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On n’est pas des bœufs

Les belles histoires étymologiques d’Oncle Fonddutiroir !

Aujourd’hui : saviez-vous que l’origine cachée dans le « vaccin » est tout simplement la « vache » ? Non, pas cette vacherie de pass’ sanitaire, rien à voir, mais le brave et placide mammifère cornu ruminant dans les prés, dont les flatulences provoquent par ailleurs la fin du monde. Et savez-vous pourquoi ? Parce que, par l’effet d’un curieux glissement sémantique, le mot « vaccine » avant de devenir le remède désignait la maladie, et plus précisément une maladie infectieuse bénigne ayant la particularité d’être transmissible de la vache à l’humain – car les virus inter-espèces ne datent pas du pangolin ni de la chauve-souris

Il était une fois, au XVIIIe siècle, une pandémie massive à côté de laquelle le coronavirus n’est qu’un aimable thé dansant. J’ai nommé la variole, connue aussi sous le nom de petite vérole. Au siècle de Voltaire (cf. sa XIe Lettre philosophique), 60% des européens contractaient la variole, 20% en mouraient et les autres en restaient défigurés. De quels traitements disposait-on ? Oh, les mêmes que d’habitude, saignée, lavement, prière.

Le roi Louis XV était mort de la variole en 1774. Son petit-fils et successeur, XVIe du nom, élevé dans la terreur de ce fléau, et homme moins hermétique au progrès qu’on ne l’a dit, accepta malgré les inévitables protestations de l’Église, de se prêter à une méthode médicale expérimentale venue de Chine, la variolisation ou inoculation, à peine un mois après son accession au trône, le 18 juin 1774. Le principe de l’inoculation consistait à contracter volontairement une forme amoindrie de la variole, recueillie sur un malade en cours de rémission, puis espérer que le corps s’en contente, ne succombe pas une seconde fois si jamais il tombait sur la version intégrale, sauvage, vicieuse, director’s cut. Et si l’inoculation échouait, resteraient les saignées, les lavements et les prières.

En amont, on observe que depuis des siècles circulait à la surface de la terre l’idée selon laquelle le mal en modèle réduit protègerait du Grand Mal. Cette idée, sinon archaïque, est à tout le moins antique puisque son invention pourrait être attribuée à un autre roi, grec d’origine perse, Mithridate VI (-132/-63), qui, ayant peur des poisons, en consommait à très faibles doses pour habituer son corps à leur résister (car « Tout est poison, rien n’est poison, c’est la dose qui fait le poison », Paracelse), d’où le verbe mithridatiser. Au temps de la variole, l’inoculation a été inventée dans bien des endroits, expérimentée dès le IXe siècle, dit-on, par les Chinois, mais également par les Indiens en tant que principe de la médecine ayurvédique, dans l’Empire Ottoman, et même en Afrique. Lors de l’épidémie de variole de Boston, Massachusetts, en 1721, c’est un esclave nègre né sans doute au Ghana, Onesimus, qui expliqua à son propriétaire, un pasteur, pourquoi il ne craignait rien et comment on soignait la variole dans son pays : il lui montra une cicatrice sur son avant-bras, où on lui avait inséré sous la peau une goutte de jus de variole

Mais revenons à Versailles où la survie provisoire du roi, ainsi que de ses deux frères également inoculés, mit à la mode parmi les courtisans non seulement l’inoculation elle-même, mais une nouvelle coiffure, le pouf à l’inoculation porté par Marie-Antoinette. Les poufs étaient ces excentriques choucroutes qui sculptaient les cheveux des dames au moins cinquante centimètres au-dessus de leur tête, à grand renfort de fil de fer et de gaze. Celui dit à l’inoculation représentait un olivier couvert de fruits entouré d’un serpent sur fond de soleil levant – allégorie de la science triomphant de la maladie. Tant pis pour la digression : je ne peux résister au plaisir de signaler que le pouf est l’une des étymologies admises pour nos poufiasses.

Toutefois on ne parle encore ici que d‘inoculation et pas de vaccination, car la vache, la vacca étymologique, n’est pas encore entrée en scène. Je prends le risque de jouer avec la patience de mon lecteur en ajoutant à son attention que si le vaccin recèle la vache (on y arrive, on y arrive), l’inoculation quant à elle contient un œil, l’oculus, puisque le mot fut d’abord employé en horticulture où l’on greffait sur une plante un bourgeon, ou un œil.

(Effet secondaire de l’inoculation de Louis XVI, comme par hasard soigneusement dissimulé par les médias de l’époque, aux ordres de consortiums pharmacologiques judéo-russes, le citoyen Capet ci-devant roi aura dix-huit ans plus tard la tête tranchée. Pour l’empêcher de révéler ce qu’il savait sur la pandémie ? Je me contente de poser la question.)

Sur ces entrefaites, pendant que la Révolution Française fait rage de notre côté de la Manche, le docteur Edward Jenner, médecin anglais exerçant à Berkeley dans le Gloucestershire, constate dans les années 1790 que les paysannes du coin, qui traient leurs vaches, n’attrapent jamais la variole. Statistiquement, cette échappée belle est étonnante. L’étonnement étant le moteur de la science, Jenner postule que les jeunes trayeuses sont immunisées parce qu’en tripotant les vaches à longueur de journée elles contractent une maladie de la vache, la fameuse vaccine (en anglais : cowpox), visiblement de la même famille que la terrible variole (smallpox) puisqu’engendrant des pustules similaires. Au fait, pox n’est autre qu’une forme plurielle de pock, la pustule, le bubon, et les Anglais connaissent également, pour leur malheur, chicken pox, sheep pox et autres plum pox.

Jenner recoupe ces observations avec les idées en vogue au sujet de l’inoculation, car c’est en mélangeant qu’on invente. Admirable imagination du physicien : si ces jeunes filles sont protégées de la variole parce qu’elles se sont en somme inoculées au contact des vaches, alors la bénigne vaccine serait un remède contre la mortelle variole. Pour le dire simplement, la petite maladie est un rempart contre la grande !

Le 14 mai 1796, Jenner prélève du pus à même les pustules du pis d’une vache atteinte de vaccine, et l’inocule à un jeune garçon de 8 ans, innocent cobaye nommé James Phipps. Celui-ci ne tarde pas à ressentir un malaise, une poussée de fièvre et constate l’irruption de quelques petites pustules (tous inconvénients que l’on ressent parfois après la première dose) mais il s’en remet rapidement. Un peu plus tard, Jenner injecte (en retenant son souffle et en avalant sa salive, du moins est-ce ainsi que je l’imagine) la vraie-de-vraie variole létale au jeune James… Et miracle ! James ne développera jamais les symptômes de la variole. L’immunologie est née. Restera à attendre encore un siècle la découverte des anticorps pour comprendre le mécanisme exact, mais dans l’immédiat, puisque ça fonctionne…
Merci les vaches, merci les paysannes, merci le cobaye, merci la campagne (de vaccination, ah ah) et merci même à tous les maillons de la chaîne, Mithridate, Onesimus et Louis XVI.
Après 180 ans de vaccination, soit, littéralement, d’inoculation de la maladie de la vache, la variole est déclarée éradiquée par l’OMS en 1980.

Illustration ci-dessus : cette caricature anglaise de 1802 constitue un intéressant échantillon de propagande antivax, qui montre Andrew Jenner, inventeur du premier vaccin, en train de contaminer la population avec son invention d’apprenti sorcier qu’on sait même pas ce qu’il y a dedans parce qu’on n’a pas assez de recul (et qui de plus est formellement condamné par le pape, le pape a sûrement des raisons sérieuses), son maudit produit qui risquait, disait-on, de faire pousser des cornes de vaches aux « vaccinés » et en somme de faire plus de mal que de bien.

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