. On croit rêver devant tant de petitesse.
    Et on a envie, par ricochet, de remercier ces milliers d’enseignants (sans doute moins éclairés que monsieur Delahaie) qui osent sortir de la routine et du ronron pédagogique en invitant des écrivains dans leurs classes. Pour des rencontres, oui, sans guillemets. Des échanges. De vrais moments de littérature…

  5. 05/12/2011 à 19:50 | #5

    Merci Fabrice pour votre longue réponse. Ceci dit, en jeunesse, comme ailleurs, il y a des auteurs qui cherchent le marketing. Et alors ? Je crois qu’en plus, ça ait partie du jeu de vendre, non ? Et ne me dites pas non plus que tout cela ne fait pas l’affaire des éditeurs. Mais là encore, c’est le jeu.
    Personnellement, la seule chose qui m »importe est que les ados ne perdent pas le contact avec le livre. On remarque qu’ils lisent beaucoup à l’école et à l’entrée au collège, mais beaucoup moins après et c’est dommage. Et quand je vois certains de mes collègues balancer des classiques à des mômes non avertis et non préparés, je me demande parfois s’ils ne cherchent pas à briser toute envie de lire, à détruire tout imaginaire chez l’adolescent.
    En jeunesse, comme en « adulte », il y a de bons et de mauvais textes ; dans l’un comme dans l’autre, il y a ceux qui publient n’importe quoi à date fixe et les autres, les artisans de la plume.
    Mais on sait bien à quel point les mentalités sont longues à évoluer.
    Et oui, vive l’échange et la venue d’écrivains dans les classes. Je pratique et c’est un délice ! Et puis faire venir un auteur mort, c’est déjà plus difficile, rires.
    Bien à vous

  6. 05/12/2011 à 20:33 | #6

     » …les lectures faites pour le plaisir et non pour l’étude. Le futile est donc revenu à la seule place qui lui incombait : celle de l’oisiveté. » jolie place pour la lecture plaisir. je rêve d’oisiveté!!!
    ce matin j’ai réagi à chaud à ta lecture, frangin, et celle de ce Mr que je n’aimerais pas avoir comme professeur! mais le code n’a pas accepté mon message et hop, envolé. j’y reviens parce que ce que dit ce gars est assez grave. il aime les extraits d’oeuvres, ça ne m’étonne pas. quelle sutpidité. je suis allée sur son blog lire en entier (moi je préfère!). et bien voila, il me fait penser aux défenseurs de la lecture syllabique, au démollisseurs de l’école maternelle (Bayrou -un proche à lui- avait dit que pr être instit de maternelle il fallait connaitre la recette de la pâte à crèpes, pas de formation nécessaire pour savoir mettre une couche a renchéri son successeur ; il a été exhaussé, plus de formation depuis…). mais il me fait penser, comme souvent quand on parle d’école et de lecture, au si beau livre de Jeanne Benameur Présents?, et finalement ça me fait plaisir de l’évoquer encore et encore, et mm grâce à ce prof. moi, je me dis auteur de littérature jeunesse mais je vais m’arrêter là car la Rollex que je me suis offerte avec l’argent amassé avec les animations autour des livres est gênante pour écrire et j’ai peur de perdre les diamants qui la sertissent!!! toi aussi, Fabrice, attention à la tienne depuis que la Drac t’impose dans tous les établissements scolaires. et merci pour le partage! ça fait du bien se savoir que le collège compte des tels penseurs… il n’aime pas JP Arroud Vignod ; c’est la charité qui se fout de la rue d’Ulm!!!

  7. 05/12/2011 à 20:49 | #7

    maintenant que j’ai écrit, je lis les com des autres. les grands auteurs, les grands textes… oui aussi bien sûr. des extraits pour les préparer?! oh, mais il y aussi de magnifiques livres sans textes et qui pourtant parlent aux jeunes et qui donnent envie de lire et d’écrire! ce Mr parle lui vraiment méchamment violemment et on devrait l’entendre et le comprendre?! s’il savait que la plupart des lettrés arabes ont appris à lire dans Rahan, Tarzan et Bleck le roc… et moi aussi Fabrice, je préférais Placid et Muzo!!! aller en classe, rencontrer les élèves, c’est une véritable auberge espagnole. on donne au moins autant qu’on reçoit. voila pour le partage. bonsoir

  8. 06/12/2011 à 13:37 | #8

    Merci Fabrice.

    Je trouve personnellement épuisant de dépenser de l’énergie pour lutter contre les bêtises énoncées par ce monsieur, et même justifiées par d’autres. Mais j’ai du tonus pour remercier les auteurs qui, comme Fabrice Vigne, se lèvent et osent dire STOP, ça suffit.
    Ce monsieur Delahaie sait-il ce que c’est que la création ?
    Ce monsieur Delahaie sait-il combien de centimes nous gagnons sur chaque livre ? Sait-il combien de sueur dégouline de notre front, durant les longues heures d’écriture, solitaire, et de travail sur le style, d’ailleurs ?

    Au fait, c’était quoi, son sujet ? « Qu’est-ce que la culture et pourquoi a-t-on du mal à l’enseigner »

    Moi je sais pourquoi il a du mal à l’enseigner, la culture, cet homme-là ! Il en ignore tout…

    Heureusement, nos lecteurs savent nous trouver, malgré ce type d’enseignants… Eux sont cultivés, eux sont sensibles, eux n’attendent pas que l’Auteur avec majuscule soit mort et lagarde et michardé pour apprécier.

    Merci à Fabrice Vigne, et merci aux vrais lecteurs d’exister.

  9. 06/12/2011 à 13:44 | #9

    Et en plus ce monsieur ne distingue pas « relayer  » de « reléguer ». Faut-il lui apprendre la langue ? Oui ! Et à penser.

  10. 06/12/2011 à 17:42 | #10

    Il faut quand même bien dire que faire venir un écrivain dans sa classe a un coût ( cout ! devrais-je écrire ) et pas des moindres ! Ce sont souvent les municipalités qui offrent cette opportunité.
    J’ aimerais répondre à « Poiré » qu’il n’y pas que les écrivains dont la sueur dégouline du front ! et si c’est le cas c’est que vous devriez peut-être faire autre chose de plus facile comme aller dans une classe comme professeur par exemple !

  11. 06/12/2011 à 22:45 | #11

    ha ha, j’ai la chance de faire les deux, écrire et aller en classe! à coups de Lagarde et Michard on va se faire mal!!! soyons clairs, ce Mr est très agressif dans ses propos mais nous ne pouvons rien pour lui il me semble. qu’il n’aime pas la littérature de jeunesse n’est pas un problème en soi ; il y en a d’autres qui ne détestent pas et nous vivons heureux. mais que le corps enseignant se mette en guerre pour le défendre, c’est un peu trop. oui, faire venir un auteur a un coût, comme faire venir une troupe de théätre, comme faire des achats de manuels scolaires, comme faire une sortie au musée. c’est vrai qu’imaginer un auteur devant son ordinateur ça fait tout de suite moins difficile, comme devant face book, pas plus compliqué…
    la classe et les livres me font vivre mutuellement (et je ne parle pas en termes financiers) mais s’alimentent l’un l’autre. je ne crois tjs pas aux extraits de livres pour faire aimer les livres et leurs auteurs, s’enrichir d’eux, mais à l’envie de faire partager nos goûts et la culture qu’ils véhiculent. est-ce que ce Mr a lu les livres de Fabrice Vigne, puisque c’est sur son blog que nous nous exprimons? et qu’il a eu, lui Fabrice, de l’intérêt à lire le blog de M. Delahaie.
    un bon professeur est un curieux d’abord.

  12. Anne-Marie Mercier
    07/12/2011 à 15:35 | #12

    Bravo!
    bel exercice, qui prouve qu’on peut être intelligent et savant avec tout, et que l’essentiel est la passion que l’on y met (et donc l’intelligence et la science et le reste…).

    QQ nuances dans le tableau:
    Il faut dire que les collègues de collège ne connaissent souvent pas bien la littérature de jeunesse et font parfois étudier des textes qui peuvent susciter ce genre de commentaires (du collègue de collège).
    Et puis… on ne nous faisait pas étudier le club des 5 en classe: imaginez l’horreur.

    Mais faire rimer « lecture cursive » avec futilité et oisiveté est un gros contresens pour qui devrait avoir lu les instructions officielles anciennes et actuelles. Non, je ne vais pas vous refaire mon cours d’hier…
    Enfin, parlons de « bonne » littérature: Fabrice, je vais mettre sur notre blog li&je une chronique sur La Mêche… J’étais en retard, j’ai donc attendu le Noël suivant.

  13. 07/12/2011 à 17:55 | #13

    « …pour le plaisir et non pour l’étude. Le futile est donc revenu à la seule place qui lui incombait : celle de l’oisiveté » Je goûte fort le ton de cette dernière phrase. L’acte de lire doit être productif. Le plaisir interdit. Les mots en robe de bure. L’imaginaire en vierge de fer. La littérature gravée dans le marbre. Et des générations et des générations de mômes qui dès le portail de l’école franchi plongent deux doigts au fond de leur gorge pour dégueuler ce brouet insipide de mots, désincarnés à force d’être jetés avec dédain par des hommes et des femmes qui pensent que littérature doit s’écrire avec un grand L. Une majuscule trop grande pour la bouche des mômes. Et des générations et des générations d’adultes à fuir les livres avec le souvenir aigre du mausolée des salles de classe, plongé dns l’ombre de cette majuscule titanesque. Littérature, ça s’écrit avec deux L. Comme liberté. La littérature, je l’ai découverte en même temps que j’apprenais à jouir. Un bonheur simple. Un plaisir qu’on se donne et puis qu’on partage. Et du partage naît l’exigence. Parce que quand on aime, on donne le meilleur. Ecrivain, prof ou lecteur, ce dont on a tous besoin c’est de prendre et de donner du plaisir. Le reste c’est de la Littérature – sans ailes.

  14. Delphine H.
    08/12/2011 à 00:09 | #14

    Je n’aurais pas voulu connaître certains pendant la Grande Terreur… Vous devriez peut-être lire un autre article de ce « professeur militant », comme il s’appelle, sur un autre sujet autrement plus important plutôt que de le brûler sur le bûcher, non ? Surtout quand il décrypte SOS éducation, alors qu’à lire certains on le croirait affilié à la secte :
    http://leplus.nouvelobs.com/contribution/168376;sos-education-vous-ne-pourrez-plus-dire-plus-que-vous-ne-saviez-pas.html
    Moi je dis ça, mais je m’en moque je ne le connais pas. Mais votre verve m’a incitée à aller voir d’autres articles…

  15. fox
    08/12/2011 à 11:30 | #15

    Bien d’accord avec Stéphane. Sans même s’en rendre compte, ce professeur nous livre la clé de ce qui pourrit l’enseignement de lettres et dégoûte de nombreux élèves : l’étude obsessionnelle et quasi mathématique des mots, du style, de la technique, jusqu’à sur-interpréter la moindre virgule, la glorification du critique littéraire, l’extrapolation des intentions de l’auteur… Exit le plaisir de lire, ce n’est pas assez sérieux. Et exit aussi le plaisir d’écrire.
    Bref…voilà quelqu’un qui passe à côté de sa matière. Il ne sait pas ce qu’est écrire et ne saura jamais. En dépit de ce qu’il pense, il est typique des profs de lettres formatés par notre système d’éducation. Car, a contrari,o n’importe quel enseignant digne de ce nom sait, quel que soit l’objet de l’étude, qu’il est toujours possible de tisser des liens entre différentes œuvres et courants artistiques, entre différents auteurs, entre différents évènements sociologiques et historiques, comme cela est brillamment démontré dans le présent article. Et c’est ainsi que l’on devrait enseigner plutôt qu’en procédant par hiérarchisation subjective et petites cases imperméables : les élèves, encore plus ceux d’aujourd’hui qui ont l’habitude de sauter de lien en lien sur internet, s’y retrouveraient.

  16. V. Karle
    08/12/2011 à 13:29 | #16

    Je sors un instant de ma retraite dorée, étendu sur une plage au bord du Pacifique grâce aux millions gagnées en promotion de mes bouquins, pour te remercier itou, Fabrice, pour cette salutaire indignation, et l’échange intéressant qui s’ensuit, de préférence entre gens qui ne sont a priori pas d’accord, il n’en est que plus riche.
    Tu as vu que ton texte est relayé à l’instant par la revue de presse de la charte ?
    Merci à Nadia de citer le superbe livre de Jeanne Benameur « Présents ? » et à Stéphane pour sa belle variation sur la littérature, le plaisir et le futile. Pour ma part j’évoquerais bien Hugo Pratt, en citant simplement le titre de ses mémoires, il se passe de commentaires : « Le désir d’être inutile » .
    Futilement vôtre, Vincent

  17. 09/12/2011 à 11:49 | #17

    Je viens de lire, sur votre conseil, l’attaque de ce monsieur contre « SOS éducation » et je me réjouis ici qu’il existe encore des profs avec suffisamment de niaque et de temps libre pour partir en guerre publiquement contre l’entrisme de la droite (extrême ou pas, la nuance s’estompe de jour en jour) et de son usine à merde idéologique.
    Quant à son attaque supposée contre la toute-puissance de la littérature « jeunesse » dans les écoles, elle réagit, certainement de façon caricaturale, à une époque passée – les années 90 – qui vit le retour en force du discours « ils ne lisent plus, faisons-leur avaler n’importe quoi plutôt que rien ». J’ai vite déserté après un début de carrière-météorite dans l’éducation nationale, mais j’ai eu le temps de constater que les profs avaient déjà fort à faire à se battre contre les clichés dont la plupart venaient de l’extérieur…Et les plus anciens faisaient, tout aussi bien, bouffer sans complexe de la très bonne littérature jeunesse à des élèves de 5e qui n’auraient, sinon, pas été plus loin que les programmes télé…et qu’à mon époque on aurait cru déshonorant de me faire lire au-delà du CM1. On apprend bien mieux l’Antiquité dans Astérix ou Alix que dans Homère ennuyeux ou mal traduit (même si 1000 ans séparent Ulysse de César), certes certes – de même qu’hier Alexandre Dumas vint redonner des couleurs à l’Histoire de France, et Harry Potter est une excellente série (je parle des bouquins, hein !) qui, à ce titre, concerne tout le monde (s’pas Fabrice ??) Mais définitivement, merci à l’école de m’avoir dès la primaire, orienté vers Pagnol ou Victor Hugo et laissé des marges royales pour me gaver de Club des Cinq (ce brouillon illustré de Liz et Beth), de Safari (cette école du trouble homo), et d’élaborer ainsi mon petit cinéma onirique à la lueur de la lampe…Vous voyez, vous, l’Education Nationale missionner de doctes représentants pour nous expliquer l’influence de la mode des années 60 sur le moule-fesses de Fantômette et l’évolution dudit depuis Musidora et ses Vampires ? Hein ? Alors.
    Quant à OTH, mon cher Fabrice, pour la petite histoire, mon frangin et moi-même fûmes récemment sonorisés à Montpellier (bienvenue dans ces colonnes Muriel !) par le sieur Spi qui se remet au rock (une bonne nouvelle), mange « très peu de graisses avant un concert », danse le fandango comme pas un, et affiche une forme olympienne. Y a encore de l’espoir… « là sur des charbons ardents » !

  18. 13/12/2011 à 10:43 | #18

    Coucou Fabrice Vigne,
    J’ai entendu ton coup de gueule retransmis par la Charte jusqu’à mon bout du monde en même temps que « l’attaque ». Puis-je ajouter pour ceux qui suivent la polémique quelques mots au sujet des subventions DRAC ?
    J’ai été auteur local à Paris, je suis actuellement auteur local en Languedoc-Roussillon. J’ai participé à des projets financés par la DRAC en différentes régions, sur le lieu où je vis ou dans d’autres départements (invitée pour ma pertinence sur le projet plutôt que pour ma localisation). Malgré ma frugalité proverbiale, je ne pourrais en vivre !
    Quant aux rencontres, dans nos sociétés où l’on incite les enfants à la consommation d’image, réintroduire l’art de la conversation, partir d’un roman personnel pour évoquer Pirate des Caraïbes et lire un extrait d’Alexandre Dumas ne relève pas, à mon sens, de l’anecdote mais de l’idée de tête bien faite dont nous parlait Montaigne. Quant aux tarifs de la Charte, prohibitifs pour l’enseignant qui a produit le billet sur le nouvel obs, doit-on rappeler, vingt ans après avoir commencé à les expliquer qu’ils comportent les préparations, le suivi, les charges sociales, etc. ? Faut qu’on lui envoie la brochure !

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