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Écrit de circonstance (Troyes épisode 69)

Je l’ai déjà dit, il m’arrive ici de me sentir un peu décalé parce que, mille pardons, je ne sais pas dessiner, je ne sais qu’écrire, et encore. Depuis dix-sept ans que cette résidence est proposée aux auteurs-illustrateurs, elle a été, dans les faits, occupée seulement deux fois pas des écrivains et quinze par des illustrateurs, ce qui crée des habitudes, des attentes.

Nouvelle occurrence de ce léger sentiment d’inadéquation entre l’offre et la demande : les hôtes passés furent invités à embellir de leurs traits et de leurs couleurs la plaquette de présentation de la résidence, à destination des candidats de l’année suivante, jolie façon, visuelle, immédiate, de tendre le témoin sans interrompre sa course, brandir les crayons, les pinceaux. Comment pouvais-je, quant à moi, apposer sur ce document une trace de mon passage qui serait aussi une incitation ? Je me suis fendu du compliment suivant, qui apparaîtra en couverture de la prochaine plaquette (actuellement sous presse, distribuée dans quelques jours sur le salon de Montreuil) :

Travailler seul en résidence ?
Rêve offert par la providence !
Oubli du temps, indépendance…
You’re welcome here, c’est l’évidence.
En parenthèse, en confidence,
Sentir sa création qui danse !

Je me suis appliqué à rendre aussi fluide que possible ce qui n’est au fond qu’un exercice scolaire, l’acrostiche étant un grand classique des ateliers d’écriture, jeu de langage sans affect, préciosité. J’ai opté pour des octosyllabes monorimes avec rime riche, s’il vous plaît, le [dãs] de la résidence. Comme je suis un laborieux, j’aurai tout de même passé près de deux heures, pas désagréables du reste, sur cette amabilité composée sans investissement excessif, la boîte de maquillage restant cachée sous la table (je vous conterai quelque jour l’histoire de la boîte-de-maquillage-sous-la-table), qui ne dit pas grand chose au fond de ce que cette résidence recèle de joies ni de plages de solitude ou de désarroi, rien de la visite de l’écureuil ni de cette saloperie de chaudière capricieuse, quatre fois qu’elle s’arrête depuis l’automne, je me suis encore réveillé ce matin dans un frigo, 15 degrés centigrades, j’écris sur mon ordinateur écharpe autour du cou et goutte au nez, et comme on est dimanche, je ne serai sans doute pas dépanné avant demain.

Je me caille les meules, les aminches, voilà les vraies nouvelles.

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