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Cinquante ans utérins

20/07/2018 Aucun commentaire

Rappel #1 : quiconque est né en l’an de grâce 1969 est fondé à exiger du Fond du Tiroir l’attribution gracieuse, contre un PDF mentionnant la date de naissance du bénéficiaire et dans la limite des stocks disponibles, d’un exemplaire du mini-livre Le Flux, enjoué memento mori où sont notamment abordées les circonstances de ma conception à l’été 1968 et de ma naissance au printemps 1969.

Rappel #2 : quiconque souhaite faire un cadeau de bon goût à une personne de son entourage née en 1969 est encouragé à commander au Fond du Tiroir un exemplaire du mini-livre Le Flux, agrémenté d’une dédicace personnalisée audit natif de ’69, pour la somme dérisoire de 3 euros. Bon de commande à imprimer ici.

Le Flux est fluctuant. Où donc ai-je lu, où ai-je entendu que les Chinois calculaient leur âge à compter non de leur naissance mais de leur conception, neuf mois plus tôt ? Ce principe n’est peut-être qu’une légende urbaine, une excentricité plaisamment créditée au compte d’un folklore lointain, une autre vision du monde dont on affuble à la diable une civilisation exotique tiens les Chinois pourquoi pas les Chinois (d’ailleurs ça me fait penser, il paraît qu’en Angleterre ceux qui font caca par terre on leur coupe le derrière pour en faire des pommes de terre)… Peu importe : ce pas de côté mental qui intègre au compteur la vie intra-utérine est tout-à-fait charmant (du moins aussi longtemps qu’il n’est pas récupéré idéologiquement par quelque zinzin cul-bénit pro-life). Aussi chers amis fêtons sans plus attendre cet anniversaire-ci et ce sera toujours ça de fait ça de pris puisque nous ignorons l’avenir : mesdames et messieurs, « à la Chinoise » et sous vos yeux je passe en trombe le cap des 50 ans sur la terre.

Pour fêter dignement mes 50 balais, je suis allé écouter une lecture musicale du duo Les Fernandez, Corinne Lovera Vitali + Fernand Fernandez. Comme d’hab, CLV m’a empoigné par les tripes et a tiré doucement la ficelle jusqu’à me faire bouger l’intérieur de la tête. À un moment, elle a évoqué un film de 1971, qu’elle a vu par hasard et par accident à l’âge hors-sujet de 11 ans, et revu d’innombrables fois par la suite sans hasard ni accident. Elle a eu une phrase que j’ai retenue, à propos des accidents propres à cette époque-là, elle a dit quelque chose comme : « Les années 70 étaient libres et dangereuses tandis que les années d’aujourd’hui sont dangereuses seulement » .

Ensuite, toujours pour mon anniversaire qui devenait carrément soirée thématique, j’ai regardé We blew it, stupéfiant documentaire de Jean-Baptiste Thoret, road movie contemplatif et mélancolique ayant pour sujet, d’abord le cinéma d’il y a 50 ans, ensuite et surtout l’énigme de ce qui a bien pu mal tourner depuis 50 ans aux Etats-Unis. La phrase désabusée We blew it est extraite d’Easy Rider, film conçu en 1968 et né en 1969.

Pour le dire vite : sociologiquement, il s’est passé quelque chose au moment historique où les baby boomers, nés dans la foulée de 1945, ont atteint l’âge adulte et fébrile, alors même qu’ils vivaient sous la repoussante autorité de barbons et d’épouvantails, sous Nixon, sous Pompidou, sous Brejnev… Un rêve d’autre chose, un décalage mental autrement plus vaste qu’un simple décompte des jours, s’est structuré au tournant des années 60 et 70. Et puis quoi ? Et puis We blew it, et puis le monde est rentré dans le rang à la décennie suivante, et puis Reagan et les yuppies.

Sous les repoussants barbons et les épouvantails de 2018, sous Trump, sous Macron, sous Poutine, nous pouvons toujours envoyer nos bons voeux et baisers à la génération qui atteint l’âge adulte, l’âge fébrile. Et puis, sans trop verser dans une débilitante nostalgie ou dans l’éloge chauvin du pays natal, nous pouvons tenter de suggérer que les traces laissées par ces années-là, dans le cinéma, dans la musique, ainsi peut-être que dans d’autres champs que je ne connais pas (la mode…), sont toujours aussi passionnantes et stimulantes.

Jean-Baptiste Thoret, en présentant son film, cite une phrase de George A. Romero : « En 1969, il s’est passé dix ans ». Oui, le Flux est fluctuant. Pensez à commander votre exemplaire gratuit ou payant.

* N.B. : We blew it est en VOD sur le site des Mutins de Pangée, qui font un formidable boulot cinématographique et politique, ou le contraire.

Reddition ? Jamais ! Réédition !

15/02/2013 un commentaire

Manu Larcenet étant né la même année que moi, il est logique que nous ayons également bénéficié des même reports puis accompli notre service militaire à la même période. Il a tiré de son année sous les drapeaux un livre :  Presque, ed. Les Rêveurs. Quand je l’ai lu, je lui en ai été reconnaissant. Il avait chargé ses images et ses mots d’impressions que j’avais ressenties viscéralement (même si mon expérience de la bidasserie fut sensiblement moins tragique que la sienne) mais que j’aurais été moi-même incapable d’exprimer. « Le système avait fonctionné : j’étais mentalement assez fragile et malléable pour devenir soldat ou fou » .

Je me rappelle cette impression générale d’hébétude et d’endurcissement. Je me rappelle cet état second dans l’uniforme, et aussi cet état troisième par la grâce de la circulation « tolérée » de substances modifiant le cerveau, alcool, shit. Je me rappelle cette violence partout, latente jusqu’à ce qu’elle ne le soit plus, cette loi de la jungle qui se fait passer pour républicaine, ce décervelage programmé (je retiens cette forte maxime d’un adjudant : « Ne réfléchissez pas. Un soldat qui réfléchit commence à désobéir »), cette perte de soi, et après coup cette rupture totale qui rend autiste une fois de retour dans la vie civile, lorsqu’on peine à entrer en contact avec ses proches, un peu comme dans les premières pages de La peau et les os d’Hyvernaud…

Presque mérite d’être lu aujourd’hui. Pas seulement parce qu’il préfigure de façon troublante certains aspects de ce sale chef d’oeuvre qu’est BLAST. Aussi pour sa valeur documentaire. Le service militaire n’existe plus depuis 1998, année de parution de Presque. Depuis près d’une génération, les jeunes hommes ne subissent plus ce brutal et archaïque rite de passage dans l’âge adulte, ce bizutage qui se prolongeait un an. Tant mieux. Sauf qu’ils risquent de ne pas très bien comprendre de quoi on parle… Allez dire ça aux jeunes, ils ne vous croiraient pas. La quoi ? La conscription ? Autant leur raconter la bataille de Bouvines. Heureusement, restent les témoignages imprimés du temps passé. Qu’ils lisent Presque.

Presque a été régulièrement réédité, et Larcenet s’est fendu d’une postface nouvelle, dont sont extraites les trois cases ci-dessus, où il commente davantage la réédition que le livre lui-même. Il dit, le nez couperosé comme il aime à se dépeindre, « Quand vous serez comme moi au milieu du parcours (…) Vous aussi vous redouterez la mort… Celle de vos livres, tout aussi bien ! Fussent-ils médiocres ! »

Ah, tiens. Je me souviens justement que je citais le nom de Larcenet dans Le Flux, témoignage imprimé du temps passé et à venir, écrit pour célébrer le « milieu de mon parcours ». Ce mini-livre, deuxième parution du FDT, paru en 2008, était épuisé depuis l’an dernier. Ma première intention était de le laisser dans cet état, souvenir, introuvable, emporté à son tour dans le Flux, ton sur ton, c’était justice. Et puis non. Pas envie de le laisser mourir, finalement.

Je viens donc de le réimprimer à l’identique, c’est-à-dire superbe, et il figure à nouveau au catalogue. Selon la logique économique Triple A du Fond du tiroir (Ahurissant Asile d’Aliénés), ladite plaquette conserve son dérisoire prix d’origine, 3 euros, quand bien même ce retirage d’appoint, très limité, engendre un prix de revient par exemplaire légèrement supérieur à cette somme. C’est-à-dire que je le vends à perte. Peu importe : de toute façon j’ai toujours bien plus largement offert le Flux que je ne l’ai vendu, je ne me le figure pas tout à fait comme un livre, plutôt comme une carte de visite de luxe. Je continuerai donc de le donner gracieusement, jusqu’à épuisement des nouveaux stocks, à quiconque m’est sympathique et/ou me prouvera, justificatif à l’appui, qu’il est bien né en 1969 (ce cadeau est possible aussi par correspondance, contre un timbre à 1,05 euro). J’aimerais, pour cette raison, l’adresser à Manu Larcenet. Si quelqu’un a son adresse…

Comme un poisson dans l’Aube (Troyes, épisode 12)

12/09/2011 Aucun commentaire

Comme c’est curieux : l’Aube ressemble à un petit poisson (l’oeil de la bête étant obligeamment figuré par les grands lacs) qui nagerait dans l’aquarium France, fuyant Paris en direction des Vosges. Cette hallucination a-t-elle le moindre sens ? Faut voir. C’est après coup, seulement, que le sens se découvre.

Ainsi, il m’arrive parfois de comprendre ce que je dis. Je viens de réaliser pourquoi depuis une semaine je file la métaphore boulangère à propos de mes travaux d’écriture : je mélange, j’arrose, je sale, je pétris, je laisse reposer la pâte, je cuis, je prélève un peu de levain pour la fois suivante… Ce n’est pas parce que je suis dans le pétrin, mais bien parce que je suis ici l’hôte de l’association Lecture et loisirs, or quel est donc le camp de base de ladite association ? La Maison du boulanger, QG de la culture troyenne. Et je profite de l’occasion pour remercier mes hôtes une nouvelle fois, tiens, ça ne sera pas de trop, pour son empressement à mon endroit. Il a suffi que je publie sur ce blog la phrase « Tiens, j’aimerais bien un vélo » pour que quelques jours plus tard Amélie m’en prête un, abracadabra, et hier dimanche entre les orages je me suis promené deux bonnes heures à vélo autour du bouchon. C’était bien. Amélie, si tu m’écoutes, attention un message subliminal pour toi : Tiens, j’aimerais bien disposer d’une Triumph Herald cabriolet 39 chevaux modèle 1964. Rouge de préférence. Je dis ça, je dis rien.

(C’est une blague, hein ! Je n’y connais rien en bagnoles, je m’en fous même complètement, mais je viens de lire Mes prix littéraires de Thomas Bernhard, où il lui arrive certaine mésaventure avec la voiture de ses rêves, une Triumph Herald.)

Moi aussi je peux faire des cadeaux : mesdames et messieurs les Tricasses, je vous rappelle (façon de dire que je vous informe) que le Fond du Tiroir se fera un plaisir d’offrir le mini-livre Le Flux à quiconque se présentera à lui en mesure de justifier que son année de naissance est 1969. Dans la limite des stocks disponibles.

Flux 2011

01/01/2011 5 commentaires

Meilleurs voeux 2011, c’est ça ouais, t’as raison, pour en faire quoi ?

Pour qu’il nous arrive quelque chose.

Il existe deux catégories d’écriveurs de livres. D’un côté, ceux qui écrivent parce que quelque chose leur est arrivé, et peu importe cette chose-ci, une guerre, un viol, une maladie, un traumatisme infantile, un portefeuille de ministère, une émission de téléréalité, une détention par les FARC au fond de la jungle colombienne, un fait littéralement divers ; de l’autre, ceux qui écrivent pour que quelque chose leur arrive, et cette chose-là est la littérature. Ah, voilà qui est beaucoup plus incertain. Ça marche ou ça ne marche pas, un meilleur voeu n’y suffit guère.

Mes chers compatriotes, je vous souhaite, et je me souhaite, qu’il arrive quelque chose en 2011.

Le Fond du tiroir publiera-t-il un nouveau livre en 2011 ? Peut-être que oui, peut-être que non, l’incertitude. Nous avons bien un projet, en souffrance sur l’établi, La légende du monde, livre impossible (qualificatif que je donnais déjà à J’ai inauguré IKEA, j’aime à rendre possibles des livres qui ne le sont pas, j’ai mes raisons). Mais peut-être que non. La trésorerie est peu propice, le coeur n’y est pas tout à fait non plus. On verra bien, il peut s’en passer, en 365 jours.

Il est possible qu’autre chose arrive en 2011 : l’épuisement, non de l’auteur, mais d’un livre. L’un des six livres au catalogue du Fond du Tiroir, le plus petit, le moins cher (12 pages, 3 euros), est en voie de disparition : Le Flux. Il faut dire que je l’ai à peu près autant offerte que vendue, cette carte de voeux perpétuelle et memento mori… Mais enfin je l’ai écoulée, c’est un fait, le mot juste. Encore merci et spéciale dédicace à ma marraine Jeanne Benameur qui, à sa parution, l’avait trouvée tellement à son goût qu’elle m’en avait commandé 60 d’un coup à fin de généreuse distribution tout autour d’elle. Soixante d’un coup ! Record de vente historique du FdT ! Qui n’avait pas peu contribué au financement du livre suivant, c’était le bon temps…

J’avais d’abord envisagé de réimprimer ce mini-livre, j’avais même pour cela prévu d’ajouter une épigraphe, jolie phrase dégotée entre temps et précieusement remisée, sentence qu’on croirait écrite exprès pour nous, c’est le principe des épigraphes :

Le Flux relie, la rive isole.
Marc Augé, Non-lieux

Et puis non, finalement, j’épigraphe à blanc, je souffre placidement l’épuisement, pas de réimpression en 2011, le Flux retourne au flux, et dust to dust, c’est mieux ainsi.

Quant au reliquat du stock, je l’offre en coup de grâce. Comme il m’arrive de le faire sur les salons du livre, je suis prêt à vous adresser gracieusement un exemplaire du Flux si vous êtes né en 1969. Envoyez vos coordonnées (et une attestation de votre millésime, s’il vous plaît) à fvigne-arobase-fonddutiroir.com.

Et la bonne année.

Ouf.

31/12/2009 un commentaire

I'm on my way

L’année du Flux se parachève avec et sans nous. L’élégant marque-page conçu par Patrick « Factotum » Villecourt pour orner ce libretto se périme simultanément, tant pis, il est là, il demeure, élégant pour toujours.

Un bilan du vieil an 9 ?
– Trois livres publiés (deux au FdT et un
nulle part, mais très beau tout de même),
– 50 articles postés sur le blog,
– des commentaires de visiteurs à la pelle (davantage lorsque je cause politique que lorsque je cause littérature, tant mieux ? tant pis ?),
– deux ou trois cuisantes polémiques,
– une bonne douzaine de représentations des Giètes pour mon registre « intermittent sans cachet »,
– de la fécondité et de la stérilité par intermittence,
– l’asso FDT
créée en bon et due forme,
– quelques bonnes rencontres,
– quelques beaux voyages, dont un à Copenhague au mois d’août avant tout le monde, quand on avait espoir qu’il s’y passe quelque chose en décembre,
– des demi-nuits d’insomnie passées à faire des réussites débiles, ou à regarder sur Youtube des trucs comme ci ou comme ça, non mais je vous demande un peu,
– des citations dans ma besace (la palme de la phrase qui condense au mieux l’année 2009 revient à Hugo Chavez : « Si le climat était une banque, vous l’auriez déjà sauvé »),
– des joies,
– des frustrations,
– la grippa,
– une crise (partout-partout) aigüe d’eczéma,
– des « nouveautés » et leur contraire (c’est quoi, le contraire de la nouveauté ? c’est un truc qui disparaît discrètement – exemple :
Zazieweb, le seul site littéraire coopératif qui recensait le Fond du tiroir dans son annuaire de petits éditeurs, et qu’on a le droit de regretter pour mille autre raisons),
– des lectures, des écritures, du pain sur la planche, la vie.

De feu 2009, retenons aussi un film souvenir : la « géniale » fête du livre de Villeurbanne a mis en ligne un clip de poétique autopromotion où l’on m’entend me fendre d’un petit compliment. Une caméra se baladait dans le salon, qui demandait à chaque stand « Si vous deviez définir la Fête de Villeurbanne en un seul mot, ce serait ?… » J’ai improvisé une gentillesse paradoxale, j’ai fait le malin, et cela a eu l’heur de plaire au monteur de ce film, puisque ma contribution est finalement la seule reproduite in extenso.

Et demain ? L’an qui vient ?

La Mèche sera peut-être le prochain livre publié par le FdT. Entre temps un autre livre sera rapatrié dans le tiroir…

Les démêlés judiciaires avec l’éditeur initial de deux de mes ouvrages, Castells, sont récemment parvenues à un tournant, qui permet au FdT d’envisager en toute sérénité l’édition de la version revue et corrigée, définitive, de La Mèche – du moins, dès que les phynances le permettront. Je ne vais pas vous déballer comme ça aussi sec le bilan financier (vous n’êtes pas adhérent de l’association, que je sache), mais sachez qu’une certaine somme dort sur le compte de l’asso, et que nous visons au moins le double avant d’entreprendre une production (et une distribution ?) correctes de la Mèche. Mais dans l’intervalle, une autre source ponctuelle de revenus pourrait surgir : Castells a rendu les droits non seulement sur la Mèche, mais aussi sur mon recueil de nouvelles, Voulez-vous effacer/archiver ces messages. Il existe quelque part un stock d’invendus de ce livre introuvable, quelques 400 volumes. Si je parviens (à quel prix ? on verra…) à mettre la main sur ce trésor, j’en ferai don illico à l’association, et ainsi ce recueil deviendra le cinquième livre du catalogue. Ce retour au bercail serait non seulement très heureux, puisqu’il rendrait cette œuvre de jeunesse (que je suis loin de renier, oh câlibouère, bien loin) à nouveau disponible, mais également tout-à-fait cohérent : cet ouvrage a beau avoir été conçu pour le compte des défuntes éditions Castells, il n’en constitue pas moins la première collaboration entre le précité Factotum et moi-même. Il s’agit donc, en quelque sorte, d’un livre « pré-FdT » sans lequel les suivants n’eussent tout bonnement pas existé.

Parfois, l’on me demande « Alors, tu sors bientôt un livre ? », et je réponds tant bien que mal, « Ben, regarde, je viens de faire quatre livres en un an, là, au Fond du tiroir… », mais l’argument semble irrecevable lorsque l’on s’intéresse, fort aimablement du reste, davantage à ce que je « sors » qu’à ce que je « fais », et l’on me rétorque, « Non, mais des VRAIS livres, je veux dire ? » Ah, oui, d’accord, ces livres-là…

Au chapitre du « vrai », doit-on attendre une publication sous mon nom en 2010 ? Oui, j’espère bien. Je viens de terminer (d’où le titre du présent article – presque « ouf » à dire vrai, puisque quelques bricoles restent à fignoler) un roman dont la conception aura été ridiculement longue, presque trois ans pour en venir à bout, des allers et retours incessants entre certaines idées qui me chatouillent et des agencements romanesques d’autant plus laborieux que je les veux impeccablement fluides. Bref, ce roman, cette séquelle, pourrait paraître chez Magnier l’an qui vient – si tout va bien, c’est-à-dire si Magnier en veut, car la question n’est pas absolument réglée. Je crois que ce bouquin sera très bien, même avec son gros défaut : deux ans de retard.

Allez, l’histoire avance, avec, et sans nous. « I’m on my way ! »

Je me souviens du film Dick Tracy de Warren Beatty, kitsch et clignotant comme un sapin de noël. Je me souviens d’une interview de Beatty, à qui un journaliste demandait quelle mouche l’avait piqué, pourquoi diable un type aussi sérieux que lui, acteur respecté, auteur capable de Dix jours qui ébranlèrent le monde, mais pourquoi donc le prestigieux Warren Beatty s’était-il entiché de cet héroïsme régressif de comic strip, de ce défenseur de la loi au premier degré pop, de cet archétype infantile en imper jaune ? Pourquoi ne sortait-il pas de vrais films, plutôt ? Beatty avait répondu un truc du style : « Poser un chapeau sur ma tête, enfiler un imper, regarder ma montre, m’exclamer I’m on my way !, et partir en courant à l’aventure, figurez-vous que ça m’excite. » Je cite de mémoire, mais j’ai parfaitement retenu l’esprit de cette explication alors que j’ai pour l’essentiel oublié le film lui-même.

I’m on my way, c’est suffisant, c’est optimiste tout de même, c’est énergique, c’est juvénile, c’est disponible, c’est solaire comme un ciré, c’est fort judicieusement naïf, c’est parfait, en guise de vœux pour un nouvel an.

Séquelle

28/08/2009 un commentaire

(oui, je sais, c'est la seconde fois que je publie cette image)

Révolution de coulisse : le Fond du Tiroir a désormais son compte en banque – au Crédit Mutuel, seul établissement bancaire, semble-t-il, qui manifeste  encore un certain soutien (et non un simple intérêt) à l’activité économique des associations, en leur accordant un compte courant sans le moindre frais de gestion.

Le bon de commande de nos précieux ouvrages a donc été dûment retouché, afin d’enjoindre le client-roi à libeller son chèque à l’attention du FdT, au lieu de mentionner le citoyen Fabrice Vigne, ce qui épargnera peut-être à celui-ci quelque tracasserie fiscale.

Un compte en banque, presque vide, hélas. Pas de quoi mettre en branle le grand projet d’automne du FdT, dont je vous entretiendrai prochainement.

Mais, bah ! L’argent ? Qu’est-ce que l’argent ? Surtout en période de crise (partout-partout) ? Quelle surnaturelle calculette dira la valeur des livres ? Le livre le plus cheap du FdT, trois euros, soit environ trois fois rien, le plus bref aussi, douze pages emballées-c’est-pesé, est peut-être bien son plus profond.

Je repense souvent à ce Flux, et je me demande ce que j’ai fait là. Chaque fois que je regarde ma fille, et que je comprends que la voir grandir est la seule consolation possible quand, simultanément, je me vois vieillir. Je la vois vivre, je me vois mourir, nous nous embrassons, et j’écrase une larme, oui, je l’écrase celle-là, bien fait pour sa gueule. Voilà tout ce qu’il ne dit pas, mais ce qu’il contient, ce « livre » infime à trois euros. Alors, l’argent, hein…

Et pendant ce temps ? Pendant que le Flux nous emporte ?

Eh bien, pendant ce temps, j’écris, figurez-vous. Me voici jusqu’au cou dans Jean II le bon, séquelle, suite naturelle (comme on dit d’un enfant) de Jean Ier le Posthume, roman historique. J’ai commencé ce livre il y a plus de deux ans, puis je l’ai mis de côté parce que, comme on sait, à un moment donné j’ai jugé bon de me consacrer à l’exploration de mes tiroirs. Cet été je me suis replongé dans l’Histoire et dans mon histoiriette, je me suis remis, pour la première fois depuis lurette, à travailler chaque jour sur un même roman, et ça marche, je m’amuse. Vous en voulez un extrait ? Bon, très bien, parce que c’est vous. Un extrait pittoresque, distrayante saillie, guise de bande annonce, scène de comédie parce-qu’il-n’y-a-pas-que-les-larmes-écrasées-dans-la-vie… mais qui ne trahira rien de l’intrigue réelle du livre. Éh, oh, je n’aime pas qu’on lise par-dessus mon épaule. À plus tard…


STAN – Souvenez-vous ! Nous avions laissé pour mort Jean Ier le Posthume à l’âge de cinq jours… Il est mort, quel suspense ! Que va-t-il lui arriver ? Le destin est en marche : en secret, le bébé avait été échangé avec Giannino Baglione, le fils de sa nourrice italienne… C’est l’Italien qui est mort à cinq jours sur le trône, tandis que le véritable monarque de France est exilé, à l’insu de tout le monde, y compris de lui-même, en Italie… Quarante ans plus tard, pendant que le roi de France en titre, Jean II le Bon, fait tranquille pépère la guerre contre les Anglais, le Giannino apprend qu’il est en fait l’héritier légitime du royaume de France ! Il lève une armée et fonce à Paris… Mais c’est la déroute ! Le cachot et les désillusions ! En prison, Giannino écrit un mémorandum dans lequel il estime son propre prix, que l’on peut réclamer au roi de France Jean II : 100 000 florins d’or s’il est vivant, 500 florins s’il est mort. Quelques pages plus loin, moins vantard, il propose 50 florins…
Toujours est-il qu’en 1362, Jean II envoie un ambassadeur à Naples. L’ambassadeur visite la prison de la Vicaria. Il s’entretient longuement avec le prisonnier pour préparer son transfert… Mais l’affaire ne se fera pas pour cause de décès soudain de Giannino… Tiens tiens ! Comme c’est commode ! QUI l’a assassiné, et pourquoi ?
J’en suis là de l’enquête… Sept cents ans que l’énigme perdure… Eh bien, les gars, là où les historiens capotent, commence le travail de l’imagination. Gianinno n’est pas mort du tout dans son cachot mais en héros, sur le champ de bataille, l’arme au poing… Je verrais bien un duel au sommet, le clou de notre film ! Jean II himself contre Giannino-qui-se-prétend-Jean-Ier ! À l’aube, ou plutôt, non, tiens, au crépuscule, quand les ombres s’allongent… Chacun des deux apparaît sur la crête d’une colline, et toise son rival… Puis ils se mettent à crier, tous les deux, chacun tentant de couvrir la voix de l’autre, « Je suis le seul vrai roi de France ! Usurpateur ! Salaud ! Ordure ! Je vais te faire la peau ! » Et là, ils dégainent leurs épées, ils courent dans la lumière du soir et la poussière, c’est le grand fracas des lames et des armures ! Moment de vérité ! Jugement de Dieu ! Un seul roi de France et de Navarre restera ! Au corps à corps Jean II prend l’avantage, parce qu’il est mieux entraîné, on mange mieux à la cour que dans un cachot, et alors… Stupeur ! Impitoyablement il tranche la main de son adversaire ! Giannino est à terre, diminué, en sueur, en larmes… En état de recevoir le coup de théâtre en même temps que le coup de grâce, le secret qui explique tout, la terrible vérité cachée depuis une génération : Jean II relève la visière de son heaume et il prononce ces mots, lentement, en contre-plongée : « Je suis ton père ». Explosion de désespoir de Giannino, qui hurle « Nooooooooooooon ! »
Qu’est-ce que vous en dites ?


ARTHUR– Extraordinaire.

ELSA – Éculé.

STAN – Hé, un peu de respect, oui ?

ELSA – Éculé ! On a déjà vu ça au cinéma.
En outre, historiquement, ce n’est plus de la libre interprétation, c’est juste n’importe quoi : Jean II et Giannino n’ont que quatre ans d’écart ! L’âge d’être frères peut-être, mais pas père et fils… Et pourquoi diable Jean II serait le père de Giannino ? Rien à voir ! On n’y comprendrait plus rien, ni à l’histoire de l’un, ni à celle de l’autre !

STAN – Pourquoi ? Ben, parce que ça fait une excellente scène, tiens !

ELSA (se rallumant une cigarette) – D’accord… Ce n’est pas avec tes élucubrations que je vais changer d’avis. Écrire une suite au Posthume, c’était forcément une mauvaise idée.

Force marémotrice

07/01/2009 2 commentaires

Et le Flux les emporte

J’ai largement offert à mes proches Le Flux, sensiblement en même quantité que je l’ai vendu. Toutefois, de lien en lien,  il a pu tomber entre des mains que je n’ai jamais serrées. C’est ainsi qu’un certain Raphaël Desportes l’a lu. Artiste (comment faudrait-il dire ? « brut » ?), il n’a pas tardé a composer une sorte de réplique à ma plaquette, un poème et une peinture, duo intitulé comme de juste Le Re-Flux (ci-dessus). Le Flux est aussi le lieu où se retrouvent ceux qui « rêvassent d’une lune éparse ». Oui. Je prends. Je prends et je dis merci.

Brisavion

06/01/2009 un commentaire

Bison Ravi

On fête cette année le cinquantenaire de…

Non. Un truc cloche. Je reprends. Pouf, pouf.

« On » « fête » cette année le cinquantenaire de la mort de Boris Vian. Le Fond du Tiroir, opportuniste comme vous le connaissez, mêle au chœur sa voix toute intérieure et rend hommage ici au chanteur-écrivain-ingénieur-équarrisseur de première classe du collège de ‘pataphysique.

Quelle tête, l’hommage ? Le visage sournois et un peu gras d’un voyeur de coulisse : nous écartons délicatement le rideau… nous jetons un regard par dessus l’épaule… nous nous apprêtons à vous révéler un secret de fabrication, à braquer le projecteur sur un détail discret du dernier livre du FdT, Le Flux (toujours en vente). Nous nous livrons en somme au bonus exclusif ! au making of ! à la scène de tournage qui explicite l’inspiration : l’ombre portée sur notre plaquette de Boris Vian, mort hélas dix ans trop tôt pour être cité dans l’ouvrage en question.

Bienvenue dans le double-fond du tiroir ! Ci-dessous quelques extraits de mails échangés entre moi-même, alias l’Auteur, et Patrick Villecourt, alias le Factotum, au sujet de la maquette de couverture. Patrick avait, comme on dit, donné libre court à sa créativité, et conçu une première version de la quat’ de couv’. Pour orner ce verso, il compliquait le jeu initié sur le recto (feuillets d’éphéméride arborant jours de la semaine et mois), en inventant un autre jour (jourdi), d’un autre mois (nocendre) :

Exclusif ! Le cul du livre avant maquillage, surpris par un paparazzi !

FV – (…) Superbe ! Bravo. J’aime énormément nocendre dont les sonorités sont piles dans le sujet. En revanche, jourdi, c’est pas terrible, ça ne m’évoque rien (si ce n’est Camille Jourdy, mais je ne vois pas le rapport). Tiens, t’as qu’à remplacer par Verdi. Primo, Verdi évoque, excuse du peu, le requiem (encore une façon de rejoindre le thème en subliminal), deuxio le verbe verdir, quant à moi, m’a toujours fait penser à la chanson de Boris Vian : Quand j’aurai du vent dans mon crâne/Quand j’aurai du vert sur mes osses/P’tet qu’on croira que je ricane/Mais ça sera une impression fosse… (…)

PV – (…) Ah ? C’est marrant que Verdi, en 4 de couv, te fasse penser (ou l’inverse, plutôt) à la chanson de Vian (que j’aime beaucoup, chantée par Reggiani), parce que je me suis inspiré de L’Arrache-Cœur pour donner les heures de lunaison en une de couv ! (…)

FV – (…) Drôle de coïncidence : on a tous les deux été influencés par Vian, de deux façons différentes, pour la couve du Flux… Eh ben, tu sais quoi ? C’est peut-être pas une coïncidence : Vian, qui prédisait qu’il n’atteindrait pas les quarante ans, est mort dans sa 40e année. Voilà qu’il hante un bouquin d’entrée dans la quarantaine (et dans la mort). Tout va bien. (…)

PV – [suite à la publication du présent article] (…) Je vais, disais-je, justifier (chose que je n’avais point encore fait) le choix initial de “jourdi” : c’était pour moi le condensé de « au jour-dit », sous-entendu « le dernier » (sinon ça ne serait pas drôle). Ce qui me semblait donc bien dans le ton et la subliminale redondance au cœur de laquelle Verdi éclate, pour le meilleur fors le pire, en sa pleine magnificence. Mais puisque que cela n’a pas éveillé d’écho chez toi, c’est que ce n’était pas bon, et je trouve Verdi plus riche en double-fonds. (…)

(Vous pouvez comparer le brouillon ci-dessus avec la version imprimée qui, elle, proclame « Verdi »… Et vous pouvez aussi consulter les horaires de lunaison en couverture, ça ne peut pas faire de mal… Mais pour cela, il faudrait déjà avoir le bouquin, n’est-ce pas ? Vous savez ce qu’il vous reste à faire ?)

Flux tendu

19/12/2008 3 commentaires

Hier est « paru » (si tant est qu’un tel livre puisse « paraître ») Le Flux. Je tiens entre mes mains ce mince et long objet, second livre estampillé FdT, seconde de mes publications ésotériques – et je n’ignore pas, en une certaine région de ma conscience, que mes livres exotériques (mes projets « Magnier ») m’attendent de pied ferme, que je ferais mieux de, qu’il me reste à, qu’il serait temps que, que j’ai du pain sur la, que j’accumule des retards sur, que je serais tellement plus raisonnable et moins autiste si, qu’il faudrait que je me consacre désormais à…

Permettez. Je jouis encore quelque secondes… Oh, bonne mère, il est magnifique ! (Merci Patrick, encore et toujours.) Qu’est-ce que je suis heureux de faire des livres. Vous pouvez, si le cœur vous en dit, partager ma joie… Mais sans vouloir offenser quiconque, je vous prie de ne point acheter ce livre pour me faire plaisir, ce serait peine perdue, mon plaisir est déjà là, bien au chaud au fond du tiroir.

Flux et reflux

12/12/2008 un commentaire

Horloge ! dieu sinistre, effrayant, impassible, Dont le doigt nous menace et nous dit : Souvienstoi !

Le Flux retranscrit, notamment, une conversation que j’ai eue avec ma fille à la table du petit déjeuner. En voici une autre :

Moi – Ah la la ! C’est dur de faire un livre ! Même un petit livre de rien du tout comme le Flux ! Chaque livre est un combat !
Elle – Pourquoi, un combat ? Vous vous battez, avec Patrick ?
Moi – Non, on ne se bat pas, on discute… Et c’est passionnant, mais c’est long, c’est compliqué… On met en forme les idées qu’on a, lui dans des images, moi dans des mots, et puis on échange. Des heures d’échanges pour chaque page, parfois pour chaque phrase… Ah, cette dernière phrase du Flux, elle nous en aura fait baver ! On l’aura faite et refaite, écrite et effacée et ré-écrite ! Il m’accusait de maltraitance, imagine un peu !
Elle – Vous ne voulez pas faire le même livre ?
Moi – Si, bien sûr, mais le livre en question, on saura ce que c’est seulement quand on l’aura fini.
Elle – Et alors ? Il n’est toujours pas fini ?
Moi – Il est presque fini depuis des semaines… Mais à chaque fois que Patrick me renvoie la dernière version, je lui rends au lieu du Bon à tirer une nouvelle salve de corrections, et on recommence…
Elle – Bah… C’est normal, que vous discutiez longtemps. Ce livre-là, c’est une question de vie et de mort.
Moi – Hein ? Mais comment tu sais ça, toi ? Tu l’as lu ?
Elle – Non.

Qu’est Le Flux ? Une belle chose, graphiquement signée Patrick Villecourt, certes, c’est le moins que l’on puisse espérer. Mais encore ?

Une carte de vœux en forme de memento mori, ou bien le contraire. « Souviens-toi que tu es mortel, si tu veux trouver du sens dans les sempiternelles formules de bonne année« . Si l’on cherchait à tout prix à découvrir un message caché, tel serait-il, dans Le flux, deuxième création FdT, élégante plaquette destinée à fêter l’année (de mes 40 ans). Un cadeau que je me fais à moi-même, comme tout surgissement du Fond(s) du tiroir, mais que j’offrirai également autour de moi, en choisissant souverainement qui régaler.

Vous pouvez en outre, si vous y tenez vraiment, l’acquérir pour (vous) l’offrir. Le bon de commande est ici. (Une semaine après la mise en ligne du bon de commande, c’est le raz-de-marée ! encore plus irrésistible que pour L’Échoppe : j’ai déjà reçu DEUX souscriptions ! Vous êtes formidables ! Rien n’arrêtera l’étourdissante spirale du succès !) Je récupère le tirage chez l’imprimeur mardi prochain.