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Accident nocturne

10/07/2008 Aucun commentaire

« Sauf accident, il n’y aura pas de nouvel article posté ici avant l’automne », ai-je dit ? Okay, alors voici un accident et n’en parlons plus.

Ci-dessous un échange par mails avec Nathalie Etienne, dramaturge et romancière que j’ai rencontrée à l’époque des éditions Castells.

Nathalie me cite, parmi ses lectures de l’été, Henri Bauchau. Hasard objectif : peu après, je feuillette le Telerama de la semaine, à cataloguer pour les usagers de la médiathèque, et Je tombe sur cette titraille : “L’histoire du monde serait plus juste si l’on tenait compte de l’histoire des dormeurs et de leurs songes. Henry Bauchau”. Forcément, je lis attentivement l’interview qui se déploie sous cette accroche.

“… développer le côté du coeur, celui qui indique la capacité de vivre ensemble sans lutte, sans rivalité. [Comment ?] En repoussant les barrières intérieures, en écoutant ses rêves. J’ai toujours été frappé que tant de gens vivent dans l’ignorance de leur activité onirique. Pourtant, l’histoire du monde serait plus juste si l’on tenait compte de l’histoire des dormeurs et de leurs songes. Ce qui se passe pendant le sommeil a une influence considérable sur l’éveil [NDFV : Et dire que c’est l’inverse que le sens commun tient pour une vérité indiscutable…]. En prendre conscience ouvre des horizons”.

Eh bien, soit : que mon Echoppe soit en toute modestie mais ni plus ni moins, une contribution à “L’histoire du monde”. C’est ce que j’écris à Nathalie. Elle me répond :

« Fabrice !
je pensais justement à toi cet après-midi, je me disais qu’il fallait que je t’écrive pour te parler de l’Echoppe que je viens de terminer. Tu vois, quand je te disais que Bauchau était un gars bien ! c’est très flatteur pour toi d’appartenir au même « monde » que le sien………évidemment j’adhère à 100% à ce qu’il dit…… Je me suis intéressée très tôt au rêve, par Jung pendant mon adolescence puis… par moi-même tout simplement. Je vais te raconter une anecdote que tu pourras certainement comprendre avec ton coeur justement (ensuite je te parle de ton livre) :
Quand ma deuxième fille est morte, je me suis beaucoup réfugiée dans les rêves (classique comme démarche) au début parce que j’espérais ainsi retrouver les sensations que j’avais connes à travers mon expérience de N.D.E, ensuite pour apaiser ma peine. Une nuit, quelques mois après sa mort, j’ai rêvé d’elle, elle m’est apparue sous les traits d’un beau garçon, jeune, une vingtaine d’années, mais je savais que c’était elle, et j’accomplissais (je résume mais le rêve était extrêmement précis) toutes les tâches maternelles que je n’avais pu accomplir avec elle. J’étais parfaitement heureuse. Je me suis réveillée avec la certitude de la retrouver un jour…comment? sous quelle forme? je ne sais… je ne crois pas en Dieu……..et même si cela procède d’un fantasme, ma souffrance était moindre……c’est déjà ça…..
Ton livre :
J’ai été partagée entre deux sentiments : la gène et l’intérêt, qui ne sont pas -me semble-t-il- antinomiques.
Pourquoi la gène? Parce que tu te dévoiles beaucoup (tes enfants par exemple) dans ce livre…. il y a chez moi une forme de pudeur qui se manifeste d’autant plus que mon interlocuteur (et c’est ton cas à mes yeux) se montre généralement non pas distant mais réservé (ce qui me plaît bien). En clair, tu ne t’es jamais (et c’est très respectable) livré (dans nos échanges épistolaires) sur ta vie privée (ta femme tes enfants etc….) J’avais l’impression en avançant dans ma lecture de « déflorer » quelque chose en toi…….. et cela me gênait…un peu….pourtant il n’y a rien d’indécent dans ton livre, ce n’est pas de cet ordre-là, c’est autre chose…….peut-être parce que de par ma thérapie (j’ai longtemps été en analyse) je sais à quel point les rêves sont importants et à quel point on se découvre (dans tous les sens du terme….)quand on les raconte…..et peut-être aussi parce que je ne te connais que par ton « statut » d’auteur…je sais pas trop……à part cela j’ai été impressionnée par les ressources « fictionnelles » de tes rêves ! Ca « fictionne bien » donc ça fonctionne bien…… Ils sont d’une précision hallucinante ! tu es un grand dormeur et un grand rêveur devant l’éternel !
Bien à toi
Nathalie »

« Bonjour Nathalie
Merci pour ton message, commentaire parmi les plus fournis et argumentés que je reçois au sujet de mon Echoppe. Certes, dévoiler ses rêves a un côté « indécent » (Vincent Karle [NDFV : un autre « auteur Castells »] a formulé la même réserve), mais quant à moi je trouve très innocent de révéler mon activité onirique (c’est le sens de l’épigraphe, la chanson de Tom Waits, « You’re innocent when you dream »), geste infiniment plus mystérieux, poétique, et au fond : pudique, que de dévoiler un VRAI journal intime avec des VRAIS morceaux de ma vie, ce que je pense, ce que je vois, ce que je crois, etc (certes c’est ce que je fais, un peu, avec ce blog, et précisément je constate les limites esthétiques de cette pratique). Comme tu le dis très justement, le cerveau qui dort est une machine à fabriquer de la fiction, et ce caractère de « littérature brute », « incréée » comme les musulmans disent au sujet du Coran « non écrit », ne cesse de me fasciner. Tous ces récits sont à la fois vrais et faux, comme des romans, comme ce que l’on attend des romans.
Merci aussi pour ton rêve… Ta fille en jeune homme… C’est beau. Je ne peux ni ne veux analyser plus avant : c’est beau, voilà tout, émouvant.
Fabrice »

« Tu as raison Fabrice, bien raison et la démarche de « brouiller les pistes » par le biais de la fiction et que j’ai bien perçue dans ton livre est éminemment intéressante….je me demande si à la longue, et peut-être comme beaucoup de lecteurs , je n’ai pas fini par développer une méfiance vis-à-vis de « l’intime » en écriture tout simplement par que je suis saturée (contre mon gré malheureusement) d’informations très intimes (et pour le coup très indécentes) sur un tel ou une telle via les média (à commencer par la vie de Sarkozy)ça frise l’overdose. Je suis tombée par hasard sur un article qui faisait la promo du nouveau roman de Christine Angot, elle y raconte en long en large et en travers sa relation avec le chanteur Doc Gynéco….ce n’est pas indécent c’est carrément vulgaire. Toute cette littérature(et ça marche!)putassière m’écoeure et je m’interroge souvent sur le fonctionnement du lecteur actuel: qui est-il vraiment? pourquoi lit-il ce genre de livres? Qu’y cherche-t-il? Surtout lorsque l’on sait que le lecteur est un genre en voie de disparition. Je ne veux pas condamner mais j’aimerais bien comprendre, vraiment.
Bien à toi
Nathalie »

 » Je t’avoue que les dernières aventures de Christine Angot, dont certains livres m’avaient beaucoup touché, m’indiffèrent absolument, appartenant davantage à la sphère « people » qu’à la littérature. Voilà qui répond, justement, à ton questionnement : pourquoi est-ce que ça « marche » ? La réponse est connue depuis longtemps : « pipole » ! Pour vendre un livre, il ne faut pas forcément être écrivain, mais il faut à tout prix appartenir à cette sphère médiatique, qui « apparaît », et par cette apparition démontre en permanence et tautologiquement la loi énoncée par Guy Debord pour définir la société du spectacle : « Ce qui est bon apparaît, ce qui apparaît est bon ». Ainsi se poursuit le décervelage, et qu’est-ce que je suis bien au fond de mon tiroir ! Je n’apparaît pas, je disparaît.
Certes mon Echoppe rend public des pans de mon intimité, mais comme je ne suis pas, ne serai jamais, et n’aspire aucunement à être, « pipole », je suis tout à fait tranquille. Je peux parler de mes enfants : on s’en fout, ils ne passent pas à la télé. En conséquence mon livre ne peut rien révéler d’ « intéressant ». Si l’on y cherche des révélations, il peut être lu, au mieux, comme un journal d’écriture, autiste et en négatif, de mon premier roman, « TS », de sa conception aux effets de sa publication. Aucun parisien, aucun écrivain célèbre, aucun politicien, aucun rappeur, aucune tête de gondole, même pas un journaliste de « Livres hebdo », dans cette histoire.
Fabrice »

« Over and off »

01/07/2008 2 commentaires

Sauf accident, il n’y aura pas de nouvel article posté ici avant septembre. En attendant, L’Echoppe reste en vente, et je modèrerai et répondrai aux messages déposés, naturellement.

Pendant que le rideau tombe, quelques dernières nouvelles en vracance :

– Je viens de recevoir une proposition de madame Angela Sauvage-Sanna, qui souhaite monter une adaptation théâtrale des Giètes en mai 2009, au théâtre Carré 30 (Lyon). Je lui donne carte blanche, naturellement.

– Je viens de recevoir ce matin même un courrier du salon du livre des Marches (Savoie), adressé à Jean Vigne : « Nous avons bien reçu votre candidature et vous remercions de l’intérêt que vous portez à notre salon « Livres en marches ». Nous ne sommes malheureusement pas en mesure de répondre favorablement à votre demande et le regrettons vivement »… D’après l’omniscient oracle Google, un Jean Vigne écrit des livres fantastiques publiés chez Chloé des Lysses, il n’est pas loin de la Savoie, je déduis que ce courrier lui était destiné. En lisant le blog de mon homonyme, mon-semblable-mon-frère, je suis au regret de ne pas m’intéresser à sa littérature, pas ma tasse de thé du tout. Voilà qui rend modeste : mon blog a peu de chances d’être moins dérisoire que le sien, et je réalise fugacement à quel point tout ce que je peux écrire est fort peu susceptible d’intéresser quiconque tomberait par hasard sur les présentes anecdotes narcissiques. C’est bientôt la fin du monde, et nous cherchons désespérément à attirer l’attention avec nos blo-blogs ! Ah, rien de nouveau sous le soleil de la blogosphère ! Vanitas vanitatis, naturellement !

– Je viens de gougueuliser L’Echoppe (car je ne me contente pas de gougueuliser les auteurs presque-homonymes de romans fantastiques, j’avoue en outre la manie complaisante et masturbatoire d’auto-gougueulisation), et j’ai pu constater que le tout premier site proposé par l’Oracle est, comme autrefois pour les Giètes, le blog de Sylire. Je lui suis reconnaissant de sa fidélité, naturellement.

– Je viens d’apprendre que j’étais invité à la prochaine fête du livre de Saint-Paul Trois Châteaux (février 2009), dont l’invité d’honneur est ma bonne marraine, Jeanne Benameur. Je suis ravi, naturellement.

– Je viens d’avoir le détail des deux prochaines représentations de la lecture musicale des Giètes, donnée par Christophe S. et moi. La première aura lieu le lundi 18 août à Doucy-Combelouvière (Savoie) – désolé, ce n’est pas ouvert au public, ce sera une soirée privée à l’usage des stagiaires folkeux de Mustradem. La seconde aura lieu le dimanche 14 septembre au festival des Vans, fondé par Sébastien Joanniez. Si vous avez des idées d’endroits susceptibles d’accueillir procahinement ce petit spectacle, envoyez-les moi, naturellement.

– Je viens de me remettre à écrire, écrire pour de vrai je veux dire. Contrairement à ce que j’envisageais, ce n’est pas sur Jean II le Bon, mais sur l’Arbre et le bâton. [Ici figurait un lien vers un texte que je présentais comme un reportage burlesque impubliable. Printemps 2009 : je désactive le lien parce que finalement je vais le publier, elle est bonne, celle-là. Au Fond du Tiroir, naturellement.]

– Je viens de réaliser à quel point je pense en presque permanence à la fin du monde, sans déconner, ces jours-ci je pense à la fin du monde, en presque permanence. Je suis très profondément marqué par mes excellentes mauvaises lectures : un documentaire (L’humanité disparaitra, bon débarras ! d’Yves Paccalet) et un roman (La route de McCarthy, toujours elle). Et voilà, je pense à la fin du monde. L’arbre et le bâton, dont je vous causais à l’instant, est une petite fin du monde à sa manière, dans un supermarché. Hier j’ai fait les courses dans un supermarché, j’ai tout trouvé très cher et vu trop de rayons vides. Je me suis dit que ces deux signes étaient convergents, que la société d’abondance avait vécu. Aussi, j’ai pensé à la fin du monde, pour ainsi dire, naturellement.

– Je viens de pleurer toutes les larmes de mon corps en regardant la fin de Six feet under. Mon snobisme rechigne à admettre que la télévision, medium corrompu à visée essentiellement hypnotico-commerciale, euphorisant ou anesthésiant selon les besoins tout comme la chimie derrière les miroirs des salles de bain, on-off sur nos nerfs, est capable de chef d’oeuvre. Pourtant c’est un fait, Six feet under, le soap de la mort, est un superbe mega-mélo d’une cinquantaine d’heures, un intelligent tire-larme, si original et cependant si juste qu’on ne l’oublie pas. J’ai essuyé un deuil plutôt cruel, cette année. J’ai perdu la personne à qui j’ai dédié les Giètes. Et lors des formalités pour les obsèques, la seule chose amusante de la matinée aux pompes funèbres était que le croque-mort, suave, encravaté, habitant ses phrases toutes faites de compassion très professionnelle, ressemblait tellement à David Fisher que, pour me distraire les affects, je me suis demandé s’il n’était pas homosexuel. Ce deuil ne m’a rendu Six feet under ni plus aimable, ni plus repoussant. J’ai juste beaucoup pleuré à la fin du feuilleton. Ah, catharsis ! Naturellement.

– Je viens d’arrêter de fumer. Pas attendu la fin du monde. Cette fois c’est « définitif », naturellement.

– Je viens de lire un intéressant article intitulé Mille vrais fans qui expose puis critique la théorie très « web 2.0 » selon laquelle un artiste sans éditeur (sans « major », puisqu’il est essentiellement question de musique ici) mais avec un public de 1000 personnes seulement, est économiquement viable. Avec mes 87 Echoppes écoulées, j’en suis loin, naturellement.

– Je viens d’apprendre que le prix du baril de pétrole vient à nouveau de franchir un cap historique. (Ceci est une information à validité permanente, qui restera fraîche quel que soit le jour de l’été où vous lirez cette page. Très commode, naturellement.)

Voilà. Passez un bon été, je vous prie. Travaillez moins pour réfléchir plus, et aimez-vous les uns les autres afin d’éviter la fin du monde. (Ouais, c’est ça. Naturellement.)