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Archives pour 05/2008

Dreamcatcher

23/05/2008 2 commentaires

J’aime ce qui ne fut jamais. Odilon Redon

Les rêves sont des souvenirs. On y revient, on les ré-examine. On croit qu’ils ont changé, mais c’est peut-être nous.

Je dois aux dernières secondes d’un rêve (c’était en 1997) la phrase suivante, que j’énonçais avec courroux, semble-t-il pour mettre fin à une difficile controverse : « Oh tu sais, on ne pèse jamais que quelques grammes de plus que son inconscient ». Sitôt réveillé, je me suis jeté sur un stylo pour l’écrire. De temps en temps, je retombe sur ce bout de papier. Je ne sais toujours pas ce que ça veut dire mais c’est presque aussi joli que « nous sommes faits de l’étoffe de nos rêves » de Shakespeare.

Il est possible que mon plus vieux souvenir soit un rêve. Quel est l’âge du plus vieux souvenir ? Trois, quatre ans ? Une nuit, vers trois ou quatre ans, je me trouve dans une grande salle blanche où les seuls meubles sont des chaises, disposées en rangées erratiques mais toutes tournées vers le même mur, certaines occupées par des dames bien mises, bien habillées, jambes croisées, d’autres restées vides. Comme j’ai trois ou quatre ans, mon regard est à la hauteur de l’assise des chaises. Je cherche ma maman. J’ai peur de ne pas la reconnaître, parce que toutes les dames assises sur les chaises ont le regard fixe, aucune ne baissera les yeux vers moi, elles regardent comme hypnotisées le mur du fond où se déploie un écran géant. Sur cet écran : le visage souriant, et fixe également, d’une dame brune surmontée d’un chignon. Cette dame me terrorise. Personne ne l’a dit, mais il est question d’une boisson empoisonnée. Les dames assises ne bougent toujours pas. Je crains de ne jamais revoir ma maman. Je me cache sous la chaise la plus proche de moi, je n’ai pas vérifié si elle est occupée ou non.

L’Echoppe enténébrée, recueil de mes rêves, donc de mes souvenirs, est désormais en vente libre, quoique souterraine.

La forme de ma poche

22/05/2008 un commentaire

Ma poche est déformée par un ou plusieurs livres. Ceci en permanence, et depuis que je lis. Ainsi je vais toujours, faussement seul, empli de mots que je poursuis et laisse me poursuivre.

Les volumes se succèdent au fond de ma poche intérieure, nuançant sans fin et par roulement sa forme et la mienne. J’en ai fait l’une des rubriques du présent blog, où je me contente de copiercoller une couverture, sans commentaires.

Une fois, pas coutume : j’en ai faits, des commentaires, au sujet des Années d’Annie Ernaux. Je les reproduis sur cette page pour ne pas tout à fait les perdre.

Coïncidence (ou alors, conjonction née de solides causes) : ce livre-ci présente de fortes ressemblances avec le livre-qui-déformait-ma-poche la semaine précédente.

Deux beaux textes de mémoire, deux recueils de fragments sauvés, deux vies pudiquement mises à distance par l’habitus de leur auteur même, deux « non-autobiographies » sociologiques. Une nuance de style et d’ambition, toutefois : le sociologue écrit le « Je », alors que la femme de lettres l’esquive, écrit « on », « nous », « ils », « elles », et éventuellement, poussée dans ses retranchements, « la petite fille », « la jeune fille », etc.

Du reste, en matière de « non-autobiographie sociologique », ils ont tous les deux été précédés par celui qui demeure le plus grand inventeur de formes littéraires autobiographiques, celui qui donne et redonne envie d’écrire, dont les livres ont autrefois beaucoup déformé mes poches et formé mon esprit. Cette veine m’avait inspiré voici dix ans trois ensembles de textes autobiographiques, sériels et sociologisants – textes qui demeureront inédits, même au Fond du tiroir. Pourtant l’un deux portait les mots « à tiroirs » dans son titre.

Pour ne pas se tromper devant le présentoir ?… Le dessus du panier, c’est le Fond du tiroir !

15/05/2008 4 commentaires

Qu’est-ce que L’Echoppe enténébrée (en vente nulle part dès le mardi 20 mai) ?

Ma fille me demande: « C’est quoi, ton nouveau livre ? Un roman ?
– Non.
– Alors, c’est un documentaire. »

Elle a raison. Je documente, je rends compte, je témoigne à ma mesure des étrangetés de la nuit.

Je prends les rêves au sérieux. Pas de façon surnaturelle – je n’y cherche ni prémonition (puisque l’avenir n’existe pas), ni portail sur l’au-delà (je n’ai pas cet orgueil-là), ni universelle « clef des songes multi-usages » genre couteau suisse (puisque le sens est fermé de l’intérieur). J’y trouve simplement une matière plus riche et plus complexe, plus drôle ou plus terrifiante, plus émouvante et tellement plus étrange que certaines journées passées en plein soleil.

Je me souviens d’avoir lu un article (je crois qu’il émanait d’une université canadienne) qui affirmait avoir percé le mystère, avoir trouvé le sens du rêve, sa fonction immémoriale et primitive : combiner des éléments du réel afin d’en présenter au rêveur une formule possible, ceci afin qu’il se prépare à l’affronter si jamais elle survenait de jour. Combiner : imaginer, en somme. Ni plus, ni moins. (Par extension, cette stimulante approche pourrait être appliquée au cinéma, dont on sait depuis Cocteau qu’il est « le moyen de faire rêver le même rêve à plusieurs personnes en même temps » : effectivement, d’innombrables films m’ont préparé à d’innombrables situations, c’est un autre sujet… Sur lequel on peut voir avec profit le court métrage Just like the movies de Michal Kosakowski, qui démontre de façon époustouflante comment Hollywood s’était préparé depuis des années au 11 septembre 2001 à New York.)

L’homme des cavernes rêva peut-être d’un mammouth se ruant sur lui dans la plaine. Ce faisant, il n’avait inventé ni le mammouth ni la plaine, mais avait placé mentalement l’un sur l’autre parce que cette situation était après tout possible, et qu’il était utile de la visualiser les yeux fermés afin de ne pas être pris au dépourvu le jour venu. Tant pis si l’hypothèse est prosaïque, elle est intéressante parce qu’elle rappelle que le champ des possibles n’a rien de rationnel – il est émotionnel. Ce à quoi nous préparent les rêves (et les films), ce n’est pas tant les événements que les émotions. Un mammouth, ça fout les jetons. Je m’en souviendrai, le jour où quelque chose, un mammouth ou n’importe quoi, se ruera sur moi. De là à dire que ça me servira de leçon…

Mais depuis quand tirons-nous des leçons des documentaires ? Si c’était le cas, la paix règnerait sur la terre.

CQFD, nous voilà fixés sur la nature de L’Echoppe enténébrée (en vente nulle part dès le mardi 20 mai).

Post-scriptum quatre ans et demi plus tard : c’est curieux, cette histoire de chasse au mammouth a ressurgi tel un rêve prémonitoire dans le livre Double tranchant, sorti le 15 octobre 2012, et à son tour en vente à peu près nulle part, puisque la tradition s’est pérennisée… Ci-dessous le bon de souscription :

Au fond du tiroir à gauche

09/05/2008 Aucun commentaire

Ce titre est, naturellement, un message politique.

Mais il signifie, par ailleurs et de façon obscurément métaphorique, que j’incite les quelques lecteurs de ce blog (ils sont sept, selon mon dernier recensement), à explorer les pages dont les intitulés se déploient ci-contre. Même s’ils les ont déjà survolées. Parce que je les remanie régulièrement. J’adore remanier. Je remanie toujours, c’est compulsif.

Ainsi, je viens de développer la page Ecrire d’une main, allaiter de l’autre, où je donne enfin, comme promis, des éclaircissements sur le tableau accroché là-bas. J’en profite pour parler un peu de littérature jeunesse, figurez-vous.

J -12

08/05/2008 Aucun commentaire

L’autre jour je discutais avec CLV (connue ailleurs sous le nom de Corinne Lovera-Vitali) des retards en cascade, finition et impression, de mon livre auto-produit.

Moi : « Eh ben, c’est difficile, finalement, faire un livre. Le métier d’éditeur qui rentre. C’est décidé, je ne dirai plus jamais de mal d’aucun de mes éditeurs. »

Elle : « Ah non ! Il faut continuer coûte que coûte à dire du mal de nos éditeurs ! c’est important ! »

Elle et moi : rires !

Bref. La dream team du Fond du tiroir (alias Patrick Villecourt au grand complet) vient de me donner une date de sortie à peu près ferme pour L’Echoppe. Mardi 20 mai. Après quelques hésitations, l’imprimeur retenu est celui de Pont-de-Claix et, coïncidence : l’homme sur la machine sera l’imprimeur qui autrefois officiait à Sassenage et accoucha sous son propre nom deux autres de mes livres, les Messages et la Mèche.

Je tâcherai d’être muni d’un carton d’Echoppes lors de ma journée à Lyon ce même 20 mai. En attendant, rien de plus à montrer hélas que le logo à tiroir ci-dessus.

… ce beau logo que j’exhibe depuis un mois et qui m’a valu des remarques enthousiastes telles que : « Ah oui, pas mal, mais pourquoi c’est un plagiat de celui de Thierry Magnier ? », ou bien « Ah oui, pas mal, mais pourquoi c’est un calque de celui de Thierry Magnier ? », voire « Ah non, pas terrible, et en plus c’est une parodie de Thierry Magnier. »

Zut alors, les gens se font des idées, la malice dans l’oeil… Si j’affirme que la ressemblance ne m’avait même pas effleuré (et Patrick encore moins, tu penses, pour ce qu’il en connaît de Magnier), on ne me croira pas… Il n’existe pourtant pas qu’un seul logo qui vole, à la fin ! Ange, vole ! Tiroir, vole ! Livre, vole ! Mais moi je ne suis pas un voleur. (Et en plus j’ai pris des bonnes résolutions : je reste en bons termes avec mes éditeurs…)

Rêve de livre, livre de rêve

06/05/2008 Aucun commentaire

L’Echoppe enténébrée, récits incontestables, rêve de livre et livre de rêve, s’en est allée d’un clic aujourd’hui chez l’imprimeur. Elle en ressortira, multipliée par 260, dans quelques jours. Je remercie les innombrables et cependant 41 souscripteurs, pour leur patience, mise à rude épreuve.

Je viens de lire Les Années d’Annie Ernaux. Le magnifique prologue de ce livre répète en litanie que tout disparaitra, que tout disparaitra en une seconde. Tout ? Oui, tout ce qui fut accumulé pendant les années désignées par le titre, c’est-à-dire les quelques années passées par chacun sur la terre, toute la matière des décennies vécues. On vit, on s’emplit d’images, le processus est long, et puis on meurt, l’achèvement est bref, et ce kaléidoscope s’évanouit en un éclair, aussi facilement que s’il n’avait jamais existé. Une idée qui empoigne, une idée pourtant simple, mais belle parce que simplement dite. Annie Ernaux compose donc un livre d’énumération. Elle empile les images de sa vie, elle les couche pour qu’elles disparaissent moins vite. C’est méthodique et bouleversant.

« Les images réelles ou imaginaires, celles qui suivent jusque dans le sommeil
Les images d’un moment baignées d’une lumière qui n’appartient qu’à elle… »

Les images de nos rêves, oui, disparaîtront, avec les autres, et avant même toutes les autres. Elles sont les plus fragiles. Alors qu’elles auront peut-être été les plus belles.

L’Echoppe enténébrée, récits incontestables, retient sur du papier quelques-unes de ces images. Le livre est chez l’imprimeur. Je l’ai envoyé d’un clic.

Rendez-vous chez Isabelle

01/05/2008 un commentaire

Ci-dessous, des précisions données par Anne-Lise Blanchard sur la soirée « Chez Isabelle » (cherchez pas, elle n’y sera pas, Isabelle, elle est partie en laissant seulement son prénom), le 20 mai prochain à Lyon :

Bonjour,

Les Mardis d’Isabelle accueillent mardi 20 mai à 20h

Fabrice Vigne en duo avec Christophe Sacchetini pour une lecture musicale de son dernier roman « Les Giètes »

35 rue Sainte-Hélène 69002 Lyon M° Bellecour

Participation : 3 euros et un mets ou une boisson

Réservation : 06 63 92 97 23, aliseblanchard69@yahoo.fr

Soirée fabuleuse en perspective. Faites-le savoir et venez nombreux !

Les romans de Fabrice seront disponibles.

Amicalement, Anne-Lise