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Vive la République (Troyes épisode 58)

09/11/2011 3 commentaires

Quel jour sommes-nous ? Allons, qui dans la classe veut bien se lever et inscrire au tableau la date du jour ? Nous sommes, je vous le précise en soupirant, résigné à votre perte de repères républicains, douteux citoyens que vous êtes, l’octidi 18 brumaire de l’an CCXX de la République. Sachez que ce jour est dédié à la dentelaire, et qu’il est le 212e anniversaire du putsch de l’an VIII perpétré par un militaire ambitieux, qui deviendrait bientôt un grand chef d’état français quoique, dit-on, complexé par sa petite taille.

Breaking news : Dans un communiqué publié à l’issue du Conseil des ministres, lundi 7 novembre (soit pour la République le sextidi 16 brumaire), la présidence a annoncé la hausse du taux réduit de la TVA. “A l’exclusion de l’alimentation, de l’énergie, et des produits et services destinés aux handicapés, la TVA à taux réduit sera portée de 5,5 % à 7 %, générant une recette supplémentaire de 1,8 milliard d‘euros”, précise le communiqué. La hausse sera effective à partir du 1er janvier (Nous serons alors le primidi 11 nivôse, saint granit, ce qui ne nous consolera pas).

La TVA est, essayez de suivre, c’est facile à comprendre, l’impôt inégalitaire par excellence, puisqu’il ponctionne la même somme sur le même objet, quel que soit l’acheteur. Or, ajouter quelques centimes sur le prix d’une marchandise usuelle, disons une baguette, n’a pas la même répercussion sur une personne qui touche le RSA (467 euros mensuels en 2011) que sur, mettons, la famille Bettencourt. Et voilà que le gouvernement de la République Une et Indivisible augmente la TVA sur ce que nous consommons tous qu’on soit chômedu ou trédeur, feignant d’exiger de nous un effort collectif, en réalité dénaturant le sens de la collectivité. TVA sur le livre, notamment.

Parfois, au milieu d’une rencontre scolaire, la question de l’économie du livre surgit, généralement sous la forme de la question « Vous gagnez combien ? » J’entreprends alors, camembert à l’appui, d’énumérer qui encaisse quoi sur le prix de vente. « Prenons ce livre, tout à fait au hasard, Les Giètes, 14,50 euros. Chaque fois que vous l’achetez en librairie, je touche 4%, soit 58 centimes. C’est moi qui reçois la plus petite part. Juste au-dessus de moi, l’État : 5,5% de TVA, soit 79,75 centimes (imaginez un peu ces trois quarts de centime) dans les caisses du Trésor à chaque Giètes vendu. C’est, remarquons-le, le plus petit taux de TVA (anciennement 7%, abaissé à 5,5% en 1988 par le gouvernement Rocard), celui qu’on applique aux produits de première nécessité. Cela signifie que nous vivons dans un pays qui considère le livre nécessaire : la France, il faut lui rendre grâce une fois de temps en temps, considère de première nécessité les fruits, les légumes, la viande, le blé, l’eau, l’électricité, et les livres. Tout ce dont on a besoin pour vivre. L’un dans l’autre, nous avons de la chance, de vivre en France, n’est-ce pas les enfants ? »

Il va me falloir, à compter du 11 nivôse, réajuster mon discours. J’essaierai ceci : « À raison de 7% de TVA, la France touchera désormais 1 euro chaque fois que vous achèterez Les Giètes. Citoyens ! Faites un geste pour sauver les caisses de l’État et le triple A ! Faites un pour rembourser la dette publique ! (que l’on appelle désormais dette souveraine parce que c’est elle qui a le pouvoir, le putsch c’est elle, on n’a rien vu venir) Faites un geste de solidarité pour les banquiers ruinés ! Faites un geste pour l’Eurozone ! Faites un geste pour la République Française ! Achetez Les Giètes. » Et puis signez la pétition, s’il vous plaît. Vive la République, vive la France.