Mirliton Matin : des animaux et des hommes (M.M., vol. 5)

Mirliton Matin, le seul quotidien du matin qui paraît parfois le soir parfois la nuit et parfois jamais, bref qui fait comme il lui chante et c’est le cas de le dire !
Rappel du principe général : ma camarade de jeu Marie Mazille me propose un sujet, la plupart du temps sous la forme d’une coupure de presse idiote, d’un fait divers atroce ou d’une information scientifique absurde.
Je me retrousse les manches et je mirlitonne illico, parce que la vie est plus belle quand elle est versifiée, toutes les vies, même cette vie-là, idiote, atroce ou absurde.
Comme dans les improvisations théâtrales ou les jeux de clown, je n’ai pas le droit de refuser un sujet que Marie me donne. Je ne l’ai jamais fait. Quand faut y aller, j’y vais.
I
Et c’est reparti pour de nouvelles perspectives professionnelles d’avenir, grâce à notre rubrique Je traverse la rue et je te trouve un job, Découvre les métiers innovants en tension (1) !
Aujourd’hui : le sexeur de poussin, chargé de palper les oisillons, quand ils sont tout neufs, qu’ils sortent de l’oeuf, du cocon. Par les soins du sexeur, les femelles seront soigneusement mises de côté et feront d’excellentes pondeuses en batterie puisqu’elles sont bonnes à ça ; les mâles inutiles seront impitoyablement exterminés. (Merci, Marie, hein)
Les règles de versification s’imposent ici d’elles-mêmes, extrapolées par le contexte et le tri par genre : deux rimes seulement, l’une féminine et l’autre masculine, évidemment alternées.
Comme rime masculine je choisis -sin (induite par « poussin« ), comme rime féminine je choisis -ïde (induite par « ovoïde » puisque je ne peux choisir « oeuf« , qui serait une autre rime masculine). Et puis des alexandrins, pour l’impression de foultitude piaillante et parce que les oeufs sont vendus par douze.
Tu rêves de venger tous les féminicides ?
Dès qu’un mâle surgit, te voilà assassin ?
Contre quiconque émet des spermatozoïdes,
Devant ces gros relous et leurs gestes malsains,
Te viennent des pulsions d’agression homicide ?
Mais tu n’es que bonté pour les paires de seins…
Que longanimité pour qui devient gravide…
Tu souhaites préserver quiconque tombe enceint…
J’ai un tuyau pour toi si tu n’es pas timide !
Une vraie profession répond à tes desseins,
La discrimination t’y servira de guide :
Choisis le beau métier de sexeur de poussins !
Tu apprendras à distinguer d’un oeil rapide
Le bon grain de l’ivraie parmi le jaune essaim :
Les femelles sauvées, pondeuses d’ovoïdes,
Pourvues d’un merveilleux utérus sacro-saint,
Et les mâles maudits qu’on dissout dans l’acide !
À la mort du viril, que sonne le tocsin !
II

Mirliton Matin, rubrique Je traverse la rue et je te trouve un job, Découvre les métiers innovants en tension (2) !
Aujourd’hui : Claire, la sirène d’eau douce.
(décasyllabes, monorime en -aire)
Ondulant tel un poisson dans l’eau claire
En liquide elle a choisi sa carrière
Quoique très loin des vagues, des rivières
Des courants, de l’écume, de Cythère…
Un parc à thème est son embarcadère
L’aquarium est une cage de verre
Où, blonde créature imaginaire
Elle naît d’un rêve, vivante chimère !
Le chlore a remplacé le sel de mer
Nécessitant quelques soins oculaires
Prix à payer pour l’être légendaire
Qui chaque minute émerge et aspire l’air
La sirène municipale est fière
Nageant entre deux eaux, selon horaires,
Dans sa queue d’écaille aux reflets bleus-verts
En chair et en arête, en polymère,
Elle offre son ballet spectaculaire
À chaque enfant, à sa mère, et son père
(Qui se demande où est passé son derrière
Ou comment suspendre sa jarretière)
Ondulant tel un poisson dans l’eau : Claire.
III

Mirliton Matin, rubrique Nos animaux les bêtes (1) !
L’oiseau Fée des neiges, trop mignon.
(Hexasyllabe, ce qui est bien suffisant pour le tout petit animal, deux rimes.)
Frêle boule de plumes
Délicat privilège
Elle naît de la brume
S’élève en son manège
S’envole en son costume
Que la blancheur allège
Son infime volume
Peut-être la protège
Des coups de froid, des rhumes
Nature en florilège
La glace fond et fume
Enfin se désagrège
Mais l’espoir se rallume
La vie, ses sortilèges
En elle se résument :
Elle est la fée des neige.
IV

Mirliton Matin, rubrique Nos animaux les bêtes (2) !
La nature qui a plus d’imagination que nous n’invente pas que des créatures trop choupi craquantes doudous, telles les fées des neiges. Elle invente aussi des vilaines brutes avec des trognes à coucher dehors, et mauvaises, avec ça. Aujourd’hui : la lamproie.
(Octosyllabes, deux rimes fém./masc.)
Halte au délit de sale gueule !
Vrai, elle est moche la lamproie
Elle est moins beau qu’un épagneul
Elle est moins sympa qu’un anchois
On aimerait la laisser seule
Et cruelle avec ça, sournois
Vampire odieux, prédateur veule
Elle est sans pitié pour ses proies
Et les couvre comme un linceul…
Mais elle est comme toi et moi !
Nous avons un commun aïeul !
Son examen est adéquat
Pour parachever le puzzle
De notre cerveau. Tu le crois ?
V
Mirliton Matin, rubrique escale touristique à Sète !




Ce n’est pas que je prends de l’âdge
Mais le temps vint de ce voyadge
Pour rendre un rituel hommadge
Au poète et à ses outradges :
« Margot dégrafait son corsadge »,
« Fernande » et autres badinadges,
« Saturne » et autres vers de sadge,
« Moi, qui balance entre deux âdges
J’leur adresse à tous un messadge »…
J’ai traversé tout le villadge
Les lieux de ses libertinadges
De ses amours et copinadges
Même de ses cambrioladges
Entre la colline et la pladge
Pain parasol en paysadge
Honoré le grand personnadge
Chanté ses airs et son langadge
J’ai enfin trouvé le passadge,
Sa maison, la plaque à l’étadge,
Accompli le pélerinadge :
Maintenant, appelez-moi « Hadj » .
VI
Mirliton Matin, rubrique savoir-vivre !
Un message énigmatique surgit dans la boîte à mails de la rédaction de Mirliton Matin :
« Bonjour,
J’espère que vous l’apprécierez bien.
Je serai heureuse de vous accueillir et vous trouverez plus d’affinités.
J’espère que vous serez sûr que les temps actuels le permettront
Au plaisir
Marina »
Cette perle de poésie absconse, fière de son inintelligibilité, à côté de laquelle Lautréamont écrit des bulletins météo, méritait une réponse à la hauteur. Mais laquelle ? Un mirliton monorime, en alexandrins (presque réguliers) et rimes léonines ! C’était un minimum.
Un miracle tomba, signé de Marina !
Sibyllin, nébuleux, mais point ne chagrina.
Absconse prophétesse, ici tu bourrinas !
Et c’est mon bec, avoue, que tu enfarinas
Pour te comprendre, j’ai besoin d’aspirine. Ah !
Ton mail aussi perché qu’un air d’ocarina
Je l’ai lu… et soudain mon cœur tambourina !
Comme un ouragan qui passait sur moi : Katrina ?
La belle poésie que tu nous serinas
Mystérieuse, hermétique… Ô toi qui urinas
Sur Bescherelle et les dicos, tu n’as rin à
Foutre, si jamais ta langue vipérine a
Abandonné tout sens… La vie l’entérina.
Au diable la grammaire et les mandarinats.
Un écrivain est né. Son nom est Marina.
VII
Mirliton Matin, rubrique musique-en-bois !
Ma collègue de bureau Marie Mazille attire mon attention sur une vidéo consacrée à étonnant instrument basque, la txalaparta.
Ni une ni deux je tente un monocalisme en « a » : une seule voyelle autorisée, histoire d’imiter par onomatopée le bruit de la percussion.
L’inspiration, évidemment, provient de What a man de Georges Perec.
Paf ! Bang ! Scratch ! Crac ! Ran-pa-ta-plan ! Caramba !
Bataclan passant par là, pas par hasard, à grand fracas,
La txalaparta parla, frappa, claqua, matraqua… dansa la java !
Art pas banal : ça castagna pas mal, par Allah.
Pas Bach, pas Brahms, pas Ahmad Jamal, pas la Callas à la Scala… Car tam-tam, maracas, tabla, bachanal !
Pas Franz Kafka, pas Karl Marx, pas Chas Addams, pas Anna Gavalda, pas Nathacha Appanah… Car lascar trad !
Pas balsa, pas santal, pas plancha, pas cassant, pas agar-agar… Car placard mastard !
Pas playback… Car la star sans trac !
Pas afghan, pas à Palavas, pas à Caracas, pas à l’Alhambra, pas d’Arkansas, pas d’Alcatraz… Car basq !
VIII

Mirliton Matin, rubrique Dansons la Carmagnole et la surpopulation carcérale ! 21 octobre 2025 : Nicolas Sarkozy, reconnu coupable d’association de malfaiteurs pour avoir laissé ses collaborateurs rencontrer en Syrie Mouammar Kadhafi pour discuter d’un financement occulte de sa campagne présidentielle de 2007, entre en prison, sous les cris de soutien et d’indignation de ses supporters. L’occasion pour MM de lui rendre hommage en virevoltant sur deux rimes seulement, –zi et –zon.
« Bonne chance, vas-y,
Mon papa, en zonzon ! »
Vive la poésie,
Vivent les oraisons !
Chantons en vers choisis
Et en toutes saisons
Chantons la fantaisie,
Chantons, dansons, osons !
Chantons fleur au fusil
À perdre la raison !
Chantons sans amnésie,
Les blasés, les blasons,
La justice est saisie,
Toute la garnison !
À bas l’hypocrisie,
À bas la trahison,
Finies les jalousies
et les comparaisons.
Loin des paparazzis,
Loin des péroraisons,
Au revoir jacuzzi
Rolex, Fouquet’s, vison
Hydromel, ambroisie,
Adieu couvées, maisons !
Bonjour couche moisie
Barreaux pour horizon !
Life is not so easy
Entre quatre cloisons.
Nicolas Sarkozy
Dort ce soir en prison !

























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