On ne sait toujours pas ce qu’est un écrivain

Je viens de lire une interview de Marie-Aude Murail, fort intéressante matière à gamberge, qui notamment donne une définition de ce qu’est un écrivain selon elle : « Quelqu’un qui veut être lu« .
Définition qui en vaut une autre, pourquoi pas, je comprends ce qu’elle veut dire.
Mais qui exclut de la communauté des écrivains nombre d’écriveurs, animés davantage par l’écriture que par la perspective d’une lecture ultérieure. Kafkka, JD Salinger, Pierre Louÿs ou Pessoa (et sa mythique malle posthume aux 27 543 textes) sont les quatre premiers noms qui me viennent. Ces quatre-là, cherchant de façon forcenée la création mais pas la communication ne seraient pas « écrivains » ? Allons donc.
Pour ma part, je continue, comme je fais depuis 30 ou 40 ans, d’écrire à peu près tous les jours, parce que l’écriture reste ma façon préférée de réfléchir, de me souvenir, de comprendre, d’explorer, de construire. En revanche, ce qui s’est éloigné de moi, c’est l’envie de faire des livres. Certes, cette perte de désir provient des deux quasi-décennies de bides rencontrés par mes livres (en particulier, le fiasco d’Ainsi parlait Nanabozo en 2021 a mis un terme à quelque chose : à sa sortie j’étais excité comme une puce, sur les starting-blocks, j’avais une énorme envie de défendre ce livre et de discuter avec les lecteurs, de créer des débats notamment dans les lycées… et il ne s’est absolument rien passé, ce livre paru chez Magnier existe aussi peu que s’il était paru au Fond du Tiroir).
Parfois il m’arrive de croiser quelqu’un qui me demande « Tu écris toujours ? Tu as publié autre chose depuis TS ?«
TS est un roman paru en 2003 et j’ai publié une vingtaine de livres entre temps, ces livres existent, mais sans lecteurs. Que répondre à « Tu écris toujours » ? Sinon, peut-être, « Tu lis toujours ?«
Bien sûr que je suis déçu de ne plus avoir de lecteurs, puisque j’aimais beaucoup les rencontres, dans les lycées, les salons du livre, ou ailleurs, j’aimais faire mon show et échanger sur la littérature. La méthode pour empêcher cette déception de se transformer en aigreur était somme toute assez simple : je me suis souvenu que j’aimais écrire et que l’écriture était une fin en soi, mais qu’en revanche la publication n’était pas une obligation, seulement un bonus. C’est la publication qui crée des espérances, et donc des déceptions. Tandis que l’écriture, elle, ne déçoit jamais. Je n’ai plus de « carrière littéraire » et ne suis même pas sûr d’avoir le désir d’en avoir une, mais j’ai toujours l’écriture, oui.
Voilà pourquoi j’écris toujours, merci, je ne vois pas ce qui pourrait m’empêcher d’écrire, à part peut-être un AVC… Mais j’ignore si ou quand je publierai un nouveau livre. La question de savoir si cela fait de moi un « écrivain » ou non ne m’empêche pas de dormir.
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