
Le salon du livre de Montreuil, capitale symbolique de la littérature de jeunesse en France, est en danger. Oh, pas le salon lui-même, qui, en tant qu’évènement commercial, en tant que foire-à-tout et à Martine, ne peut que perdurer en notre monde où la relation marchande devient la norme du lien social. Ce qui risque de disparaître, ce sont toutes les opérations qui entourent et donnent leur sens humain à ce salon – le travail des petites mains de Seine-Saint-Denis, qui depuis 25 ans fabriquent du lien entre les livres et les enfants. Pourquoi cet essentiel travail de fond est-il remis en question ? Parce que le Conseil Général du Neuf-Trois (de gauche, s’il vous plaît) coupe les vivres. Dans le même temps très exactement, Claude Bartolone, président dudit Conseil Général, pousse des cris indignés, et sans doute de bonne foi, pour alerter sur « la culture en danger ». Comme quoi ça ne serait pas sa faute, mais celle du gouvernement, qui sabre les finances des collectivités territoriales tout en leur déléguant davantage de compétences. Tiens, ça me rappelle un livre pour enfants, c’est dire si la littérature jeunesse nous donne des outils pour déchiffrer les enjeux de pouvoir… Nous ne sommes pas dans le monde éthéré des purs esprits de la culture, mais dans celui, âpre et trivialement combattif, de la politique, sèn-sèn-dni-staïle… De la bombe, bébé.
J’ai posté un petit message de soutien sur le site « Le pouvoir des livres », dédié à la défense et à l’illustration de l’oeuvre de Montreuil et, ce faisant, j’ai parcouru les autres contributions. Je suis tombé en arrêt devant le dessin offert par Mario Ramos, que je reproduis ci-dessus… Au fond, c’est ce dessin que je voulais aujourd’hui placer devant vos yeux, relayer ici les misères de Montreuil n’étant qu’un beau prétexte (même si soutenir le salon ne peut pas faire de mal). J’admire énormément Mario Ramos, et je tiens son Quand j’étais petit pour l’un des plus beaux livres jeunesse du monde (par conséquent, l’un des plus beaux livres du monde).
Et ce dessin-là, quelle merveille ! Quelle simplicité, quelle profondeur ! Tout est dit là, que je vais cependant paraphraser, et mon exégèse sera forcément plus laborieuse qu’un trait de plume : la littérature sert à ceci, très exactement ceci, à ce qu’un chat puisse pleurer en lisant l’histoire d’un chien, puisque celui-ci et celui-là ont en commun, au-delà de toutes leurs différences, leur condition d’êtres humains (sic). Comme je l’ai raconté ailleurs, je me sens tel un chat qui aboie – je ne pouvais que me sentir viscéralement atteint par ce dessin. J’en ronronne et jappe.
Post-scriptum éphémère posé sur l’actualité : les trois prochains jours, le Fond du Tiroir (c’est à dire essentiellement moi-même, suppléé sur certaines plages par Madame la présidente de l’association FdT, et par Marilyne Mangione) tiendra dignement son stand sur un autre salon, le Printemps du livre de Grenoble, dont le visuel est éhontément pompé sur Impitoyable d’Eastwood mais sinon c’est bien.
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